jeudi, 18 octobre 2007
ajout à la chronique portuaire LXV
Ils ne sont pas tristes, les grands bourgeois nantais : partisans de la République, soit ! Cette République, d'ailleurs, n'est-elle pas, dans son essence une république bourgeoise ? Les paysans insurgés de 1793 ne s'y tromperont point. C'est une autre...histoire.
Les armateurs nantais, quant à eux, sont loin, très loin encore de soutenir la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen d'août 1789.
S'ils avaient pu la faire abroger !
Et cette arrogance pour justifier la Traite. Des infâmes, vous-dis je !
Paul Legrand a quelque mérite, citant de tels propos en 1908.
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Chronique portuaire LXV
Période Révolutionnaire.
1789. — PROTESTATIONS CONTRE LE PROJET DE SUPPRESSION DE LA TRAITE .
Pour répondre aux bruits qui commençaient à circuler, d'une abolition prochaine de la Traite, les Députés de Nantes, Blin et Baco, protestaient énergiquement contre ce qu'ils appelaient « l'anéantissement du commerce nantais ».
« II est indécent, — écrivait Baco, le 23 novembre, — il est odieux d'alarmer ainsi les esprits ; cette conduite mérite le blâme. Il importe à la prospérité de la France que ce commerce se soutienne et s'étende. »
De son côté, Blin écrivait aux officiers municipaux de Nantes :
« J'ai interrogé beaucoup de personnes dans l'Assemblée sur cette motion. Tous l'ont traitée d'extravagante ; je puis donc vous affirmer que personne n'extravague au point de vouloir mettre sur les grands chemins six millions d'âmes que l'abolition de la Traite en France réduiraient au désespoir » (1).
Notons que les cahiers de Doléances et Remontrances du Commerce Nantais portaient au nombre de leurs vœux celui : « Qu'il plaise également à Sa Majesté d'accorder protection pour les navires négriers pendant le temps de leur Traite à la côte « d'Afrique » (2).
1790. — PROTESTATIONS CONTRE LE PROJET DE SUPPRESSION DE LA TRAITE.
Le 18 février 1790, le sieur Cottin, député de Nantes à l'Assemblée Nationale, répondait ainsi à ceux qui osaient lancer contre lui une accusation « aussi atroce » que celle de faire partie de la Société des Amis des Noirs :
« Quant à l'abolition de la Traite des Noirs, ainsi que leur affranchissement dans les colonies, la philosophie a pu faire germer cette opinion dans l'esprit des philanthropes, les principes d'humanité ont pu égarer leur zèle, mais une opinion particulière à une Société qui se fait gloire de la professer sans en avoir calculé toutes les conséquences, ne saurait être manifestée par un homme qui, honoré de votre confiance, la trahirait en renonçant au vœu que la politique réprouve et qui contrarierait si ouvertement vos intérêts, quand elle ne troublerait pas la tranquillité publique ».
De son côté, le frère de ce député, le sieur Cottin des Sources, protestait dans le Journal de la Correspondance de Nantes, contre cette accusation qui, disait-il, ne pouvait émaner que d'un « libelliste mal intentionné » (3).
Le 13 mai de la même année, cent trente membres de la Chambre de Lecture Le Soleil, de Nantes, se désabonnaient en masse du Patriote Français, coupable de défendre les Noirs, et écrivaient à Brissot de Warville, directeur de ce journal :
« Votre obstination, Monsieur, à faire parade d'une morale pernicieuse, vos principes désastreux pour l'abolition de la Traite des Noirs, sans égard aux malheurs qui en seraient les suites inévitables, nous déterminent à voua déclarer l'abandon que nous vous faisons de la somme souscrite par nous pour votre Patriote Français. Changez ce titre, Monsieur l'Ami des Noirs, qui n'êtes l'ami de personne. Vous l'avez profané par une doctrine impolitique et cruelle faite pour plonger des milliers d'hommes, vos frères, dans la misère et le désespoir.
Gardez votre feuille pour vos amis les Africains, mais dispensez-vous de nous l'envoyer désormais » (4),
Enfin, le journal parisien Les Actes des Apôtres, publiait en 1790 une Adresse du Comité de la Ville de Nantes à l'Assemblée Nationale, dont les signataires s'efforçaient de légitimer la Traite, et suppliaient « l’auguste assemblée » de rejeter « l’extravagante motion » de la liberté des Noirs si un organe corrompu osoit la faire entendre ».
Le journal faisait précéder cet article de la note suivante :
« On a beaucoup parlé d'une adresse aristocratique de la Ville de Nantes à l'Assemblée nationale relativement à la Traite des Noirs » (5).
APOGÉE DU COMMERCE DE NANTES AU XVIIIe SIÈCLE.
C'est en 1790 que le commerce de Nantes au XVIIIe siècle atteignit son maximum. On
comptait alors au port de Nantes :
259 navires long-courriers jaugeant ........... 97.000 tx.
271 navires de grand cabotage jaugeant... 42.221 tx.
725 navires de petit cabotage jaugeant .... 70.927 tx.
et 1.303 barques de sel jaugeant..................... 15.000 tx.
soit un nombre total de 2.558 navires jaugeant ensemble 226,047 tonneaux, chiffre considérable pour l'époque (6).
Pendant la Révolution, ce mouvement maritime diminua considérablement ; et seul le petit cabotage se maintint et même s'accrut légèrement. Les long-courriers et les navires employés au grand cabotage furent presque tous armés en course, et les riches prises qu'ils amenèrent à Nantes dédommagèrent largement les armateurs de la cessation presque absolue du commerce.
____________________________________________________________________
(1) L. BRUNSCHWIG, Ephémérides Nantaises du Centenaire de la Révolution.
VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. IV, p. 214.
(2) TREILLE, Le Commerce de Nantes et la Révolution, page 60.
(3) Journal de la Correspondance de Nantes, Année 1790, n° 4, p. 62.
(4) Journal de la Correspondance de Nantes, Année 1790, p, 173.
(5) Les Actes des Apôtres. Version seconde. À Paris, l'an de la République sanctionnée Ier,
n° XXXII, p. 7.
(6) LEBEUF, Du Commerce de Nantes, pp. 214-5-9.
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mercredi, 17 octobre 2007
où l'on reparle de Tréac'h er Béniguet
Quand j'ai découvert, après mes pérégrinations africaines, les espaces marins proches que nous ignorions, parce que, dans les années cinquante, et même plus tard, les familles ouvrières nantaises ne s'aventuraient guère au-delà des plages entre Pénestin et la Bernerie, Tréac'h er Béniguet, cette grève de l'île de Houat, enserrée dans un chaos de récifs, qui n'était accessible qu'après une bonne heure de marche à travers les landiers déserts, battus par le vent, me fut un de ces lieux très "gracquiens" qui vous arriment, des heures durant, dans la méditation océane.
Un soir de tempête hivernale, dans les années quatre-vingt, j'en ramenai cet écrit, comme le final d'un récit amoureux contemporain.
L’an 2020, le printemps finissant, un enfant qui péchait des ormeaux découvrit sur Tréac'h Er Béniguet les cadavres enlacés d'une femme et d'un homme. La peau ridée et les toisons blanchies dénotaient un grand âge. De haute stature, l'homme, à plat dos, cheveux et barbe longues, tenait, blottie dans ses bras, la femme à demi-couchée sur lui.
Le visage reposant sur l'épaule de l'homme gardait une fascinante beauté sous la neige de la chevelure. Les cuisses étaient si fortement nouées que les corps ne purent être séparés.
La mort que l'on crut par immersion avait laissé sur les visages une telle sérénité que les Iliens vinrent longuement contempler ces gisants apportés par la houle.
Un observateur attentif eût remarqué l'infime incision aux poignets gauches du couple.
En dépit des tentatives réitérées pour les séparer - certains soutinrent que la mort les avait saisis dans leur ultime acte d’amour - ventres et cuisses demeurèrent littéralement soudés. Les corps, déposés sur un bûcher de bois flottés, furent brûlés lors de la nuit du solstice d'été et les cendres dispersées sur l'Océan...
En 3040, un barde qui recherchait le passé dans un ermitage de la Grande Terre ouvrit un mince codex épargné par le cataclysme nucléaire qui ravagea le ponant de ces terre dans les dernières années du troisième millénaire.
II y déchiffra lentement le récit de la mort de Muirgen et de Owârn.
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mardi, 16 octobre 2007
arpentant Tréac'h er Béniguet
Centenaire René CHAR
Samedi, à l'extrême ouest de Houat, Tréac'h er Béniguet, la grève qui clôt la chaussée du Béniguet — les prévisions météo donnaient une petite houle de 1 mètre à 1 mètre 50.
La brume du matin s'est déchirée. Si peu de vent, netteté ensoleillée des roches. L'océan s'engouffre entre l'île Cenis et l'île Guric, fracassant les brefs silences entre deux vagues.
Pieds nus, longuement, lentement, j'arpente la grève, à la limite du ressac qui fait du sable si fin, quand la vague se retire, un miroir.
Tu es plaisir, avec chaque vague séparée de ses suivantes. Enfin toutes à la fois chargent. C'est la mer qui se fonde, qui s'invente. Tu es plaisir, corail de spasmes.
La Lettera amorosa,1953
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jeudi, 11 octobre 2007
c'était déjà hier
Relisant — ça m'arrive souvent — la note d'avant-hier, à l'instar des "embrouillardées" de JCB, j'y suis allé d'un "écritoire" au masculin alors que je devrais savoir qu'écritoire est de jolie féminité.
Donc L'Écritoire du gué : du nom donné naguère à l'ébauche de micro-édition pour les petites brochures des ateliers, tout en gardant "grapheus tis" qui signifie bien cet "un quelconque écrivaillon".
Pourquoi "du gué" : parce qu'au bas de la Basse Bouguinière, remonte un étier jadis emprunté par les pêcheurs pour parvenir à leurs viviers et que pour franchir un étier soumis aux marées, il faut un gué !
Plus guère de traces de ce passé marinier, sinon le ruisseau, s'évasant en étang, qui traverse le parc du Champ-Thoury, le calvaire de... la Croix-du-Gué et la rue du Vivier.
Merci aux commentaires, aux courriels et aux liens qui m'encouragent pour une quatrième année.
À lundi soir, retour de mer !
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mercredi, 10 octobre 2007
Chronique portuaire LXIV
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1785. — NANTAIS COMPAGNON DE LA PÉROUSE.
Parmi l'État-major de L’Astrolabe, l'un des deux navires de La Pérouse qui quittaient Brest le 1er août 1785, figurait un Nantais, le lieutenant de vaisseau Augustin de Monti.
Appelé le 24 avril 1785 au commandement de la Dorade, il avait refusé ce poste pour suivre La Pérouse ; ce dernier lui en sut gré, d'ailleurs, en donnant son nom à l'une des baies qu'il découvrit, la baie de Monti, par 60° lat. N. et 145° long. O. .
Après la mort de son capitaine, de l'Angle, de Monti prit le commandement de L’Astrolabe, et disparut avec toute l'expédition, probablement en 1788, à l'âge de 34 ans.
Augustin de Monti était l'arrière-petit-fils d'Yves de Monti, en faveur duquel Louis XIV avait érigé, en 1672, la terre de la Chalonnière et de Rezé en comté. Avant de s’embarquer pour cette fatale expédition, il avait chargé son frère, Joseph, chevalier de Monti de Lormière, d'acheter en son nom le château et la terre noble de la Cholière, paroisse d'Orvault, et cette acquisition fut faite le 12 mai 1787.
Le chevalier Augustin de Monti avait fourni une carrière de dix-huit ans dans la marine de l'Etat. Il avait servi avec éclat sous les ordres de Guichen, de son parent Du Chaffault de Besné, du Comte de la Motte-Piquet ; et, le 24 octobre 1784, avait reçu la croix de Saint-Louis par anticipation, car la décoration ne s'accordait qu'aux lieutenants de vaisseau ayant vingt-deux ans de service, et la pension seulement aux officiers ayant vingt ans d'exercice ou des blessures qui les missent hors d'état de servir (1),
1787. — PROJET DE CANAL DE NANTES À PORNIC.
En 1787, le Marquis de Brie-Serrant, dernier seigneur de Retz, présentait un projet de canal maritime de Nantes à la mer par le lac de Grand-Lieu, et aboutissant à Pornic ; projet qu'il se proposait d'exécuter « à ses risques et périls », et qui, cependant, ne fut pas pris en considération. Vingt ans après, l'Amiral le Ray, alors député, reprit cette idée, et la fit accepter par le Gouvernement, mais l'opposition de la Ville de Nantes en empêcha la réalisation (2).
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(1) Revue historique de l'Ouest, Un Monti compagnon de La Pérouse, par Ch. COURTEAUD.
(2) Lycée Armoricain, 4° volume, 1824, pp. 320 et s.
Ici, s’achève le chapitre IV ,
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
tiré de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908
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mardi, 09 octobre 2007
qu'est-ce qu'un blogueur de trois ans ?
Trois ans de blogue !
Je suis un lecteur, écrivant, écrivassier, écrivailleur, qui vais en mer, j’ai trop de livres sur ma table pour être un écrivain, pour être un marin, je ne suis pas un professionnel, je redoute, sinon honnis ce terme, naguère, j’ai pratiqué un métier, je ne suis pas certain que c’était une profession.
Je suis un amateur.
J’ai griffonné dans des carnets, sur des feuillets, dans des cahiers, j’ai lu sur les écrans, puis j’ai écrit sur ces mêmes écrans avec mes savoir-faire de lecteur et d’écrivailleur, écrivassier, écrivant.
Je suis passé du papier à l’écran. Mais il n’est pas sûr que ce glissement ait changé mes us, je ne fais que maigre utilisation des possibles de l’informatique et/ou du multimédia, je suis encore mentalement dans l’A-quatre et le codex.
Depuis 1991 et mon premier Mac : petites brochures d'ateliers d'écriture, un ou deux bouquins, deux gazettes.
La Toile en 1996, des courriels, un site en 2000, un blogue en 2004.
Des lectrices et lecteurs chaque jour, dont le nombre me satisfait fort ; encore me faudrait-il savoir combien de moteurs s'ajoutent pour une pleine satisfaction. Commentaires rares, mais aussi des relations non "virtuelles" !
Créer un site d'écritures, Une écritoire du gué ?
Tant de livres à lire.
Et sur cette table, à l’opposé du Mac, Char, sa Lettera amorosa et trois catalogues sur les expos le concernant, Jouve, celui de Micha qu’il va bien me falloir présenter dans Poètes, vos papiers ! et celui de Frank Venaille, Annie Ernaux et son Écriture comme un couteau, Kenneth White, Le visage du vent d’est, errances asiatiques et ses Finisterres de l’esprit qui cachent sous de minces pages l’immensité du monde de Segalen, du cinéma, avec les Années Karina de Godard, Orson Welles dans les Cahiers du cinéma/Le Monde, le dvd de Citizen Kane, et même L’aigle des mers avec Errol Flynn, Monsieur Vincent avec Pierre Fresnay, pour donc ne pas citer Michael Curtiz et Maurice Cloche, ces films de mon enfance.
Il y a pour demain soir, au Lieu Unique, Daeninck et Meurtres pour mémoire, formidable polard noir — le 17 octobre 1961 est proche.
Et puis nous sommes sur la Toile, n’est-ce pas, François Bon conseillait L’écrit Web de Joël Ronez, j’y ajoute ce qui me paraît être le prolongement des Salons littéraires sont dans l'Internet de Patrick Rebollar, Un laboratoire de littératures, ouvrage collectif édité par la BPI du Centre Pompidou.
J’ai beau ne plus exercer le métier, je croule sous l’intérêt.
Et jeudi, je m’en vais sur l'océan— encore —ne fut-ce que pour vérifier l’indistinct entre mer et ciel en cette douceur automnale.
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vendredi, 05 octobre 2007
sur une ardoise
Centenaire René Char
Sur une ardoise, posée sur un joli chevalet installé par Nicléane dans le couloir d'entrée, j'ai écrit ce matin et pour la semaine :
J'ai hâte de tenir dans mes mains la joie des tiennes. Quelquefois j'imagine qu'il serait bon de se noyer à la surface d'un étang où nulle barque ne s'aventurerait. Ensuite ressusciter dans le courant d'un vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient.
Guirlande terrestre, 1952
Je n'ai écrit sur l'ardoise que la première phrase qui ne figure plus dans la Lettera amorosa.
Les propositions suivantes me ramènent avec gravité à la mort volontaire et récente de Dorine et André Gorz.
J'entends ce texte comme une réponse anticipée à l'article qu'un agrégé de philosophie, Jean-Jacques Delfour, publiait, hier, dans Libération.
Entre l'agrégé et le poète, je choisis le poète.
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jeudi, 04 octobre 2007
Je continue de m’instruire
Voilà enfin achevée la seconde rénovation de la Basse Bouguinière ; le peintre a enlevé ses échelles et autre échafaudage.
Une année aura été nécessaire, mais ce qui vient d’être fait nous mènera bien encore aux trente ans qui s’annoncent — je ne doute de rien quant à ma longue vieillesse !
la Basse Bouguinière, 30 ans après sa première rénovation
Le jardin a rétréci, mais la “librairie” a un bel escalier et je continue de m’instruire.
Avant-hier, inscription à l’Université Permanente, dans les locaux des anciens Chantiers de la Loire, près des grandes Machines Nantaises - vous avez bien entendu parlé des suites de Royal de Luxe, de l’Éléphant, des Anneaux de Buren, d’Estuaire 2007 et du Hangar à bananes, d'où de trop beaux jeunes gens, hélas, partent, ivres, se noyer en Loire.
Naguère — enfin, jadis — pour moi, il y avait “le” Pont-Transbordeur, et là où le père construisait des bateaux, le fils vient y faire du Grec.*
Je me suis promis une meilleure assiduité. Enfin ! l'an écoulé, j’avais quelques excuses : un trou béant en place du vieil escalier, des bâches plastiques sur les rayons de livres, l’inaccessibilité au “ Bailly” et le petit “Mac”, sa LiveBox et son imprimante descendus dans la salle de séjour.
Donc, du Grec et un soupçon — six séances — d’approche architecturale autour du Palais de Justice, le nouveau, celui de Jean Nouvel et du Passage Pommeraye, l'ancien, de Jean-Baptiste Buron et Hippolyte Durand-Gasselin : le XIXe et le presque XXIe siècle confrontés !
Et puis, pour persévérer dans les lieux branchés — parfois le petit Nantais du marché Talensac se demande ce qu’il vient y foutre — l’Université Pop’ (sic) du Lieu Unique (l’ancienne biscuiterie LU) et ses cours de littérature contemporaine gérés par Bruno Blanckeman de l’Université de Haute-Bretagne, un homme à la belle gestuelle un tantinet ecclésiastique, à la diction fort précieuse, aux “hein !” subtilement glottés, qui renvoie dos à dos Tzvetan Todorov qui déplore la disparition de la littérature, et les tenants de la Littérature-Monde — Le Bris, Rouaud et les Antillais qui “claironnent la vitalité retrouvée” de cette même littérature, Blanckeman, lui, se contentant d’habiller de mots neufs — littérature consentante/littérature résistante — le vieux, très vieux, conflit entre bonne et mauvaise littérature, tout en faisant glousser les belles vieilles rombières du Lieu Unique, — j’en suis un des vieux fourbes —, sur "Alexandre Nothomb et Amélie Jardin, sur Max Réza et Yasmina Gallo" (à moins que ce ne soit Alexandre Réza, Amélie Gallo, Max Nothomb et Yasmina Jardin, je ne sais plus ! À votre guise !) et les retours "polnarefiens"de littérateurs "qui montrent leur vécu à tous les passants" (sic).
Bref ! Un beau menu avec Didier Daeninck, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Jacques Jouet, Linda Lê, Olivier Rolin, Assia Djebar, Pierre Guyotat et quelques autres... un bref passage de Pascal Quignard qui s’était abstenu, l’an dernier et... un “arrêt sur ouvrage” d’un certain Mark Z. Danielewski traduit par un non moins incertain Claro...
De quoi satisfaire mes plaisirs de lutte contre l’érosion de la langue, de déconstruction et reconstruction des formes, de confrontation à l’obscur, “le tâtonnement expressif” de mon “éveilleur d’échos” de la semaine dernière, Michel Chaillou, homme toujours en avant, “pas encore mort, pas encore très âgé et pas trop souffrant”, dirait le professeur Blanckeman.
Assia Djebar et Pierre Guyotat, qui viendront nous rendre visite, m’auraient largement comblé et le professeur ci-dessus cité est, au-delà de son brillant, un homme de littérature fort perspicace !
Suffirait que notre bon professeur de Grec ancien, plus qu’excellent helléniste, veuille mettre un peu plus d’andragogie (pédagogie des adultes, vue du Québec)) dans sa méthode pour que je puisse me dire :
« Décidément, je m’offre une belle année. »
* Affirmation dite et redite...
06:00 Publié dans Les antiques, les autres... arts, les lectures, quelquefois Quignard | Lien permanent | Commentaires (2)
Chronique portuaire LXIII
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1781. — JEAN-PIERRE COTTE.
Jean-Pierre Cotte, de Nantes, âgé de 32 ans, premier lieutenant de l'Arlequin, sorti de la Loire le 13 juillet 1781, se trouvait avec ce navire sur la côte du Sénégal, lorsque la flûte du Roi, l’Officieuse, poursuivie par un corsaire anglais, vint s'échouer sur des brisants.
Sans songer le moins du monde au danger, Jean-Pierre Cotte se jeta dans une embarcation avec six chaloupiers, et, malgré les vagues et les récifs, parvint à sauver tout l'équipage en deux voyages. Au dernier moment, il apprit que deux barils d'argent pour le compte du gouvernement se trouvaient à bord de la flûte. Il y retourna aussitôt avec quatre nègres, et les ramena, échappant par miracle une troisième fois aux terribles remous tourbillonnant entre les récifs à fleur d'eau où s'était échoué le navire.
En revenant à Nantes, l'Arlequin fut pris par les Anglais le 11 février 1782 et son équipage envoyé aux pontons. Rendu plus tard à la liberté, Jean-Pierre Cotte fut exempté par le Roi de deux campagnes pour le grade de capitaine, et reçut une gratification de 200 francs pour sa belle conduite (1).
LE " LIBER-NAVIGATOR ".
Le comte de Kerguelen, depuis amiral, après avoir obtenu du cabinet anglais les promesses de neutralité et les passeports nécessaires, sortait de Nantes, le 16 juillet 1781, sur le Liber-Navigator, pour une campagne toute pacifique d'explorations dans les mers du Sud. En dépit de la parole donnée, les Anglais amarinaient son navire dès le lendemain ; réponse bien anglaise, d'ailleurs, à la courtoisie du gouvernement français, enjoignant le 27 février 1779 aux corsaires nantais de s'abstenir de tout acte d'hostilité contre l'expédition Cook, dont on attendait le retour, et de lui prêter aide et assistance, comme s'il appartenait à une nation alliée et amie (2).*
1784. — MARIAGE DE LA PÉROUSE AVEC UNE NANTAISE.
Le 17 juin 1784, Jean-François de Galaup, Comte de La Pérouse, épousait à Paris une Nantaise, Louise-Eléonore Broudou.
Née à Nantes, le 15 mai 1775 et baptisée en l'église Sainte-Croix, — le parrain était noble homme Louis Cambronne, aïeul du héros de Waterloo, — Eléonore Broudou suivit, en 1769, sa famille à l'Ile-de-France, où l'illustre marin se laissa charmer par ses qualités et sa beauté. La famille de La Pérouse qui rêvait pour lui une alliance plus brillante, se refusa longtemps à accéder à ses désirs, mais son obstination triompha de l'ambition des siens, et le célèbre navigateur put enfin, en 1784, placer dans sa rude main celle de la jolie Nantaise qu'il aimait (3).
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(1) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. V, pp. 310-311.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Les Corsaires Nantais, pp. 7-8.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Madame de La Pérouse.
*Note du copiste : En 1908, l'anglophobie est toujours de rigueur ; il est vrai que jusqu'à Charles de Gaulle...
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lundi, 01 octobre 2007
la dernière lettre
Centenaire René CHAR
RENÉ CHAR À ALBERT CAMUS
Lundi [décembre 1959]
Mon cher Albert
J'étais dans une espèce de piège ces trois jours. Assailli de l'extérieur sans moyens de m'échapper. Mais surtout d'une laideur physique peu tolérable à cause d'un retour de ces névralgies dans le corps. J'aimerais bien passer au moins une journée avec vous avant votre départ de Lourmarin. Quel jour voulez-vous ? Jeudi, vendredi, samedi ou dimanche ? Le téléphone est le n° 16 à L'Isle (Hôtel Saint-Martin).
Un coup de fil de votre part me rendrait heureux, de préférence le matin, pour décider.
Ne vous inquiétez pas. Je me ferais transporter en auto à Lourmarin dans la matinée du jour fixé.
Embrassez Catherine et Jean pour moi.
Affection à Francine
De tout cœur à vous toujours
René Char
Ils passeront la journée du 1er janvier 1960, ensemble*. Quand ils se quittent, Camus dit : « René, quoiqu'il arrive, faites que notre livre existe ! » Il parle de Postérité du soleil, livre à deux mains sur des photographies d'Henriette Grindat. Édité quasi confidentiellement d'abord en 1965, puis tiré à 4 000 exemplaires en 1986 (?), introuvable aujourd'hui, non encore cité dans les bibliographies de Camus.
J'aurais bien aimé le feuilleter !
* Sources :
• Albert CAMUS-René CHAR, Correspondance, 1946-1959, Gallimard, 2007.
• Olivier TODD, Albert CAMUS, une vie, Gallimard, Biographies, 1996.
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dimanche, 30 septembre 2007
"être rugby"
Ce ne fut peut-être point une orgie, mais il y eut beaucoup d'enthousiasme, à un point tel que les Nantais en oublièrent leur "celtité" pour soutenir ces diables de Fidjiens, pourtant bien enrobés, mais agiles et véloces.
Les premières minutes laissaient augurer une domination galloise qui se dispersera dans trop de fautes.
Le rugby, alors, se mit à danser.
Au milieu de la seconde mi-temps, le coup de poignard d'une interception qui mena le joueur gallois à l'essai ne mit point les Fidjiens à genoux. Les chœurs gallois ne se réveillèrent que quelques minutes.
Les Polynésiens ont enchanté la Beaujoire et j'ai passé un excellent après-midi dans la foule.
Ce qui m'est exceptionnel.
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vendredi, 28 septembre 2007
"un arrangeur d'échos"
Hier, rencontre avec Michel Chaillou, à la Tour Bretagne, — je crois qu’il devait être l’invité de l’Académie de Bretagne — il vient d’avoir le grand prix de littérature de l’Académie Française ; grand bien lui fasse pour la vente de ses bouquins, pour moi ça n’ajoute vraiment rien à la densité de son œuvre et de sa langue.
Nous avons en commun d’être Nantais, d’avoir subi les bombardements de septembre 1943, d’avoir “fait” la guerre d’Algérie ; nous avons passé un long après-midi de mai 2001 au Salon du Livre de Montaigu, placés à la périphérie, déserte, du lieu, quand sévissaient en son centre, envahi par la foule, des auteur(e)s déjà oublié(e)s.
Je venais proposer À Grand’Lieu un village de pêcheurs, il avait, sur sa table, ses bouquins publiés et non encore épuisés, je lui ai dit mon bonheur du Sentiment géographique et de son Petit guide pédestre de la littérature française au XVIIe siècle, nous avons parlé de littérature, de Nantes, de Montaigne, je lui ai pris Domestique chez Montaigne à la lecture duquel j’éprouve un plaisir d’égarement identique à celui du Sentiment géographique.
L’égarement n’y est point dû aux volutes de la syntaxe, mais à l’entrelacement des siècles à l’entour du château de notre philosophe bien-aimé.
« La lecture est un tâtonnement expressif, on peut donc lire de l’obscur. » énonce Chaillou et je le suis fort bien en ce chemin. Il faut se laisser aller bien aux “entre’bâillements” et ne point craindre l’endormissement
Je l’ai retrouvé hier, plus émacié et tout autant passionné, modeste et incisif, l’entretien a porté sur son dernier ouvrage L’écoute intérieure.
J’apprécie son projet d’écritures : dix-sept ouvrages encore, il a les dix-sept titres et les dix-sept premières phrases de chaque ouvrage. Dont il n’a rien dévoilé, par crainte de désamorcer ses imaginaires.
Je lui ai demandé si,dans les dix-sept, il n’y avait pas un second Petit traité pédestre de littérature pour goûter au plaisir d’une nouvelle mise en appétit, à propos d'auteurs ignorés.
il a “botté en touche” avec un grand sourire et a reparlé de son enfance chantenaysienne.
Ah ! Si ! Nous avons aussi en commun de nous interroger sur la manière d’aborder “notre” guerre d’Algérie. Plus de cinq cents livres publiés à ce jour, mais aucun des livres lus qui rende compte de notre expérience propre.
«L’Histoire a laissé le passé en jachère ! » dit encore Michel Chaillou.
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jeudi, 27 septembre 2007
ne pas oublier Louis Poirier
Avant-hier, j'ai failli oublier la passion enfantine de Julien Gracq pour le rugby, passion solitaire qui s'exerça dans la lecture du Miroir des sports et dans ses resquilles, le long des palissades du stade de l'île Gloriette, où le SNUC — maillot blanc à ceinture verte, blanche et rouge — affrontait le Vélo-Sport Nantais ou le Racing-Club de Trignac.
...le rugby n'intéressait apparemment que moi. C'étaient là des orgies d'enthousiasme solitaires qui, dans mon isolement sur mon échelle, ne pouvaient ni se décharger parmi les cris d'une foule unanime, ni trouver ensuite écho et se diluer dans les émois d'un milieu sympathisant, des séquences dépareillées, fulgurantes, que je reprojetais longtemps avant de m'endormir, ainsi que les chutes d'un film, sur la nuit du dortoir. Elles font encore pour moi seul, d'un coin anonyme et aujourd'hui rebâti de cette île Gloriette, si faubourienne et si grise, un coin des ruines d'Olympie.
LA FORME D'UNE VILLE, pp.167-168.
J'ai fréquenté l'île Gloriette ... et le stade Malakoff, désormais "Marcel-Saupin", récemment remodelé (!) ; c'était pour la passion du football, le FC Nantes était encore encore en 2e Division. Mon père qui avait joué à la Mellinet, le "grand patro" nantais, m'y entraînait le dimanche après-midi. Il ne m'a emmené que de rares fois au stade de Malville, près du Parc de Procé, où le SNUC avait émigré dans l'après-guerre. Ma mère et lui me racontaient de sanglantes histoires de langues avalées dans les farouches mêlées qui me fascinaient tant et que je n'ai expérimentées — les mélées, pas les langues — que dans les "mauls" de soule que le moniteur d'éducation physique du collège nous proposera plus tard.
Bref, nous n'étions pas "rugby" dans la famille et de ce manque j'en gardai quelque nostalgie.
D'où mon bonheur de me laisser aller, samedi après-midi, à "des orgies d'enthousiasme" pour Fidji-Galles !
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Chronique portuaire LXII
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1780.— LE COMMODORE PAUL JONES À NANTES.
En juin 1780, Nantes recevait au milieu d'un enthousiasme indescriptible le fameux commodore PanI Jones, le « père de la marine américaine » et celui qui inspira le « Pilote » de Cooper, et « Paul Jones le Corsaire » d'Alexandre Dumas.
Un journal du temps rapporte ainsi l'accueil fait par les Nantais au brave marin ; « On m'écrit de Nantes que Paul Jones a passé huit jours dans cette ville, où l'accueil si flatteur de notre capitale envers lui s'est renouvelé dès qu'il a paru. Le public, toujours engoué du romanesque, se portait en foule sur ses pas, et l'affluence a été si grande, lorsqu'il s'est montré au spectacle, que la moitié des curieux fut contrainte de rester à la porte, tant la salle était remplie. Il n'a pas été moins fêté à la Loge des Maçons, qui, à son occasion, a donné le banquet le plus magnifique, précédé d'un discours, où l'orateur l'a assez ingénieusement comparé à une coquette qui donne des fers à tous ceux qui osent l'attaquer, tandis qu'elle sait se garantir elle-même de la captivité. Les Dames de la Ville lui ont également témoigné combien sa valeur guerrière méritait auprès d'elles.
Mlle de Menou, fille du Comte de ce nom, Lieutenant du Roi, lui ayant demandé s'il n'avait jamais été blessé, il répondit : « Jamais sur mer, Mademoiselle, mais j'ai été atteint sur terre par des flèches qui n'étaient point décochées par des Anglais. »
Cette réponse galante enchanta tellement cette jeune personne, qu'elle lui valut une cocarde de sa part. Le Commodore l'accepta en lui promettant, foi de Chevalier, qu'il s'en parerait tous les jours de combat » (1).
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(1) BARON G. DE WISMES, Le commodore Paul Jones. Sa réception à Nantes en 1780, pp. 10-11,
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