lundi, 03 juillet 2006
nostalgie du désert
Mag, accompagnée de Gil et Syl, a enfin accepté de prendre à droite après avoir franchi la Loire. Hier, la chaleur était celle qui nous baignait, il y a plus de quarante ans, dans les alentours de Biskra. Elle m’avait demandé de lui retrouver le texte de Gide sur Chetma ; elle se souvenait de l'Enfida et de ses abeilles. C’était dans le Septième livre des Nourritures terrestres. En scannant les pages de ma vieille édition de poche (1964), la nostalgie m’a saisi ; je crois que des larmes m’ont troublé les yeux.
Tant de douceur, d’amitié et d’espoir dans ces premières années de l’Indépendance !
Lenteur des heures. — Encore une grenade
sèche de l'an passé pend à la branche ; elle est
complètement éclatée, racornie ; à cette même
branche déjà des boutons de fleurs nouvelles se
gonflent. Des tourterelles passent entre les palmes.
Les abeilles s'activent dans la prairie.
(Je me souviens, près de l'Enfida, d'un puits
où descendaient de belles femmes ; non loin, un
immense rocher gris et rosé ; sa cime, m'a-t-on dit,
est hantée des abeilles ; oui, des peuples d'abeilles
y bourdonnent ; leurs ruches sont dans le rocher.
Quand vient l'été, les ruches, crevées de chaleur,
abandonnent le miel qui, le long du rocher,
s'épanche; les hommes de l'Enfida viennent et le
recueillent.)
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Été ! coulure d'or ; profusion ; splendeur de
la lumière accrue; immense débordement de
l'amour ! Qui veut goûter du miel ? Les cellules
de cire ont fondu.
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Oasis ! Elles flottaient sur le désert comme des
îles ; de loin, la verdeur des palmiers promettait
la source où leurs racines s'abreuvaient, parfois
elle était abondante et des lauriers-roses s'y pen-
chaient. — Ce jour-là, vers dix heures, lorsque
nous y arrivâmes, je refusai d'abord d'aller plus
loin; le charme des fleurs de ces jardins était tel
que je ne voulais plus les quitter. — Oasis ! (Ahmet
me dit que la suivante était beaucoup plus belle.)
*
Oasis. La suivante était beaucoup plus belle,
plus pleine de fleurs et de bruissements. Des arbres
plus grands se penchaient sur de plus abondantes
eaux. C'était midi. Nous nous baignâmes. — Puis
il nous fallut aussi la quitter.
Oasis. De la suivante que dirai-je? Elle était
encore plus belle et nous y attendîmes le soir.
Jardins ! je redirai pourtant quelles étaient avant
le soir vos accalmies délicieuses. Jardins ! Il y en
eut où l'on aurait cru se laver ; il y en eut qui
n'étaient plus que comme un verger monotone où
mûrissaient des abricots ; d'autres pleins de fleurs
et d'abeilles, où des parfums rôdaient, si forts
qu'ils eussent tenu lieu de mangeaille et nous
grisaient autant que des liqueurs.
Le lendemain je n'aimai plus que le désert.
Le désert ?
C’est une autre amie plus jeune, Be* - de celles et ceux que je nomme dans mon carnet d’adresses “les très proches jeunes” - qui a parcouru, avec sa fille, au printemps, l’espace mauritanien. Par procuration, elle m’a permis d'achever un vieux rêve commencé en 1958, quand au sortir de l'école d'Application du Train de Tours - promotion René Caillé -, un méchant petit camarade m’a fauché une affectation pour le poste d’Atar : il était le dernier sous-lieutenant de réserve, je n’étais que le premier des aspirants. À l'adolescence, déjà, avec la lecture de Méharées de Théodore Monod, il y avait eu le mythe de la bibliothèque de Chinguetti. Quand dans les années 90, je repris langue avec l'Afrique, sous les neems du fleuve Sénégal, du côté de Baalu, s’insinuait dans la demi-conscience d'une aimable torpeur de sieste le projet de prendre un 4x4 et de monter droit vers le Nord jusqu’à la porte de cette bibliothèque du désert.
Mj a raison. Dans la mélancolie du vieillissement se glissent la nostalgie, l’irréversible. Même quand continuent de se dessiner de minces projets d’aventure “aventureuse”. Telle méditée par Jankélévitch**
Il est vrai que, parées les digues du port, la vie aventureuse commence !
* Son journal et quelques photos de Nina sur leur site.
** Vladimir Jankélévitch, L'Aventure, l'Ennui, le Sérieux, in Philosophie morale, coll. Mille & Une Pages, Flammarion, 1998.
16:45 Publié dans les lectures, les voyages | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Chinghetti Ouadane à pied avec pour seuls bruits les pas des dromadaires, dormir à la belle étoile et fêter mes soixante ans dans le désert.
Écrit par : la Fanchon | lundi, 03 juillet 2006
Pour le désert c'est un grand souvenir réalisé il y a quelques années.
Bon vent à toi, je vais de temps en temps à la pointe de Penvins, je ne peux m'en passer.
Écrit par : la Fanchon | mercredi, 05 juillet 2006
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