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jeudi, 15 septembre 2005

Brouillards matinaux

Brume dans le vallon.
“Vieux livres” à réouvrir, comme l’écrit François Bon, le 12 de ce mois.

Les bois étaient recouverts de brumes basses,
Déserts, gonflés de pluie et silencieux ;
Longtemps avait soufflé ce vent du Nord où passent
Les Enfants Sauvages, fuyant vers d’autres cieux,
Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l’espace.

Patrice de la Tour du Pin
,
Les Enfants de Septembre,
La quête de la joie.


Sans doute n’ai-je lu du poète que ce recueil, mais chaque matin de brouillard, ce sont ces mots qui émergent dans ma nostalgie de fin d’été s’imprègnant des vendanges, de la cueillette des pommes et déjà des fraîcheurs affirmées des petits matins.

Je suis allé sur “Google” : La Tour du Pin ne semble pas oublié ; il serait toujours un livre “ouvert” , mesuré au nombre de pages recensées ; il est vrai que son côté “catholique” semble aujourd’hui le plus pratiqué....

Ce qui naguère me fascinait dans la Quête de la joie, c’était son lyrisme qui charrie dans ses libres alexandrins les influences du Romantisme et du Symbolisme.

Il est chez lui des ciels et des paysages hautains que ne renieraient pas Tolkien et ses épigones cinéastes.

mercredi, 14 septembre 2005

Marche, pommes et musique

Deux jours de “reprise”. J’ai beau vouloir échapper aux contraintes sociales, l’amitié me rattrape.
Et c’est avec Br et La, la préparation de “l’heure avec le Sourire qui mord”. Et c’est avec le ”Jumelage”, les rivages sahéliens qui sollicitent notre solidarité. J’avoue que je me détache peu à peu de mes passions africaines, mais j’ai proposé mon expérience d'internaute pour organiser circulation des informations et débats critiques dans un blogue. Les “commentaires” seront-ils enfin utilisés ?
J’ai souvenir des légers découragements de Berlol, en août 2004 sur les silences de la rubrique ; depuis deux jours, il a porté l’estocade à U-blog qui laissait traîner, après lecture de son journal, un méchant placard publicitaire de drague internaute; désormais, il navigue en eaux libres avec “Dotclear”.
Quand vais-je franchir ce gué, à mon tour ? Non que “Hautetfort" soit contraignant - les flammes publicitaires qui étaient réapparues, se sont à nouveau éteintes et l’outillage est certes un des plus performants.
Je montre une certaine ingratitude à l’égard de monsieur Desavoye qui doit me garder quelque rancune de ma critique acerbe de son livre, au fond très sérieux et bien documenté, mais si mal fagoté quant à la langue.

Ce matin, petite randonnée de trois heures. La Couillauderie, les Bauches-du-Désert, La Mouchonnerie, la Roche-Ballue, le chemin de la Mandine, le chemin de la Sangle : les amis se retrouvent et arpentent à nouveau leurs chemins creux.
Cet après-midi, cueillette de pommes aux vergers de Grand’Lieu : les Belles-de- Boskoop ont de ces rondeurs !

Quand je quitte l’écran, je pense à ce que je souhaitais évoquer et que, souventes fois, je perds entre les touches du clavier et mes doigts.
Comment n’ai-je point évoqué la mort de Luc Ferrari ? Il fut mon entrée dans la musique contemporaine, lors d’une tournée qu’il fit dans les Centres culturels français en Algérie, dans le courant de l’année 1965. J’ai découvert le paysage sonore à l’écoute sa “Promenade symphonique à travers un paysage musical” :

« Voici comment se raconte l’histoire, et c’est bien une promenade symphonique qui a été effectuée à travers un paysage.
C’est le matin. Un promeneur vient du désert,. L’air est silencieux, mais l’accoustique est habitée.... »


Il suivait des chemins secrets, de lui seul reconnus. J’ai retrouvé lors de l’hommage que France Cul lui a rendu, il y a une semaine, l’une de ses randonnées musicales : il glissait dans les conches nocturnes du Marais poitevin. Sa voix confidente et sourde se dépliait dans les bruissements de la perche qui propulsait la barque. Il arrachait de la beauté aux silences.

Décidément, nous hantions les mêmes paysages.
Écrivant ceci, j’écoute les sonates du Rosaire de Heinrich Ignatius Biber - il eût aimé, je pense - et j’ai une Belle-de-Boskoop à demi croquée sur la table.

Normal non ! Quand le pupitre est un iBook !

Post-scriptum :

À lire de foutus beaux "tumultes" dans la rubrique "De l'écriture".
« On aimait encore nos vieux livres : mais ils parlaient de temps trop anciens, et nous étions de plus en plus rares à les préserver, à les ouvrir. Bien sûr il y avait ce bavardage, les rencontres, les débats, les journaux, les forums, ce qu’on se disait au téléphone, ce qu’on entendait à la radio : la langue était partout, la langue était interminable... »

Ne pas hésiter à s'égarer dans le tumulte BON !

lundi, 12 septembre 2005

La vie, l'œuvre de Char

Bien bonne émission dans la série de France Cul, "Une vie, une œuvre" sur René Char.
Des voix nouvelles qui disent leur compagnonnage avec l'homme et ses écrits. Comme un rafraichissement !
Je pense qu'il s'agit là d'une émission qui peut amener à la lecture et à en aplanir la rudesse.

Nicléane et Em m'avaient averti de la diffusion, ce soir du dimanche 11 septembre. Je leur en sais gré.
Elle est en déjà dans mes cassette, s'ajoutant aux huit autres qui vont de 1970 à ce jour, de "Terres mutilées", d'Hélène Martin à mes modestes lectures faites pour la "bibliothèque sonore" de Laval : Le Marteau sans maître et Moulin Premier.
L'émission se clôt sur une extraordinaire lecture par René Char lui-même de L'inoffensif :


... Je n'ai pleuré en vérité qu'une seule fois. Le soleil en disparaissant avait coupé ton visage. Ta tête avait roulé dans la fosse du ciel et je ne croyais plus au lendemain.
Lequel est l'homme du matin et lequel celui des ténèbres ?

La parole en archipel
Poèmes des deux années
Le rempart de brindilles

1962



Sur ce blogue, dans la rubrique "Poètes, vos papiers !" du 8 février de cet an, une brève présentation du premier "René CHAR" de la collection Poètes d'aujourd'hui, chez Seghers.

dimanche, 11 septembre 2005

Assia Djebar a écrit...

...La poésie populaire reste devant ; un phare dans les ténèbres de l’éclipse d’hier. Une raison aujourd’hui d’espérer en finir avec le déchirement d’un bilinguisme qui semble boiter des deux jambes.

En finir un jour de parler sa langue maternelle comme un enfant qui apprend à marcher, et sa langue de culture comme un étranger masqué.


Assia Djebar
Préface à
Poèmes pour l’Algérie heureuse
SNDED, Alger

Lectures algériennes et autres

Reprise des projets pour les mois à venir. Avant hier, je suis allé à Condorcet - la médiathèque.
J’y suis revenu hier matin pour prendre “Ces voix qui m’assiègent” d’Assia Djebar. C'est quelques minutes avant le bulletin "météo marine" de France Inter que j'ai appris le 15 juin dernier, en plein golfe de Gascogne, l'élection de Djebar à l'Académie française ; ce fut une sacrée joie. Ce sont Yacine, Feraoun, Sénac, Mammeri, Anna Gréki, Dib, qui y entrent dans son beau sillage de femme.

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Je tiens "Ces voix qui m'assiègent" pour un des bouquins les plus forts sur la confrontation linguistique qu'avait déjà abordée Kateb Yacine dans Le Polygone étoilé :

« ...Quand j’eus sept ans... mon père prit soudain la décision irrévocable de me fourrer sans plus tarder dans la “gueule du loup”, c’est-à-dire à l’école française.
Il le faisait le cœur serré :
— Laisse l’arabe pour l’instant. Je ne veux pas que, comme moi, tu sois assis entre deux chaises... La langue française domine. Il te faudra la dominer, et laisser en arrière tout ce que nous t’avons inculqué dans ta plus tendre enfance. Mais une fois passé maître dans la langue française, tu pourras sans danger revenir avec nous à ton point de départ. »

Le Polygone étoilé, page 180.



Le bouquin de Djebar rassemble quinze ans de textes - poèmes, interventions lors de colloques, conférences, articles, où elle se confronte souvent dans un déchirement douloureux avec cet “tangage des langues”.

« Femme algérienne... “femme arabo-berbère” et en sus “d’écriture française” ».


Je le présente aux “coups de cœur” de Bouguenais bouquine du 20 septembre.

Quand j’entre à Condorcet, c’est comme si je n’avais pas quitté le métier. Même accueil chaleureux que naguère, quand je venais y animer des ateliers d’écriture ou des journées autour de la littérature de jeunesse.
Avec Mg, nous avons survolé les deux ou trois actions où je dois - encore ! - intervenir.
“Les heures avec ...” : une heure avec le Sourire qui mord. Nous nous revoyons, mardi avec Br qui a déjà rassemblé tous les albums qu’a édités ce sacré Christian Bruel.
Un petit tour au coin “multimédia” où nous reparlons avec Jl de la relance des deux blogues “Bouguenais bouquine” et “Croque-livres” ; mai et juin ne furent que de timides amorces. Il n’est sans doute pas encore naturel, pour la lectrice, le lecteur, d’affirmer leurs convictions critiques, même quand il ne s’agit que de témoigner de leur intérêt pour un texte.
À lire les quelques interventions que consacre à la “chose” critique le Magazine littéraire de septembre - pp.26-28 et plus particulièrement celle de Bertrand Leclair : Bouvard et Pécuchet font de la critique. En rappel, le blogue de Berlol, le jeudi 3 février 2005.

Be me confie les deux CD sur Cadou chanté. J’avais l’intention de solliciter un compagnon, bon guitariste, bon chanteur, pour accompagner mes lectures dans “Une heure avec René Guy Cadou” en février 2006...
Mais je me réinterroge sur cette idée. Car, toujours la même déception à l’écoute de ces poèmes chantés. Je m’étais accroché assez violemment avec Luc Vidal quand, dans les années 90, il édita, au Petit Véhicule*, Môrice Bénin. J’estimais le résultat franchement mauvais ! Chanter les poètes ? Il n’y a guère que Ferré et quelques exceptions, rares, Caussimon, Hélène Martin, Francesca Solleville, par exemple. Quinze ans après, même quand à Bénin, s’ajoutent des gens, ailleurs talentueux , comme Julius Beaucarne et Marc Robine, ça n’enrichit rien.

Laissez-nous donc les lire, nos poètes !
Mieux vaut bon diseur que piètre chanteur.

Naguère, en mes années de jeunesse, le débat était autour de Brassens sur “chanteur et poète”.
Aujourd’hui, c’est plus dérisoire encore ; en écoutant Finkielkraut, hier matin dans Répliques, j’ai cru comprendre que le thème glissait désormais sur “chanteur et sociologue” (l’exemple : Pierre Perret et sa chanson Mimi - il était déjà sexologue avec son zizi , le brave homme !).

Hier au soir, tard dans la nuit, “fête du village”. Bof ! Beaufs ! L’urbanisation n’arrange guère mes penchants relationnels à certains voisinages.

* Les éditions du Petit Véhicule, association plus militante que mercantile, font une belle part à la poésie. Elles publient une revue, SIGNES, consacrée à la littérature et à la peinture.
http://www.petit-vehicule.asso.fr/

vendredi, 09 septembre 2005

Pluie après tonte ?

Tonte avant pluie ?

Hier, tonte du paillasson qu’est devenue ma prairie que jamais je n’ai osé nommer “pelouse”. Viendra-t-elle, l’ondée bienheureuse ?
La terre est bosselée, mais la tonte me laisse toujours dans un état de béate satisfaction devant l’aplani qui résulte de cette heure et demie de labeur !

Réouvert , par hasard (?) comme souvent, pour les livres viatiques, “L’art de vieillir” de John Cowper Powys.* Les cours de grec vont bientôt reprendre. Eh, oui ! On ne peut se déprendre tout à fait de ce phénomène qu’on appelle “la rentrée”. Elle n’est ni scolaire, ni universitaire, ni sociale -quoique, là, parfois !
Elle est de jouissance paisible et s’étale dans d’improductives activités.
Mais où donc la langue espagnole a-t-elle déniché ce terme si jubilatoire de “jubilatos” pour désigner l’état bienheureux de ces vieux travailleurs enfin au repos ?
Bientôt neuf ans que je suis donc entré en cette jubilation qui ne s’atténue point !
Bref, le bouquin de Powys est de bon conseil et son chapitre IX “ La Vieillesse et la Littérature”, un exercice de méditation à l’usage des lectrices et lecteurs de certain âge :

«Le contraste est la cause principale du plaisir humain. Le contact le plus simple à la disposition d’un vieillard qui a vu du pays, et qui a aussi la chance de ne pas avoir de visiteurs, varie entre “naviguer par temps calme” sur un océan serein de mots familiers et plonger dans les eaux bourdonnantes des pages d’un dictionnaire afin de résoudre le mystère de mots bizarres et étranges.
Heureux, oui trois fois heureux, le vieillard qui, sans être par nature ce que nous appelons un érudit, garde encore assez de souvenirs de son passage sur les bancs de l’école pour savoir se servir du Dictionnaire grec de Scott et Liddell ! »

Le Bailly, chez nous !

Voilà, aujourd’hui est jour de marché : le marchand de brioches nous est-il revenu des marchés saisonniers de la “Côte” ? Ma poissonnière à la belle matité de Juive oranaise offrira-t-elle encore de belles moules, bien pleines, de Pénestin ? Et le boudin ? Aura-t-il moins de viande, plus de sang et de gras ?

Cette chronique, qui, donc, est chronique d'anniversaire, je la dédie à mon "petit" frère, qui depuis un an m'a rejoint, avec tout autant de jubilation, dans cet état de vacance, "littéralement et dans tous les sens".

*L’art de vieillir, John Cowper Powys, traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Masek, coll. “en lisant en écrivant”, Éditions José Corti, Paris 1999.

mercredi, 07 septembre 2005

Retour de Liré

Le séjour qu'avaient bâti les aïeux de Joachim, seigneur de Gonnord, avait des teintes automnales, mais le vallon du Doué de Lou semble recèler encore dans ses ombres fraîches de tendres mystères.

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Je n'ose dire que, plus bas, le Loyr gaulois n'est plus qu'un mince ruisselet.
Mais quelle sécheresse ! Les grèves blondes où s'allongeaient mes belles en sont devenues grises !

À La Maison-Cassée, il fut question de croisière à venir pour le début d'automne, des erreurs que commet à répétitions l'auteur de ce blogue quand il s'obstine à ne point distinguer infinitif et participe passé, Th étant une très attentive lectrice et une des correctrices les plus affûtées que je connaisse.
J'aime beaucoup les images que Nicléane a faites des ruines de La Turmelière, mais il serait grand temps que la municipalité de Liré se préoccupe de l'état du site où naquit son grand homme.

mardi, 06 septembre 2005

Allant à Liré

Nous allons passer quelques heures à aux bords de Loire, à la Maison-Cassée, près de l’Île-aux-Moines, en Liré.
Je pousserai, une fois de plus, jusqu’à La Turmelière, évitant la banale construction érigée à la fin du XIXe siècle, par un dénommé Charles Thoinnet, ancien chambellan de Napoléon III, pour aller rêver sur la colline qui surplombe le Doué de Lou.

Dans mes errances galiciennes, quand un peu m’étreignait le “regret” de mes rives, j’ai relu le Tombeau de Du Bellay ; Michel Deguy est sans doute le premier à assigner une juste place au Liréen et à souligner ce qui fait de celui -ci notre si proche contemporain.

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L’apparente et consciente humilité de la banalisation « autobiographique », qui quitte les grands genres et laisse les grandes cordes à la lyre de Ronsard, semble en contradiction avec le projet d’une grande poésie moderne française, et sans doute du Bellay la ressentit comme telle,accablé de son affaissement d’inspiration, mais à la faveur de cette profanation la poésie se rapproche de cette capacité qui sera pensée comme son « essence » : l’inquiétude de l’interrogation de ce qu’elle est. Le passage, de la fureur stéréotypée, qui se réserve aux grands thèmes, au désenchantement annonce l’expérience du plus grand nombre. Le sujet de la langue et le sujet de l’histoire s’identifient. ....Comme un qui, désespérant de construire ou de reconstruire en marbre, inventerait de travailler avec le bois, matériau innombrable, et retourne ainsi le manque contre lui : prend le vide à rebours et le change en élément, donne l’eau à boire et à préférer — au risque, qui ne cessera de s’aggraver, de ruiner les différences jusqu’à celle de la prose et de la poésie et, au matin de Cendrars, du poème et du journal.

Tombeau de Du Bellay
de Michel Deguy,
pp.110-111





Un autre jour, il faudra bien poursuivre le chemin jusqu'à Saint-Florent-le-Vieil.
Surplombant le fleuve, près de l'île Batailleuse, réside un très vieil homme, qu'au temps de ma jeunesse folle, j'avais envisagé de visiter ; à l'époque, il était très difficile de se procurer ses livres. Il m'a fallu attendre le début des années 60 pour avoir entre les mains Le Rivages des Syrtes.
J'avoue que je n'oserais plus aller toquer à la porte de monsieur Louis Poirier. J'irais cependant visiter la bibliothèque municipale à laquelle il a fait don d'une première partie de sa "librairie". Manière de pénétrer dans les fondations de ce grand œuvre, que je vis comme très ancien et plus contemporain de ces plates proses que nous offrent les hommes (...et femmes) qui "managent" les appareils éditoriaux.

Ô cendres de José Corti !

lundi, 05 septembre 2005

Comme ça, en passant

Avec l'hospitalisation du monsieur que certains de mes concitoyens - 80 %, si je ne me trompe point - ont élu "roi" de France, je comprends mieux le montant exorbitant de certaines de ses factures journalières d'épicerie.
Le pauvre homme !

dimanche, 04 septembre 2005

Saint-John Perse

Le n°35 de la collection. Il est marqué “Nantes 1959” ; je crois l’avoir acheté encore à la Librairie Beaufreton, lors d’une période parmi les plus “creuses” de ma vie ; j’ai obtenu de “faire les EOR” à l’École d’application du Train de Tours. Je “glande” sur tout : les amours, la pensée, les lectures, ...

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Alain Bosquet est le rédacteur de l’étude ; cent pages qui commencent par une longue définition de la poésie selon.. Bosquet !
Il y classe ses poètes, allant de Villon à Kavafis en passant par Lamartine, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Valéry, Claudel, Maiakovski, Lorca, Pessoa et un certain Gottfried Benn dont je n’entendrai parler (!) qu’à l’occasion de cette lecture.
Mais les noms de Maiakovski et Pessoa ne sont pas oubliés.

Deux chapitres nommés “documents” clôturent l’étude avant de présenter le texte des œuvres.

Voici des “affinités” :du vieux professeur botaniste et de Pindare aux orientalistes rencontrés en Chine, les sources ; on visite Francis Jammes chez qui on rencontre Paul Claudel et Jacques Rivière. Nous nous en allons donc et tout naturellement, poétiquement et diplomatiquement à Pékin où surgit le souvenir de Victor Ségalen.
Décidément le lecteur se retrouve dans un univers familier.
La Bible et le Livres des morts des anciens Égyptiens sont sous la main.

Le second “document” intitulé “La personne de l’auteur n’appartient à son public” aborde la discrétion que Perse a voulu maintenir entre son métier de diplomate et ses activités littéraires.

Bosquet articule son approche en suggérant un itinéraire poétique au long duquel Perse élabore son outil de création.

Éloges ou le poème ignorant de sa genèse
Anabase ou Rencontre du poème et de sa genèse
Exil ou Alliance du poème et de sa genèse
Vents ou Fusion du poème et de sa genèse

Amers, paru en livraisons partielles dans les Cahiers de la Péiade (1950) ou dans la Nouvelle-Nouvelle Revue Française en 1953, est longuement cité dans le choix de textes qui traditionnellement accompagne l’étude dans cette collection.

Précédant les deux documents, évoqués plus haut, le chapitre intitulé “Les pouvoirs de l’image, ressources métriques et syntaxiques” permet à Bosquet de développer ses capacités professorales ; c’est une démarche traditionnelle, mais pas inutile ; il conclue en abordant succinctement le problème de la traduction qui l’autorise à affirmer l’universalité de la poésie de Perse.

D’abondantes citations éclairent chaque chapitre.

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Je suis allé à cet homme pour élargir mon expérience du désert - Anabase - et de l’océan -Amers.
Il est un des rares que je possède aussi en Pléiade. Si longtemps, il s’est tenu à l’écart, il semble que l’édition dans la collection de prestige sur papier bible fut l’objet de tous ses soins et qu’il abandonna sa discrétion ancienne d’ambassadeur afin de se consacrer à l’édification de sa stèle pour les générations à venir.

Si mon admiration de jeunesse s’est quelque peu atténuée, il n’en demeure pas moins qu’il ne se passe point une année sans que je ne me profère à “pleine goule” un de ses textes : il y a un bonheur buccal certain à la manducation de ses versets.
La lecture à haute voix de Amers au large est une jouissance que je rapproche de l’écoute que je fis de la 8e symphonie de Beethoven, déboulant un jour sous spi l’estuaire de le Loire par belle houle de noroît !

Et curieusement la reprise du bouquin de chez Seghers lors de mon récent périple galicien m’a incliné à prêter plus d’attention aux textes “désertiques”, terriens.
Avais-je besoin de m’assècher ?

La guerre, le négoce, les règlements de dettes religieuses sont d’ordinaire la cause des déplacements lointains : toi tu te plais aux longs déplacements sans cause.

Aux soirs de grande sécheresse sur la terre, nous deviserons des choses de l’esprit.
Amitié du Prince, III


Nos fronts sont mis à découvert, les femmes ont relevé leur chevelure sur leur tête. Et les voix portent dans le soir. Tous les chemins silencieux du monde sont ouverts.
Amitié du Prince, IV


— et debout sur la tranche éclatante dun jour, au seuil d’un grand pays plus chaste que la mort,
les filles urinaient en écartant la toile peinte de leur robe.
Anabase, IX



Exil au chant VI, est une superbe célébration de ceux que Perse nomme princes de l’exil. Tant pis pour l’ami Ferré qui “n’écrit pas comme Perse”, tant pis pour monsieur Dantzig et son “dictionnaire égoïste de la littérature française (chez Grasset, 28,50 € pour mille pages)” qui écarte Perse et sa pompe - il faut, en ces temps, se distinguer à tout prix ! - même si les périphrases sont, il est vrai parfois, trop “précieuses” ; je n’ai d’autre prétention que de témoigner de ma vie de lecteur et Perse, là, me soulève de bonheur langagier :

«.... celui qui veille, entre deux guerres, à la pureté des grandes lentilles de cristal...

Celui qui flatte la démence aux grands hospices de craie bleue, et c’est Dimanche sur les seigles, à l’heure de grande cécité... celui qu’éveille en mer, sous le vent d’une île basse, le parfum de sécheresse d’une petite immortelle des sables ; celui qui veille dans les ports, aux bras des femmes d’autre race, et c’est un goût de vétiver dans le parfum d’aisselle de la nuit basse, et c’est un peu après minuit, à l’heure de grande opacité...

Celui qui peint l’amer au front des plus hauts caps, celui qui marque d’une croix blanche la face des récifs... celui qu’enchaîne sur les cartes, la course close des cyclones ; pour qui s’éclairent, aux nuits d’hiver, les grandes pistes sidérales ; ou qui démêle en songe bien d’autres lois de transhumance et de dérivation...

celui qui tient en héritage, sur terre de main-morte, la dernière héronnière, avec de beaux ouvrages de vénerie, de fauconnerie ; celui qui tient commerce, en ville, de très grands livres : almagestes, portulans, bestiaires ; qui prend souci des accidents de phonétique, de l’altération des signes et des grandes érosions du langage ; qui participe aux grands débats de sémantique... celui qui donne hiérarchie aux grands offices du langage..»


Ouvrez Perse en Poésie/Gallimard à la page 163, en Pléiade, à la page 132, dans le Seghers à la page 157 : de grands ou d’humbles labeurs du monde sont, là, célébrés, magnifiés !

Parmi les poètes élégiaques et ceux de l’engagement, entre les travailleurs de la langue et les poètes de “l’analyse du moi”, parmi les poètes de la distanciation et ceux de l’invective, j’ai grand plaisir à ouvrir ceux de la célébration, j’en ai grand besoin en ces jours-ci que nous vivons.

Que ma parole encore aille devant moi ! et nous chanterons encore un chant des hommes pour qui passe, un chant du large pour qui veille...
Pluies, VI


Depuis la mi-août, une heure avant la fin de la nuit, Orion surgit à nouveau de notre ciel. Et dans son sud-est, Sirius ! Les cendres de cet homme-là doivent errer aux parages de cette constellation.

Post-scriptum :
• Sur la Toile, trois sites au moins
http://www.up.univ-mrs.fr/~wperse/maindoc.htm
http://www.sjperse.org/
http://www.adpf.asso.fr/adpf-publi/folio/textes/Saint-Joh...
• Trois bouquins dans Poésie/Gallimard rassemblent la quasi totalité de l'œuvre. L'édition de la Pléiade s'enrichit de la correspondance soigneusement sélectionnée par Perse lui-même.

dimanche, 28 août 2005

Erreur fatale

Que le service iconographique de l'Almanach du Marin breton ne fasse jamais appel au service iconographique du journal Le Monde !
Dans les pages "livres" du vendredi 26 août, illustrant "Les paysages immobiles" d'un dénommé Bayon, la légende indique "le phare du Créac'h, situé sur la pointe nord-ouest de l'île de Ouessant".

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Le Créac'h, 2 éb, 10 s. On le dit le plus puissant du monde


Sur la page du journal,il ne s'agit point du Créac'h -ô combien plus majestueux et en terre - mais des pylones qui alimentaient naguère le phare de Nividic, en mer, proche, il est vrai, dans le sud-ouest de la dite pointe.

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Nividic, 9 éb, 10 s


Mais pour des paysages immobiles, ça bouge un peu trop !

Ces temps de rentrée littéraire aux mille et un romans submergent les critiques et leurs iconographes. À lire la recension de Jean-Luc Douin, on peut comprendre cette erreur.
Fatale en d'autres situations. Maritimes, par exemple !

Post-scriptum :
Les images, prises en août 1997, sont de Patrik.

***


...Et l’homme chassé , de pierre en pierre, jusqu’au dernier éperon de schiste ou de basalte, se penche sur la mer antique, et voit, dans un éclat de siècles ardoisés, l’immense vulve convulsive aux milles crêtes ruisselantes, comme l’entraille divine elle-même un instant mise à nu.


Saint-John Perse
Amers

samedi, 27 août 2005

à peine à quai et déjà....

Un temps de demoiselle s'annonce pour la semaine. Alors le petit bonheur pervers de repartir quand les autres reviennent...
L'été m'aura fait blogueur en pointillé. Il est vrai que certains moments sur les côtes de Galice furent de grande vacuité. Peut-être la tension dans l'attente d'une météo favorable au retour ?

À la manière de Sei Shonagon, choses qui ont beaucoup manqué :

Écouter France Cul.
Lire Libé et Le Monde.
Consulter les blogues amis.


Dans le brouhaha de la rentrée littéraire - mais pourquoi donc France Cul s'est-elle acoquinée avec Télérama ? - je m'en vais demeurer serein. Les bouquins de Cogez - Les écrivains voyageurs au XX° siècle - de Broda - L'amour du nom - m'ont fait ressortir des rayons de bonnes lectures et relectures pour l'automne et l'hiver.

Je plonge à nouveau dans Segalen et Jouve. J'effleure Scève. Je traverse le Michaux voyageur et le Leiris africain et vas m'enivrer des Filles du feu et du Fou d'Elsa. J'approcherai Marina Tsvétaïeva. La difficile lecture de Rancière - La parole muette - me ramènera à Balzac (Le curé de village) et aux saveurs érotiques de Madame Bovary.
Et puis, Hannah Arendt est annoncée au programme de l'Université permanente et le Monde des Livres annonce la parution de son Journal de pensée et sa biographie par Laure Adler...

Alors les Houellebecq, Nothomb - tiens, avec un écrit de cette dame, j'ai inauguré un nouveau lieu de lecture assez incongru - Claudel (l'actuel, pas Paul), d'Ormesson, Bouraoui, Fleutiaux, les six cents autres, etc, ne me verront point feuilleter la moindre page.

Me chaut plus de plonger dans le Tumulte de François Bon - il me fait songer, en plus baroque, plus volcanique, plus inconsciemment audacieux - il écrit dans l'instantanéité du être lu -à la démarche de Ponge quand celui-ci nous livra, dans les Sentiers de la création, sa Fabrique du pré, mais calmement abrité par les délais de rédaction, d'édition, d'impression, de diffusion.
Le Tumulte, c'est périlleux, complexe, confus (?), je m'y paume et m'y plais !

J'irai me détendre dans les réticules de Berlol, les images alchimiques de Ptah, les exégèses picturales de Bourdailyonthe web et les supputations bibliques d'Er Klasker. (cf. ci-contre "Les journaux fréquentés").

Après-demain je m’embarque avec les tomes II des œuvres de Segalen et avec “Le ciel brûle” de Tsvétaïeva. J'ajoute Vents de Saint-John Perse. (Je dois achever la présentation du Seghers n°35).

Les mouillages de Suscinio et de Houat devraient être paisibles.

vendredi, 26 août 2005

Sur la peau du diable

Retour de Galice.
À bord de Dac'hlmat, Pat, Xav et... Noémie, neuf ans et demi, qui veut voir des dauphins.

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Ce fut un retour sur la “peau du diable".
Le front froid annoncé nous prit dès le début de la seconde nuit. Rafales à 45-50 nœuds. Nous avons pris la cape et au petit matin : deux ris dans la grand’voile et un petit foc, cap au 40°. Dac’hlmat a vaillamment taillé sa route au près bon plein, dans un noroît de 25 à 35 nœuds ; les rafales blanchissaient les crêtes de la grande houle.

Beauté sauvage et froide ! Longue patience !

Au seuil de la quatrième nuit, nous étions sous Belle-Ile. ”Dac’hlmat” retrouvait son jardin. Les feux familiers balisaient le paysage. Après Goulphar - 2 éb. 10 s - , puis Kerdonis - 3 ér. 15 s - le passage entre les Cardinaux - 4 éb. 15 s - et le plateau du Four - 1 éb. 5 s - s’ouvrait avec le flot et une jolie brise de 15 nœuds, de noroît, sur mer belle et pleine lune. Les occultations de Pen-Lan - 2 occ. 6 s - indiquaient l’estuaire de la Vilaine et, à l’étal de pleine mer, au lever du jour, nous étions dans le sas de l’écluse d’Arzal.

Épuisés et heureux !
Chaque jour, Noémie a vu des dauphins !

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Le lecteur est à nouveau paisiblement dans son jardin.


***


Grand âge, nous voici. Rendez-vous pris, et de longtemps, avec cette heure de grand sens.
Le soir descend, et nous ramène, avec nos prises de haute mer...

Grand âge, voici nos prises : vaines sont-elles, et nos mains libres. La course est faite et n'est point faite ; la chose est dite et n'est point dite. Et nous rentrons chargés de nuit, sachant de naissance et de mort plus que n'enseigne le songe d'homme.

Saint-John Perse, Vents.

mardi, 02 août 2005

In memoriam

Il y a cinq ans, une anthropologue d’origine britannique était tuée dans un accident routier entre Kidira et Tambacounda (Sénégal oriental). Elle se nommait Adrian Adams. Elle fut pour moi l’une de ces rencontres de voyage dont on ne revient pas indemne.


Quelques pas ensemble


Quatre ans durant, Adrian Adams fut, pour moi, “l’Invisible” de Kounghani. La méconnaissance, la naïveté accumulèrent les obstacles. Et Adrian, en bonne Soninké (!) voyageait beaucoup. L’une était déjà partie quand l’autre arrivait.

L’échange avec les gens de Bouguenais ne débuta pas sous les meilleures auspices. Lors de son premier voyage officiel, en 1991, dans la Communauté rurale de Baalu, la délégation bouguenaisienne fut reçue à Kounghani dans les locaux de la Fédération des Paysans Organisés. Il fallut que la présence d’une "Blanche" solitaire, dans la cour de la concession intriguât Nicole, ma compagne, l’une des déléguées de Bouguenais, pour que nous apprenions l’existence de ce mouvement. Une correspondance entre elles autorisa un premier échange.

Lettre d’Adrian à une première demande de Nicole au sujet des livres publiés par Adrian, en date du 16 avril 1991 «...D’autre part, je vous envoie deux exemplaires d’une brochure d’information sur la Fédération des Paysans Organisés de Bakel que nous venons d’éditer, que je vous remercie de bien vouloir porter à l’attention du Comité de Jumelage. Cela permettra peut-être de remédier quelque peu à ce qui s’est passé lors de votre visite à Kounghani, où les représentants de la Fédération, y compris son Président, vous ayant reçus dans leurs locaux se sont vus évincés de la discussion par les fonctionnaires et politiciens locaux. »Les termes étaient courtois, mais, certaine l’amertume !

Nous avions les références de ses livres, c’était déjà fort bien ; nous allions chasser notre naïveté et mieux connaître La Terre et les Gens du Fleuve. Mais, le chapitre du dit livre intitulé « La pêche en eaux troubles - Nous autres » ne laissait pas augurer d’un échange prolongé. Et nous comprenions bien les réticences qu’Adrian pouvait ressentir à l’arrivée, une fois de plus, de gens qui voulaient apporter de l’aide aux défavorisés du Sahel. La notion de “coopération décentralisée entre collectivités” était encore dans les limbes ! La rumeur du “pélerinage à Kounghani” que tout bon étudiant en anthropologie, en sciences du développement, se devait de faire, ne fit que renforcer nos hésitations à poursuivre l’échange.

Mais, pressentant l’importance de la source qu’était Adrian pour notre compréhension de nos amis Soninké, je pris le relais de Nicole et tentai une correspondance avec “l’Invisible”. Il fallut la nécessité de produire, en soninké, la brochure sur le sida, publiée par l’association sénégalaise Enda, pour que se noue, dans l’agir, une relation chaleureuse et durable. Cinq cents exemplaires de la brochure furent remis à la Fédération des Paysans grâce au soutien du Bureau Jumelage-Coopération de la mairie de Bouguenais et à l’aide technique de son imprimerie.

Lettre d’Adrian en date du 23 septembre 1994 «... Je serais également heureuse de m’entretenir avec vous de questions d’alphabétisation et de développement de la lecture ; je pense comme vous que la production de textes de qualité est essentielle pour valoriser l’effort d’apprentissage de la lecture. Il me semble que nous aurions dû nous rencontrer il y a longtemps. Que cela n’ait pas eu lieu, n’est certes ni votre faute, ni la mienne. Vos hôtes obligés se sont bien gardés de vous faire savoir qu’il existait dans la communauté rurale de Ballou, une association paysanne indépendante, active dans le domaine qui vous intéressait ; car pour eux, rien ne devrait exister hors les rets de la politique locale. N’importe. »Dans ce « N’importe », étaient toute la rigueur et la grande détermination d’Adrian.
La première rencontre se fit sur les bords... de Loire quand, l’été 1995, Adrian répondit à l’invitation de Janine Planer, l’adjointe au maire de Bouguenais. Elle venait en Europe pour négocier, entre autres affaires, l’édition de son livre ultime ; elle nous fit part avec humour et férocité du refus de l’éditeur français qui estimait incertain un lectorat pour un tel oeuvre.

Il y eut d’autres rencontres sur les bords du fleuve Sénégal.

Il y eut la fraîcheur d’une calebasse de concombres, apportée par les petits-enfants de Jabé, un soir de saison des pluies, quand si peu de légumes poussent aux maraîchages. Après de rudes journées passées à parcourir les pistes de la Communauté en ne consommant que riz et viandes, la saveur de ce légume fut telle que je ne sus s’il me fallait célébrer la jardinière qui, malgré la saison, avait cultivé ces légumes ou la cuisinière qui les avait accommodés comme ma mère, à la manière de nos paysannes d’ouest, longuement “dégorgés” dans le gros sel, ce qui leur confèrent à la fois souplesse salée et douceur craquante .

Il y eut un très long échange, dans la petite cellule blanche et bleue de la concession de Jabé sur la lecture, la médiation de la parole - elle rédigeait la brochure Poissons et Pêches du Fleuve Sénégal, j’élaborais, avec mes compagnons d’Éducation populaire, MarieJo et Claude, le projet du livre À Grand-Lieu, un village de pêcheurs.
Par delà les mers et le désert, l’identique activité des hommes, la même démarche pour valoriser la parole, le même questionnement de passeurs

Que doit être un lettré qui transcrit la pensée d’un oraliste ?

Entre l’anthropologue, universitaire africaniste reconnue, et le modeste conseiller d’éducation populaire, autodidacte, une connivence se forgeait dans le même champ de labeur comment accompagner nos proches dans leur appropriation de l’écrit pour que vive, reconnue, leur pensée ?

Les efforts pour l’alphabétisation des adultes ont sans doute à voir avec le rocher de Sisyphe ou le tonneau des Danaïdes. Avec Adrian, cette année-là, en marchant sur les bords du Fleuve, lentement, très lentement, avec cette paisible lenteur qu’elle avait inimitable, nous avons rêvé de produire des petits livres pour les enfants soninkés et peuhls. C’est sans aucun doute le chemin le plus sûr.

Nous devions prendre date pour ce nouveau “maraîchage” !

Écrire qu’elle est morte en terre “étrangère” n’est que reconnaître le choix de cet aller à l’autre qu’elle avait fait, vivant en terre soninké près de Jabé Sow, affirmant ainsi son refus des passeports et des frontières et s’établissant dans la citoyenneté du monde.

En cette fin août 2000, nous étreint l’émotion du vide.

La voix qui venait du Fleuve ne nous hèle plus !



Adrian Adams anthropologue et militante
née le 30 novembre 1945
morte le 2 août 2000



Ce texte, accompagné de quelques autres, est sans doute encore lisible sur les “ruines” d’un site ancien : http://members.aol.com/rabiha1964/adrianadams.html



01:50 Publié dans Les graves | Lien permanent | Commentaires (1)

mercredi, 27 juillet 2005

Aux rives de Galice

Blogue délaissé ! Les lectrices et lecteurs, point oubliés. Donc quelque sentiment de culpabilité !

Mais il y a de moins en moins de disponibilité - incompatibilité ? - entre pratique de l’art d’être grand-père, pratique de la voile, navigation point si paisible que cela entre les estuaires galiciens et fréquentation des écrits de la Toile.

Après la longue escale de Gijon où j’avais donc accueilli Nicléane, Noémie et Célia, il y eut Ribadéo - la rive du rio Éo - qui est frontière entre Asturies et Galice.
Depuis huit jours, nous sommes dans la ria de Viveiro, une des très belles Rias Altas. Celles d’avant ce "Cabo Finster" qui, cet an, n’en finit point d’offrir grand frais sur grand frais, aux plaisanciers qui espèrent les Rias Bayas - celles du sud de la Coruña - et le Portugal.

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Une chaleureuse rencontre avec "Lucie-Maria", goélette menée par Yv et Na : lui, après avoir navigué au commerce, fut pilote du port de La Rochelle. Et ce me fut grand plaisir de les voir hisser les voiles, quittant la rade de Gijon. Depuis nous échangeons nos découvertes de randonnées et quelques “pots”.
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L’équipage actuel n’ira sans doute pas plus vers l’ouest attendant dans le paisible port de Viveiro, la venue de Pat, puis de Xav pour le retour en Bretagne-sud.

Tâches de grand'paternité obligeant, les lectures sont donc d'aube : ardues avec "La parole muette" de Jacques Rancière et le "Tombeau de Du Bellay" de Michel Deguy, plus coulantes avec "Les écrivains voyageurs au XXe siècle" de Gérard Cogez et les "Lettres de Chine" de Victor Segalen. Je peine sur le Saint-John Perse de Bosquet et Cogez me donne envie furieuse d'en venir au "Victor Segalen" de chez Seghers. À l'automne, je plonge à nouveau dans les œuvres complètes, publiées dans la collection Bouquins.
J'aimerais bien être de retour à la mi-août . Me sera-t-il possible de suivre sur la Toile, le Colloque de Cerisy sur l’Internet et la littérature qu'organise Berlol ?

Baignades, longues promenades !
Hier à Celeiro, l’actif port de pêche de la ria, une fête de la mer dont la procession nocturne dans les ruelles qui descendent au port évoquent nos Fêtes-Dieu de naguère avec les tapis de fleurs et de sel coloré, mais dont l’accompagnement musical de la “Banda Naval do Casino de Viveiro” nous renvoie aux cuivres aigus et “comme” faux des petites trompettes de “Semana Santa”.
Et la “Virgen” chaloupe sur les épaules des pêcheurs !
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Lisant Segalen, quel nouveau pas franchir - Cendrars, sans nul doute, son contemporain ; et Michaux encore ! Nicolas Bouvier, peut-être, dans nos ans? :

« L'imprévu complet n'existe plus en exotisme depuis le "perfectionnement" des voyages, et surtout des récits de voyage. »

Que dire des récits de mer ? Après Slocum et Gerbaud, même Moitessier s'exténue à faire sens !
Et qu'écrire donc de ce qui n'est que l'humble traversée d'un Golfe, aussi redouté et inconfortable soit-il ?

Je vous envoie le goût charnu et cerisé d'un "tempranillo", ce cépage qui fait le plaisir des vins d'Alicante et de Valdapeñas.
C'est moins que rien, mais tout autant !