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lundi, 11 septembre 2006

gravats et... miroirs

Le bruit du marteau-piqueur, l’âcre poussière qui sort du vieux mur, la petite pelleteuse au fond du jardin qui ouvre une nouvelle rampe d’accès, les travées d’étagères de la “librairie” recouvertes d’autant de suaires (!) protecteurs n’engagent guère le lecteur à l’écriture.
Ma “voisine”, celle de l'autre côté du mur, me l’a souligné ce matin : « Tu n’écris pas ! Tu n’es “plus” chez toi ! »
C’est réel, ce sentiment d’expulsion quand on n’est point le faiseur de ces travaux ! Voilà ce que c’est que d’avoir trop bien intégré, jusqu’à la revendiquer parfois avec certaine fierté, la sentence familiale : “Tu ne sauras jamais rien faire de tes dix doigts “.

Je m’en vais en mer jusqu’à la fin de la semaine.
Il me faut revenir, samedi, pour suivre une formation à SPIP, cinq jours durant, sept heures par jour ! Il y a bien longtemps que la “bête” n’aura pas été astreinte à un tel programme ; c’est assuré par la Formation continue de l’Université et c’est aux Ateliers et Chantiers de la Loire.

Une formation SPIP ? On y court depuis trois ans pour la création d’un site sur notre coopération décentralisée : le rêve de faire se rencontrer à tout moment dans une agora, des forums, les citoyennes et citoyens de Ginsheim-Gustavsburg (Allemagne), de la Communauté rurale de Baalu (Sénégal), de Siria (Roumanie), de El Tuma La Dalia (Nicaragua) et ceux qui viennent nous rendre visite cette semaine pour nouer le lien, les élus d’Anapta (Palestine).

Le lecteur dans son jardin, même déstructuré, a cependant entendu hier “Une vie, une œuvre” de Florence Marguier, à propos de Maurice Scève : Prince des Poètes au cœur impénétrable.
J’aime beaucoup ces lointains Lyonnais, imprimeurs, éditeurs, poètes et poétesses ; ils nous raccordent, nous gens des solitudes humides d’ouest aux ensoleillements italiens et grecs, et nous en rapprochent depuis cinq siècles.

J’ai rouvert la Délie, Objet de plus haute vertu, effleuré quelques dizains, ces poèmes de dix vers de dix pieds qui sont un quasi parfait carré imprimé et me suis attaché aux quelques-uns qui évoquent le Miroir en tous ses états métaphoriques, à la trompeuse altérité qui ne renvoie qu’au Même : on en est blessé, on en brûle, on en meurt.
Le deux-cent trente-cinquième me parait, lui pourtant, renvoyer, non à l’avenir maléfique qui efface, mais à l’espoir d’une pérennité de l’image aimée. Scève comme rêveur de l’image numérique (le Vinci ingénieur n’est sans doute pas très loin !)



CCXXXV


Au moins toi, claire et heureuse fontaine,
Et vous, ô eaux fraîches et argentines,
Quand celle en vous, de tout vice lointaine,
Se vient laver ses deux mains ivoirines,
Ses deux Soleils, ses lèvres corallines,
De Dieu créés pour ce Monde honorer,
Devriez garder, pour plus vous décorer,
L’image d’elle en vos liqueurs profondes.
Car plus souvent je viendrais adorer
Le saint miroir de vos sacrées ondes.


Post-scriptum
:
• Réécouter (et podcaster dans quelques jours) l’émission sur France Cul, avec bibliographie et liens, très riches.
• À voir de belles images portuaires de l'ami JJ — qui se refuse toujours au moindre texte !!! —, sur Nantes et Saint-Nazaire.

jeudi, 07 septembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXI

XVIIe siècle


1601. — INCENDIE DE NAVIRES.

En 1601, plusieurs vaisseaux ancrés à la Fosse brûlèrent fortuitement ; et bien que le droit de bris eût été aboli dès 1127, par un concile tenu à Nantes, le seigneur prétendit néanmoins conserver les débris de ces navires au préjudice de leurs propriétaires.
Ces derniers se plaignirent à la Ville, qui appuya leur réclamation, et leur fit obtenir gain de cause (1).

1614. — NAUMACHÏE EN L'HONNEUR DE LOUIS XIII

Pendant une de leurs visites à Nantes, en 1614, le roi Louis XIII et la reine dînèrent à la Fosse et assistèrent ensuite à une somptueuse naumachie organisée en leur honneur sur la Loire. Après un simulacre de combat naval, les deux flottes se réunirent pour attaquer une redoute construite sur la rive et garnie d'arquebuses et de canons.
Pour augmenter le nombre de ses vaisseaux, la Ville avait fait venir du Croisic sept grands galions armés et équipés en guerre. Le combat terminé, le Roi, qui, au dire des chroniqueurs, avait paru y prendre beaucoup de plaisir, fit don de ces galions à l'Enseigne de ses Gardes-du-corps. C'était en effet la coutume de considérer tout ce qui servait à l'entrée du souverain dans une de ses bonnes villes et contribuait à son divertissement, comme devenant sa propriété. L'Enseigne toutefois, fort embarrassé de son cadeau, xsvoulut bien le restituer à la Ville pour la somme de 300 livres (2).

1615. — MESURES DE DÉFENSE DU PORT AU XVIIe SIÈCLE.

Dès que la Ville pouvait craindre une surprise, elle prescrivait tout un ensemble de mesures auxquelles les habitants devaient strictement obéir. Sa principale préoccupation concernait le port et la rivière, voie toujours ouverte aux ennemis qui, s'ils ne voulaient pas assaillir les remparts de l'enceinte, pouvait facilement surprendre la ville par eau à la faveur de la nuit.
Une délibération du Bureau de Ville, en date du 5 novembre 1615, légitimée par la crainte des protestants et les menées du seigneur de Soubise cantonné au Pellerin, et du duc de Vendôme à Ancenis, qui troublaient et rançonnaient le commerce, nous indique les mesures de sûreté prises en pareil cas. Toutes les portes et poternes sur la rivière étaient murées ; l'entrée des rues donnant accès aux différents ports barrée de chaînes de fer ; et les logis et barraques de planche des cales et quais enlevés. Le râteau de Sauvetour était fermé ; tous les bateaux entre Oudon et Saint-Nazaire, au moyen desquels les ennemis auraient pu traverser le fleuve et venir à Nantes, étaient amenés dans l'intérieur de la ville et cadenassés tous ensemble ; chaque soir, tous les navires, bateaux et barques du port étaient assemblés à Richebourg et à la Fosse ; parfois même des barges étaient coulées en avant de l'entrée et de la sortie du fleuve. Les habitants devaient toute la nuit éclairer les rues aboutissant au fleuve, ainsi que les berges et quais ; enfin deux galions ou escafes, montés chacun de six à huit arquebusiers, et armés de fauconneaux, étaient placés, l'un à Miséri, l'autre à Richebourg pour inspecter la rivière (3).

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(1) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. III, p. 135.
(2) TOUCHARD-LAFOSSE, La Loire Historique, t. IV, p. 137.
GUÉPIN, Histoire de Nantes, p. 307.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t, III, p. 196.
LESCADIEU et LAURANT, Histoire de Nantes, t. I, p. 291.

mercredi, 06 septembre 2006

en allant chez le libraire et en en (!) revenant

Hier, virée en ville... Nantes en chantier...
À l’ombre de la Cathédrale, je croise Daniel Biga, l’homme des Déambulations poétiques autour du lac de Grand’Lieu.
Beaucoup de chaleur entre nous ; nous parlons de notre été, du sien qu’il passe dans une belle harmonie des contraires entre sa montagne solaire d’Amirat et l‘humide horizontalité du marais de Grande Brière.
Je lui sais toujours gré d’être arrivé un matin de printemps avec le “Rimbaud”, grandeur nature peint par son copain Ernest-Pignon Ernest, de l’avoir déroulé sans rien dire. J’ai écrit ce matin-là ce que j’estime être un de mes plus forts textes sur l’homme Rimbaud.

Certaines sérigraphies d’Ernest Pignon sont toujours de navrante actualité. Je m’autorise le “scan” de l’une d’entre elles* tirée de “sur la page chaque jour”, livre d’entretiens entre Daniel et Jean-Luc Pouliquen.

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J’ai poursuivi mon chemin jusque chez Coiffard. J’avais différé d’une semaine l’acquistion de Tumulte et je dois préparer une intervention sur le Vieil homme et la mer en prélude à un film d’animation. Seulement, le Vieil homme et... la mer étaient introuvables sur mes étagères...
J’ai vu qu’un DVD en hommage à Nicolas Bouvier était publié autour de sa douloureuse mésaventure du Poisson-Scorpion au Shri-Lanka... Je crois bien que le passage de Théo Lésoualc’h n’y fut point de grande alacrité non plus.
J’ai reporté l’achat du DVD ; la lecture du Poisson-Scorpion est un souvenir brûlant et j’ai vécu — mais lors d’une période beaucoup plus brève — une mésaventure sanitaire qui se rapproche de l’expérience de Bouvier ; ce fut ma “liquéfaction de Yaféra”. Je souhaite encore demeurer dans la tension de ma lecture première.

Aussitôt le Tumulte acquis, je me suis empressé d’ôter le bandeau** (jaquette.., bande..., liseuse, d’un bleu outré qui renvoie peut-être à certains délires urbains de François, mais qui, pour moi, nuit à la superbe et blanche austérité de cette première de couverture.
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Le lecteur va être confronté à sa double lecture et déjà apparaissent les failles d’une lecture d’écran qui échappe difficilement à la démarche sélective et aux défaillances de la mémorisation.
J’ai avalé goulûment la séquence 110, Portrait de moi en perdu — page 230, quasi au cœur du Tumulte — quand l’auteur décide de l’avenir de son labeur. Et aussi la 139, Souvenirs de Jean Audeau qui me ramène à mon tout premier texte lu de Bon, Sacré Bon Rabelais, un titre en clin d’œil.
Deux-cent vingt quatre séquences en piquant au hasard intéressé des quatre index proposés. Tumulte va demeurer de longs jours sur la table...pour une lecture intégrale mais errante !

Ah ! Si ! La Basse Bouguinière est aussi en chantier... On anticipe sur des handicaps lointains. L'accès à la librairie ne se fait que de nuit avec une très longue rallonge électrique. Quelques publications chaotiques à en attendre !

* Les expulsés
** Gérard Genette, Seuils, coll. Poétique, Seuil, 1987 : les pages 30 à 32, savoureux commentaires des “éléments amovibles” d’une première de couverture.

lundi, 04 septembre 2006

propos de "rentrée"

Dix ans que la "rentrée" n'est plus un événement... Jouissance paresseuse du rien à faire, à devoir, Libre de toute contrainte, de toute occupation, de toute obligation "sociétale" !
Quoiqu'il y ait toujours quelque vigilance pour la première matinée de Noémie au CM2 et de Célia au CE1...

Cette nuit, vers 2 h 30, une rediffusion de Répliques de juin 2005 à propos de la culture lycéenne et de la Culture — il y fut bien parlé de L'esquive, le film ; j'ai apprécié le nœud du problème ficelé par Finkielkraut : « Sciences humaines >< Humanités !
Une confrontation identique, un peu de côté cependant, à celle qui a noué mes quarante ans de "métier" : culture lettrée/culture populaire, culture bourgeoise/culture ouvrière.
Qui se tord encore dans mon penser.
Et la culture de masse qui insinue ses facilités mercantiles dans tous les chenaux et sur tous les supports.
Et la Toile ? Et l'utopie de ses pionniers ? (relire quelques écrans du Tiers Livre)

Décidément, on n'échappe point à la "rentrée" !

samedi, 02 septembre 2006

lire Théo Lésoualc'h

En lisant la Vie vite

Libéré ou pas. Va savoir ! J'ai toujours cru,
moi, que je venais de me libérer de quelque chose...
De libération en libération ! Et chaque fois ça
recommençait en mieux ! Libéré de voyager. Tiens !
Ça fait plus de dix ans que je traîne et aujourd'hui
j'en suis encore à me demander si je ne passerai pas par le Mexique,
les îles du Pacifique.
Je repense à la Turquie, les rues du vieux Stamboul, à Ceylan, aux Indes
(comme ils disent), à la Suède, au Maroc.
Libéré, je t'en fous. Jamais peut-être !

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Voyager, c'est ça aussi... rencontrer partout, partout
ces marchands de tapis obscènes, vils, purulents,
sirupeux, mielleux, veules, infects, rétrécis, sordides, puants...

Voyager c'est, malgré soi, prendre tout ça dans
son propre sillage.

Les hommes, on les regarde. On passe. On continue
à marcher. On fait des kilomètres. On mange
du KILOMÈTRE, des bornes à la surface concave du
monde. Ma traversée de Hambourg à pied, sac au
dos. Hambourg qui n'en finit jamais, et Gênes, toute
sa banlieue sans fin, la mer bleue à ma droite. Ma
sortie de Barcelone, les voitures qui me croisent, qui
me doublent, des gens qui rentrent chez eux,
reviennent du cinéma, joyeux. Marcher toujours, user des pistes inusables.
Voyager, disparaître. Ombre.
Se torturer aux ornières des routes défoncées par le poids humain...
terres fraîches, terres brûlantes, terres arides.
Entrer dans de nouveaux paysages, regarder, l'œil fou.

A pleins yeux.

Déchirer dans son dos les paysages d'hier.

Passer des portes, découvrir de nouvelles aubes,
chaque jour, des aubes neuves, s'imbiber de tout ça,
seconde par seconde, s'en meurtrir, du sable, des
sels, des lunes. De viol en viol, déchiffrer les insolites.
Partout. Et tous les espaces griffés d'hiéroglyphes.
S'allonger sur les ponts des bateaux, respirer
des rythmes de machines, des tam-tams de rails de
fer. N'être jamais au terme. S'offrir. Rester debout,
la poitrine ouverte, vulnérable, suicidé-amoureux.
Le contraire d'un ascète. Vouloir de tout, plus. Avoir
soif toujours.

Voyager : l'anti-ascèse.

Tout prendre, être avide. Gagner, perdre, s'en
foutre, tricher, voler, jouer, ne pas jouer, mordre,
ruer. Ne pas croire au hasard. N'y plus croire. Y
croire pourtant. S'y livrer.

Voyager, restituer à l'homme son titre de vagabond.


Malgré tout. Malgré lui. Malgré les marchands
de souvenirs !

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J'écris maintenant de mon village de Nagasawa,
près de Kurihama, à une heure et demie de Tokyo.
C'est là que je me suis réfugié pour fuir Tokyo qui
me pompe. Il pleut. Ça coule dans les bambous
autour de ma maison de bois. Et il y a le roulis de la
plage. C'est bon. Demain je dois pourtant aller à
Tokyo, passer dans des bureaux, mendier, grenouiller.
J'ai pas envie. Seulement rester sous mon toit de
pluie.

Ne plus bouger.

Un livre, n'importe lequel, sur mon matelas, par
terre. Je sors sous les gouttes. Je tire de l'eau au
puits. J'allume mon feu dans la cuisine improvisée.
La maison sent les feuilles mortes. C'est Yuriko qui
m'a accroché du liseron en revenant un jour d'une
promenade à travers les rizières.
Qui s'est lentement desséché.

Elle arrive. Elle reste un jour ou deux. Trois jours.
S'empare de la maison. Ramasse des fleurs, les organise
dans un vieux pot de confiture. Méticuleusement.
Elle me regarde écrire sans dire un mot. Me caresse
sans un mot. Pose sa tête sur mon épaule. Je laisse
ma machine, une phrase en route... une phrase qui...



(Retour possible à la note ci-dessous)

vous dites : « Rentrée littéraire ? »

Contre-rentrée littéraire ? C’était un tantinet pompeux.
Rétro-rentrée, j’aime mieux. Je ne pose plus de questions sur mon ennui de rentrée littéraire. Je pense toujours aux maigres 10 % que retiendrait la mémoire culturelle de ce que l’appareil littéraire publie.
L’an dernier, c’était Houellmachinchose, cette année c’est Angot.
Houellmacinchose m’emmerde tout autant que le Da Vinci Code.
Angot me pose question, mais j’aime son écriture à vitesse rapide.
Berlol en parlait — comme on écrit — dans son blogue du 7 juillet ; j’en ai repris la lecture des “Autres”. Pour aller vérifier la filiation avec Cendrars.
C’est en lisant donc Angot que “La vie vite” s’est “détachée” de mes étagères.
La vie vite ?
Mais oui, Théo Lésoualc’h.
Denoël, les Lettres nouvelles, Maurice Nadeau, 1971 ! Il y eut même deux pages de critique dans la Quinzaine littéraire à la mi-octobre de cette année-là.

J’avais achevé la partie première de mon périple africain et je travaillais dans une bizarre institution qui préparait, entre autres, de jeunes appelés à animer les bibliothèques de leur caserne. J’avais dévoré “La vie vite”, pénétré allègrement dans le dégingandement fou et foutrement libre de la langue de Lésoualc'h ; j’en parlai à Marcel Dortort, l’un de mes compagnons d’Éduc pop, qui était musicien ; il connaissait Théo qu'il avait rencontré dans l’entourage de Marceau le mime ; nous avons invité Théo dans notre institution bizarre pour parler littérature, voyage, poème amour et...drogue.
À l'époque, il n'était pas encore question d'écrivains-voyageurs, ni d'autobiographie, encore moins d'autofiction.
Il était de retour en France, mais fuyait déjà Paris pour un ermitage en ruine, quelque part en Ardèche. J’ai passé quelques heures ensoleillées près de cette grande carcasse noueuse et vagabonde, qui ne reniait point son héritage de la Beat Generation.

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Donc relire Lésoualc’h qui traça, un jour, au crayon un rêve de parcours de Casablanca à Tokyo, en s’égarant à Stockholm, Barcelone, Hambourg et Delphes.
Ça sent l’oignon frit et le poisson cru, le parfum des hôtels de luxe et la promiscuité des caravansérails, l’aridité poussièreuse et la boue glacée. C’est lumières et ombres du voyage, l’allégresse et le sordide, la puanteur calcinée des bûchers indiens et les odeurs suaves de la fente des femmes aimées.

La vie, vite ! Au long d’un lent voyage.
Où est-il, désormais, Théo ?

Pour le lecteur vagabond - que je fus - et immobile - que je suis -, avant, il y eut Blaise Cendrars, Henri Michaux ; après, il y aura Kenneth White, Nicolas Bouvier.
Mais jamais, je n’aurai franchi les frontières vers l’est. Je me suis arrêté sur les grèves orientales de Crête, du côté de Katos-Zakros et de Xérocampos où j’ai bu le raki chez “Zeus”.

Mais où est-il, désormais, Théo Lésoualc'h, Breton, staffeur, sculpteur, mime, voyageur, amant et poète ? Où est-il ?

Post-scriptum :
Trois romans chez Denoël, dans la collection dirigée par Maurice Nadeau
La vie vite, 1971,
Phosphènes, 1972,
Marayat, 1973.
Chez Pauvert :
L’érotique du Japon, 1968.
Aux Éditions Rencontres :
La peinture japonaise - dans Histoire générale de la peinture n°25 - Éditions Rencontre, Lausanne, 1967

Quelques traces sur la Toile dans une revue des marges, Blockhaus :

(Rendez-vous à la note ci-dessus.)

jeudi, 31 août 2006

Chronique portuaire de Nantes XX

Au XVIe Siècle


1575.— PIRATERIES DES GALÈRES ROYALES.

Les galères royales, en dépit de leur mission de protéger les navires marchands, ne se gênaient pas parfois pour agir en véritables pirates, rançonnant et pillant ceux ausquels elles devaient au contraire aide et assistance.
C'est ainsi qu'en 1575, tandis que les pirates protestants de la Rochelle interceptaient tout commerce entre Nantes et la mer, les galères royales du Baron de la Garde, au lieu de leur donner la chasse, joignaient leur piraterie à celle de ces forbans; et sous le prétexte qu'elles ne recevaient plus le salaire auquel elles avaient droit, rançonnaient les navires de commerce qu'elles pouvaient atteindre (1).


1582. — GALÈRES ROYALES ARRÊTÉES COMME PIRATES.

Le 26 septembre 1582, la Ville se plaignit au sieur de la Hunaudaye, Lieutenant- général pour le Roi en Bretagne, de ce que deux galères de la station de Nantes croisaient incessamment à l'entrée de la Loire, troublant le commerce, pillant et rançonnant les navires entrant et sortant. La plainte ayant été portée au Roi, il donna l'ordre au Duc de Retz, Lieutenant-général des galères, d'amener à Nantes les deux galères pirates et d'arrêter leurs capitaines Paul et Emile Artivitis.
La Ville fit aussitôt équiper une galère royale, commandée par le capitaine Charles, auquel elle donna 200 écus d'or pour frais d'armement. La galère royale sortit et ne tarda pas à s'emparer des deux pirates (2).


LE PORT DE NANTES EN 1582.

D'Argentré décrit ainsi Nantes dans son Histoire de Bretagne : « Elle sied sur la rivière de Loyre et sert de boulevart contre toutes les saillies et incursions hors du Royaume...
Elle est riche, belle, forte et pleine d'apports et négociations d'Espaigne, d'Angleterre, d'Hirlande, de Flandres, des Allemagnes et des Terres-Neuves... » (3).


1583. — DÉPLACEMENT DU CHANTIER DES GALÈRES.

En 1583, le chantier des galères et vaisseaux, situé jusqu'alors au Port-au-Vin, fut transféré sur la grève de l'Ile-Gloriette, et le Port-au-Vin aménagé pour le chargement et le déchargement des navires (4).
Le bras de Loire situé en face le Port-au-Vin (place du Commerce), de même que celui longeant la pointe de l'Ile Gloriette étaient loin d'ailleurs d'être aussi resserrés qu'ils le sont actuellement ; ce qui explique la situation en ce lieu des chantiers des galères et vaisseaux. D'une part, en effet, les quais actuels ont été construits sur des atterrissements postérieurs à cette époque ; et, d'autre part, l'Ile Feydeau n'existant pas encore, les deux bras du fleuve qui l'enserrent maintenant n'en faisaient alors qu'un seul, avec peut-être au milieu une étroite bande de sable, qui, accrue successivement par de nouveaux apports et plantée de saules, d'où son nom de grève de la Saulzaye, ne fut aménagée qu'au XVIII'" siècle.

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(1) MEURET, Annales de Nantes, t. II, p. 70.
LESCADIEU et LAURANT, Histoire de Nantes, t, I, p. 277.
(2) TRAVERS, Histoire de Bretagne, t. II, p. 511.
(3) D'ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne, chap. X.
(4) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 50.
MEURET, Annales de Nantes, t. II, p. 82.

dimanche, 27 août 2006

Houat ou l'Angélus* du matin

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Er Ryoc'h dans l'Est.

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La grève de Tréac'h Gouret dans l'Ouest — y débouche Lann er Hoet, petit val de l'île, où se retira en ermitage Gweltas (Gildas), le moine gallois qui avait fondé l'abbaye de Rhuys où, six siècles plus tard, Abélard vint cacher son émasculation. —

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Quasi déserte !

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Qui paraît quasi déserte.

Henri Thomas** y vécut, dit-on, entre 1982 et 1986. Je l'ai peut-être croisé, ces années-là, vers le Béniguet. Vint-il, lui enfant de paysans vosgiens, y vivre les ultimes nostalgies de ses pérégrinations maritimes ?

Je cherche et j'ai trouvé des poèmes au bord de la mer, comme on cherche des fragments de bois ou de pierre étonnamment travaillés et polis par les flots.


Ces poèmes résultent eux aussi du long travail, du long séjour de quelque chose dont l'origine, la nature première m'échappent (comme je ne saurais dire d'où viennent ce galet, ce poisson de bois lourd), dans un milieu laborieux qui est moi-même - conscience ou inconscient continuellement en mouvement.

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La longue forme confondue
Avec l'eau bleue qui la remue
Et le soleil multiplié;

Crinière humide sur le sable,
Jambes ouvertes au ciel pur,
Grande, enfantine, insaisissable,

Combien de jours aux blancs nuages,
Combien de nuits auront passé,
Et dans ses yeux quelles images?

Vais-je garder, inépuisé,
Le goût de sel de ces baisers
Sur tout son corps, après la nage ?


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Ainsi le nageur, la mer le soulève,
Et l’offre au soleil, et le resssaisit,
Il voit l’avenir, une immense grève,
Où se coucher nu dans l’après-midi.

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La mer est belle, mais le jeu des muscles lisses
Est plus beau, qui s'achève en sursaut de délice

Dans la noirceur mouvante où je suis le nageur
Jamais las de renaître et mourir sur ton cœur

Et fouler de baisers le golfe de tes cuisses

Comme après le naufrage on chérit son sauveur.



* Pour celles et ceux qui ignoreraient le rite catholique de l'Angélus, le site "Serviam". Très allergiques aux "choses pieuses" (!), s'abstenir. Les cloches tintent trois fois trois coups suivis d’une volée.
Ne retenons peut-être que la beauté certaine de ce rite dans le paysage sonore !

**Henri Thomas, Poésies, Poésie/Gallimard, 1970
• Deux sites :
- Esprits nomades
- Calou, l'Ivre de lecture

jeudi, 24 août 2006

Chronique portuaire de Nantes XIX

Au XVIe Siècle


1573. — ARMEMENT DE LA " LUCRESSE ".

Par lettre du 5 Mai 1573, M. de Bouille, lieutenant général du roi en Bretagne, demandait à la ville de Nantes cinq vaisseaux pour se réunir à la flotte française destinée à chasser les Anglais de Belle-Ile.
Cet ordre portait : «Tault que ladite ville de Nantes fournisse à faire l'avance d'armer lesdits cinq navires d'artillerye et munitions, et autres choses nécessaires, fournir de vitailles pour ung moys ou six sepmaines, et de bons mariniers, harquebuziers au plus grant nombre qu'ilz pourront et le reste de ce qu'il sera requis de mettre d'arquebusiers davantaige, on les fournira estant icy ».

Après d'interminables pourparlers et atermoiements, la ville fut contrainte d'obéir à cet ordre et arma d'abord la Lucresse, de Nantes, que Nicolas Gérard et le sieur Lailler, « cappitaines et maistres après Dieu », promettent d'équiper : « en bon équipage et comme apartient à ung navire de guerre, pour faire service à Dieu, au Roy, et à ladicté Ville par le temps de seix sepmaines avec les aultres navires que fourniront à ladicté fin les dits sieurs, suyvant ledict voulloir et intention dudict sieur de Bouille.
Scavoir est que lesdits Gérard et Lailler mectront dans ledict navire jusques au numbre de soixante troys bons hommes mariniers, eulx comprins, et les maistres, contre-maistres, carsonnniers, maistres vallectz, canonniers, barbier, trompette et aultres mariniers jusques au nombre de soixante et troys, bien esquipez et garniz de harquebuses et aultres armes requises et nécessayres..... Item seix grosses pieczes de fonte montées sur roues, et quatre passe-vollans en bois (faux canons destinés à faire nombre parmi les autres).....
Item saeze aultres pieczes d'artillerye, quatre douzaines de picques et ce qui leur sera requis de pouidres à canon et de munition, avec boulletz de tous les calibres, mèches, potz et barils à feu, et aultres munitions de guerre.....
Et oultre feront faire iceulx Lailler et Gérard, à leurs despans, une enseigne de taffetas à six lez noir et blanc, qu'est la livrée de ladicté ville, avec ung escuszon par le millieu, portant les armes de ladicté ville, au dessus duquel sera escript, en lettres d'or aparantes ce mot Nantes... » (1).

Les Nantais armèrent dans les mêmes conditions la Fleur-de-Lys, capitaine André Mabilaut ; l'Espérance, capitaine Pierre Brunel ; et la Francoyse, capitaine Guillaume Magouet.

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(1) Annales de Bretagne, t. III, pp. 469-489, t. IV, pp. 3-29.

dimanche, 20 août 2006

après et avant

Après avoir trié, rangé, mis en ordre, mis en carton, en caisse, en sac, avant "début des travaux" et ...rentrée littéraire — que je ferai à contre-temps (hors le Tumulte !) —
nous allons, Noémie, Célia, Hél, Nicléane et moi, prendre quelques mouilages sur les grèves de nos îles.

En triant des papiers, trouvé ceci qui n'était jeu et pas encore "d'atelier" :

Qu'est-ce que l'écologie ?
Un silence entre deux éternuements.

Qu'est-ce que la tendresse ?
C'est un éclair au chocolat.
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Si nos pères avaient plané
autant que nous
les prolétaires seraient tous
dans des pantalons d'académiciens.

jeudi, 17 août 2006

« L'arc crie »

« L'arc crie. »
aurait écrit Camus.
Vains dieux ! Que ces émissions sur la pensée de midi sont belles et revigorantes. Raphael Enthoven est un Passeur.
Peut-être, les deuxièmes heures avec des invités ayant connu Camus ont-elles quelques faiblesses anecdotiques ?
Je n'ai jamais eu honte de n'être qu'un pratiquant de ce "philosophe pour classes terminales" ; d'ailleurs je ne suis pas allé plus avant. Ma mère m'avait dit : « Tu as le bac ! Va gagner ton pain ! »
J'ai souvent mis au propre et au figuré, en chair et en penser, mis mes pas dans les pas de Camus.
Les voisinages d'Héraclite et de René Char n'y furent point étrangers.

J'ai trop de jeunesse en moi pour pouvoir parler de la mort. Mais il me semble que si je le devais, c'est ici (à Djémila) que je trouverais le mot exact qui dirait, entre l'horreur et le silence, la certitude consciente d'une mort sans espoir.
Le vent à Djémila.


Post-scriptum : France Cul annonce les émissions comme pouvant être "podcastées" ; je n'ai pu charger que celle de ce 17 août.

Chronique portuaire de Nantes XVIII

Au XVIe Siècle


1560.— GALÈRES ROYALES EN LOIRE.

Les Calvinistes commençant à s'agiter dans l'Ouest, le Roi donna ordre au Général des galères, le Grand Prieur de Capoue, de se rendre à Nantes avec ses navires. Les galères arrivèrent en Loire en septembre 1560 ; et leur présence, tout en rassurant les habitants, n'en constituait pas moins une charge très lourde pour la ville (1).


1564. — CRÉATION DU CONSULAT.

Le Tribunal de Commerce ou Consulat fut créé à Nantes par un Edit de Charles IX, donné en avril 1564, et enregistré le 10 octobre suivant. Ce tribunal se composait d'un premier juge, ou juge-marchand, et de deux consuls. Les premiers élus furent Mathieu Vivien, Guillaume Poullain et Charles Chrétien (2).

1565. — CHARLES IX À NANTES ; L'ARMATEUR RHUYS.

Charles IX étant à Chantoceaux et se disposant à venir à Nantes, la Ville envoya au devant de lui une petite galère magnifiquement ornée. Le Roi ne s'en servit d'ailleurs pas, mais la considérant comme un cadeau de bienvenue, il la donna à l'un de ses seigneurs auquel la Ville la racheta 200 livres, le 14 octobre 1565, afin de pouvoir restituer les riches tentures et les meubles de prix qu'elle avait empruntés pour son ornementation.
Charles IX entra à Nantes le 12 octobre ; le lendemain vendredi, il dînait à la Fosse chez le riche armateur André Rhuys de Embibo, sieur du Cartron, d'origine espagnole, et qui demeurait en la maison encore connue sous le nom de maison des Tourelles (3).
André Rhuys reçut également Henri III et Henri IV dans cette splendide demeure, défigurée depuis par l'adjonction de deux étages ; et la tradition rapporte même que ce fut dans la maison des Tourelles qu'Henri IV signa, en 1598, le fameux Edit de Nantes : « le plus bel acte de la monarchie française » (4).

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1571. — ANDRÉ RHUYS ET LES GALÈRES DU ROI.

Par suite de la pénurie des caisses de l'Etat, les équipages des galères du Roi stationnées en Loire n'avaient pas été payées. Invité par le Général des galères, le Baron de la Garde, Gouverneur de la Marine du Levant, à fournir la somme nécessaire, la Ville ne savait pas où se la procurer, et parlait d'établir un nouvel impôt, lorsque l'armateur nantais André Rhuys, le Rotschild de ce temps-là, vint à son aide et versa au Général des galères 4.500 écus d'or (5).

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(1) DOM MORICE, Preuves de î'Hisfoire de Bretagne, t. III, col. 1258-9.
(2) J.-C. RENOUL, Le Tribunal Consulaire à Nantes, pp. 23-25.
EXPILLY, Dictionnaire des Gaules, Article Nantes.
(3) VATTIER D'AMBROYSE, Le Littoral de la France, Côtes Vendéennes, p. 384.
GUIMAR, Annales Nantaises, p. 313.
(4) Baron G. DE WISMES, Les personnages sculptés des monuments religieux et civils de Nantes, p. 99.
(5) LE BŒUF, Du Commerce de Nantes, p.46
* Le château de Nantes en 1565 , par J. Chudeau.

lundi, 14 août 2006

veuve abusive/sexualité peinarde/virée estivale en Aquitaine


veuve abusive
et...sexualité peinarde
virée d’été en Aquitaine


Ce pourrait être un haïku à la Bashô, ce n’est qu’un bref raccourci de deux lectures dans la presse de la semaine dernière au cours de laquelle nous passâmes — bonheur des lieux-dits —
à Guillemont aux confins de l’Albret et de l’Armagnac,
à Pilar Baïta entre mer et montagne Basques,
à La Hume, aux bords du Bassin d’Arcachon,
à Clos-Favols, dans les banlieux nord de Bordeaux
à Seurin dans le si paisible Entre-Deux-Mers,
pour une dernière halte au Haut-Plantier, quand le Périgord Vert s’ébroue dans de beaux arrondis de collines ; chaque halte fut d’amicale tendresse, de savoureuses nourritures et de vins chaleureux.

Je pourrais écrire aussi : du Lycosthène à Er Klasker en passant par le Cœur de Ptah.
Car n'en déplaise aux grincheux, la Toile ne tient que renforcés les liens du blogueur.

C’est à la Hume que surgit “la veuve abusive” . Nous parlons de Borgès ; Em me dit que j’aurai du mal à me procurer le tome II des œuvres complètes en Pléiade — ça fait quelques mois que mon libraire prend un air dubitatif quand je lui demande si l’on peut espérer la réédition de Borgès en Pléiade, j’ai le tome I, mais en 1999, je devais être désargenté quand parut le 2 — en ouvrant le Nouvel Obs, je comprends tout, et la remarque de Em et la moue du libraire.
La garce ! Marie Kodama aurait déclaré qu’elle fera ce qu’elle veut de l’œuvre de Borgès. Je sais bien que l’immense Aveugle a écrit que “la publication n’est pas la partie essentielle du destin d’un écrivain”, je sais bien que j’ai quasi tous ses bouquins en broché et en poche, que j’ai — déboutée, la veuve ! — les trois “Dialogues” d’Osvaldo Ferrari. Mais il va s’ennuyer mon tome 1, tout seul entre l’unique Char et les deux Gracq où le hasard de mon ordre intérieur l’avait glissé.
Veuves abusives, sœurs abusives ?
Ne connait-on point de veufs de même acabit ?

Le glissement de la belle - mais garce, elle demeure - Kodama au gorille n’est dû qu’au fortuit - qui paraît fortuit, aurait écrit Borgès - ; c’est en lisant à Clos-Favols les numéros du Monde de la semaine dernière, et plus particulièrement, celui du 9 août dans un article de Catherine Vincent, que j’ai appris que nos compagnons anthropoïdes avaient des relations amoureuses, parfois identiques aux nôtres, parfois autres, vraiment autres :

Prenons le gorille et son cortège d'idées reçues. Un être hypersexuel qui kidnappe et viole les femmes ? Le monstre n'existe que dans les chansons de Brassens, les contes africains et l'imaginaire colonial. Et si le héros du film King Kong* (de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933) apparaît à l'écran dépourvu de ses attributs virils, ce n'était peut-être pas dans le seul but de masquer toute sexualité explicite comme l'exigeait à l'époque Hollywood. C'était peut-être aussi - fût-ce de manière inconsciente - pour cacher la vérité peu spectaculaire de leur dimension.
Cinq centimètres tout compris en érection, c'est peu pour un géant agressif et violeur... Mais c'est ainsi : le plus grand, le plus noir, le plus craintif des anthropoïdes possède un sexe minuscule. Et la libido d'un eunuque - libido que les femelles, il faut dire, ne stimulent guère. Elles ne se laissent conter fleurette qu'une fois tous les quatre ou cinq ans, lorsqu'elles estiment avoir fini d'élever leur petit dernier. Mais il leur faut alors, parfois, insister lourdement pour réveiller les ardeurs de leur mâle, qui s'acquittera laborieusement de ses devoirs conjugaux : trois cents mouvements de bassin répartis en trois chevauchées par heure, pendant trois heures, pour obtenir une éjaculation.
La contrepartie ? Un harem harmonieux, composé d'une dizaine d'individus : des femelles et leurs petits sur lesquels un mâle adulte "à dos argenté" règne en parfait pater familias. Sans volupté, mais dans la sérénité.

Il va m’arriver de penser qu’il m’eût peut-être été parfois salutaire de jouir de la sexualité peinarde du gorille.
Façon d’esquiver quelques complexités qui surgirent naguère et... jadis !

Je me rappelle que Macédonio a dit un jour que l’enlacement de deux corps n’est rien d’autre qu’un appel lancé par une âme à d’autres âmes...
Jorge Luis Borgès
Ernesto Sabato
CONVERSATIONS À BUENOS AIRES


* Borgès éreinte le film dans une notice brève (tome I de la Pléiade, p. 974).

jeudi, 10 août 2006

Lettre à Anne

J’aime bien ces justes décades qui ponctuent nos âges. Depuis quarante ans liés par une coutume qui avait la sagesse de ne pas restreindre la co-éducation de l’enfant et de l’adulte au seul cercle familial, à la demande de ta mère et de ton père, je te tins donc sur des “fonts” où tu reçus l’eau, l’huile, le sel et la lumière.

J’étais dans les plus bas-fonds de ma vie, depuis deux ans dans les parages de la camarde, corps déserté, ne sachant même entre deux belles - peut-être même trois - laquelle élire.
L’été fut sombre, très sombre !

Mais voilà que surgissait cet enfant.
Toi, « Infante » !
Je me suis senti cet après-midi-là réorienté grâce à cette palpitation vagissante que je tenais dans mes bras.
Quarante après, tu es dans ton apogée de FEMME. C’est ce que nous fêtons aujourd’hui.
Après l’apogée, ce n’est point régression, c’est une orbite vitale qui peut s’inscrire dans des épanouissements autres. Quand tu seras, comme ta mère, ton père et moi, le sommes, dans “cette enfance du Grand Âge”, tu sauras qu’il y a de belles joies à encore vivre.
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Je t’offre trois jalons simples* - d’humbles bouquins de poche - mais dont le sens va pour moi bien au-delà du support papier.

Tu es, seule, celle qui, grâce à ton compagnon et tes enfants, me relie encore par chair, sang et mental à un pays dont le passé fut, à beaucoup d’entre nous, fastueux.

Je te devais bien de poursuivre par ces petits livres - le décousu des rencontres n’est qu’anecdote - notre mutuelle tâche de coéducation que nous inaugurâmes, toi et moi, il y a quarante ans.
Nous nous rencontrerons encore ; j’ai même l’audace de me réinviter à célébrer dans trente ans, tes soixante-dix ans, l’âge que j’ai atteint cet an.

Je te prends dans mes bras de parrain et t’embrasse fort.

* SAPPHO, L’égal des dieux,
KATEB Yacine, Nedjma,
DJEBAR Assia, La disparition de la langue française.

La calligraphie arabe est le nom de Nedjma.(en couverture du poche "Seuil")

Chronique portuaire de Nantes XVII

Au XVIe Siècle


1554. — GALÈRES ROYALES À NANTES

C'est à Nantes que stationnaient les galères royales du Ponant, commandées
par Baccio Martelli, puis par Pietro Strozzi. En 1554, elles étaient au nombre de 22, et le Duc d'Etampes, gouverneur de Bretagne, dans la crainte des Espagnols dont on annonçait la flotte, ordonna au Général des galères de les tenir armées, et demanda à la ville plusieurs milliers de salpêtre pour leur artillerie (1).

1555. — DROITS DE VISITE AU PORT DE NANTES.

Une Ordonnance de Henri II, en date du 30 mars 1555, fixe les droits de visite que pouvait percevoir le Lieutenant commandant de la ville et du Château de Nantes, le Comte de Sanzay, Ce droit de visite avait pour but de s'assurer de la qualité des personnes et de la nature des marchandises sur tous les vaisseaux depuis Nantes jusqu'à la mer. Aucun capitaine ne pouvait mettre à la voile sans un certificat du Lieutenant de la Ville, à peine de confiscation du navire et des marchandises, L'Ordonnance fixait ainsi les droits que pouvaient percevoir les agents du Lieutenant : « vingt soûls tournois pour tout le jour, si tant est vaqué par eux inclus, encores leurs despents ; ou dix soûls tournois pour demi-jour entier, et cinq soûls tournois pour deux heures » ; de plus il était dû un escus sol ! à titre d'expédition, brevet et mesurage (2).


1557. — COMMERCE DES SELS À NANTES.

Dans une réclamation au Roi, contre les exactions du Comte de Sanzay, Lieutenant de la Ville, les députés du commerce de Nantes, Loriot et Aubert, mentionnaient : « que tous les ans arrivent « au port de Nantes cinq à six mille vaisseaux amenant sels des marais de Guérande et de la baye (Bourgneuf) » (3),
Ces vaisseaux n'étaient, il est vrai, que des barques de 50 tonneaux, mais néanmoins leur grand nombre nous donne une idée de l'importance du commerce des sels à Nantes, à cette époque, Nantes était en effet l'entrepôt des gabelles du Royaume, et ses magasins s'alimentaient, non seulement aux salines de la presqu'île guérandaise et de Bourgneuf, mais recevaient également en grande quantité des sels de Portugal et d'Espagne.

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(1) LA RONCIÈRE, Histoire de la Marine Française, t. III, p. 463.
TRAVERS, Histoire de Nantes, t. II, p. 333.
(2) MEURET, Annales de Nantes, t. II, pp. 27-8.
(3) HUET, Recherches Economiques et Statistiques, p. 127.