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vendredi, 07 juillet 2006

bouquins auteurs libraires grandes surfaces = grogne

Je revenais, hier, de plus en plus sceptique, fortement sceptique, - depuis lontemps, déjà, depuis toujours, d'ailleurs - sur la diffusion du livre par les magasins Leclerc et leurs espaces de vente pompeusement dénommés "Centres culturels". Pour l'été, c'est outrageusement la grosse cavalerie des lectures de plage.
Habituellement, et sur le long terme, j'ai un mince indicateur : l'évolution du rayon Poésie/Gallimard ; au fil des ans, il est repoussé dans les fonds et dans les bas. Eh, oui ! il faut avoir échine souple et point d'arthrose aux genoux. Un beau jour, pfuitt !!! Plus de poètes, à moins que les demandes scolaires ne soient à nouveau pressantes. Dans les Fnac ? Ce n'est guère mieux.
Me souviens des Drugstores dans le début des années 70 : tu trouvais par exemple les Libertés de chez J.J. Pauvert, avec Péret, Darien, Léon Bloy, Gracq...
Ça durait un an, peut-être deux ; après, tu ne trouvais plus que Serge et Anne Golon, tous les Des Cars, les De Villiers.
Un peu plus tard, tu ne trouvais même plus de livres...

Certain(e)s diront : « Oui, mais ces lieux... le livre à la portée de tous... la culture dans les caddies... etc. » Certes, certes ! Le grand intérêt de ces commerces, c'est d'offrir à des jeunes sans doute épris de la chose livresque et souvent compétents un "job". Ils vous aident, entre autres choses, à consulter gratuitement "Électre".

Je reviens donc de mon Leclerc voisin, coffre plein pour le départ en mer, mais sans livres - par principe, je n'achète jamais, je consulte, feuillette.
Dans ma boite à lettres, le Nouvel Obs de cette semaine (du 6 au 12 juillet), j'ouvre et voici ce qu'écrit François Raynaert, dans sa chronique :

Est-ce ainsi que les tomes vivent ?
Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours sur le drame de l'overdose culturelle dans l'Occident contemporain, il doit déjà y avoir 10 000 thèses publiées sur la question. Vous me direz, on ne va pas se plaindre de l'abondance. Ça, c’est à voir. L'autre jour, sur une radio dont j'ai oublié le sigle, j'ai entendu un type dont j'ai oublié le nom, analyser cette profusion comme une forme de censure très habile inventée par le système pour étouffer toute parole contestataire.

La thèse est moins parano qu'on ne croirait. L’énergie qu'il fallait au XVIIIe siècle pour faire taire un fâcheux : lancer des lettres de cachet, embastiller l’auteur, faire brûler le livre, un tintouin épuisant.
Aujourd’hui, les « Lettres philosophiques » seraient sorties sans problème, seulement elles auraient été discrètement noyées dans les 500 autres titres de l'office du moment. et elles auraient eu droit, pour solde de toute presse, à une brève dans ”Livres-Hebdo” tandis que les devantures des librairies seraient trustées par l’ouvrage bouleversant de Kevina Pompadour, la célèbre fille de, racontant son anorexie. Et voilà le boulot,Voltaire aurait fini sa carrière inconnu de tous, à ne pas signer son pauvre “Candide” dans un des 42 000 salons du livre comme on en voit de nos jours, tellement emplis d'auteurs qu'on n'a plus de place pour faire entrer le public.

Je sais, il est désolant de penser que la culture souffre aujourd’hui du mal dont souffrit l'agriculture hier, la surproduction, surtout quand on réalise ce à quoi ce désastre va nous conduire. Comment y échapper ? Un de ces quatre, on va y passer. Bruxelles va se mettre à donner aux éditeurs des primes à l’arrachage des auteurs et pour les surplus on va faire comme pour le beurre de Noël , on va devoir stocker les écrivains en surnombre dans d’immenses entrepôts avant de les distribuer en masse aux populations nécessiteuses au moment des fêtes.


J'ai bien aimé. Sauf que le Nouvel Obs, chaque semaine, joue, avec Ipsos et Livres-Hebdo, ses "Livres Stars", ses têtes de gondole à la manière Leclerc ou Fnac, et donc doit aider à étouffer de nouvelles "Lettres philosophiques".
Garcin, Drillon, Ézine, Reynaert et consorts, ne sauriez-vous point ce que publie votre rédaction en regard de vos critiques ?
Je ne pense pas avoir, à un quelconque moment, été dupe de ces doubles jeux, oxymores et compromis ; aujourd'hui, j'avais ma grogne à écrire !

jeudi, 06 juillet 2006

Chronique portuaire de Nantes XIII

Des origines à la fin du Moyen-Âge


1493. — LA " BOURSE ET ESCAPPE " ET LA CONTRACTATION.

Un des premiers actes de Charles VIII à Nantes, au lendemain de son mariage avec la Duchesse Anne de Bretagne, fut de rétablir, par Lettres patentes du 29 décembre 1493, la « Bourse et Escappe » que les marchands espagnols possédaient autrefois à la Fosse, mais qu'ils avaient transportée à la Rochelle pendant les dernières guerres (1).
Par ces mêmes Lettres, le Roi confirmait l'alliance particulière des commerçants de Nantes et de Bilbao, connue sous le nom de « Contractation », alliance qui durait déjà depuis plus d'un siècle et ne devait disparaître qu'en 1733.
Lors de sa création, cette association possédait même plusieurs navires communs aux deux nations, et appelés « navires de la Contractation », mais elle y renonça dans la suite.
Son but était d'assurer aux deux contractants l’échange réciproque de leurs produits, au prix le plus bas possible, et sans aucune des innombrables entraves résultant des droits et péages locaux. Les Espagnols demandaient à Nantes tout ce dont ils avaient besoin et c'est ainsi que, dans une lettre du sieur de Lusançay, commissaire du Roi à Nantes, on peut lire : « Messieurs de Bilbao ont écrit icy de leur envoyer un maître de danse pour « apprendre à danser à la française ».
La Contractation était en même temps confrérie religieuse, et possédait un autel aucouvent des Cordeliers où se tenaient ses réunions (2).


1496. — " CARAQUES " NANTAISES.

En 1496, Charles VIII demanda à la ville de Nantes de lui fournir deux grandes « caraques » destinées a transporter ses munitions et son artillerie en Italie, où il faisait campagne. La Ville fut obligée d'emprunter 3.750 livres, monnaie de Bretagne, pour la construction de ces deux vaisseaux, jaugeant chacun 1.000 tonneaux (3).
La « caraque » était le bâtiment de charge par excellence ; rond, massif et solidement lié. Elle avait fait son apparition dès le XIVe siècle, réalisant deux perfectionnements importants sur les types de navires précédents : la présence des haubans tels qu'ils existent encore de nos jours, et celle du gouvernail fixé à l'étambot.


1498. — " GALIOTES " NANTAISES.

La ville de Nantes possédait plusieurs « galiotes», et lors de la visite du Prince d'Orange, Gouverneur de Bretagne, et de sa femme, elle en fit ponter et décorer une et la mit à leur disposition pour les conduire à Tours (4).
Ces « galiotes» ou « felouques » étaient de petites galères, fines et rapides. Toutefois, on désignait également sous ce nom de « galiotes » des bâtiments de transport, de formes rondes et d'origine hollandaise.

________________________________________________________________

(1) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 28.
(2) Théodoric LEGRAND, Apunte sobre el commercio de Bretana con Espana. De la revista de Archivos Bibliotecas y Museos.
GABORY, La Marine et le Commerce Nantes au XVIIe siècle et au commencement du XVlIIe siècle, p. 61.
(3) G. TOUCHARD-LAFOSSE, La Loire historisque, pittoresque et biographique, t. IV, p. 103.
(4) TRAVERS, Histoire de Nantes, t II, p. 238.

mardi, 04 juillet 2006

Jean est mort

Ce samedi 1er juillet, au soir, Jean Corbineau est mort. Il était mon ami d'enfance et d'adolescence.

Dans son dernier message du 1er mars, il nous écrivait :

.. J'ai rechuté....Je viens de passer douze jours à l'hôpital : ma hantise : la fièvre (six jours de fièvre, trois jours de chimio et trois jours de fièvre... La fièvre, c'est ma hantise.
Je sais que votre amitié me soutient. A bientôt quand même.
Jean


« ... un monde où le bref passage de (cet homme) sur la terre a eu lieu diffère désormais irréductiblement et pour toujours d'un monde où il n'aurait pas eu lieu. »
Vladimir Jankélévitch


Lire Jankélévitch ni ne console, ni n'empêche les larmes, lire Jankélévitch permet de se tenir droit.

lundi, 03 juillet 2006

nostalgie du désert

Mag, accompagnée de Gil et Syl, a enfin accepté de prendre à droite après avoir franchi la Loire. Hier, la chaleur était celle qui nous baignait, il y a plus de quarante ans, dans les alentours de Biskra. Elle m’avait demandé de lui retrouver le texte de Gide sur Chetma ; elle se souvenait de l'Enfida et de ses abeilles. C’était dans le Septième livre des Nourritures terrestres. En scannant les pages de ma vieille édition de poche (1964), la nostalgie m’a saisi ; je crois que des larmes m’ont troublé les yeux.
Tant de douceur, d’amitié et d’espoir dans ces premières années de l’Indépendance !


Lenteur des heures. — Encore une grenade
sèche de l'an passé pend à la branche ; elle est
complètement éclatée, racornie ; à cette même
branche déjà des boutons de fleurs nouvelles se
gonflent. Des tourterelles passent entre les palmes.
Les abeilles s'activent dans la prairie.

(Je me souviens, près de l'Enfida, d'un puits
où descendaient de belles femmes ; non loin, un
immense rocher gris et rosé ; sa cime, m'a-t-on dit,
est hantée des abeilles ; oui, des peuples d'abeilles
y bourdonnent ; leurs ruches sont dans le rocher.
Quand vient l'été, les ruches, crevées de chaleur,
abandonnent le miel qui, le long du rocher,
s'épanche; les hommes de l'Enfida viennent et le
recueillent.)
...............................................................
Été ! coulure d'or ; profusion ; splendeur de
la lumière accrue; immense débordement de
l'amour ! Qui veut goûter du miel ? Les cellules
de cire ont fondu.
...............................................................

Oasis ! Elles flottaient sur le désert comme des
îles ; de loin, la verdeur des palmiers promettait
la source où leurs racines s'abreuvaient, parfois
elle était abondante et des lauriers-roses s'y pen-
chaient. — Ce jour-là, vers dix heures, lorsque
nous y arrivâmes, je refusai d'abord d'aller plus
loin; le charme des fleurs de ces jardins était tel
que je ne voulais plus les quitter. — Oasis ! (Ahmet
me dit que la suivante était beaucoup plus belle.)

*

Oasis. La suivante était beaucoup plus belle,
plus pleine de fleurs et de bruissements. Des arbres
plus grands se penchaient sur de plus abondantes
eaux. C'était midi. Nous nous baignâmes. — Puis
il nous fallut aussi la quitter.

Oasis. De la suivante que dirai-je? Elle était
encore plus belle et nous y attendîmes le soir.

Jardins ! je redirai pourtant quelles étaient avant
le soir vos accalmies délicieuses. Jardins ! Il y en
eut où l'on aurait cru se laver ; il y en eut qui
n'étaient plus que comme un verger monotone où
mûrissaient des abricots ; d'autres pleins de fleurs
et d'abeilles, où des parfums rôdaient, si forts
qu'ils eussent tenu lieu de mangeaille et nous
grisaient autant que des liqueurs.

Le lendemain je n'aimai plus que le désert.


Le désert ?
C’est une autre amie plus jeune, Be* - de celles et ceux que je nomme dans mon carnet d’adresses “les très proches jeunes” - qui a parcouru, avec sa fille, au printemps, l’espace mauritanien. Par procuration, elle m’a permis d'achever un vieux rêve commencé en 1958, quand au sortir de l'école d'Application du Train de Tours - promotion René Caillé -, un méchant petit camarade m’a fauché une affectation pour le poste d’Atar : il était le dernier sous-lieutenant de réserve, je n’étais que le premier des aspirants. À l'adolescence, déjà, avec la lecture de Méharées de Théodore Monod, il y avait eu le mythe de la bibliothèque de Chinguetti. Quand dans les années 90, je repris langue avec l'Afrique, sous les neems du fleuve Sénégal, du côté de Baalu, s’insinuait dans la demi-conscience d'une aimable torpeur de sieste le projet de prendre un 4x4 et de monter droit vers le Nord jusqu’à la porte de cette bibliothèque du désert.

Mj a raison. Dans la mélancolie du vieillissement se glissent la nostalgie, l’irréversible. Même quand continuent de se dessiner de minces projets d’aventure “aventureuse”. Telle méditée par Jankélévitch**
Il est vrai que, parées les digues du port, la vie aventureuse commence !

* Son journal et quelques photos de Nina sur leur site.
** Vladimir Jankélévitch, L'Aventure, l'Ennui, le Sérieux, in Philosophie morale, coll. Mille & Une Pages, Flammarion, 1998.

samedi, 01 juillet 2006

orthographe ou ortograf

Note dédiée à Th, ma correctrice préférée et beau-fraternellement aimée, à Ya son fils cadet,
à Hél, aux deux Er - et l'ami, et le fils - qui se sont débattus et se débattent parfois encore contre ces vieilles règles.
Je pourrais même me l'autodédicacer pour célébrer les quelques difficultés que je rencontre encore parfois avec les infinitifs et les participes passés.

Je lis rarement avec attention la chronique hebdomadaire de Bernard Frank, qui est certes un monsieur très lettré, vieux "professeur" un soupçon suranné, mais cette fois passionnant comme il a d'ailleurs titré sa chronique que je lui copie quasi intégralement, lui-même ayant cité à longueur d'italiques un entretien de Pierre Encrevé, linguiste, et de Michel Braudeau, rédacteur, dans la « NRF ».
Pierre Encrevé souhaiterait « voir figurer en tête de tout manuel de grammaire cette phrase : "Cet homme plein de scepticisme a des certitudes grammaticales. Hélas, Madame Straus [amie de Proust], il n'y a pas de certitudes, même grammaticales" ».
L'usage l'emporte sur le correcteur

La langue, ose dire Pierre Encrevé, « appartient à ses usagers, elle n'appartient pas à l'Etat ni à ses correcteurs. En revanche, l'Etat a des responsabilités à l'égard de la langue ».
« Si je comprends bien, dit Michel Braudeau ébahi, tu es obligé d'accorder le participe passé avec avoir jusqu'au bachot ou au doctorat, et après tu peux très bien ne plus l'accorder. »
Et Pierre Encrevé d'opiner :
« Exactement. En tant qu'écrivain, par exemple, tu es absolument libre de laisser le participe passé invariable. Comme tu le sais, mais comme, hélas, la plupart des professeurs d'école oublient d'en informer leurs élèves, c'est une règle qui a été explicitement proposée par Marot [1496-1544], en imitation de l'italien, qui lui paraissait la langue modèle ; qui n'avait, en principe, aucune raison d'être suivie par tout le monde. Toutes les enquêtes démontrent qu'elle n'est qu'exceptionnellement appliquée à l’oral, d'ailleurs elle n'a de trace audible que dans très peu de verbes. Mais à l'écrit, l'école républicaine a fini par l'imposer à tous, trois siècles après que cet espiègle et génial poète l'eut exposée dans une strophe de ses "Epigrammes", la proposant par jeu savant aux lettrés de son temps dans l'entourage "évangélique" de Marguerite d'Angoulême, sans pouvoir imaginer qu'on s'en servirait un jour pour discipliner tout un peuple... Marot, auteur avec Tory d'un petit traité d'orthographe qui a jeté les bases de l'accentuation moderne, "la Briefue Doctrine", en serait probablement assez contrit, ayant eu l'esprit plutôt libertaire. »
On comprend que Mitterrand se soit si longtemps méfié de Michel Rocard. Et surtout de son conseiller grammatical Pierre Encrevé, qui bouleversa en quelque sorte la langue française par son accord « marotique », qu'il juge « complètement artificiel, extérieur à notre langue, rejeté par Ronsard
"Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe..",

et non pas "déclos" comme on l'imposerait aujourd'hui », cet accord qui est devenu au cours des siècles « la vache sacrée par excellence de notre orthographe grammaticale... ».
Enfin, on en apprend, des choses, dans la « NRF »... Et ainsi que « Proust, toujours lui, écrit deux fois de suite, dans "Un amour de Swann" :"As-tu vu la tête qu'il a fait ?"0u encore '."Voyez la facture qu'il a fait" dans "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" ». Mais si Proust avait eu le temps de se relire...

Bernard Frank
Passionnant
in "Le Nouvel Observateur"du 29 juin au 5 juillet 2006


Merci, Messieurs Encrevé et Frank, et bel été à vous !

Post-scriptum : (qui a peu à voir, quoique !...)
Dans le même hebdomadaire, il est question de la « Bibliothèque Rose » : je n'ai jamais, mais jamais, lu un livre de la « Bibliothèque Rose »; par contre j'en dévorai dans la « Verte » : Jules Verne, Jack London, James-Olivier Curwood, Fenimore Cooper, Alexandre Dumas. D'autres...
Ils sont toujours sur mes étagères. En l'état !

vendredi, 30 juin 2006

fleuve blond

medium_Copie_de_Sur_le_Fleuve.2.jpg



C'était hier ou avant-hier, lors des Rencontres du Fleuve* qui, depuis une semaine, célèbrent le passé, le présent, les paysages, les bateaux, les vins, les femmes et les hommes, un futreau et une gabarre remontaient la Loire. La vallée me semblait blonde et je croyais enfin comprendre la fascination de l'ami Joachim Du Bellay pour l'or des belles chevelures.
À moins que ce ne fût pour ce vin d'Anjou en robe d'or que secrète le cépage chenin blanc !
Au choix donc, ou le vin ou la Dame Et puis non ! Pourquoi un choix ? Et la Dame et le vin.

.....................................
Je vois le blanc et vermeil
De cette face tant claire,
Dont l'un et l'autre soleil
À mes ténèbres éclaire.

Voyant ces rayons ardents,
Dessus le cristal de l'onde,
Qui frisent par le dedans
Le fond de l'arène blonde,

Je vois les ondes encor
De ces tresses blondelettes,
Qui se crêpent dessous l'or
Des argentines perlettes.

Le cep, qui étreint si fort
De l'orme la branche neuve,
Armant l'un et l'autre bord
Du long rampart de mon fleuve,

Ressemble ces nœuds épars,
Qui sur le front de ma dame
Enlacent de toutes parts
Mon cœur, mon corps et mon âme.

Ce vent, qui rase les flancs
De la plaine colorée,
À longs soupirs doux-soufflants,
Qui rident l'onde azurée,

M'inspire un doux souvenir
De cette haleine tant douce,
Qui fait doucement venir
Et plus doucement repousse

Les deux sommets endurcis
De ces blancs coteaux d'ivoire,
Comme les flots adoucis
Qui baisent les bords de Loire
..........................................

 


Joachim Du Bellay
Chant de l'Amour et du Printemps
Divers Jeux rustiques


* Le site des Rencontres du Fleuve.

jeudi, 29 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes XII

Des origines à la fin du Moyen-Âge


I486. — VAISSEAUX NANTAIS.

Les navires de guerre du XVe siècle étaient loin d'avoir un tonnage considérable. Les plus grands d'ailleurs peu nombreux, atteignaient à peine 300 tonneaux comme les vaisseaux nantais : Le Grand-Lion, le Pelit-Lion, et le Saint-Pierre-de-Nantes ; quant aux navires ordinaires, ils avaient un tonnage moyen de 80 tonneaux, c'est ce que jaugeaient les nantais : les Deux-Lions et la Bonnavanture, qui, montés chacun par 400 hommes, combattirent en 1486 sous le Duc François II (1).


1487. — BLOCUS DE NANTES

Lors de la « Guerre Folle» entre la Bretagne et la France, Nantes fut investie par les armées de terre et de mer françaises, cette dernière tenue en respect, toutefois, par les flottilles du Pays de Rays, Bourgneuf, Pornic et Bouin, gardant l'entrée de la Loire. Trois vaisseaux de guerre accompagnaient cette escadrille, commandée par Jacques Jouan et Jean Bouchart, petits-fils, l'un du premier marin qui ait été annobli pour servir à la mer, l'autre du premier amiral breton.
Malgré le blocus étroit de la ville, le corsaire breton Nicolas Coetanlem parvint deux fois à traverser la flotte française avec des barges chargées de vivres et à ravitailler Nantes.
Le siège fut enfin levé par terre,lors de l’arrivée d'une année de 10.000 hommes dont 1.500 Flamands, sous le commandement du Bâtard Baudouin de Bretagne, et par mer, lors de la venue de la flotte de Léon Cornouialles qui, réuni à Jacques Jouan et Jean Bouchait, dispersa la flotte française (2).
_______________________________________________________________

(1) HUET, Recherches Économiques et Statistiques sur le Département de la Loire-Inférieure, p. 184.
(2) DE LA RONCIÈRE, Histoire de la Marine française, t. II, pp. 419-20.

dimanche, 25 juin 2006

sortie de sieste saine

Toujours dans le Bonheur fou de Giono :

Les gens qu'on voit en ouvrant les yeux après la sieste ne sont jamais beaux.


Ça pourrait s'apppliquer aussi, quand, après avoir lu certains commentaires sur les blogues de ce que je nomme mon "phalanstère", levant les yeux, je rencontrerais le visage @nomyme des rédacteurs des dits commentaires.

samedi, 24 juin 2006

seins de sainte

medium_agathe.jpgQue seraient devenues les méditations lactées de Bourdaily on the web, si à l'icône moyen-âgeuse de Bernard de
Clairvaux s'abreuvant au virginal sein, j'avais substitué le plateau sanguinolent de Sainte Agathe aux seins coupés.
Quoique - salut, Devos ! - avec ce diable d'homme qu'est JCB, sait-on en quel lieu de perdition, il nous eût entraîné(e)s ?

C'était le 16 juin dernier, la note de Langue sauce piquante, à propos du mot démotivation.
Décidément, comme le laissent pressentir nos correcteurs préférés, l'auréole ne vaut pas l'aréole.

Le tableau de Zurbaran, Sainte Agathe présentant ses seins sur un plateau, est au Musée Fabre de Montpellier. Le geste pseudo-zygodactyle n'est pas esquissé !

Post-scriptum : (qui n'a rien à voir avec ce qui précède, comme écrirait Delfeil de Ton).
Une belle et pertinente note de JCB à propos de l'enfer de la blogosphère en date du jeudi 22 juin. J'étais trop dans le spleen des vieillards et pas du tout "dans le coup" de ce qui se postillonnait dans les commentaires chez Berlol. Ça m'a navré.
De quoi, parfois donner raison à madame Élizabeth Lévy qui, dans son ton habituel, paraît pratiquer un dédain certain de la blogosphère et qui, dans son émission de ce jour, Le premier pouvoir, reprenant les termes d'un de ses invités, nomme les blogueurs "des citoyens de base". Des "basiques", disait l'invité.

jeudi, 22 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes XI

des origines à la fin du Moyen-Âge


1456. — LA NAVIGATION ET LES PONTS DE NANTES.

Jusqu'alors la navigation n'avait été nullement interrompue par la ligne des ponts ; et des arches plus élevées et plus larges assuraient aux bras les plus importants le passage des navires.
Mais, le tonnage augmentant, ces arches devinrent insuffisantes, d'autant plus que les ponts étaient encombrés de moulins et de pêcheries ; aussi, voyons-nous le Duc d'Anjou, Comte du Maine, prier en 1456 son voisin le Duc de Bretagne, de ménager à son Pont de Nantes un passage assez large pour permettre aux « bâtiments à hune » de remonter le fleuve (1).
La ligne des ponts était alors exclusivement construite en bois, et chaque crue plus importante, ou chaque débâcle des glaces la rompait sur de nombreux points. Ce ne fut qu'à partir de 1563 que l'on commença à reconstruire les ponts en pierre ; et cette entreprise dura plus de vingt ans. La construction et l'entretien des ponts constituaient au XVe siècle la dépense la plus lourde du budget municipal ; un « miseur » ou payeur Spécial et un architecte étaient exclusivement chargés de ce service, alimenté par le produit des moulins et pêcheries, et aussi par de nombreux droits perçus sur les marchandises passant sur ou sous les ponts (2).


1470. — LE VAISSEAU LA “NEF DE NANTES”.

Le vaisseau la Nef-de-Nantes figurait parmi l'escadre bretonne réunie au Croisic, le 13 juin 1470, pour soutenir la bannière bourguignonne contre Warwick. Cette petite flotte qui comptait cinq bâtiments, dont la Nef-de-Nantes, le Cerf et la Haquenée, était sous le commandement du capitaine Guillaume Jouan. Pour exciter le courage des marins, le Duc François II leur abandonnait en entier le butin, dont un quart devait revenir au capitaine, un quart aux armateurs, et le reste aux combattants (3).


1474. — REPRÉSENTANTS NANTAIS DES “MARCHANDS FRÉQUENTANT LA RIVIÈRE DE LOIRE”.

Lors de la réunion générale des « Marchands fréquentant la rivière de Loire », tenue à Orléans le 12 mai 1474, et dans laquelle ils nommèrent ceux d'entre eux qui représenteraient dans chaque ville les intérêts de la Compagnie, nous voyons figurer en tête : Jehan Chese, Guillaume Bedelièvre, Jehan Mercier, Pierre Moreau et Jehan Sorbot, de Nantes (4).
_______________________________________________________________________________

(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Marine Bretonne aux XVe et XVIe siècles.
(2) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. II, pp. 276-388
(3) LA RONCIÈRE, Histoire de la Marine Française, t II, pp. 342-3.
(4) MANTELLIER, Histoire de la Communauté des Marchands fréquentant la rivière de Loire, t. II, p. 4.

mercredi, 21 juin 2006

de plus en plus succinct

Quand aux nuisances poussiéreuses et sonores des travaux de rénovation des maisons voisines *, s'ajoutent les arcanes bancaires et autres chienlies financières, ne demeurent que un ou deux aphorismes bien servis et quelques musiques de plein air pour la soirée :

Libros lege **

Denys Caton
Brèves sentences


* Pourquoi ? Mais pourquoi ma bonne vieille voisine s'en est-elle allée, l'autre été, quand j'étais en Galice ?
** Lis les livres .

mardi, 20 juin 2006

succinct du blogue

Les aléas du voisinage en travaux nuisent au recueillement du penser pour écrire. Demeurent, dans le lire, de jolies bribes, telle :

Les femmes dont les cils font beaucoup d'ombre ont généralement l'âme fraîche.

C'est , chez Giono, dans les cents dernières pages du Bonheur Fou

dimanche, 18 juin 2006

au hasard de la chaleur


J'étais en plein océan. Nous voguions. Tout à
coup le vent tomba. Alors l'océan démasqua sa
grandeur, son interminable solitude.

Le vent tomba d'un coup, ma vie fit « toc ».
Elle était arrêtée à tout jamais.

Ce fut une après-midi de délire, ce fut une
après-midi singulière, l'après-midi de « la fiancée
se retire ».

Ce fut un moment, un éternel moment, comme
la voix de l'homme et sa santé étouffe sans effort
les gémissements des microbes affamés, ce fut un
moment, et tous les autres moments s'y enfour-
nèrent, s'y envaginèrent, l'un après l'autre, au
fur et à mesure qu'ils arrivaient, sans fin, sans
fin, et je fus roulé dedans, de plus en plus enfoui,
sans fin, sans fin.


Henri Michaux
Ma vie s’arrêta
Lointain intérieur

vendredi, 16 juin 2006

spleen

La vigne fleurit. Le muscadet pétille, léger.

Le monde est une vraie merde.
Airbus a totalement écrasé mon vignoble du Chaffault et son ex-président directeur général, un certain Noël...machin, à l'instar de l'autre, Antoine... truc, ex-président de Vinci, a pris soin de s'emplir ses fouilles et celles de ces rejetons, avant que l'Airbus ne s'étale sur le tarmac.
De pauvres nègres continuent d'arriver exsangues sur les grèves de Fuerteventura.

Je lis Giono à la "Genette" qui lisait Proust en sautant les passages narratifs.
Il suffit de me laisser guider par les mots qui disent et l'odorat et l'ouïe et l'œil d'Angelo : le Bonheur est Fou à chaque page.
Ça me console de mon espace qui va se restreindre. Me console un peu seulement !

jeudi, 15 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes X

Des origines à la fin du Moyen-Âge


1413. — PREMIERS REGISTRES D’ARMEMENT

De tous les registres et documents relatifs au commerce de Nantes au XV* siècle, nous ne possédons qu'une seule feuille de parchemin arrachée à un registre d'armement. Elle fut trouvée dans les Archives de la Besnate (Loire-Inférieure), où elle servait de couverture au registre des décès de l’an XI. Ce document constate, en janvier 1413, l'armement des navires suivants :
« Le vessel la Notre-Dame, de Nantes, allant en Flandres ;
« le vessel le Sainct-Nicholas, de Nantes, allant hors Bretagne ;
« et la nef la Notre-Dame, de Nantes, chargée de vins d'amont, c'est-à-dire d'Anjou, pour le compte de Rohan, et qui eut à payer pour briefs et conduit cent cinq sols » (1).



1417. — TRANSPORT D’ "ARTILLERIES"

Le dépôt des Cartes et Plans de la Marine possède deux quittances curieuses relatives à Nantes.
L'une, datée de Nantes, le 17 octobre 1417,est une quittance de 21 livres du marinier Jehan Guischard, de Nantes, pour le transport a Brest, de » plusieurs artilleries».
L'autre, datée de Nantes, le 17 octobre 1417, est une quittance de 38 livres, du marinier Jehan Portier, pour le transport du Conc à Nantes de : « grant quantité de artilleries ».
À la suite de ces pièces est la note : « est assavoir que ces quittances ont esté descellées par cas de fortune, par le singe qui entra au comptoir» (2).


1430. — ACCORD DE NANTES AVEC L'ESPAGNE.

Le commerce de Nantes avec l'Espagne était alors très florissant ; un traité commercial fut même le 28 avril 1430, entre Alphonse, Roi de Castille, et Jean V, Duc de Bretagne. L'évêque de Nantes était nomme juge et arbitre pour les Espagnols commerçant en Bretagne ; et Sanche Estane pour les Bretons commerçant en Espagne. Ce fut l'origine de la fameuse association de la Contractation (3).

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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Marine Bretonne aux XV- et XVI' siècles, p. 76
(2) DE LA RONCIÈRE, Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques publiques de France. — Bibliothèque de la Marine, p. 153.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I p. 527. MEURET, Annales de Nantes, t. I, p. 252. (LE BŒUF, Du Commerce de Nantes, p. 25, et E. GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes au XVIIe siècle, donnent la date de 1428.)