samedi, 02 septembre 2006
lire Théo Lésoualc'h
En lisant la Vie vite
Libéré ou pas. Va savoir ! J'ai toujours cru,
moi, que je venais de me libérer de quelque chose...
De libération en libération ! Et chaque fois ça
recommençait en mieux ! Libéré de voyager. Tiens !
Ça fait plus de dix ans que je traîne et aujourd'hui
j'en suis encore à me demander si je ne passerai pas par le Mexique,
les îles du Pacifique.
Je repense à la Turquie, les rues du vieux Stamboul, à Ceylan, aux Indes
(comme ils disent), à la Suède, au Maroc.
Libéré, je t'en fous. Jamais peut-être !
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Voyager, c'est ça aussi... rencontrer partout, partout
ces marchands de tapis obscènes, vils, purulents,
sirupeux, mielleux, veules, infects, rétrécis, sordides, puants...
Voyager c'est, malgré soi, prendre tout ça dans
son propre sillage.
Les hommes, on les regarde. On passe. On continue
à marcher. On fait des kilomètres. On mange
du KILOMÈTRE, des bornes à la surface concave du
monde. Ma traversée de Hambourg à pied, sac au
dos. Hambourg qui n'en finit jamais, et Gênes, toute
sa banlieue sans fin, la mer bleue à ma droite. Ma
sortie de Barcelone, les voitures qui me croisent, qui
me doublent, des gens qui rentrent chez eux,
reviennent du cinéma, joyeux. Marcher toujours, user des pistes inusables.
Voyager, disparaître. Ombre.
Se torturer aux ornières des routes défoncées par le poids humain...
terres fraîches, terres brûlantes, terres arides.
Entrer dans de nouveaux paysages, regarder, l'œil fou.
A pleins yeux.
Déchirer dans son dos les paysages d'hier.
Passer des portes, découvrir de nouvelles aubes,
chaque jour, des aubes neuves, s'imbiber de tout ça,
seconde par seconde, s'en meurtrir, du sable, des
sels, des lunes. De viol en viol, déchiffrer les insolites.
Partout. Et tous les espaces griffés d'hiéroglyphes.
S'allonger sur les ponts des bateaux, respirer
des rythmes de machines, des tam-tams de rails de
fer. N'être jamais au terme. S'offrir. Rester debout,
la poitrine ouverte, vulnérable, suicidé-amoureux.
Le contraire d'un ascète. Vouloir de tout, plus. Avoir
soif toujours.
Voyager : l'anti-ascèse.
Tout prendre, être avide. Gagner, perdre, s'en
foutre, tricher, voler, jouer, ne pas jouer, mordre,
ruer. Ne pas croire au hasard. N'y plus croire. Y
croire pourtant. S'y livrer.
Voyager, restituer à l'homme son titre de vagabond.
Malgré tout. Malgré lui. Malgré les marchands
de souvenirs !
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J'écris maintenant de mon village de Nagasawa,
près de Kurihama, à une heure et demie de Tokyo.
C'est là que je me suis réfugié pour fuir Tokyo qui
me pompe. Il pleut. Ça coule dans les bambous
autour de ma maison de bois. Et il y a le roulis de la
plage. C'est bon. Demain je dois pourtant aller à
Tokyo, passer dans des bureaux, mendier, grenouiller.
J'ai pas envie. Seulement rester sous mon toit de
pluie.
Ne plus bouger.
Un livre, n'importe lequel, sur mon matelas, par
terre. Je sors sous les gouttes. Je tire de l'eau au
puits. J'allume mon feu dans la cuisine improvisée.
La maison sent les feuilles mortes. C'est Yuriko qui
m'a accroché du liseron en revenant un jour d'une
promenade à travers les rizières.
Qui s'est lentement desséché.
Elle arrive. Elle reste un jour ou deux. Trois jours.
S'empare de la maison. Ramasse des fleurs, les organise
dans un vieux pot de confiture. Méticuleusement.
Elle me regarde écrire sans dire un mot. Me caresse
sans un mot. Pose sa tête sur mon épaule. Je laisse
ma machine, une phrase en route... une phrase qui...
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17:50 Publié dans les lectures, les voyages, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
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