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mercredi, 27 février 2008

qui parle de contenu abusif ?

Puisque Hautefort , notre plate-forme préférée (!) nous maltraite avec gentillesse, MAIS sans nous en avertir, je saisis ces légères pertubations pour laisser à demain ou après-demain les voûtes cisterciennes et les instantanés "robbe-grilletiens" et proposer aux lectrices et lecteurs de la petite Toile où s'inscrit "grapheus tis" la visite de quelques sites que Yann vient de me communiquer, visite déconseillée à celles et ceux qui, en mai dernier, ont porté à la présidence de la République l'agité trop connu accompagné de ses potes et autres copines...
Peut-être suis-je en retard d'une alerte, mais trop fort n'a jamais manqué, disent les vieux marins bretons.

Sur le site du parti Pirate (!!!)
sur le site du Monde
ou sur un site de techniciens paraissant plus anodins, à lire en deux épisodes : un et deux,

Merci, Yann !

mardi, 26 février 2008

mannequin ou cafetière ? que vois-je ?

Retour de Gascogne avec Noémie et Célia pour des vacances nantaises et pluvieuses ; ce fut une virée de voûtes romanes et cisterciennes : Uzeste, Bazas, La Romieux, Moirax (ci-dessous) !

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Mais je tiens à revenir à Robbe-Grillet. Il ne fut pas dans mes livres de chevet. De ce qu'on appela — à tort ? à raison — le Nouveau Roman, je ne retiens guère que le bonheur de lecture de La route de Flandres de Claude Simon et de La Jalousie de Robbe-Grillet. Vives furent les polémiques entre littérateurs, critiques et romanciers eux-mêmes ! Robbe-Grillet, le plus théoricien de tous les tenants de ce nouveau roman, en rajouta des tonnes. Ce furent des lectures austères, "obligées", laborieuses. J'avoue que les bouquins s'empoussièrent sur les hauts des étagères. Je ne puis cependant échapper à l'écriture quasi hypnotique du "Mannequin" — que j'ai toujours nommé "la Cafetière".
Le regard ne s'ébrouera que dans les dernières lignes sur le parfum du café chaud.

La cafetière est sur la table.
C'est une table ronde à quatre pieds,recouverte d'une toile cirée à quadrillage rouge et gris sur un fond de teinte neutre, .un blanc jaunâtre qui peut-être était autrefois de l'ivoire — ou du blanc. Au centre, un carreau de céramique tient lieu de dessous de plat ; le dessin en est entièrement masqué, du moins rendu méconnaissable, par la cafetière qui est posée dessus.
La cafetière est en faïence brune.

Elle est formée d'une boule, que surmonte un filtre cylindrique muni d'un couvercle à champignon. Le bec est un S aux courbes atténuées, légèrement ventru à la base. L'anse a, si l'on veut, la forme d'une, oreille, ou plutôt de l'ourlet extérieur d'une oreille ; mais ce serait une oreille mal faite, trop arrondie et sans lobe, qui aurait ainsi la forme d'une « anse de pot ». Le bec, l'anse et le champignon du couvercle sont de couleur crème. Tout le reste est d'un brun clair très uni, et brillant.

Il n'y, a rien d'autre, sur la table, que la toile cirée, le dessous de plat et la cafetière.
A droite, devant la fenêtre, se dresse le mannequin.

Derrière la table, le trumeau de cheminée porte un grand miroir rectangulaire dans lequel on aperçoit la moitié de la fenêtre (la moitié droite) et, sur la gauche (c'est-à-dire du côté droit de la fenêtre), l'image de l'armoire à glace. Dans la glace de l'armoire on voit à nouveau la fenêtre,tout entière cette fois-ci, et à l'endroit (c'est-à-dire le battant droit à droite et le gauche du côté gauche).

Il y a ainsi au-dessus de la cheminée trois moitiés de fenêtre qui se succèdent, presque sans solution de continuité, et qui sont respectivement (de gauche à droite) : une moitié gauche à l'endroit, une moitié droite à l'endroit et une moitié droite à l'envers. Comme l'armoire est juste dans l'angle de la pièce et s'avance jusqu'à l'extrême bord de la fenêtre, les deux moitiés droites de celle-ci se trouvent
seulement séparées par un étroit montant d'armoire, qui pourrait être le bois de milieu de la fenêtre (le montant droit du battant gauche joint au montant gauche du battant droit). Les trois vantaux laissent apercevoir, pardessus le brise-bise, les arbres sans feuilles du jardin.

La fenêtre occupe, de cette façon, toute la surface du miroir, sauf la partie supérieure où se voient une bande de plafond et le haut de l’armoire à glace.

....Une bonne odeur de café chaud vient de la cafetière qui est sur la table...

Le mannequin
Instantanés


Dans la note du 19 février, j'évoquais "L'Éden et après"...
Voici, retrouvée dans mes classeurs, une image, tout aussi fascinante que la... "cafetière !

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jeudi, 21 février 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1801.— JÉRÔME BONAPARTE À NANTES.

En 1801, Jérôme Bonaparte vint à Nantes et assista au lancement de l’Épervier, construit aux chantiers de Basse-Indre (1).
II commanda d'ailleurs, en qualité de lieutenant, ce bel aviso qui fut d'abord placé sous les ordres du capitaine Halgan, plus tard vice-amiral (2).

1802. — MOUVEMENT DU PORT DE NANTES AU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE.

Depuis près de dix ans l'activité commerciale du port de Nantes était pour ainsi tombée à néant. Les troubles et discordes civiles, les guerres continuelles avec les puissances étrangères rendaient trop périlleuses les expéditions commerciales, et seuls les corsaires animaient encore les quais et le port qui sans eux eût été désert.
La paix d'Arniens mit fin à cette stagnation, et le commerce de Nantes se réveilla enfin de sa longue torpeur. Il se chiffrait en 1802 par 2.128 navires jaugeant ensemble 95.887 tx.

Ce tonnage se répartissait ainsi ;

Long-cours............... 104 navires jaugeant 18.471 tx.

Grand cabotage....... 136 » » 18.501 tx.

Petit cabotage,........ 588 » » 43.915 tx.

Commerce du sel...... 1.300 » » 15.000 tx.

En dix ans, le tonnage de Nantes était descendu de 226.047 tx. à 95.887 tx. ; mais à partir de cette époque il se releva rapidement, puis décrut de nouveau vers le milieu du siècle dernier pour remonter encore cette fois d'une allure vertigineuse et d'un élan qui ne semble pas devoir se ralentir de sitôt (3).

_____________________________________________________________________

(1) LESCADIEU et LAURANT, Histoire de Nantes, t. I, p. 192.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Les Constructions Navales de Nantes.
Emmanuel Halgan, né à Donges, le 31 décembre 1771, s'embarqua à treize ans. Il devint contre-amiral, puis vice-amiral, et mourut à Paris le 20 avril 1853, grand'croix de la Légion d'honneur, député du Morbihan et pair de France (Cf. DOMINIQUE CAILLÉ, La poésie à Nantes sous le second Empire, p. 85).
(3) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 234.

mardi, 19 février 2008

moins de problèmes pour l'Académie française *

depuis hier en Aquitaine, dans l'antre de mon fouineur de Livres Saints !

Elle se faisait quelques soucis , la « vieille » Dame avec cet élu qui ne voulait ni épée, ni habit vert et qui l'an dernier encore écrivait de salaces histoires — quelques-unes de trop, sans doute — pour vieillards guettés — ou atteints — par l'impuissance !
Bonne immortalité, monsieur Robbe-Grillet !
Je garde précieusement deux textes qui ouvrirent, à l'époque de leur parution, mon regard sur les mots, les objets, les paysages et les absences d'histoire : La Jalousie que je dus lire en plusieurs livraisons dans la revue de la NRF entre 1956 et 1957, dans le contexte géographie même de l'intrigue (?), au fond de la forêt éburnéenne et La plage dans Instantanés que j'ai souvent lu dans mes stages de formation pour introduire au Nouveau Roman. Deux films aussi, hors sa participation de scénariste à L'année dernière à Marienbad : L'immortelle, digne d'un Loti cinéaste et L'Eden et après, pour une scène où Pierre Zimmer "sculpte" littéralement la beauté nue de Catherine Jourdan. J'en ai conservé précieusement une image, mais elle est dans mon "antre" breton et la Toile me paraît bien vide**.

* Encore lui faudra-t-il trouver un occupant au fauteuil déserté, quoique jamais occupé ?
** A quand des Robbe-Grillet en dvd ?

samedi, 16 février 2008

ce n'est plus le centenaire, mais ce n'est pas une raison...

...pour ne pas ouvrir un bouquin de René Char qui fleure bon les mimosas. Depuis une dizaine de jours, ils trouent de lumière les ramures décharnées des arbres voisins et les brassées odorantes parfument nos maisons d'ouest.


5afc523a3935587ac07498c095830802.jpgÀ flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. A l'époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante d'une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l'auréole de clarté serait de parfum, elle s'en va, le dos tourné au soleil couchant.
Il serait sacrilège de lui adresser la parole. L'espadrille foulant l'herbe, cédez-lui le pas du chemin. Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l'humidité de la Nuit ?

René CHAR
Congé au vent

Seuls demeurent.


Ce n'est point le seul privilège de l'espace méditérranéen. La cueilleuse à l'auréole de parfum est aussi femme des finisterres atlantiques. Et nous demeurons silencieux, subjugués par le bonheur d'un printemps encore assez lointain !

RIEN n'aurait-il changé ?

jeudi, 14 février 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXI

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1800. — LE CORSAIRE LE "COURRIER ".

En février 1800, le corsaire nantais le Courrier, cap. Pierre Amoux, croisait paresseusement par 47° 31' de long, et 17° 50' de lat. lorsque sa vigie signala par la hanche de tribord une voile qui grossissait rapidement sur l'horizon.
Le capitaine Arnoux ordonna alors le branle-bas de combat, et reconnut bientôt dans le navire qui s'avançait un paquebot anglais : la PRINCESSE-ROYALE, venant des Iles-du-Vent.
C'était un adversaire sérieux, bien monté en artillerie, avec un équipage nombreux et des soldats. Néanmoins le capitaine Arnoux fit hisser lepavillon, et serrant le vent fut bientôt par le travers du paquebot qu'il salua de deux bordées. L'Anglais risposta vivement et la lutte s'engagea, les deux navires se canonnant à portée de pistolet. Enfin, après une heure et demie d'opiniâtre combat, la PRINCESSE-ROYALE, craignant d'être enlevée à l'abordage par les matelots du Courrier, qui, massés sur les porte-haubans, leurs sabres à coquille aux dents, se préparaient à sauter sur son pont, amena pavillon anglais et se rendit au Nantais qui l'amarina (1).

1801. — LE CAPITAINE MONCOUSU.

C'est au combat d'Algésiras, livré le 6 juillet 1801 par l'escadre française de l'amiral Linois à la flotte anglaise de Saumarez, que périt le capitaine Moncousu, tué glorieusement sur le gaillard de l'Indomptable, de 90 can., qu'il commandait.
Si Angers revendique l'honneur d'être la ville natale de Moncousu, — il y naquit le 26 août 1756, — Nantes peut se flatter par contre d'avoir été sa ville d'élection. Il y vint en effet de bonne heure s'y faire recevoir capitaine, y commanda plusieurs de nos navires, et enfin s'y maria.
Sa carrière fut des plus brillantes. Sorti de la marine de commerce où il avait fait ses preuves, il passa dans celle de l'État, et commandait en second le cutter l'Expédition, qui combattait le cutter anglais le RAMBER, tandis que la Surveillante se couvrait de gloire en luttant contre le QUÉBEC. Il commanda ensuite le Redoutable, puis l'Indomptable à bord duquel il fut tué le 6 juillet 1801, à la veille de passer du grade de Chef de division à celui d'Amiral.
La nouvelle de sa mort causa à Nantes un émoi considérable.
______________________________________________________________

(1) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et sous l’Empire, t., II, p. 427.
(2) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. II, pp. 90 et suiv.


RAPPEL

Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908
Pages scannées par grapheus tis

lundi, 11 février 2008

hétéronymes — et non pseudonymes — pour blogues

Si je n'étais point aussi paresseux, j'ouvrirai soixante-dix blogues et deux ou trois de plus.

C'est ce qu'aurait certainement fait, debout devant son iBook, l'iBook devant sa fenêtre, la fenêtre ouverte sur le Tage, Fernando Pessoa !

Mais peut-être bien qu'un quidam, déjà, s'acharne, sur la Toile, à résoudre l'énigme de son identité à travers soixante-dix sites et plus...
Comme dans la malle de Pessoa, on retrouverait vingt-sept mille cinq cent-quarante-trois textes. Mais ce serait cette fois dans un panier aux dimensions du monde !

Si je m'y mettais ?


Post-scriptum :
Fernando PESSOA est le soixante-treizième (!!!) bouquin de la collection "Poètes d'aujourd'hui" chez Seghers, achevé d'imprimer sur les presses d'Aubin à Ligugé, le 30 mars 1960. Je viens de le réouvrir.
Je crois avoir rencontré Pessoa en septembre 2001, dans un bar de l'Alfama ou du Chiado. Non, c'était peut-être bien dans le Barrio Alto, devant plusieurs verres de "ghingina".
Dac'hlmat était au mouillage dans la Doca Alcântara

vendredi, 08 février 2008

mais où trouver le texte grec ?

À propos d'Héraclite et Aristote ? j'ai pris une journée de retard.
Il y a déjà quelque temps qu'une anecdote sur Héraclite, rapportée par Aristote, me turlupine.
Elle est reprise dans le Magazine littéraire, en introduction du dossier sur Aristote, par un monsieur dont je ne puis douter du sérieux, Michel Crubelier ; le texte est paré d'un titre savoureux : Des dieux dans la cuisine et relate ce qu'aurait écrit Aristote :

«On dit qu'Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l'ayant trouvé se chauffant au feu de sa cuisine, hésitaient à entrer, dit : "Entrez, il y a des dieux aussi dans la cuisine". Eh bien, de même, entrons sans dégoût dans l'étude de chaque espèce animale : en chacune, il y a de la nature et de la beauté. »


...Aurait écrit Aristote... ! Selon Michel Crubelier, qui se situe très pudiquement dans la lignée d'une longue tradition de commentateurs et d'Héraclite et d'Aristote. Pudibonds effarouchés : on ne philosophe point avec son corps !

Car Héraclite n'était point dans sa cuisine, il était dans ses chiottes !

Ce qui justifie le "Entrons sans dégoût" d'Aristote qui n'était point le bégueule dont ses successeur en philosophie ont souhaité nous laisser le souvenir.
C'est du moins ce que propose Jean-François Pradeau, dans son Héraclite, Fragments (citations et témoignages), paru chez Garnier-Flammarion en 2002, pages 193 et 324.

« On dit qu'Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l'ayant trouvé occupé dans ses toilettes, hésitaient à entrer, dit cette remarque : "Ici aussi, il y a des dieux". Eh bien, de même, entrons sans dégoût dans l'étude de chaque espèce animale : en chacune, il y a de la nature et de la beauté. »


Pradeau, qui souligne avec humour que "la localisation domestique d'Héraclite a donc longtemps erronée", ajoute que Diogène Laërce propose une réminiscence explicite de cette anecdote qui concerne Diogène de Sinope, le Cynique, l'homme du tonneau, des harengs, des éternuements "gauchistes" et autres branles publiques :

À qui lui reprochait d'entrer dans des lieux impurs, il dit :"Le soleil pénètre bien dans les latrines et pourtant il ne se souille pas.”



Francs, triviaux et sains anciens Grecs !
Qu'auraient-ils (elles) dit du cul de Simone de Beauvoir, notre moderne Hipparchia, découverte en couverture d'un certain hebdomadaire, laquelle fit tournebouler nos collègues de la Toile ? (à lire dans Diogène Laërce, pp.760-761 dans la Pochotèque, l'histoire d'Hipparchia, pas les blogues scandalisés de nos compagnons de Toile.)
Quand même, j'aimerais un jour avoir entre les mains le texte d'Aristote "Parties des animaux"* ; en grec ancien, bien sûr ! Je me précipiterais sur mon "Bailly".

*Il y aurait une édition et traduction par J.M. Leblond, chez Aubier (Paris, 1945). Trouvable sur la Toile ?

jeudi, 07 février 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXX

Période Révolutionnaire


1799.— LE CORSAIRE LA " CONFIANCE ".

Le corsaire nantais la Confiance, joli trois-mâts de 300 tx., 24 can-, 6 pier. et 145 h., construit à la Fosse et armé par Cossin, sortait de la Loire dans les premiers jours de 1799, sous le commandement du capitaine Dimanche et commençait sa croisière en amarinant deux trois-mâts portugais : le SEIGNEUR-DE-BONNE-FOI et le NOTRE-DAME-DE-LATALAYE.
En février, il attaquait sur les côtes anglaises un gros corsaire de 22 can., qui se défendit vaillamment ; après un épouvantable corps-à-corps, dans lequel les ponts des deux vaisseaux ruisselèrent de sang, le Nantais amarinait son adversaire.
La Confiance, dégréée de toutes ses manœuvres, venait à peine de mettre un peu d'ordre dans ses agrès, lorsqu'un bâtiment anglais se dessina, rasant la côte, et cingla sur elle. Hélé d'amener pavillon, le corsaire nantais hissa sa couleur à sa corne, l'appuya d'un coup de canon, et bientôt les deux navires, vergue à vergue, échangèrent d'incessantes bordées. Après un combat des plus meurtriers, le Nantais amarinait son adversaire en vue des côtes anglaises couvertes de population, et faisait ensuite voile vers les côtes de France, amarinant en route un riche navire américain (1).


LE CAPITAINE PINAUD ET LE " PRINCE ".

Le Gouvernement anglais, inquiet du grand nombre de prisonniers français renfermés à la suite de prises dans les prisons de Madras, résolut en 1799 de les transférer sur les pontons de la métropole où la surveillance était plus facile. Six cents prisonniers, dont le Nantais Pinaud, ancien capitaine de la Clarisse, furent embarqués sur le navire le PRINCE, escorté de six vaisseaux de guerre.
Le capitaine Pinaud conçut alors le hardi projet de s'emparer du PRINCE et de reconquérir ainsi sa liberté. Il communiqua son dessein à ses compagnons les plus déterminés et, en vue de l'Ile-de-France, profita d'un grain violent pour le mettre à exécution.
Tandis, que les navires de l'escorte, prenant la cape pour laisser passer le gros temps, carguaient leurs basses voiles et brassaient carrée leurs vergues, Pinaud et ses compagnons s'assuraient en un instant des Anglais occupés à ferler les voiles et prenaient le commandement du PRINCE. Sous l'influence des larges pièces de toile audacieusement déployées sous la rafale le navire s'inclina brusquement, l'eau battant ses dalots de bâbord, tandis que sur l'autre flanc le cuivre poli de sa quille effleurait la crête brillante des grosses lames vertes ; puis il se releva sous l'habile coup de barre de son capitaine, et courant vent arrière, ses mâts pliant comme des baguettes, fut assez heureux pour aborder à l'Ile-de-France, où Pinaud débarqua les six cents Français arrachés par son hardi coup de main aux horreurs des pontons (2).


LE CAPITAINE LAFONT.

Dans le courant de 1799, le corsaire nantais l'Hippolyte, cap. Douillard, amarinait un Anglais à bord duquel le second Lafont était envoyé comme capitaine de prise pour le ramener en France. Quelques jours après que les deux navires se furent séparés, un marin de l'équipage de prise, un étranger, Marc Canonna, la livra par trahison aux Anglais, et Lafont et ses hommes étaient à leur tour prisonniers sur le navire dont ils s'étaient emparés. Ce ne fut d'ailleurs que pour fort peu de temps, car le brave Lafont parvint de nouveau à reconquérir sa liberté et sa prise qu'il ramena à Nantes (3).

(1) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, p. 424.
(2) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, pp. 436-7.
(3) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, p. 421.

mardi, 05 février 2008

lecture de grogne

Tout recommence par une grogne en lisant ceci dans le Magazine littéraire de février : parfois, je me demande pourquoi je persiste à me procurer ce magazine, mais ce mois, le propos est un dossier sur Aristote — ne fut-ce que pour compenser la distribution gratuite de Platon, par Le Monde de la semaine dernière, mes préférences démocratiques alllant sans hésitation plus auprès du premier et de ses Politiques que de la République du second ; mais il ne s’agit point pour l’instant — même au proche voisinage d'élections — des deux philosophes grecs, barbus et célèbres ; je reviendrai à Aristote.

Donc, la grogne pour ceci :

« Le lecteur qui lit pour tirer parti d’une lecture est un être indigne de ce qu’il lit, et d’aillleurs entraîné à lire sans bénéfice, puisqu’il est entraîné à corrompre, par son avidité d’utilisation, ce qu’il ne pourrait espérer atteindre intact, qu’en refusant de le faire servir à quoi que ce soit, et d’abord à lui-même.»

Maurice Blanchot


J’ai toujours quelque mal à lire cet homme. L’espace littéraire, Le livre à venir, L’entretien infini demeurent des pavés qui font meubles sur les étagères :
« Qu’est-ce qu’un livre qu’on ne lit pas ? »

Me faut-il appliquer à Blanchot cette citation qu’il tire de Montesquieu :

« Je demande une grâce que je crains que l’on ne m’accorde pas : c’est de ne pas juger, par la lecture d’un moment, d’un travail de vingt années ; d’approuver ou de condamner le livre entier et non pas quelques phrases. »

Mais peut-être Blanchot a-t-il atténué, sinon effacé, la citation du Magazine tirée de chroniques écrites dans les années quarante ?
J’ai donc ré-entr’ouvert les “meubles Blanchot” ! Et son dernier, acquis un mois avant sa mort, début 2003, Une voix venue d’ailleurs, un recueil de textes brefs où l’on rencontre Paul Celan et René Char. Et quand on trouve Char, Héraclite n’est pas loin !
Me voilà reconduit près d’Aristote, celui de la collection du Monde de la Philosophie et du Magazine littéraire.
Je relis donc Blanchot, sans grogne. Il importe de nuancer ses rognes. Même demeurant un très "utilitariste" lecteur.
Héraclite et Aristote, ce sera pour demain.

lundi, 04 février 2008

folles journées

...Trois jours durant, la maison, bruissante de Schubert...

jeudi, 31 janvier 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXIX

Période Révolutionnaire


1799. — CAPTURE DE L'ANGLAIS L' " ÉCHO ".
Le 20 février 1799, la population nantaise se portait toute entière sur le port pour accueillir un capitaine Corsaire de la ville qui ramenait le transport britannique l'ÉCHO, dont il s'était emparé à l'abordage, avec 15 marins seulement contre 75 soldats anglais (1).

LE CORSAIRE LE " NANTAIS ".

Le corsaire le Nantais, trois-mâts de 200 tx., 12 can. et 100 h., armateurs Savary et Cossin, et cap. Rozier, mettait à la voile le 8 mai 1799.
Surpris par une frégate anglaise, il prit chasse toutes voiles dehors, ses bonnettes hautes et basses déployées. Mais la brise était fraîche et la mer houleuse, et le malheureux navire sombra sous voiles, dans une rafale, avec tout son équipage.
Le Nantais avait accompli, durant sa carrière, de fructueuses campagnes ; c'est ainsi qu'en janvier 1798, sous les ordres du capitaine Nicolas-Herbert Pradeleau, il avait amariné l'Anglais le BORNHOLM, déguisé sous pavillon danois, et dont la vente avait produit la somme énorme de 3.324.944 fr. 70 c. (2).

LE CORSAIRE LE " VAUTOUR ".

Le Moniteur relatait, vers le milieu de mai, la dernière croisière du corsaire nantais le Vautour, cap. Jacques François. Tombé au milieu d'un convoi anglais escorté de frégates et de corsaires, il n'eut que le temps de masquer sa nationalité et son caractère pour éviter d'être pris. Ses sabords soigneusement fermés sur sa ceinture de canons aux gueules verdâtres ; son équipage dissimulé dans l'entrepont, sauf quelques rares matelots flânant sur le gaillard ; ses caronades de pont, ses coffres d'armes et ses grappins d'abordage cachés aux regards, il prit place dans le convoi, pavillon anglais battant à sa corne, avec les allures craintives d'un paisible navire marchand, trop heureux de voyager sous une si forte escorte.
Après avoir reconnu le convoi, il jeta son dévolu sur le trois-mâts le GRENVILLE, et manœuvra habilement pour se rapprocher, de lui. Pendant de longues heures, les deux navires cheminèrent paisiblement côte à côte ; puis, tout-à-coup, le Vautour se démasqua, et le bronze endormi de ses canons vint éclairer les Anglais sur son véritable caractère.
Le pavilon britannique fut hâlé avec joie sur le pont, et à sa place le tricolore se déploya au vent comme un immense oiseau qui prend son vol ; la longue ligne jaune marquant la place des sabords et des canons s'illumina d'éclairs et le corsaire nantais, lâchant sa bordée par le travers du brion du GRENVILLE, l'enleva à l'abordage. Avant que le reste du convoi et les navires d'escorte aient eu le temps de revenir de leur stupéfaction, le Nantais amarinait sa prise et s'éloignait avec elle ; deux frégates se lancèrent bien à sa poursuite, mais une brume favorable s'épaissit sur la mer et le déroba aux recherches de ses poursuivants. Quelques jours après, tandis que sa prise rentrait en France, le Vautour ayant fait fausse route tombait inopinément sur le même convoi et en profitait pour enlever le BAY de la même manière (3).
_____________________________________________________________________

(1) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. X, p. 237.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 299-301.
(3) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, p. 430.


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vendredi, 25 janvier 2008

s'étend la paresse...

« Il est un temps pour aller à la pêche
et un temps pour laisser sècher les filets
»

dit un vieux sage Chinois.

Disons que ces temps-ci, je laisse sècher les filets.

jeudi, 24 janvier 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXVIII

À Anh, patron de l'ÉON VOR qui est mon ami


Période Révolutionnaire


1798.— COMBATS HÉROÏQUES ET PRISE DE LA "LOIRE".

La frégate la Loire, donnée à la République par le Commerce nantais, et mise à l'eau en 1796, faisait partie en 1798 d'une escadre commandée par le Chef de division Bompart, et le 10 septembre attaquait avec une autre frégate le vaisseau anglais I'ANSON et la frégate I'ÉTHALION.

Craignant d'attirer l'ennemi en forces supérieures aux siennes, Bompart ordonna aux deux frégates françaises de cesser le feu et de reprendre leur poste, et le brave Ségond qui commandait la Loire n'obéit à cet ordre trop prudent qu'en brisant de colère son porte-voix sur le pont de son navire. Le lendemain, la Loire attaquait le ROBUST de 74 can., échappait au vaisseau I'ANSON, sous les sabords duquel elle avait à passer, en simulant un bateau amariné, puis une fois la supercherie découverte, le canonnait de long en long. Le 11, la Loire prenait chasse devant un vaisseau de ligne cinglais, une frégate et une corvette, et les évitait pour tomber le 16, sous la chasse de deux frégates et de la corvette le KANGUROO qu'elle démâtait et mettait hors de combat.
Le 17, désemparée par ses combats précédents, la Loire était attaquée par la MERMAID, de 40 can., et supportait une canonnade furieuse. Voyant son navire démâté de ses trois mâts de hune et ne manœuvrant plus que sous ses deux basses voiles, Ségond ordonna de cesser tout-à-coup le feu ; puis, tandis que la MERMAID s'approchait confiante pour l'amariner, il lança son navire dans le vent, balayant le pont de l'Anglais d'une avalanche de boulets rames. La MERMAID épouvantée et craignant l'abordage, saisit l'occasion d'une légère brise pour s'échapper, tandis que la Loire, dégréée de toutes ses manœuvres, devait renoncer à la suivre.

Pendant le combat, un quartier-maître de Nantes, Mahé, avait eu le corps traversé d'un boulet, et malgré cette horrible blessure, ce brave marin avait eu le courage de se traîner jusqu'à la dunette pour prévenir-le capitaine qu'il allait mourir et qu'il fallait le remplacer à son poste.

Le 18, la Loire rencontrait de nouveau I'ANSON et le KANGUROO et bien qu'elle fût rasée comme un ponton et manœuvrant à peine, elle leur résista pendant plus d'une heure. Émerveillé de cette défense, le capitaine de I'ANSON cessa le feu, et hélant Ségond, lui cria qu'il avait assez fait pour sa gloire et qu'il ne pouvait plus lutter davantage. Ségond lui fit répondre à coups de canons et recommença la lutte. C'est alors qu'un de ses officiers, qui s'était d'ailleurs battu comme un lion, voyant toute l'inutilité de cette défense, se jeta sabre en main sur son capitaine en lui criant d'amener ; Ségond lui mit son pistolet sur la poitrine et lui répondit froidement : « Retourne à ton poste on je te tue ! »

Ségond voyant qu'il lui était impossible désormais de lutter plus longtemps prit à pleine main une mèche allumée, et se disposait à mettre le feu aux poudres lorsque l'un de ses officiers l'en dissuada, lui affirmant que le navire coulait bas. 11 se trompait, et la Loire, immatriculée sous ce nom dans la marine anglaise, devint l'un des plus terribles adversaires de nos corsaires.

On raconte qu'un jour Napoléon, voyant les gravures représentant les combats de la Loire, demanda au ministre Decrès : « Qui a soutenu ces combats ? »— « Sire, — répondit Decrès, importuné des demandes de Ségond. qui réclamait trop vivement peut-être des récompenses pour l'équipage de la Loire, — un fou qui déclame contre Votre Majesté. Il y a, si vous voulez bien le permettre, une place pour lui à Charenton !.... » — « Non, Decrès, — répondit l'Empereur, — laissez-le mourir honorablement ; ceci est magnifique. Plût à Dieu, que j'eusse beaucoup de fous comme celui-là dans ma marine » (1).
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(1) VATTIER d'AMBROYSE, Le Littoral de la France. - Côtes Vendéennes, pp. 423, 437.8.
LÉON GUÉRIN, Histoire Maritime de la France, t. V, pp. 134-140.
JAL, Scènes de la Vie Maritime.

lundi, 21 janvier 2008

Les mots de l’un pour saluer le retour de l’autre

Il a achevé un périple, devenu commun, mais qu’il a rendu par sa ténacité, sa modestie, son intelligence des éléments, pour une fois encore hors du commun.
Il ne me déplaît point d’apprendre qu’après avoir franchi la “Ligne” entre les Fillettes et le Petit-Minou, Francis Joyon a choisi de passer sa dernière nuit au mouillage de Roscanvel, seul.
Après cinquante-sept jours de bonheurs et d’enfers, de bruits et de fureurs, ce nécessaire face-à-face enfin silencieux avec soi-même dans ce drôle d’engin qu’est un voilier devenu son corps second, ses mains, ses bras, ses jambes, son ventre, son cul !

De passage ici, cette fin de semaine, ÉL m’a offert le livre d’un homme que je ne connaissais pas : un bénédictin de Ligugé* qui va en mer. Il a écrit Pélagiques :

La mer existe depuis toujours, et ce toujours de la mer existe toujours dans les hommes ; dans la tête des hommes ; dans le cœur des hommes ; dans les yeux des hommes ; dans les mains des hommes. Dans les couilles des hommes...........................................................
................ la mer tout à l’entour certifie le regard. Mer paupière elle-même, mer pupille. Étant là tout exprès pour s’ouvrir, pour s’offrir à la plus respectueuse rapacité de l’homme —celle du regard —, la mer magistrale apprend à l’homme, non pas seulement à se servir de ses yeux, mais à les servir. Car, amariné, l’œil est roi.


Je sais aussi d’autres êtres humains qui n’ont pas de couilles, mais qui ont un ventre autrement fécond : les Femmes de mer !

* François Cassingena-Trévedy, PÉLAGIQUES, éditions du Gerfaut, 2007