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la Semena Santa en Andalousie

La Semana Santa ? Entre le carnaval, l’hystérie et le fanatisme, les points de vue, espagnol et français, de certain(e)s étaient sans détours. 

Ce fut aussi comme une mémoire qui remontait d'une gravité populaire insoupçonnée.

Nous avons beaucoup, beaucoup aimé. Certains soirs, l’émotion fut forte.

 À Rota, c’est du Dimanche des Rameaux au Dimanche de Pâques, chaque soir de la semaine de dix-neuf heures à minuit ou plus selon le parcours, et même entre Jeudi-Saint et Vendredi-Saint de deux heures du matin à midi.

Les parcours dans les ruelles du vieux Rota sont assez alambiqués ; mais pas de souci : vous partez d’une rue déserte, vous entendez le martèlement lointain des tambours, vous rencontrez des gens, peu nombreux d’abord, vous les suivez, leur nombre s’accroît ; quand se rapproche la rumeur des tambours, les trottoirs se meublent de familles, de groupes de jeunes, d’enfants. Agitation paisible. Tous les âges, toutes les classes sociales, les urbains, les “rur-bains”, les paysans, les touristes – peu. Le coin de rue où vous avez choisi de vous arrêter parce que l’angle de vue vous a paru le plus propice est bientôt noir de monde ; vous avez intérêt à garder votre bord de trottoir ; les gens s’agglutineront sur deux, trois, quatre rangs sans fébrilité, devisant tranquillement. Mais s’ils ont pressenti en vous l’étranger, ils vous feront place.

Quand apparaît le premier pénitent porte-croix entre deux autres confrères, les conversations s’éteignent petit à petit. Sur deux rangs, longs cierges allumés, portés en oblique, la longue file des pénitents Ils sont cinquante, cent. Hommes, femmes, parfois enfants. Seuls les yeux brillent dans l’étroite fente de la cagoule. Toutes et tous gantés, certain(e)s pieds nus... Lente et longue file où alternent les porteurs de crosses droites d’argent surmontées de lunules finement ciselées aux armes des confréries, de photophores, de bannières. 

À l’instar du porteur de la Croix qui ouvre la procession, en son milieu, accompagné lui aussi de deux pénitents, le porteur du Livre ! Certains se signent.

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Longs arrêts des pénitents. Reprise de la marche. Heurt des crosses d’argent sur le pavé. Recueillement de la foule. Le roulement voilé des tambours plus proche et bientôt l’éclat comme assourdi des cuivres et des bois des fanfares. 

Viennent les “pasos”, ces lourdes plates-formes qui portent les statues du Christ et de sa Mère la Vierge, “cette statuaire drapée dans les brocarts et les velours, aux visages de poupées surréalistes, suintant les larmes et le sang” qui nous avaient tant fascinés à Séville ! 

Elles sont là en gloire sur ces podiums recouverts de dorures et d’argent, fleuris d’œillets et de lys, illuminés pour ceux de la Vierge d’un buisson de cierges. 

Les pasos avancent au petit pas lent et tangué des dix-huit, vingt, vingt-quatre porteurs qui sont soit dissimulés sous le paso, soit sans cagoule, vêtus de l’aube de leur confrérie ; et l’on voit alors les lourds brancards rembourrés de cuir rouge. Un pas lent glissé rythmé par la musique funèbre de la fanfare qui suit. 

Intense émotion quand lors d’une halte, soudain dans votre dos, s’élève d’un balcon, la plainte de la saéta, ce chant flamenco religieux qui célèbre  le Christ flagellé, crucifié et sa Mère de toutes les Douleurs. Puis s’ébranlent à nouveau les pasos :soulèvement énergique, vacillement de la statue, des cierges, des photophores, un temps encore et reprend l’avancée lente et tanguée dans les murmures admiratifs et les applaudissements de la foule. Stridences suraiguës des petites trompettes de la fanfare qui prolongent la lamentation de la saéta.

Difficile d’oublier dans cette houle de musiques et de lueurs nocturnes la longue chevelure du Crucifié s’emmêlant dans les arbres encore nus de la plaza d’España. Ta gorge se noue !

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Miles Davis s’est avec splendeur approprié la beauté de ces lueurs et de ces sonorités déchirantes.  

Le cortège s’efface dans la nuit des rues ; la foule se disperse et entre dans les tavernes encore ouvertes.

À chaque jour, sa confrérie et ses “pasos”. Pénitents blancs et cagoules noires le lundi. Pénitents noirs au scapulaire parme du mardi, aux coules blanches et cagoules vertes ou rouges du mercredi et du jeudi, le vendredi voyant les confréries se joindre en un interminable cortège suivi par une foule plus dense encore.

À chaque nuit, son Christ et sa Vierge :

La Imagen del Santisimo Cristo del Amor

Nostro Padre Jesus de la Salud en su tres Caida

Maria Santisima de la Caridad

Nostra Senora de los Dolores y Santisimo Cristo de la Caridad

Nostro Padre Jesus Nazareno y Maria Santisima de la Amargure

Santisimo Cristo de la Vre-Cruz y Maria Santisima de las Angustias

El Resucitado

Le matin de Pâques verra un paso exhibant un Ressuscité quasi nu, porté par vingt-quatre gaillards en chemise blanche, pantalon noir et gants blancs, les gars de la Cofradia des Pescadores ; “exit” la kyrielle des pénitents, ce sont les enfants aux clochettes tintinnabulantes qui accompagnent le paso.

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En avril 2015, le Samedi-Saint

 Ainsi s'achevait au printemps 2002, la célébration andalouse du Resucitado, cette belle et grande utopie humaine qui souhaitait vaincre la mort.

 Sans doute les auteurs de ces photographies et de ce texte se sont-ils éloignés un peu plus de la belle utopie et de son espérance, se rapprochant de la philosophie d'un Sage qui naquit à quelques lieux de Rota à l'époque où le Christ vécut sa passion.

La mort :

   L'œuvre de tous nos jours, qu'un dernier jour achève.

                                                Lucius Sénèque (1-65 de notre ère)

Écrit par grapheus tis Lien permanent | Commentaires (0)

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