vendredi, 13 avril 2007
outils de menuiserie : un lecteur au travail
Char centenaire
Lors du dernier atelier “Jalons pour une éthique”, fin mars, l'animateur propose Ricœur et son approche de l’aporie du Mal, illustré par le mythe adamique, Ève et Adam, le paradis terrestre, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, la pomme et le serpent.
Le 11 avril, me procurant Paradisiaques de Quignard en poche, la première de couverture est une miniature extraite des très Riches Heures du Duc de Berry, représentant “Adam et Ève dans le jardin d’Éden”, miniature qu'il faudra confronter au fusain de Giacometti (notre du 28 février 2007)
Voici donc, insistant, le retour du Serpent, le maudit de la Genèse, le messager du Satan, antagonique au débonnaire serpent de René Char.
Mais je pense qu’avant de livrer ma lecture du serpent et la contre-lecture de l’histoire d’Adam et d’Ève, que propose Char, il me faut évoquer — ce qui eût dû être présenté quand j’ai inauguré cette évocation du Char centenaire — les outils que le poète conseille à son lecteur et son comportement face aux “mots”. Enfin, ce que, moi, je perçois et comprends comme outils et comportement.
Et d’abord la relation de lecture, les rapports écrit Char :
Salut, chasseur au carnier plat !
À toi, lecteur, d’établir les rapports.
Merci, chasseur au carnier plat !
À toi, rêveur, d’aplanir les rapports.
Moulin premier, 68
Suis-je, lecteur, un chasseur au carnier plat ?
C’est ce que souhaite le poète : rencontrer un lecteur, certes en chasse, mais qui inaugure un geste de lecture, allégé de toute connaissance ou expérience antérieures à leur rencontre, le carnier plat.
D’un geste volontaire, le lecteur choisit de lire, d’établir. Décision de lier les deux expériences.
Le poète remercie pour l’entrée du lecteur ; désormais, il le laisse libre à sa rêverie — rêveur de mots, écrit Bachelard du lecteur de poèmes — mais à une rêverie active, travailleuse, tout entière à la tâche de se confronter aux mots et aux images, à aplanir. Rencontre devenant au fil de la rêverie sans aspérités.
Rapports qui ne peuvent être que pluriels, impensables d’être ramenés à une singularité, à une univocité.
Établir et aplanir : l’établi et la plane, instruments de menuiserie, introduisent dans l’artisanat du poète.
Avant de retrouver le débonnaire serpent, il me faudra bien m’attarder, le moment d’une note ou deux, à cette confrontation aux mots qui surgit tout au long de l’œuvre d’un Char artisan.
Vint un soir où le cœur ne se reconnut plus dans les mots qu’il prononçait pour lui seul.
Le poète fait éclater les liens de ce qu’il touche. Il n’enseigne pas la fin des liens.
À faulx contente, 1972.
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jeudi, 12 avril 2007
introduction aux traites négrières
J'ouvre une assez longue incise dans les Chroniques portuaires de Nantes.
Paul Legrand, dans son ouvrage doublement titré Marins et Corsaires nantais en couverture et Annales de la Marine Nantaise en page de titre, consacre une longue introduction à quatre aspects de l'activité portuaire : Les chantiers de constructions navales, les Armateurs, les Corsaires, les Négriers.
Dans la publication des chroniques portuaires, nous arrivons dans la période de la Traite négrière en pleine expansion. Or Legrand, chronologiquement, ne mentionne celle-ci qu'en abordant l'année 1738 ; il est évident qu'elle a commencé beaucoup plutôt ; cependant il aborde l'activité dans son introduction. Son approche pourra nous paraître élémentaire, tenant plus du constat que de l'analyse. Soyons indulgents, nous sommes en 1908 !
Pétré-Grenouilleau viendra plus tard et, par les Anneaux de la Mémoire, Nantes sera, en 1992, le premier port européen à reconnaître sa trop grande participation à l'horreur.
Revoir ma note du 9 mai 2006.
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LES NÉGRIERS
Il faut bien l'avouer,— quelque pénible qu'en puisse être l'aveu,— c'est dans la Traite des Nègres, dans le Commerce du bois d'ébène, que Nantes a trouvé la source première de sa prospérité, a développé son esprit d'entreprise et d'initiative, et a puisé sa fortune et celle de ses habitants.
Nous n'avons nullement l'intention de défendre ce trafic, pas plus d'ailleurs que celle de l'attaquer ; la défense en est impossible, quant à l'attaque, elle a été trop copieusement faite pour que l'on puisse lui fournir des armes nouvelles. Nous dirons donc simplement que la Traite des Nègres était légale ; pratiquée par toutes les nations possédant des colonies ; réglementée par les Ordonnances et les Édits ; et, bien plus, ouvertement encouragée par les Rois, qui tantôt accordaient une prime par tête de nègre débarqué aux colonies (arrêt du 27 septembre 1720), et tantôt envoyaient aux Traitants des témoignages non équivoques de leur satisfaction : « Sa Majesté, — voyons-nous dans une Déclaration Royale en date du 11 octobre 1722 et relative au commerce des Nègres, — a vu avec satisfaction les efforts que les négociants de la Ville de Nantes ont fait pour étendre ce commerce autant qu'il était possible...»
L'origine de la Traite des Nègres est des plus simples. Les colonies nouvelles d'Amérique manquaient de bras ; d'autre part, les Blancs ne pouvaient encore supporter leur climat débilitant ; toutes les puissances se tournèrent alors vers l'Afrique, où l'on savait qu'un grand nombre de nègres étaient vendus ou mis à mort à la suite des batailles incessantes que se livraient ces peuplades sauvages.
Puisqu'il existait déjà un marché de nègres, les gouvernements européens songèrent tous à s'y approvisionner de travailleurs ; bien plus, et c'est ce qui explique pourquoi la Traite fut acceptée par tous, les philosophes et les moralistes du temps la déclarèrent bonne et humaine, parce qu'elle arrachait les nègres à la mort, ou du moins substituait un esclavage acceptable à un esclavage épouvantable.
À ces idées s'ajouta celle du prosélytisme religieux ; les nations catholiques y virent un moyen d'arracher à l'erreur une multitude d'êtres humains, et cette préoccupation est constante dans les Ordonnances des Rois, qui prescrivent le baptême pour tous les esclaves importés aux colonies.
Sans doute, l'on ne tarda pas à comprendre toute la fausseté et l'inanité de ces sophismes. La source première de la Traite : les nègres déjà esclaves, les prisonniers de guerre et les condamnés à mort manquèrent bientôt complètement, et c'est alors que les traitants, ou du moins leurs fournisseurs, les petits Rois Africains, organisèrent de véritables chasses à l'homme, des razzias de plus en plus fréquentes, dans lesquelles des villages entiers ; hommes, femmes et enfants, étaient arrachés à la liberté, conduits en troupeaux humains jusque sur les côtes, et parqués pêle-mêle, en attendant qu'un navire d'Europe vienne les emporter à destination des Antilles. Mais, à ce moment, la Traite était tellement entrée dans les mœurs qu'il était impossible de la supprimer ; l'intérêt général des États, l'intérêt particulier des traitants et des armateurs étouffèrent le cri de la conscience, et l'horrible et inhumain commerce du bois d'ébène fut définitivement admis et pratiqué par toutes les nations européennes,
En France, la Traite ne fut réglementée qu'en 1664, lors des Édits royaux suscités par Colbert. Elle fut tantôt monopolisée, c'est-à-dire exclusivement permise à certaines grandes Compagnies de Commerce ; et tantôt libre, c'est-à-dire abandonnée à tous les particuliers sous le contrôle de l'État.
Nantes fut, sans contredit, de tous les ports de France et du monde, celui qui se livra le plus activement à ce commerce. Ce fut Nantes qui défendit le plus énergiquement la Traite chaque fois qu'elle fut menacée ; Nantes qui réclama toujours la liberté de la Traite lorsqu'elle fut monopolisée ; Nantes à qui les rois et les ministres s'adressèrent toujours avant d'en modifier les règlements, prenant rarement une décision avant d'avoir consulté ses députés ; Nantes, enfin, qui refusa le plus longtemps de se soumettre à la suppression de la Traite, et qui posséda peut-être les derniers Négriers.
Cette triste supériorité de Nantes sur les autres ports du royaume s'explique d'ailleurs très aisément. De tous les ports de France, Nantes était de beaucoup celui qui trafiquait le plus avec nos possessions d'Amérique, et qui y avait engagé les plus gros capitaux. II était donc naturel à nos navires, alimentant déjà les Antilles de denrées et de produits manufacturés, de les alimenter également de cette autre marchandise, le bois d'ébène ; comme il était naturel à nos armateurs, souffrant du manque de bras, de songer les premiers à fournir de nègres leurs plantations de cannes à sucre, source la plus importante de leur commerce et de leur richesse,
Les Négriers nantais accomplissaient ce que l'on appelait des voyages circuiteux. Partant de Nantes avec une cargaison de cotonnades voyantes, fusils, perles et poteries fabriquées spécialement pour ce commerce, ils l'échangeaient sur les côtes d'Afrique contre une cargaison de nègres, la transportaient aux Antilles, et en revenaient avec une troisième cargaison, composée le plus souvent de balles de sucre. Ces marchandises ne payaient que la moitié des droits d'entrée dans tous les ports de France, de telle sorte que les armateurs, pour pouvoir soutenir la concurrence, se voyaient forcés, s'ils commerçaient avec les Antilles, de se livrer à la Traite ainsi favorisée par le Pouvoir royal.
Pendant plus d'un demi-siècle, les Négriers nantais débarquèrent annuellement aux colonies de dix à douze mille nègres en moyenne ; et les bénéfices que les armateurs retiraient de ce commerce oscillaient entre 30 et 40 millions. L'unité de nègre, la pièce d'Inde, comme on disait alors, c'est-à-dire un noir de 15 à 30 ans, sain, robuste, bien fait, et qui a toutes ses dents, valait de 600 à 1.000 francs, suivant la provenance, les besoins des colonies et l'époque.
Au commerce du bois d'ébène, les Nantais empruntèrent cet esprit d'initiative, ce goût des aventures qu'ils développèrent ensuite dans la guerre de Course, Souhaitons que ces ressorts d'énergie, appliqués à de plus louables entreprises que la Traite, permettent à Nantes de reprendre le rang qu'elle occupait jadis parmi les ports de France et du monde.
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Pour clôre cette incise, il faut signaler la parution récente d'un gros, beau bouquin sur l'histoire des étrangers à Nantes, ouvrage collectif de trente auteurs, Alain Croix en assurant la coordination et responsabilité scientifique.
Voir sur le site des éditions des Presses Universitaires de Rennes
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mercredi, 11 avril 2007
rien à voir avec la note précédente... ou si peu
Hier, journée "livres".
Dépôt du CD pour l'édition de Une Centenaire, la Société coopérative des pêcheurs... Eh, oui ! On ne dépose plus un manuscrit ; mais j'ai encore de vieux restes de "jeune" maquettiste quand l'informatique des années 80-90 et PageMaker nous autorisaient à toutes les utopies de "circulation phalanstérienne" des écrits ; j'ai donc accompagné le CD d'une maquette, décidée avec le groupe de Passay, que reprendront, je l'espère, les infographistes de Siloë.
De la rue des Carmélites à la Petite Hollande, je passe par la Place Royale — du Peuple, en mai 68 — la fontaine est ruitelante, ruisselante. Normal, sa rénovation vient d'être achevée et elle célèbre autour de la Loire, les fleuves de France. Dommage, le trident d'or que brandissait la Loire s'est mué en vulgaire trident de métal noir. J'ai oublié le petit nikon.
Rue de la Fosse, halte intéressée chez Coiffard : je commande "Visites aux vivants" de Cathie Barreau et le bouquin, recommandé par un Litorien, "Un laboratoire de littératures", aux éditions de la BPI.
Plongeant dans les rayons "poche" de l'autre côté de la rue, je cherche "L'Amour, la Fantasia" de Djebbar, je tombe sur les tomes IV et V du Dernier Royaume de Quignard. Le bonheur ! Je retarde ainsi mes plaisirs de lecture en attendant la parution en poche et ce n'est point par seul souci d'économie. À côté, le dernier paru en poche... de Sollers. J'hésite, le Carnet de nuit me reste encore en travers des... yeux, mais je sais déjà que je prendrai la Vie divine la semaine prochaine quand Djebbar, Barreau et BPI seront livrées.
L'addiction du collectionneur ! Si cette vie divine était absente de mon étagère “Sollers en poche”....
J’achève, torturé par un tour de rein qui me tord, devant les éventaires des bouquinistes — c’est récent à Nantes — place de la Bourse, dans l’ombre de la statue de Villebois-Mareuil ; ce sera un lieu à fréquenter. Sympathique contre-point à la FNAC proche. Fin de journée chaudement ensoleillée.
Villebois-Mareuil, ce colonel vendéen qui aida les Boers dans leur lutte contre les Britanniques, me ramène à ma lecture actuelle de Aveuglantes lumières.
Les rejetons du siècle apaisant n'aiment pas la guerre, et c'est tout à leur honneur. Ils répugnent à la penser, et ce n'est pas à leur crédit.
Régis DEBRAY
11:15 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 09 avril 2007
lecture pour quasi rien
Ça tient plus de la démarche du collectionneur : j'achète les bouquins de Sollers qui paraissent en poche.
Acheté en mars, feuilleté ces jours-ci : Carnet de nuit, édité en 1989, publié en Folio (n°4462).
Des notes d'une ligne à une page entre du salace, du lettré, du croyant, du bordel, du critique... Point trop de citations — le précédent Folio Illuminations qui se voulait "un livre d'heures pour temps de détresse" (?) n'était cousu qu'avec du Rimbaud, du Nietzsche, du Novalis et pour faire exotique du Parménide, du Tchouang-tseu, d'autres... ce pouvait être une table d'orientation.
Avec Carnet de nuit, si peu. Ce que je ressens comme une arnaque éditoriale : ou le "collectionneur s'est fait avoir ou le lecteur sélectif a perdu son efficacité.
Quand monsieur Joyaux paraîtra en Pléiade je pourrai déchirer les 106 pages de ce carnet. Si jamais, monsieur Joyaux dit "Sollers" paraît en Pléiade... de mon vivant !
Enfin ! Il y a deux pages et demi de "vers à Baudelaire", comme mes pêcheurs de Grand-Lieu disent le "bouquet à Rubis" :
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
17:40 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 06 avril 2007
vendredi-saint : de vieux restes et une émotion certaine
à l'homme du Lycosthène et à sa compagne
Le vendredi-saint, ma grand-mère ne descendait jamais laver le linge des autres à la rivière.
Laver un drap aurait été laver un suaire.
Comme un chœur très très lointain, en hommage aux vieux copains partis avant ce printemps, la musique de Jean Sébastien Bach :
Wir setzen uns mit Tränen nieder
Nous nous asseyons en pleurant
Et sur ton tombeau, nous te disons :
Repose doucement !
Repose doucement !
Reposez, membres épuisés !
Dans la joie suprême, se ferment alors les yeux.
Höchst vergnügt schlummern da die Augen ein.
Semana santa, Rota - Andalousie, mars 2002, de Nicléane
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jeudi, 05 avril 2007
Chronique portuaire XLVIII
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1735. — PROJET DE BASSIN À FLOT À PAIMBŒUF.
On lit dans un Mémoire du Commerce de Nantes, daté de 1735 : « Les malheurs passés et les naufrages ont fait souhaiter aux habitants de Nantes la construction d'un bassin à Paimbœuf, pour y mettre leurs vaisseaux, leurs barques et leurs bateaux en sûreté » (1).
ÉMEUTE DE MARINIERS.
Le Bureau de Ville avait interdit aux portefaix, mariniers et gabariers d'entrer dans l'intérieur de la Bourse pour parler à leurs patrons, pendant les heures de réunion, afin de ne pas troubler les commerçants et armateurs par leur conversation bruyante. Ils prirent très mal la chose, et lorsqu'un gabarier eut été expulsé, le 12 août 1735, tous les mariniers et gabariers vinrent à la rescousse, firent irruption dans la Bourse et lacérèrent les affiches leur en interdisant l'entrée. La Milice, immédiatement mise sur pied eut grand peine à les rappeler à l'ordre, et deux gabariers seulement purent être saisis et emprisonnés (2).
1736. — EMPRISONNEMENT DE JACQUES CASSARD.
À plusieurs reprises, Cassard avait armé des vaisseaux à ses frais, et avancé des sommes importantes à Marseille et au gouvernement pour assurer le ravitaillement des côtes de Provence. Marseille, qu'il avait sauvée deux fois de la famine, se montra, à sa honte, d'une inconcevable ingratitude, et refusa toujours de le rembourser sous les prétextes les plus misérables.
Quant au gouvernement, loin de lui payer ce qu'il lui devait, il lui réclama avec dureté la valeur de quelques mauvais agrès et appareaux qu'il avait pris à l'arsenal de Toulon pour armer ses navires.
Cassard était pauvre et avait besoin de ce qui lui était dû ; il était, de plus, Breton, c'est-à-dire têtu ; d'autant plus têtu qu'il savait avoir raison. Aigri par les refus perpétuels qu'on lui opposait, réduit à la misère, jouet de la Cour qu'il haïssait et des cabinets de ministres où d'imbéciles laquais, incapables de comprendre l'homme se riaient du costume, Cassard était nevenu morose et irrité. En 1736, grâce à quelque protection, il obtint enfin une audience du ministre Fleury. Que se passa-t-il dans cette entrevue ? Le rude Nantais menaça-t-il réellement le ministre ? ou ce dernier résolut-il de se débarrasser d'un gêneur, solliciteur perpétuel, assez naïf pour croire que les coffres de l'Etat pouvaient en même temps s'ouvrir pour les courtisanes avides et pour les héros qui avaient faim ? On ne le saura sans doute jamais. Toujours est-il qu'en sortant de chez le ministre, Cassard, le grand capitaine, fut enfermé, le 5 février, au séminaire de Notre-Dame-des-Vertus, puis transféré, le 21 juillet, à la prison d'Etat du fort de Ham (3).
LE PORT DE NANTES EN 1736.
Les Étrennes Nantaises et de la Province de Bretagne pour l’année 1736 décrivent ainsi le port de Nantes : « La Fosse, ainsi appelée vulgairement, est le port où se fait le grand commerce ; les navires marchands qui s'y trouvent toujours en grand nombre y arrivent avec le flux de la mer. Elle consiste en un quai très large et long à proportion, bordé d'un côté de maisons magnifiques où logent les marchands qui trafiquent sur mer : la plupart de ces maisons ressemblent à des palais » (4).
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(1) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 162.
(2) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. V, p. 3.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, pp. 150-2.
(4) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays nantais, p. 224.
RAPPEL
Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908
scannées pour le blogue grapheus tis
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mercredi, 04 avril 2007
une centenaire
Cet après-midi, nous bouclons la brochure sur "notre" centenaire.
Titre :
Une centenaire
La Société coopérative
des pêcheurs
du lac de Grand-Lieu
1907-2007
Parution, début juillet, avant la ruée touristique.
Reste à travailler la première de couverture avec le graphiste à partir des encres de JaL.
Claudicante, mais heureuse, Nicléane est de retour !
Et pour aller ailleurs — ou mieux, pour demeurer avec René Char — hier avec quelque retard, j'ai taillé ma treille, la sève monte :
« Sensible à la salive du rameau. »
09:40 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 02 avril 2007
cessant de battre, un jour
Demain, le dedans à vérifier.
Radioscopie et échographie : être scruté, être écouté et être in-scrit.
« Quand nous disons : le cœur (et le disons à regret), il s'agit du cœur attisant que recouvre la chair miraculeuse et commune, et qui peut à chaque instant cesser de battre et d'accorder. »
René Char,
Rougeur des Matinaux, XV.
Des ami(e) proches qui lisent ce blogue me disent ne pas toujours saisir ce que Char veut dire. Souvent, moi aussi, je ne saisis guère. J'essaie seulement de laisser résonner comme de lointains roulements d'orage.
Des bribes luisent alors qui me mènent à une certaine sérénité.
Ainsi dans ces mots qui précèdent : cœur attisant... chair miraculeuse... cesser de battre et accorder !
Char centenaire
23:10 Publié dans Char à nos côtés, les diverses | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 31 mars 2007
voilà pourquoi le blogue n'est point trop "causant"
Plus de soixante-dix lieux-dits à recenser ! Il y en aurait eu plus de cent, dit "Zinet". À localiser dans ce monde mouvant d'eaux, de rades, de bouquets, de levis flottants qui couvre trois mille hectares, l'été, et se gonfle à six mille après les pluies de l'hiver.
Les entendre dans le parler des Passis, identifier les diphtongues de ce dialecte mi-poitevin, mi-gallo. Tenter de transcrire en français.
Quand s'ajoute un idiolecte qui est propre à leur métier de pêcheurs : baillaïe, doue, groïn, levis, parièles, mières, pavoï...
Et l'éditeur nous somme de ne plus déraper : les documents à remettre à la fin de la semaine prochaine. Pour fêter la Coopérative centenaire en août.
J'appliquerais bien à mes copains de Passay ce que Char écrivait de ses compagnons des maquis de Provence :
Un officier, venu d'Afrique du Nord, s'étonne que mes « bougres de maquisards », comme il les appelle, s'expriment dans une langue dont le sens lui échappe, son oreille étant rebelle « au parler des images ». Je lui fais remarquer que l'argot n'est que pittoresque alors que la langue qui est ici en usage est due à l'émerveillement communiqué par les êtres et les choses dans l'intimité desquels nous vivons continuellement.
Feuillets d'Hypnos, 61.
10:45 Publié dans Char à nos côtés, les diverses | Lien permanent | Commentaires (8)
jeudi, 29 mars 2007
Chronique portuaire XLVII
cette note, à Yann, mon neveu,
attentif lecteur de ces chroniques.
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1731. — LE CAPITAINE D'ARAMBOURG.
Le 9 octobre 1731, le Roi envoyait une épée d'honneur au capitaine nantais Godefroy d'Arambourg.
Né le 31 juillet 1685, et reçu capitaine à l'Amirauté de Nantes en 1714, il s'était distingué sur le Charlemagne, de 200 tx. et 12 can., dans un combat mémorable contre un forban.Il mourut en 1743, à Sucé, où il s'était retiré.
1732. — JACQUES CASSARD ET DUGUAY-TROUIN.
Lors des bruits de guerre qui s'élevèrent en 1732, entre la France et l'Angleterre, un grand nombre de marins se rendirent à Versailles pour offrir leurs services au Roi et solliciter un commandement : de ce nombre étaient les deux Bretons Cassard et Duguay-Trouin. Le Malouin, accoutumé déjà à la Cour circulait avec aisance dans les salons encombrés de courtisans, et son costume ne le cédait en rien au leur en richesse et en rubans ; le rude Corsaire nantais, tout au contraire, mis sans aucune recherche et presque pauvrement vêtu, s'était assis dépaysé sur un banc, triste et rêveur. Duguay-Trouin, très entouré, l'aperçut soudain, et, quittant brusquement les grands seigneurs et les généraux stupéfaits, vint à lui. l'embrassa, et prenant son bras, conversa avec lui durant plus d'une heure.
« Quel est cet homme ? » lui demandèrent en riant les courtisans, lorsque Cassard se fut éloigné. « Cet homme, — reprit Duguay-Trouin, — c'est le plus grand homme de mer que la France possède. Je donnerais toutes les actions de ma vie pour une seule des siennes. Vous ne le connaissez pas, mais nos ennemis le connaissent bien, car avec un seul vaisseau il faisait plus qu'une escadre entière. C'est Jacques Cassard, de Nantes ! » (1)
1734. — LE CAPITAINE D'HAVELOOSE ET LE " SAINT-ADRIEN ".
Durant tout un jour, le 13 octobre 1734,1e corsaire nantais le Saint-Adrien, de 200 tx., 14 can, et 27 h., cap. Gille d'Haveloose, soutint un terrible combat contre le pirate algérien le SOLEIL, en vue du cap Saint-Vincent.
La Ville demanda pour d'Haveloose une épée d'honneur, mais on la lui refusa sous le prétexte qu'il n'avait lutté que contre un simple pirate. Triste prétexte ! Car les pirates barbaresques, et surtout le SOLEIL, causaient alors à notre marine un mal tout aussi considérable qu'un vaisseau de guerre anglais ; et les prisonniers qu'ils faisaient étaient le plus souvent réduits en esclavage ou torturés.
C'est un descendant de ce brave capitaine qui légua toute sa fortune aux pauvres de Nantes en 1846 (2).
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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, p. 141.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 133-138.
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mercredi, 28 mars 2007
lisant Mendès-France et Castoriadis
« Choisir un homme* sur la seule base de son talent (ou de son habileté électorale ou de son charme télégénique), c'est une abdication de la part du peuple, une renonciation à commander et à contrôler lui-même, c'est une régression par rapport à une évolution que toute l'histoire nous a appris à considérer comme un progrès. »
Pierre Mendès-France,
La République moderne, 1962
* ou une femme ! (ndr : 2007)
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Le politique est tout ce qui concerne ce pouvoir explicite
(les modes d'accès à celui-ci, la façon appropriée de le gérer, etc.).
Ce type d'institution de la société recouvre la quasi-totalité de
l'histoire humaine. Ce sont les sociétés hétéronomes : elles créent
certes leurs propres institutions et significations, mais elles occul-
tent cette autocréation, en l'imputant à une source extra-sociale,
extérieure en tout cas à l'activité effective de la collectivité effecti-
vement existante : les ancêtres, les héros, les dieux. Dieu, les lois
de l'histoire ou celles du marché. Dans ces sociétés hétéronomes,
l'institution de la société a lieu dans la clôture du sens. Toutes les
questions formulables par la société considérée peuvent trouver
leur réponse dans ses significations imaginaires et celles qui ne le
peuvent pas sont non tellement interdites que mentalement et psy-
chiquement impossibles pour les membres de la société.
Cette situation n'est rompue, que l'on sache, que deux fois dans
l'histoire : en Grèce ancienne et en Europe occidentale, et de cette
rupture nous sommes héritiers, c'est ce qui nous permet de parler
comme nous parlons. La rupture s'exprime par la création de la
politique et de la philosophie (de la réflexion). Politique : mise en
question des institutions établies. Philosophie : mise en question
des idola tribus, des représentations collectivement admises.
Dans ces sociétés, la clôture du sens est rompue, du moins tend à
être rompue. Cette rupture - et l'activité d'interrogation incessante
qui va avec elle - implique le refus d'une source de sens autre que
l'activité vivante des humains. Elle implique donc le rejet de toute
« autorité » qui ne rendrait pas compte et raison, ne justifierait pas
la validité de droit de ses énonciations
Castoriadis
La montée de l'insignifiance, 1996,
pp. 224-225.
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samedi, 24 mars 2007
vih
Merci, et la mort s'étonne ;
Merci, la Mort n'insiste pas ;
Merci, c'est le jour qui s'en va ;
Merci simplement à un homme
S'il tient en échec le glas.
Fête des arbres et du chasseur
Les Matinaux
Char centenaire
cette note est dédiée à mon fils benjamin.
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vendredi, 23 mars 2007
note nocturne
Scannant Gaston Bachelard — deux pages de La poétique de la rêverie — pour une amitié précieuse, cet épigraphe, tiré du Roman du lièvre, de Francis Jammes :
« J'ai tout à la fois l'âme d'un faune et d'une adolescente. »
Je les aime tant, ces deux anciens.
Poète, longue barbe, "philosophe", l'un. Philosophe, barbe longue, "poète", l'autre.
03:00 Publié dans les lectures, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 22 mars 2007
double entorse...
... aux pratiques énoncées dans ma note du 11 mars sur librairies, chaînes de distribution et Toile.
Je viens d'acheter Grammaire du français contemporain sur Amazon, après avoir entendu, la semaine durant sur France Cul, Jean-Claude Chevalier. Et comme je n'avais plus de grammaire à disposition...! Hier après-midi, quand je vais lorgner à la fnac les nouveaux MAC, j'aperçois Google-moi de Barbara Cassin * ; j'achète. Ça met des traces encrées dans les réflexions d'un site incontournable comme Affordance et je ressens encore la nécessité du papier.
Logiquement, j'eusse dû commander Cassin sur la Toile et Chevalier chez le libraire. Je fais souvent tout à l'envers, n'étant point à un paradoxe — ou une contradiction ? — près.
Au Lieu Unique — LU, les petits-beurres nantais — Bruno Blanckeman commente, pendant une heure trois-quarts, Faire l'amour de J-P Toussaint. C'est quasi aussi intéressant que la lecture du roman même. Mais je ressens un grand éloignement de ces écrits dits post-modernes.
Comme une "insignifiance" au sens que donne Castoriadis à cette notion.
Pour une meilleure attention à ce texte, il m'eût fallu temporairement remettre Char et Bachelard sur les étagères.
"Renouveler les imageries usées des lieux communs" ?
Ou s'abandonner au vide vain entretenu par le climat ennuyé qui s'étale devant notre impossibilité à maîtriser l'accélération des flux mentaux et émotionnels qui sont exigés de nous ?
Décider d'une halte ?
* Dans le Libé de ce jour, François Bon "humanise" Google en écrivant sur Matt Cutts, "tête chercheuse de Google" et donne l'url du bonhomme. Mais c'est en américain. Dommage.
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Chronique portuaire XLVI
Elles ont désormais accès à la Toile. Je dédie cette quarante-sixième chronique du port de Nantes à Noémie et Célia, mes deux moussaillonnes préférées et à leur maman, avec lesquelles depuis pas mal d'années nous parcourons les mers en chantant la chanson du Forban.
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1724. — LA DEUXIÈME BOURSE DES MARCHANDS.
La première Bourse des marchands ayant été jugée insuffisante, le Bureau de Ville décida de construire un nouvel édifice sur le Port-au-Vin (Place du Commerce). Les travaux furent adjugés à l'architecte Caillaud, pour la somme de 90.000 livres, et la première pierre en fut posée, le 22 mars 1724, par le maire Gérard Mellier (1).
AMÉNAGEMENT DE LA FOSSE.
Un premier arrêt du Conseil d'Etat. en date du 7 mars 1724, puis deux autres des 29 mai et 9 décembre 1725, ordonnèrent l'alignement des maisons de la Fosse, et. en général, l'aménagement des « quays, calles, aqueducs, maisons et magasins » pour la plus grande « utilité du public. de la navigation, du commerce et de la ville de Nantes ». Les travaux de quais sur ie terrain de la Chézine, prescrits par ces arrêts, commencèrent en 1726, et la première pierre du quai, appelé quai du Port d'Estrée, fut posée le 21 août (2).
1729. — LE FORBAN LE "SANS-QUARTIER".
Le 20 mars 1729, un navire ayant toutes les allures d'un pirate ou forban armé de 12 can. et 12 pier., vint mouiller dans la baie du Pouliguen. Son capitaine, Thomas Jean du Lain, vint à terre dans une chaloupe, et se rendit chez sa mère qui habitait lacôte. Il lui avoua que son équipage et lui étaient las de cette vie de vols et de crimes ; et la supplia de se rendre à Nantes pour lui obtenir l'amnistie.
Cette femme s'y rendit en effet, et l'amnistie qu'elle sollicitait pour son fils, lui fut accordée le 23 mars ; le forban le Sans-Quartier fut amené à Nantes et consigné entre les mains des officiers de l'Amirauté avec ses armes et appareaux. Le règlement de ces pirates, débutant par une invocation religieuse « Laus Deo », est conservé (en 1842) à la Bibliothèque Nationale, ainsi qu'un dessin représentant leur pavillon : une tête de mort sur deux tibias en croix de Saint-André, et un homme nu tenant un sabre d'une main et un sablier de l'autre ; le tout en blanc sur fond noir. C'était, d'ailleurs, le pavillon traditionnel des forbans (3).
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(1) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes. t. I, pp. 228-291.
GUIMAR, Annales Nantaises, p. 490.
(2) MEURET, Annales de Nantes, t. II, p. 275.
(3) Le Magasin Pittoresque, Année 1842, pp. 223-4.
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