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jeudi, 20 décembre 2007

Chronique portuaire de Nantes LXXIII

Période Révolutionnaire


1794.— LA VEUVE DE DU COUÉDIC.
La veuve de l'héroïque commandant de la Surveillante s'était retirée à Nantes après la mort de son époux ; et une pension de cent-vingt livres reposant sur les octrois lui avait été accordée. Lors de la suppression des octrois en 1791 elle fut réduite à redemander au Conseil de lui maintenir cette pension sans laquelle elle n'avait plus de quoi vivre. Dans sa séance du 16 janvier, le Conseil lui vota six mois, soit soixante livres, sans décider pour l'avenir (1).
En 1794, une bande avinée de membres de la Compagnie Marat envahit sa demeure en la traitant d'aristocrate et de mauvaise patriote. La noble femme, sans s'émouvoir de leurs menaces, leur montra le tableau de la Surveillante luttant contre le Québec, que lui avait donné le Roi, et leur dit simplement : «Je suis la veuve du commandant de la Surveillante qui combattit et mourut pour sa patrie ».
Les terroristes honteux et subjugués par son calme se retirèrent en s'excusant (2).

1795. — LE CAPITAINE LEBESQUE.

Au combat de Groix, le 23 juin 1795, entre la flotte de l'amiral Villaret-Joyeuse, composée seulement de douze vaisseaux, et une escadre anglaise de dix-sept vaisseaux, le capitaine nantais Lebesque se distingua par son courage, et, bien que grièvement blessé, refusa de quitter son poste de combat.
Un autre Nantais, d'adoption du moins, le capitaine Moncousu, se fit également remarquer par sa bravoure à cette affaire (3),

1796. — CORSAIRES NANTAIS EN 1796.

Le 9 avril 1796, le brick corsaire la Vengeance, de 220 tx. et 15 can., commandé par « le citoyen Leveilley, lieutenant de vaisseau, capitaine de la rivière de Nantes » entrait en Loire après une campagne de quelques mois, au cours de laquelle il avait amariné quatorze prises. II en repartait le 4 juin, et dans une croisière d'environ un an, s'emparait de treize navires ennemis. Déjà, au début de l'année, il avait amariné vingt prises anglaises en trente-deux jours ; ce qui lui faisait le joli total de quarante-sept captures en dix-huit mois (4).

Un autre corsaire nantais, la Musette, armateur Félix Cossin, cap. Desbrosses, sorti de la Loire en octobre 1796, amarinait peu de jours après le brick charbonnier de 250 tx., l'OCÉAN, puis le JEUNE-JACKSON et la CRÉMONE à quelques jours d'intervalle. Il se laissait ensuite porter sur le trois-mâts de 16 caronades, la BETZY, l'abordait vergue à vergue après une canonnade intense, et les Nantais, sautant sur le pont du trois-mâts, assaillaient son équipage à l'arme blanche et s'en emparaient.

En décembre de la même année, la Musette amarinait deux Anglais ; I'INDUSTRIEUSE et un brick de 200 tx., qui furent vendus 150.000 francs ; elle fut à son tour capturée par une frégate anglaise, et son équipage, Desbrosses en tête, enfermé dans un ponton (5).
Indépendamment de la Musette, l'un de nos plus célèbres corsaires, Félix Cossin armait également en Course : l'Oiseau, cap. Lebreton ; la Constance, cap. Basile Leray ; le Volage, cap. Desagenaux ; la Julie, cap. Gautreau ; le Papillon, toute une flotte d'intrépides corsaires qui causèrent un mal énorme aux Anglais, en même temps qu'ils protégeaient efficacement nos côtes et notre commerce.


LANCEMENT DE LA FRÉGATE LA "LOIRE".

La frégate la Loire, offerte à la République par les habitants de Nantes, au moyen d'une souscription ouverte le 12 avril 1794, à la Société Républicaine, fut mise à l'eau le 23 mars 1796, le jour même de la prise de Charette. On lit en effet dans la Feuille Nantaise de ce jour : « Ce soir, à la pleine mer, sera lancée à l'eau là superbe frégate la Loire, de 36 canons en batterie, donnée à la République par les citoyens de Nantes » (6).
La Loire fut d'abord placée sous le commandement du capitaine nantais Desagenaux, puis en dernier lieu du capitaine Ségond.
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(1) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. V, p.223.
(2) Revue du Bas-Poitou, Année 1907, p. 191.
(3) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. VII, p. 94.
(4) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 302-7.
(5) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République ef l'Empire, t. II, pp. 428-9
(6) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJERO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 258.
Feuille Maritime Nantaise, n° du 3 germinal, an IV

dimanche, 16 décembre 2007

« Bien égaux » ? Non ! deux biographies

Centenaire René CHAR
(ça va bientôt s'achever !)


J'ai sur ma table depuis jeudi soir la seconde biographie de René CHAR, par Danièle Leclair. La semaine précédente, intrigantes dans le Nouvel Obs, quelques lignes de France Huser : « Enfin la biographie que méritait Char ! Elle retrouve la vérité, même la plus diffcile à dire. »
En 2004, Greilsamer, le premier biographe n’avait point un total satisfecit ; le livre était très journalistiquement rédigé, des dialogues recréés comme de faux décors. J’y notai, alors, la “présence” de madame Char : quand on lit Char depuis cinquante ans et qu’on sait les points de vue passés du poète sur la conjugalité, on esquisse un sourire — enfin, j’esquissais un sourire. Bref ! La suite de la vie éditoriale de l'œuvre verra souvent apparaître le nom de Marie-Claude Char, accompagné assez souvent de celui de Paul Veyne, l’homme, latiniste distingué, auteur d’un René Char en ses poèmes, qui ne peut accompagner que maigrement le lecteur.

La nouvelle biographie semble remettre quelques pendules à l’heure ; elle convoque des témoins, des proches. J’ai commencé de lire par larges tranches : ça éclaire "à distance"et je n’ai point trop le sentiment de regarder par le trou de la serrure.
Il y a, par exemple, entre la page 266 et la page 295, un parallèle Camus/Char, À UNE SÉRÉNITÉ CRISPÉE/L'HOMME RÉVOLTÉ, d'une grande force ; le chapitre VII, une fin de vie très sombre, peut atterrer, même le lecteur de Jean Pénard — voir Rencontres avec René Char, chez Corti.
Quand je place les deux livres l’un près de l’autre, trivialement, “il n’ y a pas photo” pour les premières de couverture. Il suffirait de lire titre et sous-titre pour estimer le registre et de l’une et de l’autre. L'austérité de mes goûts m'incline pour l'autre.

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J’ignorais jusqu’à ce jour les éditions Aden ; peut-être que le nom de Robert Bréchon comme directeur de collection (Collection "le Cercle des poètes disparus") m’assure d’une certaine crédibilité ; il est l’auteur d’un Henri Michaux dans Pour une Bibliothèque idéale de Gallimard (1959). Diable d’homme ! quel âge a-t-il ?

Avouerai-je, quand même, que je suis très heureux d'avoir été un lecteur "nu" de René Char, de René-Guy Cadou, d'Henri Michaux, avant que ne paraissent des années plus tard après mes découvertes de jeune lecteur des biographies, qui, certes, peuvent mener sur des chemins d'accès mais tant encombrer l'intangible relation des expériences qui se confrontent silencieusement entre écriture et lecture.

Entre légende et mythologie ? À propos de Bob Dylan, François Bon prononçait ces mots, hier sur France Cul, dans Projection privée.
L'autobiographie dévoile et éclaire, mais cache et crypte, elle exalte et démystifie, elle est hagiographie et appareil critique, elle contemple l'étendue des hauteurs mais, accroupie derrière la porte, elle guette par le trou de la serrure.
Fassent les divinités tutélaires de la Littérature qui n'existent pas, qu'elle ne trouble point la nue modestie du lecteur !
Et ce qui vient d'être écrit sur les ouvrages de monsieur Laurent Greisalmer et madame Danièle Leclair ne sont que le ressenti "d'un lecteur en son jardin"... gelé !
D'un "grapheus tis" qui souhaitait écrire, ce soir, sur le poème Biens égaux et sur l'angle fusant d'une rencontre, d'où est partie cette aventureuse lecture d'un poète, qui ne fut et n'est pas seulement une simple lecture, mais une vie d'homme tout aussi simplement.

jeudi, 13 décembre 2007

Chronique portuaire LXXII


Période Révolutionnaire


1794.— LANCEMENT DE LA "JACOBINE".
La Feuille Maritime de Nantes, du 9 germinal an II, insérait l'avis suivant ; « Demain Décadi, on doit lancer à l'eau, à la Basse-Indre, la corvette de la République, la Jacobine ».
La Société Populaire de Nantes, sur la motion du citoyen Prieur, avait décidé qu'elle se rendrait en masse au lancement, accompagnée de tous les citoyens et citoyennes qui voudraient assister à ce patriotique spectacle ; et de fait, une foule considérable se rendit à Basse-Indre pour la mise à l'eau de la corvette (1).
Nantes, comme tout le reste de la France, était alors en proie à la famine ; les discordes civiles ayant causé la ruine de l'agriculture et du commerce.

ENTHOUSIASME PROVOQUÉ PAR L'ANNONCE DE L'ARRIVÉE D'UN CONVOI.

Aussi, la nouvelle connue le 11 juin, qu'un convoi de blé venant de l'Amérique du Sud était entré à Brest, causa-t-elle dans la ville un enthousiasme indescriptible ; on « s'embrassait dans les rues ». L'escadre de l'amiral Villaret-Joyeuse, envoyée au devant de ce convoi avait dû livrer un terrible combat à la flotte anglaise qui se disposait à l'enlever. Sur les cent-seize bâtiments de transport et huit prises dont il était composé, trente-trois transports et deux prises étaient destinés à Nantes (2).


MORT DE L'AMIRAL DU CHAFFAULT.

Lors de la reprise de Montaigu par les Républicains en 1793, le vieil amiral Du Chaffault, qui y vivait retiré, avait été arrêté et conduit à Nantes sous l'inculpation d'avoir organisé la défense.
Par respect pour son grand âge et ses blessures glorieuses, il avait été envoyé à Lusançay, dont le régime, si on le comparait à celui des affreuses geôles révolutionnaires, était plutôt celui d'une maison de santé que d'une prison.
Le vieillard fut incapable cependant de supporter les privations de sa captivité. En vain demanda-t-il son élargissement ; en vain écrivit-il au Représentant du Peuple : « J'ai servi ma patrie pendant soixante-quinze ans avec quelque distinction »; sa lettre touchante ne reçut que cette froide et banale réponse : « Vu les mesures qu'ont nécessité contre eux les gens de cette classe, il n'est pas possible ».
Le vieil amiral nantais mourut le 29 juin 1794 à l'âge de quatre-vingt-sept ans ; il était Lieutenant-général des armées navales, Commandeur de Saint-Louis, et avait publié un ouvrage technique très apprécié intitulé : Signaux de jour, de .nuit et de brume pour l'escadre du Roi, par M. Du Chaffault, Chef d'escadre des armées navales.

Du Chaffault avait la réputation d'être l'un des plus habiles manœuvriers de notre histoire maritime, et son portrait, qui orne la grande salle du Borda, est encore montré aux jeunes élèves de notre marine, comme étant peut-être celui de l'homme qui sut le mieux faire évoluer, et penser pour ainsi dire, ce merveilleux assemblage de bois et de fer qu'est un vaisseau (3).
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(1) Feuille Maritime de Nantes, n° du 9 germinal, an II.
(2) L. BRUNSCHWIG, Éphémérides nantaises du Centenaire de la Révolution.
(3) S.DELANICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Comte du Chaffault, pp. 65-66.
Revue du. Bas-Poitou, Année 1906, pp. 120-1.
Annales de la Société académique, Année 1861, pp. 221-252

mardi, 11 décembre 2007

« soleils jumeaux »

Centenaire René CHAR


aux amis présents pour la lecture de la Lettera amorosa

L'année du centenaire s'achève. S'espaceront les chroniques, mais ne faiblira point la lecture entreprise, il y a plus de cinquante ans. Une des dernières évocations de la soirée de vendredi dernier aborda l'amitié si forte qui lia Char et Camus. Et la communauté constante de leur pensée.

J'ai retrouvé dans mon dossier "Char" une coupure de presse de juillet 1990, signée A.V. sans doute, André Velter ; l'article, intitulé SOLEILS JUMEAUX, Char-Camus : deux hommes révoltés citait un extrait de la préface de Camus à l'édition allemande des Poésies de Char :

Certaines œuvres méritent qu’on saisisse tous les prétextes pour témoigner même sans nuances, de la gratitude qu’on leur doit...
Dans l’étrange et rigoureuse poésie que Char nous offre, notre nuit elle-même resplendit, nous réapprenons à marcher. ce poète de tous les temps parle exactement pour le nôtre. Il est au cœur de la mêlée, il donne ses formules à notre malheur comme à notre renaissance : « Si nous habitons un éclair, il est le cœur de l’éternel.» La poésie de Char habite justement l’éclair, et non seulement au sens figuré. L’homme et l’artiste qui marchent du même pas, se sont trempés hier dans la lutte contre le totalitarisme hitlérien, aujourd’hui dans la dénonciations des nihilismes contraires et complices qui déchirent notre monde. Du combat commun, Char a accepté le sacrifice, non la jouissance. « Être du bond, ne pas être du festin, son épilogue. » Poète de la révolte et de la liberté, il n’a jamais accepté la complaisance, ni confondu selon son expression, la révolte avec l’humeur. On ne dira jamais assez, et tous les hommes tous les jours nous le confirment, qu’il est deux sortes de révolte dont l’une cache d’abord une aspiration à la servitude, mais dont l’autre revendique désespérément un ordre libre où, selon le mot magnifique de Char, le pain sera guéri. Char sait justement que guérir le pain revient à lui donner sa place, au-dessus de toutes les doctrines, et son goût d’amitié. Ce révolté échappe ainsi au sort de tant de beaux insurgés qui finissent en policiers ou en complices. Il s’élèvera toujours contre ceux qu’il appelle les affûteurs de guillotine. Il ne veut pas du pain des prisons, et juqu’à la fin le pain chez lui aura meilleur goût pour le vagabond que pour le procureur.


Albert Camus, 1959.

lundi, 10 décembre 2007

en merci

Centenaire René CHAR


En merci à celles et ceux qui, amicaux et rares, ont répondu à l’invitation de la soirée-lecture de la Lettera amorosa,
un des textes de René CHAR, que je n'ai pas lu, qui me paraît bien résumer nos échanges de l’autre soir :
les thématiques fondamentales
celle de la nature — la “phusis” au sens grec — dans l’approche de la campagne — l'accoudoir de solitude —, du jardin, des végétaux — attentif aux sèves —, de l’intervention humaine — la main infirme de hommes, — jusqu’en sa dimension esthétique — baisant des yeux formes et couleurs

celle de l’amour en tout ses états, dans l’incomplétude et la fusion — hymne raboteux —, l’absence et le retour — chétive volte-face
.

BIENS ÉGAUX


Je suis épris de ce morceau tendre de campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mât duquel un visage perdu, par instant s'éclaire et me regagne. De si loin que je me souvienne, je me distingue penché sur les végétaux du jardin désordonné de mon père, attentif aux sèves, baisant des yeux formes et couleurs que le vent semi-nocturne irriguait mieux que la main infirme des hommes. Prestige d'un retour qu'aucune fortune n'offusque. Tribunaux de midi, je veille. Moi qui jouis du privilège de sentir tout ensemble accablement et confiance, défection et courage, je n'ai retenu personne sinon l'angle fusant d'une rencontre.

Sur une route de lavande et de vin, nous avons marché côte à côte dans un cadre enfantin de poussière à gosier de ronces, l'un se sachant aimé de l'autre. Ce n'est pas un homme à tête de fable que plus tard tu baisais derrière les brumes de ton lit constant. Te voici nue et entre toutes la meilleure seulement aujourd'hui où tu franchis la sortie d'un hymne raboteux. L'espace pour toujours est-il cet absolu et scintillant congé, chétive volte-face? Mais prédisant cela j'affirme que tu vis; le sillon s'éclaire entre ton bien et mon mal. La chaleur reviendra avec le silence comme je te soulèverai. Inanimée.

Le poème pulvérisé,
Fureur et mystère.


Une lecture à voix haute, simple lecture de lecteur, à hauteur des mots, suffit parfois pour donner l’essor aux poèmes et l’écoute attentive est un miroir qui lance de minces éclats de lumière dans l’obscur des aphorismes et chez celles et ceux qui écoutent et chez celui qui lit.
Sans négliger les jaillissements des images qui agrandissent le sens de notre langue quotidienne.
Sans oublier la pensée “politique” quand Char rejoint son ami Camus dans la tension entre liberté et justice.
Nous aurions pu achever la soirée sur la parole d’Héraclite l’Éphésien :
Le Maître dont l’oracle est à Delphes ne dévoile, ni ne cèle, il donne signes.

jeudi, 06 décembre 2007

Chronique portuaire LXXI

Période Révolutionnaire


1794. — CORSAIRES NANTAIS EN 1794.

Le 22 janvier 1794, le corsaire nantais les Deux-Frères, armé de 22 can. et monté de 100 h. d'équipage, sous le commandement du cap. Quirouard, venu de Baltimore en 36 jours, entrait en Loire. Pendant sa croisière, il avait amariné le DOLPHIN, gros brick hollandais, cap. Kenutet, qu'il avait fait conduire à Baltimore, où il avait été estimé 6 à 700.000 livres (1).
Le 7 avril, s'ancraient à Paimboeuf deux prises anglaises faites par les corsaires nantais ; l'une : « un charmant navire de 220 tx., 6 can. et 14 h. » avait été amariné par la Tribune ; l'autre, « un joli petit corsaire de 14 can. », avait été enlevé par la frégate « ci-devant anglaise » la Tamise (2).

En mai, montait à Nantes la prise l'ANNA, trois-mâts négrier de Liverpool, armé de 16 can,, amariné par la corvette la Difficile, cap. Bertrand, et le Fabius, cap, Lecourt ; l'ANNA fut estimé 300.000 livres (3).
Enfin, le 19 juin, le cutter le Courrier ramenait le VRY-FRIES, Hollandais de 300 tx. ; et la Musette envoyait le Portugais la SEGNORA, de 400 tx. Quelques jours après, la Musette expédiait également à Nantes, le JAMES, Danois de 22 tx. (4).
La Musette était commandée par le brave marin nantais Joseph-Augustin Desagenaux, l'un des meilleurs capitaines Corsaires de notre port, et qui obtint le grade de capitaine de frégate dans la marine de l'État (5).

La même année, le capitaine Marie Laine enlevait un navire de guerre anglais à l'abordage avec les embarcations de la frégate l'Embuscade (6).

DONS PATRIOTIQUES DE NAVIRES.

Un reçu du Chef principal des Bureaux de la Marine, Even, constate en date du 21 février 1794, que les citoyens Louis Drouin et C°, armateurs, firent don à la République de leurs deux navires, la Sophie et la Confiance, estimés 139.093 livres (7).
Deux mois après, un autre navire était offert à l'État par souscription publique des habitants de Nantes. Le 12 avril, en effet, un Sans-Culotte prenait la parole à la Société Républicaine de Nantes et proposait la motion suivante : « Frères et amis, les bons Sans-Culottes sont toujours prêts à faire des sacrifices pour les succès des armes de la République. Je demande qu'une frégate soit « offerte par les Nantais à la République ».
Une citoyenne, au nom de toutes les assistantes, déclara alors que « les citoyennes des tribunes demandaient à prendre part à cette souscription publique », et la motion fut acceptée avec enthousiasme. Nous verrons cette superbe frégate, lancée en 1796 sous le nom de la Loire, terminer en 1798, sa courte mais glorieuse carrière.(7)
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(1) Feuille Maritime de Nantes, n° du 9 pluviôse, an II.
(2) Feuille Maritime de Nantes, n° du 19 germinal, an II.
(3) Feuille Maritime de Nantes, n° du 4 prairial, an II.
(4) Feuille Maritime de Nantes, n° du 6 messidor, an II.
(5) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 340.
(6) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. I,p.270.
(7) Feuille Maritime de Nantes, n° du 19 germinal, an II.
(8) Feuille Maritime de Nantes, n° des 24 et 29 germinal, an II

mercredi, 05 décembre 2007

Être le premier venu

Centenaire René CHAR


« La lecture de la Lettera amorosa, précédée et suivie de quelques autres poèmes », voici ce que j'annonce pour vendredi soir.
Oh ! j'ai bien quelques idées pour les textes qui précéderont : A***, La compagnie de l'écolière, Bora, Congé au vent, Marthe, La compagne du vannier , j'évite Le visage nuptial, je crains d'effaroucher (!) ; j'ai très envie de commencer, après l'écoute du madrigal de Monteverdi, ce chanté-récité poignant — un "sprechgesang" qui a quatre siècles d'avance — par Pedro Liendo du Clémencic Consort, dans le silence qui suivra et la pénombre qui se sera établie autour de la petite table, de la lampe et du livre par ce premier texte :

Être
Le premier venu.
L'Amour
Arsenal

comme cri ? comme murmure ?
Aurai-je le culot ? J'ai promis : « Ni cours, ni spectacle, une lecture nue, quelques dessins et peintures des "Alliés substantiels" du poète, projetés.
Fuyant le théâtral, sur quelle image ?
Poser la voix, mais dans quel silence précédent et suivant ce :

Être
Le premier venu.
?

mardi, 04 décembre 2007

Le grand combat et une certaine... "bravitude"

La justification du terme emprunté par madame Royale sur la Muraille de Chine pour exprimer je ne sais quelle brave attitude... me semble fort déplacée.
Que "-itude" soit ou non un suffixe — après recherche, ces trois syllabes n'apparaissent point dans le répertoire des suffixes grecs, latins ou autres qui forgent notre langue — la dame pousse le bouchon un peu loin en se référant aux fabrications langagières de Michaux.

Que tout, y compris la révolte fondamentale contre la langue, soit récupérée, c'est devenu monnaie courante.
Qu'on justifie l'utilisation d'un néologisme que j'estime laid — l'adéquation phonique avec la création d'un sens recherché me semble une règle — et qui n'agrandit point le sens donné par la langue, est de l'outrecuidance !

Entendons « bravitude » .

Laissons retentir :

Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage* rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerceau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et vous regarde,
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.

Henri Michaux
Qui je fus, 1927


Non, Madame, sur la Grande Muraile, vous ne cherchiez pas le Grand Secret !

* Manage ? Tiens, tiens !

dimanche, 02 décembre 2007

où l’on retrouve le serpent

Centenaire René CHAR


Adam et Ève, la condition humaine : Todorov signe dans le Monde des Livres de vendredi, un brève présentation d’un bouquin de François Flahault : celui-ci y analyse l’universalité de l’histoire d’Ève et d’Adam et l’opposition fondamentale qui traverse l’histoire de l’Occident, sinon de l’humanité, entre deux grandes conceptions de la condition humaine... L’une des traditions, celle du paganisme, pour qui le mythe dit l’incomplétude de notre nature humaine, à la fois manque mais aussi chance, car grâce à elle, nous rencontrons les autres et nous en jouissons. L’autre, celle des religions monothéistes, qui y voit le récit de la chute, l’apparition du mal et l’émergence du salut à condition de choisir “dieu”.

Me voilà renvoyé tout droit

à ce texte de Ricœur, dans Le conflit des interprétations (1969), que j’ai abordé avec l’ami Bal, lors de l’atelier Jalons pour une éthique, en mai :
C’est pourquoi le mythe adamique... introduit dans le récit la figure hautement mythique du serpent. Le serpent représente, au cœur même du mythe adamique, l’autre face du mal que les autres mythes tentaient de raconter : le mal déjà là, le mal antérieur, le mal qui attire est séduit l’homme. Le serpent signifie que l’homme ne commence pas le mal. Il le trouve. Pour lui, commencer, c’est continuer. Ainsi, par-delà la projection de notre propre convoitise, le serpent figure la tradition d’un mal plus ancien que lui-même. Le serpent, c’est l’Autre mal humain.


et, au IIIe Fascinant de René Char et à la civilisation serpentaire (notes des 24 et 28 février de cette année)

Prince des contresens, exerce mon amour
À tourner son Seigneur que je hais de n'avoir
Que trouble répression ou fastueux espoir.

Revanche à tes couleurs, débonnaire serpent,
Sous le couvert du bois, et en toute maison.
Par le lien qui unit la lumière à la peur,
Tu fais semblant de fuir, ô serpent marginal !


Je ne veux pas opposer Char et Ricœur, qui dans ce texte, en quête des origines du Mal, démonte le mythe adamique dans son contexte judéo-chrétien.
L’apposition des deux textes souligne simplement le refus fondamental de Char de la tradition monothéiste.
Char se dresse à contresens de la foi religieuse - refus du salut, fastueux espoir et de la damnation, trouble damnation .

Quant on songe aux multiples représentations picturales de la Chute d’Adam et d’Ève, le serpent séducteur dans l’arbre dominant Ève et un Adam, à l'écart hors du "coup", et au mince vipéreau qui émerge des broussailles pour converser avec l’Ève de Giacometti*, surprise mais attentive et sensuelle, on ne peut que s’émerveiller de la convergence entre le plasticien, illustrant Le Visage nuptial, et le poète, dans la révision de nos habitudes millénaires de penser le monde humain et nous-mêmes et de l'invite "serpentaire" à porter un autre regard sur la condition de notre double humanité, non récit d'une chute mais d'un avènement.
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* Mais où donc est passé Adam ? Sans doute, est-ce Char écrivant le poème ? Giacometti traçant le dessin ?

vendredi, 30 novembre 2007

vendredi prochain

Centenaire René CHAR

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Voilà pourquoi "ça" n'écrit guère : je relis en me mettant "en goule" La Lettera amorosa.
Je scanne aussi pour un montage très nu qui se déroulera pendant la lecture : Braque et Arp bien sûr, mais aussi de Stael, Miro, Giacometti, Wilfredo Lam, Balthus.
J'ai découvert cette très belle rose de Louis Fernandez, la Rose couchée, la fleur la plus nommée dans les écrits de Char, même si l'iris domine la Lettera amorosa.
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Malgré la fenêtre ouverte dans la chambre au long congé, l'arôme de la rose reste lié au souffle qui fut là.

Front de la rose,
La parole en archipel.

jeudi, 29 novembre 2007

Chronique portuaire LXX

Période Révolutionnaire


1793. — LES NOYADES EN LOIRE.

La guillotine et les fusillades en masse aux carrières de Miséri, situées à l'extrémité du port, ne suffisant plus à exécuter le trop-plein des prisons, les membres du Comité Révolutionnaire cherchèrent un moyen plus expéditif de se débarrasser de leurs victimes ; c'est alors qu'ils eurent l'idée atroce des noyades, que, dans leur ignoble argot, ils appelèrent : déportation verticale, pêche au corail ou immersion patriotique.

La première noyade eut lieu le 17 novembre 1793. Lambertye qui l'avait préparée avait acheté, pour la somme de 200 livres, une sapine ou chaland, dans laquelle il avait fait pratiquer des sabords par des ouvriers réquisitionnés chez le constructeur Baudet.
Un peu après minuit, accompagné par Fouquet et plusieurs autres membres du Comité, il accostait la Gloire et se faisait délivrer 90 prêtres emprisonnés dans ce navire ; quelques instants après, les sabords étaient ouverts à coups de hache, et les malheureux précipités dans le fleuve.

Le lendemain de ce crime, Carrier écrivait hypocritement à la Convention : « Un événement d'un autre genre a voulu diminuer à son tour le nombre des prêtres, quatre-vingt-dix, de ceux que nous désignons sous le nom de réfractaires, étaient enfermés dans un bateau sur la Loire ; j'apprends à l'instant, et la nouvelle en est très sûre, qu'ils ont tous péri dans la rivière, quelle triste catastrophe ! »

La deuxième noyade eut lieu le 10 décembre, et Carrier l'annonçait ainsi à la Convention : « Cinquante-huit individus, désignés sous la dénomination de prêtres réfractaires, sont arrivés d'Angers à Nantes ; aussitôt ils ont été enfermés dans un bateau sur la Loire : la nuit dernière ils ont été engloutis dans cette rivière. Quel torrent révolutionnaire que la Loire ! »

Après les noyades de prêtres, vinrent les noyades de prisonniers du Bouffay et de l'Entrepôt, accompagnées de raffinements de cruauté dignes de cannibales. C'est alors que furent inventés les bateaux à soupapes, fabriqués par le charpentier Affilé; les prisonniers étaient entassés dans la cale et les panneaux cloués sur eux, puis, au milieu du fleuve, les soupapes étaient ouvertes et le bateau s'enfonçait lentement, tandis que les noyeurs coupaient à coups de sabre les bras et les mains qui passaient à travers les interstices de planches ou fracassaient à coups de gaffe. le crâne de ceux qui parvenaient à s'échapper et tentaient de se sauver à la nage ; c'est alors aussi que furent imaginés les mariages républicains : un homme et une femme, — les noyeurs choisissaient de préférence un vieillard et une jeune fille, ou un jeune homme et une vieille femme, — étaient attachés ensemble, nus, et précipités dans le fleuve ; c'est alors enfin que Carrier et ses séïdes osèrent dîner avec des courtisanes sur le pont de l'une de ces gabares au fond de laquelle gémissaient leurs victimes, et assister en personne à ces horribles exécutions.

Les historiens comptent jusqu'à vingt-trois de ces noyades en Loire, plusieurs exclusivement composées de femmes et même d'enfants ; et l'on estime qu'elles engloutirent près de 9.000 malheureux.

La Loire charriait des cadavres en si grand nombre que le Département dut faire défense de boire de son eau, et de manger de son poisson, les berges, depuis Nantes jusqu'à la mer, étaient couvertes de débris humains que déchiquetaient les mouettes et les corbeaux ; et les navires quittant le port ramenaient avec leurs ancres des grappes hideuses de corps déchirés (1).


LE LIEUTENANT DE VAISSEAU LE COUR.

Le Lieutenant de vaisseau nantais Le Cour, commandant une corvette de î'Etat, reçut en pleine Terreur l'ordre de porter des dépêches par delà l'Atlantique, en même temps que trois passagers étaient conduits à son bord. Les instructions les concernant étaient closes, et le lieutenant ne devait les ouvrir qu'à cent lieues au large.
Le jour venu, Le Cour en prit connaissance ; elles contenaient l'ordre de fusiller les passagers sur le bossoir. Le Cour, incapable de cette lâcheté, les garda à bord et, de retour en France sa mission accomplie, écrivait fièrement au ministre ; « Je ne suis pas un bourreau, je vous ramène vos prisonniers, que la République les fasse tuer par qui elle veut ! ».
Ce brave officier mourut à Nantes, le 16 janvier 1861, âgé de cent deux ans (2).
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(1) LALUÉ, Les Noyades de Nantes.
CRÉTINEAU-JOLY, Histoire de la Vendée militaire, t. II, p. 40 et suiv,
(2) JOS. DE TREMAUDAN, Histoire anecdotique de la ville de Nantes, pp. 375-6.

mercredi, 28 novembre 2007

mais comment le scribe est-il passé de la bille à la tablette ?

Hier après-midi, à l'Université Permanente*, dans un parcours qui nous mena de "l'hominidé" se dressant debout jusqu'à l'établissement de l'alpabet grec, Bergougnoux fut brillant, disert avec des incises longues, érudites, — célébrant "ces jeunes gens" du début du XXe siècle, qui ébranlèrent nos schémes de pensée : Einstein" l'éberlué", Saussure, "l'ivrogne", Lévy-Strauss "le professeur de philosophie provincial", aujourd'hui dans la maturité du grand âge !
Il agence fort bien des données biologiques, paléontologiques, physiques, climatiques ; il s'écoute sans doute toujours autant discourir, il oublie de gérer son intervention, lancé dans ses brillances. Je le retrouve, comme naguère à la radio, causant aussi bien qu'il écrit. Mieux peut-être.
Mais l'ajustage de ses savoirs est intéressant. Je ne me suis point ennnuyé, n'ayant rien appris. Il a des belles formulations : "la stupeur bienheureuse des bêtes... les empires hydrauliques..."
Il n'a pas eu le temps d'aborder les Grecs, je pense qu'en décembre, il les approchera avec autant de passion qu'il mit à nous promener des piémonts himalayens aux finisterres celtes, des jardins babyloniens aux ports phéniciens .
Je reviendrai donc l'écouter le 18 décembre.

Demeure pour moi une question : comment "l'écriveur subalterne" qu'était le scribe est-il passé, au seuil des greniers, des billes d'argile dénombrant les céréales, le bétail et autres denrées que les paysans serfs de Mésopotamie étaient dans l'obligation de déposer dans les réserves du Prince, à la tablette de même argile ?
Dans mon insomnie habituelle, je me suis façonné une réponse possible.

* Les six interventions de Pierre Bergougnoux porteront sur "la grande prose européenne".

dimanche, 25 novembre 2007

se reSSaisir par les mots

Centenaire René CHAR

Dans les poèmes aussi, certains mots sont là qui mémorisent les entrailles.

Sous ma casquette amarante

vendredi, 23 novembre 2007

ainsi chaque fin novembre

...depuis quarante-trois ans, ces jours — l'avant-veille, la veille, le jour même, le lendemain, le surlendemain, tous ces jours — de gorge nouée, de larmes aux yeux, d'impossible effacement, de vide glacé.

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Il fait beau sur les crêtes d'eau de cette terre
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Il fait beau sur les cirques verts inattendus
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Il fait beau sur le plateau désastreux nu et retourné
Parce que tu es si morte
Répandant des soleils par les traces de tes yeux
Et les ombres des grands arbres enracinés
Dans ta terrible Chevelure celle qui me faisait délirer.

Pierre Jean JOUVE
Hélène
Matière Céleste

jeudi, 22 novembre 2007

Chronique portuaire de Nantes LXIX

Période Révolutionnaire


1793- 1794. — CHASSE-MARÉE ARMÉ CONTRE LES ROYALISTES.
Le 6 avril, on apprit à Nantes que les Royalistes occupaient la baie de Bourgneuf.
Aussitôt le citoyen Antoine Picory demanda l'autorisation d'armer un chasse-marée pour aller les combattre ; sa proposition fut accueillie avec enthousiasme et plusieurs gardes nationaux se joignirent volontairement à lui pour cette expédition (1).

NAVIRES TRANSFORMÉS EN PRISONS.

Les prisons de Nantes, et mêmes celles improvisées dans les couvents désaffectés ou les entrepôts de marchandises regorgeaient de détenus ; chaque jour inaugurant dans Nantes de nouvelles arrestations, tandis que les Colonnes Infernales y ramenaient après chaque battue dans la campagne de véritables caravanes de malheureux : hommes, femmes et enfants, incarcérés pêle-mêle dans les ignobles geôles du Bouffay ou de l'Entrepôt.

De bonne heure, le Comité Révolutionnaire songea à utiliser les navires ancrés dans le port pour suppléer à l'insuffisance des prisons pourtant si vastes.
Dès 1792, la Municipalité de Nantes avait demandé au Représentant du Peuple, Carrier, l'autorisation de faire transférer dans un ou plusieurs navires une partie des Brigands renfermés à l'Entrepôt : « leur séjour dans ladite maison donnant les plus grandes craintes pour la santé des citoyens par les miasmes putrides dont leur rassemblement empoisonne l'air » (2).
Le 5 juillet 1793, le navire la Thérèse reçut les prêtres vieux et infirmes dispensés de la déportation, et précédemment internés au couvent des Petits Capucins. L'Émilia-Louisia fut peu après affectée au même usage, et reçut les suspects Jusqu'au 13 septembre. La Gloire, l'Intention, la galiote Louise, et un certain nombre de galiotes hollandaises et françaises furent de la même manière transformées en prisons. Dans tous ces navires, les malheureux détenus étaient pressés les uns contre les autres dans d'infects entreponts, privés d'air et de lumière, empestés de miasmes putrides, et vivants et morts gisant pêle-mêle dans le même fumier. La mortalité était par suite effrayante dans ces prisons flottantes, auprès desquelles les pontons anglais, de sinistre réputation pourtant, auraient semblé des palais (3).

Aussi, en novembre 1793, sur le rapport du chirurgien Larue, exposant que les détenus embarqués sur les navires périssaient en grand nombre, dans l'impossibilité où l'on était de les y soigner, le Conseil arrêta qu'on les transférerait dans l'ancienne maison des Écoles Chrétiennes, Mais cet ordre, s'il fut exécuté, ne le fut qu'imparfaitement, car à la date du 22 mars 1794, soixante-seize prêtres détenus dans un navire hollandais en face de la Sécherie, adressaient au Comité Révolutionnaire de Nantes une lettre lamentable dans laquelle ils faisaient le tableau affreux de leur situation, et demandaient leur transfert dans une prison plus spacieuse et plus salubre.
Cette demande, apostillée par le Comité, fut renvoyée le 25 mars à la Mairie, qui y fit droit en ordonnant la translation des détenus dans la maison des Irlandais (4).
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(1) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, p. 179.
(2) Le Chercheur des Provinces de l'Ouest, Année 1902. Chroniques et Documents, p. 64.
(3) LALLIÉ, Les Prisons de Nantes pendant la Révolution, pp. 60 et suiv.
(4) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t, 1, p. 26 ; t, V, p. 398.