samedi, 20 mai 2006
Balade, envols et retour... “Volver”
Ce matin dans les rafales du grand frais, l’inclinaison humide des branches d’acacias, alourdies par leur grappes de fleurs ; de l’autre côté du chemin qui descend au fleuve, réponse alanguie des genêts odorants.
Premier envol : à l’étang du Champ-Toury, le héron y a élu son territoire ; au bas de la Mandine, dans les prairies inondées, des aigrettes, deux, trois puis quatre comme dans l’Argumentum ornithologicum de l’ami Borgès - ça ne prouve pas l’existence de dieu - mais ça confirme l’assainissement de la Vallée ; rafales à 7 Beaufort : Loire, prise en son jusant à rebrousse-poil ; plus loin dans l’étier de Port-Lavigne, envol de col-verts.
Col-verts...
... Volver d’Almodovar, hier après-midi.
Visages de ces cinq femmes - la presse spécialisée n’en mentionne, ici, qu’une, Raimunda.
Là, deux, la même et sa mère.
Parfois quatre, les deux précédentes, plus la sœur, Soledad et la fille de Raimunda, Paula.
Augusta en cheveux ras, oubliée. Pourtant quel contre-point à la tribu de Raimunda !
J’aime ce cinéma des femmes et des visages.
Carmen Maura, Blanca Portillo, Penelope Cruz, Lola Duenas, Yohana Cobo.
Un cinéma des « Âmes fortes », de femmes fortes.
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vendredi, 19 mai 2006
Chronique portuaire de Nantes VI
Des origines à la fin du Moyen-Âge
919. — ATTAQUE DES NORMANDS.
En l'an 919, les flottes normandes : « faisant grand tapage de nefs », envahirent le port de Nantes et mirent le siège devant le château où, au dire de Lebaud, « il n'y avait nul défenseur, c'est-à-dire nul seigneur, « sinon petits hommes demeurés des premières pestilences ».
Les « petits hommes » cependant se défendirent si « vertueusement » que : « s'en retournèrent les Normans grandement las à leurs navires quand le soleil fut couché, afin qu'ils mangeassent et se recréassent, espérant le lendemain ledict château prendre avec ses deffendants. Mais les Nantais, épouvantez par la grand multitude d'eulx, prindrent les ornements de l'église et toutes les choses qu'ils purent emporter, et s'enfuirent chacun où il put... et les Normans au matin descendirent de leurs nefs armés, et retournèrent au chasteau, mais ils n'y trouvèrent rien. Si entrèrent en l'église et emportèrent à leurs nefs les dépouilles et les ornements qui y estoient demeurés, puis mirent le feu à la couverture de l'église et la brûlèrent, et aussi dérompirent les murs du chasteau ; en après montèrent ces Normans par Loire » (1).
Durant toutes les années suivantes, les Normands ravagèrent incessamment la I.oire, et jusqu'à ce que Alain Barbe-Torte les ait complètement battus en 936, dans le Pré-Nian.
960.— SIÈGE DE NANTES PAR LA FLOTTE D'HASTINGS.
La Chronique de Saint-Florent rapporte qu'en l'an 960, une flotte normande, sous le commandement d'un chef qu'elle appelle Hastense, et qui n'est autre que le fameux Hastingue, ou Hastings, vint assiéger Nantes. Le moine Gallo, le restaurateur de Saint-Florent-le-Vieux, eut dans cette ville une entrevue avec le redoutable pirate, et obtint de lui un cor d'ivoire au son duquel les gens d'Hastings devaient cesser tout pillage sur les rives de la Loire (2).
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1) DE LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, t. 2, pp. 394-421.
LEBAUD, Chronique de Nantes, ch. 18, p. 128.
(2) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 173.
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jeudi, 18 mai 2006
Merci, Monsieur Butor !
Pourquoi avoir un site Internet ?
Je l'ai ouvert il y a quatre ou cinq ans. Je voulais le renouveler, l'alimenter. Mais j'ai un peu de mal avec l'Internet. Je suis un homme du XXe siècle, avec le XXIe, j'ai des difficultés.
Tout de même, j'ai trouvé que c'était très intéressant comme mode de publication. Les lecteurs d'Internet sont, je crois, spécialement aptes à me lire. Je n'ai pas continué à m'en occuper, avant tout à cause de l'existence de cet énorme site qu'est le Dictionnaire Michel Butor fait par Henri Desoubeaux.
En quoi les internantes sont-ils de bons lecteurs pour votre oeuvre?
Ils ont une façon de lire qui n'est pas tout à fait celle du XIXe ou du XXe siècle. Ils fouillent. Ils surfent. Mes textes aussi vont chercher des références un peu dans tous les coins. On peut les explorer de cette façon. Et puis les lecteurs de l'Internet cherchent des informations au-delà des frontières. Mes textes sont voyageurs.
L'idée de zapping est importante. Pour un de mes livres, Gyroscope, j'ai utilisé un format à l'italienne, horizontal, plus large que haut, qui rappelle l'écran d'une télévision ou d'un moniteur. Dans ce livre, il y a quatre colonnes de texte qui se suivent, mais j'invite le lecteur à sauter d'une colonne à une autre pour trouver des échos, des répondants, des contrastes. Celui qui est habitué à confronter un site avec un autre, est tout à fait à l'aise avec un livre comme celui-là.
J'en connais peu de ceux qui ont "pignon sur rue", la rue des littératures, pour dire aussi simplement sa relation à la Toile et aux internautes. Sans réticence, sans allusion à des quelconques droits d'auteurs, à la crainte de plagiats éventuels.
Salut à deux, qui depuis presque dix ans, sont déjà sur la Toile : François Bon, Renaud Camus - (en espérant que le premier ne s'offusque point de la proximité avec le second). Et d'autres sans doute, mais de "mon jardin", je ne puis prétendre à l'exhaustivité. - mes compagnons du "phalanstère"peuvent en ajouter.
Les pourfendeurs de l'intertextualité, les sabreurs des gloses, les craintifs de la copie, les lettrés qui ne jurent que par le sacro parfum du codex vont se sentir hors-jeu.
À lire dans le Libé-Livres de ce jeudi 18 mai, à propos de la publication des deux premiers volumes des Œuvres complètes de Michel Butor.
Et puis aller errer sur mon magazine préféré remue.net.
18:55 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 17 mai 2006
comme une vraie belle dictée
On se réveille le matin. Juste avant d'aller marcher dans la Vallée. Désormais, tous les jours quatre à cinq kilomètres de marche un peu vive.
On ouvre Le bonheur fou qui me tient depuis quatre mois au rythme lent de quelques pages, la semaine.
Angélo sort de cent cinquante pages de guerre.
Ça se lit et relit comme une belle dictée d'enfance ; j'aimais bien les dictées. Moins pour le jeu avec les règles et l'orthographe que pour les descriptions qui, souvent, composaient le corpus de ce petit exercice tant redouté par certains. Moi, j'aimais bien et je me prends encore à penser : « Tiens ! Voilà encore une belle et bonne dictée ! »
Rien à voir avec les pitoyables, laides, mal torchées et sadiques dictées à la Pivot.
Angélo prit la route de Suisse. Des nuages gonflés de lumière voyageaient aussi. Le printemps était dans sa fleur. Les trembles brasillaient comme des miroirs à alouettes. L'argent des feuilles était si lisse qu'il reflétait le bleu du ciel. À la place des montagnes encore couvertes de brumes, ces reflets portés par d'innombrables rangées d'arbres installaient un horizon sans limite.
.... Dans les hauteurs, les villages s'enroulaient en coquille de limaçon autour de vieux clochers couronnés de lilas d'Espagne. Sur les premiers ressauts de la plaine, les bourgades étaient au soleil des arcades crépies de pourpre et pavoisées de lessives. Des fermes, toute paille dehors, couvaient des moutons et des charrettes bleues dans de petites bauges de terre rose. Il n'y avait pas de vent, mais les friches, couvertes de bourrache, de coquelicots, de pâquerettes, de centaurées, s'éteignaient quand passait l'ombre des nuages, puis se rallumaient comme des braises sur lesquelles on souffle.
Jean Giono
Le bonheur fou, p. 335
Folio/Gallimard
"... Un horizon sans limite" : on dirait presque une sortie de l'estuaire de la Vilaine, un matin de printemps. J'ai toujours respiré chez Giono des effluves marines. Qu'il ait traduit Moby Dick n'est point anodin !
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lundi, 15 mai 2006
Rilke non lu
Rainer Maria RILKE
...ou le livre jamais lu.
Il est partie de cette livraison qui me parvient à Rhardous entre Forêt-Affaïne et Djebel Bou-Maad, au printemps 1961. Un petit paquet des éditions Seghers : Rilke, Jouve, Reverdy, Pessoa, Desnos. Deux sont marqués d’un drôle de cachet rond SP, que je comprendrai que plus tard. Fin de stock ? Pourquoi cette marque ? Parce que vendus par correspondance ? Non : spécimen.
Le Rilke doit être une réédition ; le bouquin est le numéro 14 de la collection, donc un des tout premiers de la collection qui date de 1945 ; l’achevé d’imprimer de l'exemplaire que j'ai est de décembre 1958.
Le rédacteur de l’essai est un certain Pierre Desgraupes ; je dis “un certain” , car la télévision n’a pas encore pénétré dans tous les foyers français. Mais il s’agit bien du plus qu’excellent chroniqueur de “Lectures pour tous” avec Pierre Dumayet et Max-Pol Fouchet.
Livre jamais lu, à peine entrouvert aujourd’hui encore. Par exemple, le mois dernier, il en est question dans l’approche littéraire du mythe d’Orphée, mais c’est Pierre Emmanuel que je vais réouvrir. Pierre Emmanuel dont la lecture du Tombeau d’Orphée de suite s’imposera sur les Sonnets à Orphée de Rilke écrits en 1922, inspirés au poète par la mort d’une jeune danseuse et musicienne.
Un livre de la non-lecture, de ces livres dont parlait récemment François Bon dans son Tumulte , de ces « livres qu’on a achetés et pourtant pas lus, pour l’instant ou pour toujours ? »
J’en ai quelques autres sur les étagères.
Pourquoi l’avoir acquis ? Pour la réputation de l’auteur, la fascination des titres : les Élégies de Duino, les Cahiers de Malte Laurids Brigge ? Pour la renommée troublante, trouble, d’un nom de femme Lou Andréas-Salomé.
Lecture “naïve”, lecture critique ? Quand la première est muette, la seconde peut ouvrir l’intérêt et le plaisir. Mais non, pas à chaque fois.
Avouer n’avoir jamais lu et tenter de comprendre ce non lire.
La “gueule, quand on la voit, de l’auteur qui ne vous revient pas ; c’est bête mais c’est le cas pour Rilke, les yeux globuleux, la bouche lippue, la moustache qui recouvre la lèvre supérieure.
Les jeunes filles qui ne sont pas mes jeunes filles, le dieu si loin de mes dieux.
La traduction, et là plus encore que dans les autres livres, les traducteurs multiples, j’en ai dénombré dix.
L’effleurement des pages quand aucune accroche ne s’attarde aux mots. Fragile adhésion aux images, donc à la langue (difficulté rencontrée avec Essénine, mais pas avec Lorca)
L’essai pourtant comme possible entrée ? Je ne les lisais que peu, et toujours après avoir découvert les textes du poète. Même encore ce jour.
Mais alors quand le texte n’est qu’un mur lisse sans prise ?
Georges Mounin dans la Communication poétique, Jean Onimus dans la Communication littéraire démontent bien ces mécanismes de lecture et de non-lecture.
Faut-il à chaque page ouverte cette communauté d'expérience, même infime, pour que le lien s'établisse entre l'auteur et le lecteur ?
Des années que je tourne et retourne cette question, qui, parfois, s'efface, qui d'autres fois, se fait abîme.
Et voilà le livre qui se fane sur une étagère non vitrée, exposé aux poussières, le dos délavé et la tranche jaunie par la lumière du jour
Dans une lettre à Lou Andreas-Salomé, Rilke écrit :
« L'art est, en effet, chose bien trop grande et trop lourde, et trop longue pour une vie, et les vieillards y commencent à peine leur chemin. »
Puis il cite Hokusaï :
« C'est à l'âge de soixante-treize ans que j'ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons et des plantes. »
Pour Rilke, pour d’autres, je n’ai pas encore trouvé de passeur !
L’esseulement qui t’assaillit te rend capable de mettre en équilibre la solitude des autres.
La lettre à Liliane
Sur la Toile, quelques sites :
• Anthologie de la poésie
• Sur le site de Jean-Michel Maulpoix
• Rilke "l'Européen", en français, en allemand, en anglais
23:10 Publié dans "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 13 mai 2006
nuque raide et seins suaves
Il existe une atteinte dégénératice bilatérale marquée des articulations C1-C2 sans toutefois hypertrophie.
petite ostéophytose en goutte antérieure en regard de C6 et C7.
La jonction cranio-rachidienne reste d’aspect physiologique.
Trame osseuse homogène et dans les normes.
Je suis heureux de ma “jonction” et d'être pour une fois dans les normes .
Bilan : ce n’était donc point un torticolis, mais un commencement de “vieuzerie”.
Trop regarder les étoiles ? Trop attentif où je mettais mes pas ? Trop regarder en arrière ?
Trop tourner la tête au passage de la beauté ? Trop observer la girouette en tête de mât ?
Pas assez de “Messer, si ! Messer, no !” Pas assez d’humilité à l’instant des élévations ?
Et maintenant quid de la position du petit écran pour ne pas souffrir et tenter de continuer le bien penser :
en plongée ou contre-plongée ?
Consolation des “Pléiades”, acquises cette semaine, en allant commémorer l’Abolition de l’esclavage : les deux Gracq , les cinq Giono !
Et surtout consolation en découvrant la quête des suavités mamellaires qu’a entrepris avec tant de dilligence JCB, "notre" Bourdaily on the web, qui rêve aux rives de l’étang de Sainte-Anne.
Étonnante consolation qui nous conduit au "geste pseudo-zygodactyle" que même nous, hommes aux seins asséchés, aurions donc intégré dans une gestuelle ou de la repentance, ou du don !
Ça ne m'assouplit point la nuque, mais ma main s'y efforce et mes doigts s'en émeuvent.
Et Bourdaily nous annonce les Vierges !
23:40 Publié dans Les blogues | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 12 mai 2006
Une fois encore sur un air de blues
Alors ! "Notre"Louïse Labé ne serait pas Louïse. Juste une Louïse de papier. Heureusement qu'Ipoustéguy l'a dressée, haute et fière dans le bronze. Enfin, c'est une dame Huchon qui nous dévoile plus de quatre siècles de supercherie.
Et monsieur Fumaroli de remuer le couteau dans la plaie des modernes amants de la Belle Cordière.
Ces maux de mots ne seraient donc point de brûlante chair de femme.
De quoi avoir un léger blues !
Mais Cadou chante la "gwerz" des descendants d'esclaves. Un dernier salut pour l'Abolition !
LE BLUES DU MANGEUR DE CITRON
Le blues que je chante n'est pas fait pour les gens de la ville
Le blues que je chante n'est pas fait pour les gens de la ville
Les gens de la ville ne comprennent que les choses écrites
Le blues que je chante je le chante pour les mangeurs de citron
Le blues que j'ai fait pour les mangeurs de citron
C'est en pleurant que je le chante
Car manger du citron est bien amer
Quand on ne partage pas avec l'épouse
Car manger du citron est bien amer
Quand on a traversé la mer
Le blues que je chante n'est pas fait pour les gens de la ville
Mais pour les grands singes de la forêt
Et s'il couvre tous les bruits de fouets et de machines
C'est que je le chante tout bas à mes fils
Le blues que j'ai fait pour les mangeurs de citron
J'en réserve un pépin amer
Le blues que j'ai fait pour les mangeurs de citron
Je ne suis pas seul à le chanter.
René Guy Cadou
Les biens de ce monde
in Hélène ou le règne végétal
22:50 Publié dans Cadou toujours, les civiques | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 11 mai 2006
Chronique portuaire de Nantes VI
Le jeudi est devenu le jour des chroniques portuaires. Elles ne suscitent pas l'intérêt de tous. Mais je persisterai et, ce soir, je m'autorise à sauter quelques siècles. Huit siècles pour cause d'esclavage..
Paul Legrand, mon chroniqueur, ne cherche pas à éviter la honte nantaise ; nous sommes en 1908. Il consacre deux bonnes pages de son introduction à la Traite.
À ce propos, nous étions bien peu sur le quai de la Fosse pour commémorer l'Abolition. Toutes les mères des petits Nantais n'ont pas dû leur raconter ce que la mienne me disait. Il est vrai que nous y étions, Nicléane et moi, parce qu'il y a, derrière nous, toutes ces amitiés africaines que nous portons depuis tant d'années. J'y ai retrouvé Brahim et Reddah, mes copains algériens ; nous avons évoqué le mai 45 de "Sétif" et de "Guelma". La colonisation avait succédé à l'esclavage. Autres temps, autres mœurs. Même ignominie !
En effeuillant les années, Legrand mentionne quelques faits qui se passent de commentaires
Au XVIIIe siècle
1762. — LES NOIRS À NANTES EN 1762.
L'Amirauté de Nantes était saisie le 22 juin 1762 d'une plainte des officiers de police, relative au grand nombre de Noirs esclaves que les capitaines et négociants introduisaient dans la ville au mépris des Règlements. Au dire de ces officiers, Nantes était envahie par une population de Nègres qui la faisaient ressembler à une ville tropicale bien plus qu'européenne. Ces esclaves, aussi inutiles que dangereux, s'assemblaient en bandes nombreuses sur les places publiques et les quais, et poussaient l'insolence jusqu'à insulter les habitants le jour, et à troubler leur sommeil la nuit par leurs querelles et leurs cris.
L'Amirauté fit droit à cette requête, et fit afficher les Règlements relatifs à l'Introduction des Noirs esclaves en France (1).
_____________________________________
(1) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. III, p.225
Période Révolutionnaire
1789. — PROTESTATIONS CONTRE LE PROJET DE SUPPRESSION DE LA TRAITE
Pour répondre aux bruits qui commençaient à circuler, d'une abolition prochaine de la Traite, les Députés de Nantes, Blin et Baco, protestaient énergiquement contre ce qu'ils appelaient l'anéantissement du commerce nantais ».
« II est indécent, — écrivait Baco, le 23 novembre, — il est odieux d'alarmer ainsi les esprits ; cette conduite mérite le blâme. Il importe à la prospérité de la France que ce commerce se soutienne et s'étende. »
De son côté, Blin écrivait aux officiers municipaux de Nantes :
« J'ai interrogé beaucoup de personnes dans l'Assemblée sur cette motion. Tous l'ont traitée d'extravagante ; je puis donc vous affirmer que personne n'extravague au point de vouloir mettre sur les grands chemins six millions d'âmes que l'abolition de la Traite en France réduiraient au désespoir » (1).
Notons que les cahiers de Doléances et Remontrances du Commerce Nantais portaient au nombre de leurs vœux celui : « Qu'il plaise également à Sa Majesté d'accorder protection pour les navires négriers pendant le temps de leur Traite à la côte d'Afrique »(2).
______________________________________________________________
(1) L. BRUNSCH'WIG, Éphémérides Nantaises du Centenaire de la Révolution.
VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. IV, p. 214.
(2) TREILLE, Le Commerce de Nantes et la Révolution, page 60.
22:50 Publié dans Les chroniques portuaires, les civiques | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 09 mai 2006
Traite, négriers, Nègres
Une enfance nantaise se confronte un jour ou l’autre à ces mots : esclavage, traite, négriers...
Ma mère m’a souvent dit :
« À Nantes, mon petit Jacques, il y a des murs qui suintent le sang des Noirs ! »
Je pense volontiers que le petit peuple nantais, et à fortiori celui venu récemment des campagnes, n’appréciait guère ces familles de grands bourgeois qui avaient construit leur fortune sur la Traite.
Mais que cette anecdote ne dissimule point la suivante que voici : ma grand’mère nous préparait un délicieux gâteau de semoule, qu’elle nappait de chocolat chaud : nous appelions ce dessert, la Tête de nègre. Sic !
René Guy Cadou qui fut aussi un adolescent des berges de Loire se souvient de ce drame inhumain et de ses séquelles qui blessent encore les mémoires.
SI C'EST CELA QU’ON FAIT AU BOIS VERT
Si c'est cela qu'on fait au Roi des Juifs
Que fera-t-on au Pauvre Nègre ?
L'un brillait avec les planètes
L'autre n'a qu'une chandelle de suif
Encor l'a-t-il volée ! Et c'est cela justement qu'on lui reproche
De s'éclairer avec les quarante sous des autres sous un porche
Et le flic qui habite une chambre cossue
Dans la six cent soixante sixième avenue
S'est arrangé pour le surprendre et pour le pendre
À un bec électrique
À ce moment où la lumière du jour se fait plus tendre
Joseph d'Arimathie était bien bon qui dans l'aube sévère
Coucha Jésus comme un enfant dans un morceau de serpillière
Mais qui reprendra ce corps doublement calciné par la Race et par la Souffrance
Et qui bat là comme un volet mal fermé sur la bouche de l'Espérance
Oh ! dites ménagères en pilou et vous jeunes gens du petit matin
Enroulés dans les fourrures du sommeil et dans la buée chantante d'un refrain
Aurez-vous pas pitié de ce cadavre balancé au milieu de la rue
Et dont la tête contre les murs est bien le plus redoutable angélus ?
René Guy Cadou
Les biens de ce monde
in Hélène ou le règne végétal
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lundi, 08 mai 2006
un 8 mai parmi d'autres
Déjà l'an dernier, j'avais puisé dans mes chroniques algériennes - toujours inachevées - pour ne pas laisser dans l'oubli - ou dissimulé derrière la reddition de l'Allemagne nazie - un 8 mai 1945, jour de paix qui, à Sétif, commença dans le sang. Le massacre se prolongea un mois dans l'Est algérien.
Je renvoie sur le site Dac'hlmat un peu délaissé au profit de ce blogue, au texte "vers Biskra" ; c'est manière d'évoquer et de commémorer.
Un jour, je me déciderai peut-être à achever Algériennes et à les remettre à l'un ou l'autre de "mes" éditeurs (?).
À moins que je n'opte pour une simple et libre publication sur la Toile.
À moins que je n'utilise les services internautes de In libro veritas, un éditeur en ligne - qui se veut de "littérature équitable", comme me le rappelle, dans un autre contexte, Berlol, l'homme du Journal littéréticulaire et modérateur de la liste LITOR.
À moins que... ces chroniques ne soient jamais achevées, comme le laisse pressentir leur incipit : "Lui faudra-t-il vraiment écrire cette histoire ?"
Nous sommes souvent d'oublieuse mémoire, je rappelle donc deux références sur ce 8 mai 1945.
• KATEB Yacine, Nedjma, Le Seuil, 1956.
• Yves BENOT, Massacres coloniaux, 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises, préface de François Maspéro, Coll. Sciences humaines et sociales, La Découverte/poche, 2001.
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vendredi, 05 mai 2006
question
Ce soir, quand le torticolis s'aggrave en arthrose chronique - le propre de l'arthrose, non ? - et que divague le penser, j'ajoute un commentaire troublé à la note de Berlol :
En eaux plus que troublées avec la polémique autour de Handke !
« C'est le propre de la barbarie de propager l'inhumanité jusque dans le camp de ceux qui la condamnent. »
Raoul Vaneigem
Rien n'est sacré, tout peut se se dire.
Quand Handke franchit-il la limite ? Quand est-ce que, moi, qui le juge, je franchis la frontière ?
Ne sais pas ! Ne sais plus !
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jeudi, 04 mai 2006
Chronique portuaire de Nantes V
Des origines à la fin du Moyen-Âge
853. — NOUVELLE ATTAQUE DES FLOTTES NORMANDES.
Dix ans après le premier siège de Nantes par les Normands, leur flotte, cantonnée au Croisic, envahit de nouveau la Loire et vint piller Nantes. Les pirates se jetèrent sur la ville, massacrèrent une grande partie des habitants, et se retirèrent dans l'île de Biesse avec leur butin et leurs prisonniers. Parmi eux, se trouvait l'évêque de Nantes, Actard, qui parvint à leur échapper (1).
Pendant qu'ils étaient retranchés dans l'île de Biesse : « survindrent autres Normans avecques grand abondance de nefs, qui leur demandèrent la moitié de toute la rapine leur être distribuée, autrement ils feraient bataille contre eux ; ausquels les premiers moult centristes, respondirent qu'ils ne leur en bailleraient nulles, ains se deffendraient « d'eux, et adonc prindrent les nefs et les despoilles, et par le fleuve de Loire s'en allèrent en Basse-Bretagne, et ainsi demeura la cité de Nantes vuide et sans habitants... » (2).
874. — CONSTRUCTION DU PONT DE NANTES.
C'est à cette date que remonte la première mention de pont à Nantes. Il fut construit par ordre de Charles le Chauve pour empêcher les flottes normandes de remonter la Loire et de piller les riches cités du Centre. C'était d'ailleurs un simple pont de bois, et il semble qu'il n'empêcha nullement les pirates de continuer leurs incursions vers Tours et Angers (3).
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(1) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 135.
(2) LEBAUD, Chronique de Nantes, chap. 18, p. 128.
MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, donne la date 877, t. I, p. 246.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 244.
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mercredi, 03 mai 2006
vous avez dit "torticolis" ?
TORTICOLIS, adj. et subst.
I. Adj. et subst., vx
A. Adj. [En parlant d'une pers.] Qui a le cou de travers. Cette attaque d'apoplexie l'a rendu torticolis (Ac. 1835, 1878).
B. Subst., au fig. [P. réf. à ceux qui ont le cou de travers] Faux dévot. Ne vous fiez pas à ces torticolis (Ac. 1798-1878).
II. Substantif
A. PATHOL. Dyskinésie de la tête ou du cou, d'origine traumatique ou rhumatismale, caractérisée par une contracture douloureuse des muscles et par une amplitude limitée du mouvement de rotation ou d'extension. Avoir un torticolis; attraper un torticolis (fam.). Mon cou était appuyé contre mes flanelles. Si maintenant je l'éloignais de ces flanelles avant d'avoir laissé tomber ma chaleur, je suis sûr de prendre un torticolis et peut-être une bronchite (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 305). Un certain nombre d'affections osseuses ou rhumatismales du cou peuvent être à l'origine des maux de tête: infiltration cellulitique douloureuse de la nuque, arthrose cervicale, (...) torticolis aigu, hernie discale cervicale (QUILLET Méd. 1965, p. 337).
Torticolis spasmodique. Torticolis caractérisé par la contraction spasmodique des muscles du cou provoquant une rotation de la tête dans un sens ou dans l'autre avec inclinaison latérale. [Babinski] a le premier soutenu l'organicité du torticolis spasmodique, qualifié alors de torticolis mental, et essayé sa cure par la section du spinal (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946 [1943], p. 263).
B. P. ext. Douleur, raideur passagère due à une tension ou à une position pénible du cou. J'ai été horriblement souffrant toute la semaine d'un torticolis; mais je suis mieux, et le voyage achèvera de me remettre (HUGO, Corresp., 1825, p. 429). De m'être courbée si bas sur les enfants, je me couchai avec le torticolis, avec mal dans le dos, mal dans les reins, mal dans les jambes (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 33).
P. méton Position pénible du cou. Théâtre à angles morts et à torticolis, ce théâtre est moins fait pour le spectacle de la scène que pour celui de la salle (SERRIÈRE, T.N.P., 1959, p. 58).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1535 subst. plur. Torticollis « faux dévots, cafards » (RABELAIS, Pantagrueline Prognostication, éd. M. A. Screech, chap. 5, p. 15, 29, var.); b) 1542 adj. tortycolly « qui a le cou tordu » avec allus. au sens de « faux dévot » (ID., Pantagruel, chap. 30, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 363: Adonc nectoya [...] le col, et puis la teste [...]: et les afusta justement [...] affin qu'il [Epistémon, dont la tête était coupée] ne feust torticolly (car telles gens il haissoit de mort)); 2. 1562 subst. plur. torticollis « contractures douloureuses du cou » (A. DU PINET, Hist. du Monde de C. Pline Second, t. 2, p. 179: Sa racine [de Baccharis] cuytte, prinse en breuvage, est tenuë pour singuliere aux spasmes: aux torticollis et baissemens de teste). Empr. à l'ital. torti colli, plur. de torto collo « faux dévot, bigot » (1re moit. du XVe s., BURCHIELLO d'apr. CORT.-ZOLLI; 1542 collo torto, L'ARÉTIN, ibid.; cf. aussi torcicollo ds DEI et collo torto ds BATT.), propr. « cou tordu », les faux dévots tenant la tête penchée pour marquer leur dévotion. Voir HOPE, p. 225. Fréq. abs. littér.: 17. Bbg. QUEM. DDL t. 6.
!
.Et ça me tient depuis deux jours à n'en point dormir, à n'en point écrire, à peine à lire !
À lire - ça ne soulage pas, mais ça procure quelque petit bonheur - dans le merveilleux dictionnaire du Trésor de la langue française informatisé.
"ILS" vendent nos "typos" ! Vendront quand même point notre langue ! Quoique...
16:35 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 01 mai 2006
Le malheur de l'Imprimerie Nationale sera aussi le nôtre
Premier Mai, seul jour de non-labeur !
Pour ne pas oublier ce que signifie LABEUR, lire le blog/journal de François Bon.
Chris m'y avait entraîné une journée en février 1990 ; c'était au temps de la PAO "jubilante". J'en étais revenu avec le "Lexique des règles typographiques en usage à l'imprimerie nationale", consulté aussi souvent que le Bon Usage du père Grévisse.
Depuis plus d'un an, les syndicalistes de l'Imprimerie Nationale, la "mère" de tous nos livres, lancent des cris d'alarme.
Cet État brade une parmi nos plus grandes richesses, celle qui, depuis François Ier, fait que toutes pensées, tous rêves, tous poèmes sont LISIBLES à nos yeux sans effort, avec grâce et bonheur.
Elle s'appelle TYPOGRAPHIE.
Ma seule fierté c'est d'être parmi les 21 448 signataires de la lettre remise à Chirac, le 14 avril 2005 pour sauver l'or de nos mots qui est "de plomb".
Honte à ces gouvernants ignares, à peine alphabétisés.
Ils vont nous crever les yeux.
À relire d'urgence pour nous assainir de ces monstruosités typographiques des imprimeurs de la société ultralibérale qui nous balancent de la merde à pleines pages :
18:45 Publié dans les civiques | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 30 avril 2006
Lactations
Il ya de saints hasards. L'abbaye de Flaran nous avait entraîné dans les austérités cisterciennes qui dissimulaient de mamellaires suavités. Qu'à notre retour, Beaux-Arts Magazine de mai nous propose la confrontation de Cindy Sherman aux maîtres anciens n'en a que plus de sel.
Ô plaisirs buccaux !
« Les mamelles de Marie sont remplies de Ciel, elles réconfortent avec une indicible suavité ! »
Dommage qu'il n'y ait qu'une goutte solitaire au sein de la vierge(?) de Sherman !
Post-scriptum : Il existerait d'autres "lactations" dans la peinture du Moyen-Âge. Si par bonheur, et pour lui et pour nous, JCB avait enfin vider ses cartons ?
15:35 Publié dans les autres... arts | Lien permanent | Commentaires (2)