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dimanche, 02 décembre 2007

où l’on retrouve le serpent

Centenaire René CHAR


Adam et Ève, la condition humaine : Todorov signe dans le Monde des Livres de vendredi, un brève présentation d’un bouquin de François Flahault : celui-ci y analyse l’universalité de l’histoire d’Ève et d’Adam et l’opposition fondamentale qui traverse l’histoire de l’Occident, sinon de l’humanité, entre deux grandes conceptions de la condition humaine... L’une des traditions, celle du paganisme, pour qui le mythe dit l’incomplétude de notre nature humaine, à la fois manque mais aussi chance, car grâce à elle, nous rencontrons les autres et nous en jouissons. L’autre, celle des religions monothéistes, qui y voit le récit de la chute, l’apparition du mal et l’émergence du salut à condition de choisir “dieu”.

Me voilà renvoyé tout droit

à ce texte de Ricœur, dans Le conflit des interprétations (1969), que j’ai abordé avec l’ami Bal, lors de l’atelier Jalons pour une éthique, en mai :
C’est pourquoi le mythe adamique... introduit dans le récit la figure hautement mythique du serpent. Le serpent représente, au cœur même du mythe adamique, l’autre face du mal que les autres mythes tentaient de raconter : le mal déjà là, le mal antérieur, le mal qui attire est séduit l’homme. Le serpent signifie que l’homme ne commence pas le mal. Il le trouve. Pour lui, commencer, c’est continuer. Ainsi, par-delà la projection de notre propre convoitise, le serpent figure la tradition d’un mal plus ancien que lui-même. Le serpent, c’est l’Autre mal humain.


et, au IIIe Fascinant de René Char et à la civilisation serpentaire (notes des 24 et 28 février de cette année)

Prince des contresens, exerce mon amour
À tourner son Seigneur que je hais de n'avoir
Que trouble répression ou fastueux espoir.

Revanche à tes couleurs, débonnaire serpent,
Sous le couvert du bois, et en toute maison.
Par le lien qui unit la lumière à la peur,
Tu fais semblant de fuir, ô serpent marginal !


Je ne veux pas opposer Char et Ricœur, qui dans ce texte, en quête des origines du Mal, démonte le mythe adamique dans son contexte judéo-chrétien.
L’apposition des deux textes souligne simplement le refus fondamental de Char de la tradition monothéiste.
Char se dresse à contresens de la foi religieuse - refus du salut, fastueux espoir et de la damnation, trouble damnation .

Quant on songe aux multiples représentations picturales de la Chute d’Adam et d’Ève, le serpent séducteur dans l’arbre dominant Ève et un Adam, à l'écart hors du "coup", et au mince vipéreau qui émerge des broussailles pour converser avec l’Ève de Giacometti*, surprise mais attentive et sensuelle, on ne peut que s’émerveiller de la convergence entre le plasticien, illustrant Le Visage nuptial, et le poète, dans la révision de nos habitudes millénaires de penser le monde humain et nous-mêmes et de l'invite "serpentaire" à porter un autre regard sur la condition de notre double humanité, non récit d'une chute mais d'un avènement.
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* Mais où donc est passé Adam ? Sans doute, est-ce Char écrivant le poème ? Giacometti traçant le dessin ?

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