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jeudi, 24 janvier 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXVIII

À Anh, patron de l'ÉON VOR qui est mon ami


Période Révolutionnaire


1798.— COMBATS HÉROÏQUES ET PRISE DE LA "LOIRE".

La frégate la Loire, donnée à la République par le Commerce nantais, et mise à l'eau en 1796, faisait partie en 1798 d'une escadre commandée par le Chef de division Bompart, et le 10 septembre attaquait avec une autre frégate le vaisseau anglais I'ANSON et la frégate I'ÉTHALION.

Craignant d'attirer l'ennemi en forces supérieures aux siennes, Bompart ordonna aux deux frégates françaises de cesser le feu et de reprendre leur poste, et le brave Ségond qui commandait la Loire n'obéit à cet ordre trop prudent qu'en brisant de colère son porte-voix sur le pont de son navire. Le lendemain, la Loire attaquait le ROBUST de 74 can., échappait au vaisseau I'ANSON, sous les sabords duquel elle avait à passer, en simulant un bateau amariné, puis une fois la supercherie découverte, le canonnait de long en long. Le 11, la Loire prenait chasse devant un vaisseau de ligne cinglais, une frégate et une corvette, et les évitait pour tomber le 16, sous la chasse de deux frégates et de la corvette le KANGUROO qu'elle démâtait et mettait hors de combat.
Le 17, désemparée par ses combats précédents, la Loire était attaquée par la MERMAID, de 40 can., et supportait une canonnade furieuse. Voyant son navire démâté de ses trois mâts de hune et ne manœuvrant plus que sous ses deux basses voiles, Ségond ordonna de cesser tout-à-coup le feu ; puis, tandis que la MERMAID s'approchait confiante pour l'amariner, il lança son navire dans le vent, balayant le pont de l'Anglais d'une avalanche de boulets rames. La MERMAID épouvantée et craignant l'abordage, saisit l'occasion d'une légère brise pour s'échapper, tandis que la Loire, dégréée de toutes ses manœuvres, devait renoncer à la suivre.

Pendant le combat, un quartier-maître de Nantes, Mahé, avait eu le corps traversé d'un boulet, et malgré cette horrible blessure, ce brave marin avait eu le courage de se traîner jusqu'à la dunette pour prévenir-le capitaine qu'il allait mourir et qu'il fallait le remplacer à son poste.

Le 18, la Loire rencontrait de nouveau I'ANSON et le KANGUROO et bien qu'elle fût rasée comme un ponton et manœuvrant à peine, elle leur résista pendant plus d'une heure. Émerveillé de cette défense, le capitaine de I'ANSON cessa le feu, et hélant Ségond, lui cria qu'il avait assez fait pour sa gloire et qu'il ne pouvait plus lutter davantage. Ségond lui fit répondre à coups de canons et recommença la lutte. C'est alors qu'un de ses officiers, qui s'était d'ailleurs battu comme un lion, voyant toute l'inutilité de cette défense, se jeta sabre en main sur son capitaine en lui criant d'amener ; Ségond lui mit son pistolet sur la poitrine et lui répondit froidement : « Retourne à ton poste on je te tue ! »

Ségond voyant qu'il lui était impossible désormais de lutter plus longtemps prit à pleine main une mèche allumée, et se disposait à mettre le feu aux poudres lorsque l'un de ses officiers l'en dissuada, lui affirmant que le navire coulait bas. 11 se trompait, et la Loire, immatriculée sous ce nom dans la marine anglaise, devint l'un des plus terribles adversaires de nos corsaires.

On raconte qu'un jour Napoléon, voyant les gravures représentant les combats de la Loire, demanda au ministre Decrès : « Qui a soutenu ces combats ? »— « Sire, — répondit Decrès, importuné des demandes de Ségond. qui réclamait trop vivement peut-être des récompenses pour l'équipage de la Loire, — un fou qui déclame contre Votre Majesté. Il y a, si vous voulez bien le permettre, une place pour lui à Charenton !.... » — « Non, Decrès, — répondit l'Empereur, — laissez-le mourir honorablement ; ceci est magnifique. Plût à Dieu, que j'eusse beaucoup de fous comme celui-là dans ma marine » (1).
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(1) VATTIER d'AMBROYSE, Le Littoral de la France. - Côtes Vendéennes, pp. 423, 437.8.
LÉON GUÉRIN, Histoire Maritime de la France, t. V, pp. 134-140.
JAL, Scènes de la Vie Maritime.

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