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lundi, 11 avril 2005

Fin de semaine bien pleine

Quasi point d'écrans en cette fin de semaine. Ou plutôt d'une autre ampleur !

Vendredi soir, Avec les MUSIQUE (S) de TOILE de l'ami Hervé Tougeron à Graslin, "avec trappes d'apparitions, étranges divas, machines à paroles, murs de projection, pellicule ensorcelée, machines mobiles, magica lanterna", avec la voix de JeanLuc Godard, des citations de Robert Bresson et des musiques d'Aperghis et de Ligeti, un opéra de chambre noire et vidéo.
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J'ai aimé pour l'art du montage, pour le contre-théâtre, pour le cinéma, pour Godard, pour la musique contemporaine qui rince mes oreilles et pour les cent métronomes qui rythment le baisser de rideau.

Naguère, Hervé suscitait une magie identique avec ses petites valises qui racontaient un livre aux enfants. Il a élargi considérablement la valise aux dimensions de l'Opéra de Nantes !



Samedi, journée Paix & Solidarité, à Bouguenais.

Moi qui ne faisais que prêter ou...donner des livres, me voilà, pour la première fois, derrière une table... à les vendre. Mon bonheur a été que tous les titres en poche de Sembéne Ousmane sont partis ; ils s'alignaient sous un carton rédigé ainsi : SEMBÈNE OUSMANE - docker, écrivain et cinéaste.medium_paisol007.jpg

En fin d'après-midi, débat sur les mutilations sexuelles des femmes avec l'intervention d'une belle Djiboutienne, militante passionnée et paisible de Amnesty International, Sabrina Al. et l'ami Cheikhna C. qui a assumé son témoignage d'homme soninké opposé à l'excision avec beaucoup de pertinence et de courage.

Ce matin, à l'Université Permanente, "Kale Elaia" présentait Disgrâce de Coetzee. Terrible ambiguité d'un apartheid qui s'inverse en une dette dont il faut s'acquitter ? en une créance qu'exige l'Histoire ?

Ce soir, le Beaulieu projetait Moolaadé que j'ai revu pour la seconde fois avec ce plaisir de me redécouvrir une oreille entendant le bambara...

Le vieux docker-écrivain-cinéaste affiche son percutant et fort réjouissant "communisme" et c'est un sacré pédagogue qui filme amoureusement les femmes.

Beau cri pour la liberté des Ventres qui nous donnent vie !

Post-scriptum : L'image de "Paix & Solidarité" est de Bm. du service iconographique de la mairie de Bouguenais

jeudi, 07 avril 2005

"Ce bruit dans le jardin..."

Francis Jammes !

Dans ses poèmes, il est la bécasse, le lièvre, l'âne, le compagnon de l’âne et des pauvres.
En 2005, un siècle et quelques années plus tard, il est encore un poète d’aujourd’hui.
Seules, les jeunes filles dont il est amoureux sont d’un genre un peu suranné avec leurs chapeaux de paille à rubans, leurs robes de percale et de mousseline, leur nudité sur les bruyères et leurs tendres langueurs. Mais les hanches et les nuques sont si douces.

Elle va à la pension du Sacré-Cœur.
C’est une belle fille qui est blanche
................................................................

Elle me rappelle les écoliers d’alors
qui avaient des noms rococos, des noms de livres
de distribution des prix, verts, rouges, olives,
avec un ornement ovale, un titre en or :

Clara d’Ellébeuse, Éléonore Derval,
Victoire d’Etremont, Laure de la Vallée,
Lia Fauchereuse, Blanche de Percival,
Rose de Liméreuil et Sylvie Laboulaye.


Elles lui vinrent, souvent nues.
Et il enchanta, dans le droit fil de Nerval et de Verlaine, mes émois adolescents, suscités par dieu ou par quelque blanche jeune fille un peu dévergondée.

Je pense que ce n’est pas hasard s’il me parvint, dans ma clairière de Côte d’Ivoire, accompagné de Rimbaud : de Louise Vanaen de Voringhem à Clara d’Ellébeuse, Almaïde d’Etremont, Guadalupe d’Alcaraz, il n’y a que l’infime distance de la rouerie rimbaldienne à la naïve sensualité du Gascon d'Orthez.
René-Guy Cadou m’avait mis en chemin :

Le chemin creux de Francis Jammes
On y voit l’âne on y voit l’âme


Sans doute madame Anne de Noailles avait-elle raison méchante de lui préférer “ses rosées” à “son eau bénite”.

Quoique !
Écoutons Brassens chantant la Prière et nous retrouvons les Mystères douloureux de Clairières dans le ciel.
Allons jusqu’à gommer le “Je vous salue, Marie” qui conclue chaque strophe, si l’incroyant l’exige : nous y lirons en clair, plus que jamais actuelle, la misère du monde que nous côtoyons chaque jour dans nos rues et nos villes, qu’étalent les journaux et les écrans.
Une déploration qui, soutenue par la musique du Sétois, ne vous empoigne que plus.

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre
Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s'ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie.

Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre
Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l'humiliation de l'innocent châtié
Par la vierge vendue qu'on a déshabillée
Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue, Marie.

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
S'écrie: " Mon Dieu ! " par le malheureux dont les bras
Ne purent s'appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène
Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne
Je vous salue, Marie.

Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l'on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie.

Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid
Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée
Par le baiser perdu par l'amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie
Je vous salue, Marie


Dans les notes des jours à venir, je ne me propose que de faire entendre la musique très douce, un peu amère, de ce homme quotidien, inimitable dans sa simplicité.

La gueule d’un vieux pot à soupe baille au pied
de la niche du chien. On entend le léger
cliquetis des roseaux que l’air à peine froisse.

mercredi, 06 avril 2005

Sur de tristes choses qui arrivent à tous

"Laisse les morts ensevelir leurs morts !"
Luc, 9, 60


Pourquoi le croyant ne suit-il pas la consigne à la lettre ?

Il tarde, l'ami Francis !


La route luit glissante et par moments j'essuie
ma barbe. Et mes souliers geignent saturés d'eau.
Bouffée après bouffée on voit passer la pluie,
Une maison s'efface au somment du coteau.
Francis Jammes
Averse in Le Premier livre des quatrains (1923)


Oh ! Ce n'est ni l'évêque de Rome, ni les blablablas référendaires qui retardent sa venue.
Non, c'est simplement que la reconstruction d'un disque dur, minutieuse, demande plus de temps qu'estimé. Commencée hier au soir, une sauvegarde sur le nouvel externe de 250 Go, malgré le "FireWire", ne s'est achevée qu'à l'aube.
Et il y a une "table de librairie" pour notre journée "Solidarité internationale" de samedi à préparer. Et comme aux livres, y compris de littérature Jeunesse, je souhaite ajouter quelques images à propos de Moolaadé et de Sembéné Ousmane....

À ce propos, n'aimant guère les espaces mercantiles, j'ai quand même découvert une un espace sur la Toile, qui mérite d'être signalée : la Méditahèque des Trois Mondes.

Francis Jammes ne devrait point trop tarder !

samedi, 02 avril 2005

Supplique pour pallier aux misères de la veille

Qu'aurait-on pu lire sur le blogue de Dame Louïse Labé, Lionnoize, le IIe jour d'avril, l'an mile cinq cent cinquante cinq ?

Estant le tems venu, Madamoiselle, que les severes loix des hommes n'empeschent plus les femmes de s'apliquer aus sciences et disciplines : il me semble que celles qui ont la commodité, doivent employer cette honneste liberté que notre sexe ha autre fois tant desiree, à icelles aprendre : et montrer aus hommes le tort qu'ils nous faisoient en nous privant du bien et de l'honneur qui nous en pouvoit venir : Et si quelcune parvient en tel degré, que de pouvoir mettre ses concepcions par escrit, le faire songneusement et non dédaigner la gloire, et s'en parer plustot que de chaines, anneaus, et somptueux habits : lesquels ne pouvons estimer notres, que par usage.

Épitre dédicatoire
À Mademoiselle Clémence de Bourges, Lyonnaise


En ces années, l'orthographe était légère et le penser profond !
Ha ! Dames des blogues de l'an deux mille cinq, dévoilez vos claviers !

vendredi, 01 avril 2005

Ce ne sera pas pour aujourd'hui

...et sans doute pas pour demain que se trouvera un bon vrai bouquin sur les blogues.
Nos fournisseurs d'accès sont de bons entrepreneurs, mais de piètres rédacteurs. À ce rythme-là, le premier livre paru sur le sujet, de Fievet et Turrettini, Blog story, serait le Renaudot de l'essai sur l'Internet.

Benoît Desavoye, mon hébergeur, publie - enfin ! - les Blogs, nouveau média pour tous, une catastrophe éditoriale, en collaboration avec trois co-auteurs et un préfacier, l'homme de U-blog, Loïc Le Meur.
Communication, Information, Entreprises, grand credo de gros mots et langue de bois informatique, assurés !

Y a-t-il deux pages sans une erreur d'orthographe, d'accord, une impropriété de terme, des coquilles, des espaces à tort et à travers, à longueur de lignes ?
Que diable le compagnon Desavoye allait-il faire dans cette galère qui se nomme pourtant joliment M2 Editions, sous titrées Les livres pour éclairer les Métamorphoses des années 2000. ?
Qu'il y ait jargon, néologismes, anglicismes, hésitations sur l'orthographe des termes nouveaux, cela se comprend : indulgence et tolérance devant une matière en son enfance !
Mais au-delà, mais en-deça, les métamorphoses conduisent langue et pensée au naufrage.
Je ne me croyais point bégueule, mais à me lacérer ainsi les yeux, je deviens prude.

Et maître Le Meur aura beau écrire : «... répétez après-moi (sic)...», je ne répète point, je m'enfuis et regrette mes 20 € qui fussent mieux investis dans l'acquisition de CEDDO, le film de Sembene Ousmane, paru en dvd, et dont je rêvais.

Demain, je m'en "vas" dans la cité corsaire rivale de ma ville ; des amis veulent m'entendre lire les sonnets d'amour de la tant belle Louïse. Dimanche, j'irai songer devant l'îlot du Grand-Bé et préparer mon "Francis Jammes" pour mardi.

Post-scriptum :
Pour se laver les yeux, lire, relire et méditer chez "Langue sauce piquante", que la maison M2 Editions devrait s'empresser d'embaucher.

jeudi, 31 mars 2005

Luce et "Jules"

Ce matin, en quittant les “Chantiers” après le cours de Grec ancien, je traverse la Loire par la nouvelle passerelle qui enjambe le fleuve devant le nouveau Palais de justice, Jean Nouvel, architecte.
Après la Petite Hollande, je longe le quai de la Fosse, je vais faire le tour de mes librairies ; je hâte le pas, à hauteur de la Médiathèque Jacques Demy, je double la longue file d’une classe d’enfants qui sort de celle-ci. Des rires à mon passage. C’est toujours une question ?
Je me retourne et deux d’entre eux m’interpellent : « Monsieur, tu ressembles à Jules Verne ».
Eh, oui ! Il sortaient de l’exposition Jules Verne, c’est son année à Jules un peu partout dans “notre” ville natale. Lui et moi avons au moins cela en commun.

Et tout au long de la file d’enfants, les langues se sont déliées « Le monsieur, il ressemble à Jules Verne ! » C’est bête, mais ils m’ont touché, ces enfants. Je leur ai dit qu’ils me donnaient grand plaisir. Le soleil m’a paru un peu plus vif et mes pas se sont allégés.
J’ai songé à Noémie ; pour ses neuf ans, je viens de lui envoyer mon “Jules Verne” préféré, le Voyage au centre de la terre, un vrai livre pour les grands, avec de belles illustrations modernes.

Rue de la Fosse, la nostalgie a surgi.

Luce Courville !

Qui mentionne son nom à Nantes ? Pourtant “Jules Verne”, ce fut un de ses chantiers, la constitution du fonds, l'ensemble documentaire et iconographique, l’élaboration patiente du Musée sur la Butte Sainte-Anne, c’est elle.
Luce et son “Jules” comme elle disait .
Conservateur(e) de la bibliothèque municipale, les Nantais lui doivent les annexes décentralisées dans les quartiers, l’essor du Centre de littérature de Jeunesse quand ce n’était pas encore à l’ordre du jour des politiques culturelles ... Elle obtint de quitter les arrière-salles du musée des Beaux-Arts pour enfin une nouvelle Médiathèque, digne de Nantes - digne, enfin presque !
Elle est morte, à la fin de l’été dernier.
C’était une grande dame lettrée qui fut aussi une fervente militante de l’Éducation Populaire.

Un drôle de silence !

mercredi, 30 mars 2005

Mahler, puis Jammes

Ce soir, Mahler à nouveau, pour sa première symphonie Titan.
Toujours fasciné par ses emmenées au silence.
À l'écoute du premier et du troisième mouvement, des images agrestes, des rythmes de promenade : ainsi Francis Jammes... de subtiles douceurs et parfois des déchirures.
Un bestiaire se dessine.

Et lointaine, si lointaine une jeune fille : Clara d'Ellébeuse ? Johanna Richter ? Il y a des larmes qui coulent, des pendules qui sonnent. Et s'en va par les champs le musicien ? le poète ?

mardi, 29 mars 2005

Lentement Francis Jammes arrive

Avec ton parapluie et tes brebis sales
avec tes vêtements qui sentent le fromage
tu t'en vas vers le ciel du côteau, appuyé
sur ton bâton de houx, de chêne ou de néflier.
Tu suis le chien au poil dur et l'âne portant
les bidons ternes sur son dos saillant.
Tu passeras devant les forgerons des villages
puis tu regagneras la balsamique montagne
où ton troupeau paîtra comme des buissons blancs.
Là, des vapeurs cachent les pics en se traînant.
Là, volent les vautours au col pelé et s'allument
des fumées rouges dans les brumes nocturnes.
Là, tu regarderas avec tranquillité,
l'esprit de Dieu planer sur cette immensité

(le suivre)

Avec ton parapluie
1897

lundi, 28 mars 2005

Pour une septuagénaire adolescence

L'Harmonie a pris des précautions sans nombre pour assurer aux vieillards de l'un et l'autre sexe les charmes et délassements de l'amour.

(...) Doutera-t-on que toute femme âgée n'embrassât à l'instant ce nouveau culte s'il pouvait s'organiser d'emblée et procurer à chaque femme sexagénaire les illusions et jouissances amoureuses de Cléopâtre ou Ninon ? Le culte amoureux enlèverait donc à son apparition la classe la plus attachée au culte Civilisé, celle des femmes avancées en âge.
Qu'on ne se hâte pas de préjuger sur les moyens d'exécution, d'argumenter sur l'impossibilité de rendre aimable et faire adorer un octogénaire (...); les octogénaires de l'un et l'autre sexe verront dans l'Harmonie une brillante jeunesse idolâtre et complaisante avec eux.

(...) Il s'agit d'assurer aux personnes de tout âge le charme de l'amour aussi pleinement qu'on peut le trouver au bel âge.

(...) L'Harmonie assure (le plaisir amoureux) aux centenaires comme aux jouvencelles et jouvenceaux, pourvu qu'il leur reste assez de force et d'intelligence pour (y) prendre part.

Charles Fourier
Vers la liberté en amour


Le feuilletage des écrans de remue.net, qui n'est donc point une si grosse machine littéraire que cela - il m'arrive d'amplifier de légères et passagères amertumes - m'a donné idée de prolonger la chronique de Dominique Hasselmann sur "l'inactualité persistante de Charles Fourier".
Et d'ajouter un splendide portrait du grand libertaire, visible au musée des beaux-arts d'Agen.
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Fourier on s'est moqué mais il faudra bien qu'on tâte un jour bon gré mal gré de ton remède


André Breton
Ode à Charles Fourier


dimanche, 27 mars 2005

El Resucitado


Continuant de feuilleter le livre de bord de Dac'hlmat en mars 2002.


Le matin de Pâques verra un paso exhibant El Resucitado, un Ressuscité quasi nu, porté par vingt-quatre gaillards en chemise blanche, pantalon noir et gants blancs ; “exit” la kyrielle des pénitents, ce sont les enfants aux clochettes tintinnabulantes qui accompagnent le paso.medium_paq1.3.jpg
Curieusement, après un samedi silencieux, pour la célébration du ressuscité, la tension tombe, le mystère s’effiloche dans des lingeries sulpiciennes minimales.medium_paq2.4.jpg
Le Corps en gloire n’a plus la force surréaliste de la statuaire des jours précédents.
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Les stridences des trompettes, les roulements assombris des tambours s’atténuent dans les flonflons d’un orphéon chamarré.

Demeure, demeure l’extraordinaire effort des porteurs de paso, cette fois en pleine lumière. La charge honorifique se transmet de père en fils. Ils ont des gueules, ces pêcheurs andalous de la baie de Cadix.
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Quant à nous, la météorologie qui nous avait accueillis au pied des Pyrénées espagnoles dans une chaleur printanière s’était déchaînée en froid et furieux “Levante” depuis le Mercredi Saint, éteignant les cierges de la Vierge en procession nocturne à travers les ruelles de Rota et interdisant aux navigateurs tout espoir de franchir aisément ce fichu Détroit qui nous narguait à 60 milles de notre ponton. Le “Levante” souffla en ouragan, force 11 sur l’échelle Beaufort, entre 60 et 70 nœuds, bousculant les pontons de notre prochaine escale, Barbate. Dac’hlmat était solidement amarré par ses bonnes et solides aussières bretonnes à son catway de Rota, mais 35 à 40 nœuds, des heures durant, sous un ciel plombé de strato-cumulus pâles et gris rongeaient les... os de la voyageuse et les sangs du navigateur qui espéraient encore un soleil andalou.

La patience et la ruse étaient les vertus d’Ulysse ; nous les fîmes donc nôtres !
Le Détroit ne sera franchi que le 14 avril 2002.

Les photos publiées dans la note de vendredi et de ce jour sont de Nicléane

samedi, 26 mars 2005

En guise d'œuf de Pâques

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Non, ce n'est pas André Breton, ressuscité !
Ce n'est pas non plus la note présentant le BRETON de chez Seghers (le n°18, ce sera à l'automne).

C'est une espèce de dette qui remonte à la triste semaine où "l'on" brada le 42 rue Fontaine
Breton est photographié* par Cartier-Bresson sur les bords du Lot et il ramasse des galets plutôt rares, des agates.
Et ces agates, j'avais proposé à François Bon qui fut l'un des initiateurs de l'opposition à l'inique braderie, de demander leur restitution au fleuve d'origine. Il m'avait demandé quelques références attestant la véracité de la cueillette pour appuyer "notre" exigence de restitution. J'avais souvenance de cette image, mais archivée où ?
Je l'ai découverte cet après-midi - on trouve les œufs de Pâques qu'on mérite à l'âge qu'on a -
en cherchant pour l'homme du Tiers-Livre une citation de Roland Barthes ; car depuis le passage de Berlol dans l'antre d'Hubert de Phalèse et l'approche du colloque de Cerisy sur Toile et littérature, ça pense intensément sur le réseau Journal littéréticulaire/Tiers-livre et consorts.

Voilà donc manière de ne point oublier qu'il est possible de bazarder la beauté en notre société mercantile - l'horizon européen qu'on nous demande d'approuver étant loin d'éclaircir les choses - et ce en toute bonne conscience affairiste.

En cette veillée pascale, je ne souhaite donc à personne une belle résurrection, approfondissant mes doutes quant à une telle espérance, m'exerçant à pratiquer "le désespoir et la béatitude" en toute sérénité.
La renaissance printanière suffit à ma joie ! Que ce soit ainsi pour les vôtres !


* La photographie a été publiée dans un Nouvel Obs de l'année 1970, découpée et glissée dans un dossier que le Monde des livres avait consacré à Breton quand paraissaient en poche l'Anthologie de l'humour noir, Point du jour et les Pas perdus.
C'était le 27 juin 1970 et François Bott, José Pierre, JeanMarie Dunoyer, Michel Chaillou, Gilles Lapouge signaient les chroniques du dossier.
On(!) se préparait un bel été encore loin des "sous-tifs", petites culottes, caleçons, chaussettes de madame Ernaux et de monsieur Marie. Passent encore les avatars sexuels - rarement désagréables - mais les négligences de couloir et l'absence de programmation de la machine à laver nous éloignent de l'Amour fou et de la quête de Graal, le silence infernal du tambour de ladite machine atterrant monsieur Vilain (le Monde des livres du 17 février 2005).

Ô tempora ! Ô mores !

vendredi, 25 mars 2005

Un vendredi, il y a trois ans


Il suffit parfois de réouvrir un livre de bord, de feuilleter un album.
Une nuit de Semaine-Sainte dans un petit port d'Andalousie atlantique, Rota, et un vieux rêve qu'avait suscité naguère l'écoute du "Sketches of Spain" de Miles Davis, revit plus fascinant encore. Et qu'importent la foi et l'absence de foi ! Demeure la célébration funèbre d'un rite.


Quand apparaît le premier pénitent porte-croix entre deux autres confrères, les conversations s’éteignent petit à petit. Sur deux rangs, longs cierges allumés, portés en oblique, la longue file des pénitents Ils sont cinquante, cent. Hommes, femmes, parfois enfants. Seuls les yeux brillent dans l’étroite fente de la cagoule. Toutes et tous gantés, certain(e)s pieds nus... Lente et longue file où alternent les porteurs de crosses droites d’argent surmontées de lunules finement ciselées aux armes des confréries, de photophores, de bannières.
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À l’instar du porteur de la Croix qui ouvre la procession, en son milieu, accompagné lui aussi de deux pénitents, le porteur du Livre ! Certains se signent.
Longs arrêts des pénitents. Reprise de la marche. Heurt des crosses d’argent sur le pavé. Recueillement de la foule.
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Le roulement voilé des tambours plus proche et bientôt l’éclat comme assourdi des cuivres et des bois des fanfares.
Viennent les “pasos”, ces lourdes plates-formes qui portent les statues du Christ et de sa Mère la Vierge, “cette statuaire drapée dans les brocarts et les velours, aux visages de poupées surréalistes, suintant les larmes et le sang” qui nous avaient tant fascinés à Séville !
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Elles sont là en gloire sur ces podiums recouverts de dorures et d’argent, fleuris d’œillets et de lys, illuminés pour ceux de la Vierge d’un buisson de cierges.
Les pasos avancent au petit pas lent et tangué des dix-huit, vingt, vingt-quatre porteurs qui sont soit dissimulés sous le paso, soit sans cagoule, vêtus de l’aube de leur confrérie ; et l’on voit alors les lourds brancards rembourrés de cuir rouge. Un pas lent glissé rythmé par la musique funèbre de la fanfare qui suit.
Intense émotion quand lors d’une halte, soudain dans votre dos, s’élève d’un balcon, la plainte de la saéta, ce chant flamenco religieux qui célèbre le Christ flagellé, crucifié et sa Mère de toutes les Douleurs. Puis s’ébranlent à nouveau les pasos :soulèvement énergique, vacillement de la statue, des cierges, des photophores, un temps encore et reprend l’avancée lente et tanguée dans les murmures admiratifs et les applaudissements de la foule. Stridences suraiguës des petites trompettes de la fanfare qui prolongent la lamentation de la saéta.
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Difficile d’oublier dans cette houle de musiques et de lueurs nocturnes la longue chevelure du Crucifié s’emmêlant dans les arbres encore nus de la plaza d’España. Ta gorge se noue !
Miles Davis s’est avec splendeur approprié la beauté de ces lueurs et de ces sonorités déchirantes.
Le cortège s’efface dans la nuit des rues ; la foule se disperse et entre dans les tavernes encore ouvertes.
À chaque jour, sa confrérie et ses “pasos”. Pénitents blancs et cagoules noires le lundi. Pénitents noirs au scapulaire parme du mardi, aux coules blanches et cagoules vertes ou rouges du mercredi et du jeudi, le vendredi voyant les confréries se joindre en un interminable cortège suivi par une foule plus dense encore.
À chaque nuit, son Christ et sa Vierge :
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La Imagen del Santisimo Cristo del Amor
Nostro Padre Jesus de la Salud en su tres Caida
Maria Santisima de la Caridad
Nostra Senora de los Dolores y Santisimo Cristo de la Caridad
Nostro Padre Jesus Nazareno y Maria Santisima de la Amargure
Santisimo Cristo de la Vre-Cruz y Maria Santisima de las Angustias
El Resucitado


Mais qui ? Qui est donc est mort cette nuit-là ?

mardi, 22 mars 2005

Arthur RIMBAUD

Le Rimbaud de chez Seghers est arrivé à Bongouanou en mars 1957 avec Paul Éluard et Francis Jammes. L’achevé d’imprimer indique septembre 1956. Mais c’est le douzième de la collection, il s’agit certainement d’une réédition. Les “seuils” du livre ne donnent, c'est dommage, aucune lumière.

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Rimbaud, c’était quatre textes, côtoyant Samain, Mallarmé, Lafforgue, de Régnier, Verhaeren.... dans un classique Larousse “Paul Verlaine et les Symbolistes”.

O balançoire ! O lys, Clysopompes d’argent !


C’était, murmurés à perte de nuit, Voyelles, le Dormeur du val, le Bateau ivre, Ma Bohème,

J’allais les poings dans mes poches crevées


C’était, assénés, les Assis, par la voix abrupte de Jean-Louis Barrault.
C’était des pans entiers des Illuminations, de la Saison en enfer “censurés” parce que jugés inaudibles. Ou alors des bribes ! Saisissables ?
...Aujourd'hui, aucun pan n'est plus censuré, mais quand on lit le “Rimbaud” des autres, c’est tout comme... et ça peut s'entendre. À chacun, ses fétus rimbaldiens et ses pages impénétrables ; que l'on tait ! Allez expliquer l'obscur !
Des bribes ! Mes bribes ! les “O ” !


Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie.


Claude-Edmonde Magny prend comme carte d’orientation la lettre du Voyant, celle envoyée à Paul Demeny, datée du 15 mais 1871 ; elle aurait pu s’appuyer sur le lettre de l’avant-veille adressée à Georges Izambard.
Peut-être les deux meilleurs outils pour s’enfoncer dans les déserts, les eaux, les villes et les châteaux.
Et ils nous sont donnés par l’artisan lui-même, voyant voyou, vieux jeune, satan sage .
Il en fournira d’autres tout au long de son ouvrage et Magny les pointe avec beaucoup d’acuité.

Je souligne ces lignes, que je n’ai point trouvé souvent citées.
Détournant Malraux, je pense, – mais est-ce mon entourage qui m’y dispose – que le XXIe siècle sera féminin ou nous ne serons plus !

«...Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme — jusqu’ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons. »


Branleur mystique ? enculé enculeur ? drogué ascétique ? petit commerçant communard ?
Un très malin qui nous laissa assez de traces mystérieuses et prosaïques pour que nous ne puissions en faire un mythique Lautréamont.
Astucieux, non ! Ce très lointain et très quotidien cousin.

Devant l’afflux des exégètes, des commentateurs, des paraphraseurs — qui n’a pas écrit en une feuille ou en plusieurs livres son Rimbaud — il y a quelqu'hésitation ? Dans le Magazine Littéraire de juin 1991, deux pages bibliographiques et onze parutions pour un anniversaire centenaire.

Des décades rimbaldiennes. Fin de siècle : les années “Borer”. Début du siècle : les années “Jeancolas”. On annonce la décade “Lefrère”.
Il y a de sympathiques fonds de commerce. Il fut négociant, Jean-Arthur, non ?
Dans les années soixante, ça s’étripait allègrement entre Étiemble, Pia, Faurrisson et Breton.

Les uns pencheront pour :
...Il s’agit de gagner une dizaine de mille francs, d’ici à la fin de l’année... D’ailleurs, je me suis ménagé la possibilité de rentrer dans mon capital à n’importe quel moment...
Rimbaud fourmi.


Les autres inclineront vers :
J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.
Rimbaud cigale.


....O Timothina Labinette !
..........................................
...À ma sœur Louise Vanaen de Voringhem !
..............................................................................
...Ma chère maman !
..................................

Le même Rimbaud.


Tous à lire ! Doctes, fous, professeurs, rêveurs, biographes, photographes, auteurs, universitaires, autodidactes, poètes, peintres, inconnus. Même Sollers dans Studio, qui se chauffe aisément au feu des autres - le lire sur Vivant Denon, Mozart, Dante.
En serrer quelques-un(e)s dans son havre-sac : Enid Starkie, Edmonde Magny, Henri Miller, Pierre Gascar, Ernest Pignon-Ernest, Pierre Michon, Jean-Luc Steinmetz....

Il est bien de tout lire, – enfin le plus possible, – de tout voir, de tout entendre, de tout vivre et puis de tout oublier et de revenir à l’homme et à l’ouvrage.

Là, ces jours, je ne puis que me rêver une mise en scène de mes propres moments de lectures.
Contempler l’homme et lire l’œuvre !

medium_rimb2005.jpgUne grande salle blanche et nue, deux reproductions élargies aux dimensions des murs : sur le mur du nord-est, la peinture de Ernest Pignon-Ernest qui s’est délitée des mois durant sur les murs de Paris.
C’est le jeune Arthur à la besace de poèmes qui surgit dans la Commune. La lumière qui l’éclaire est celle du sud.
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Sur le mur du sud-est, c’est l’image retouchée du Rimbaud au Harrar ; c’est la lumière du nord qui laisse entrevoir l’indéfini d’un beau visage émacié.

Contre le mur de galerne, un tabouret et une table sur laquelle s’ouvre n’importe quelle édition des œuvres complètes.

La mienne est celle de la Pléiade, achetée en juin 1958 et qui fut glissée dans toutes cantines, sacs ou valises. Le papier bible a fait la guerre d’Algérie, les pitons, les crapahuts, puis l’indépendance — au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie — et le désert.
Il fut lu dans la tiédeur du sac de couchage posé à même la terre, adossé au rocher à l’ombre des lauriers-roses au creux d’un oued, dans l’aridité minérale de contreforts de l’Amahadou, au bord d’une séguia biskrie dans le parfum des orangers, dans un des multiples entonnoirs qui trouent les dunes du grand Erg oriental.

Plus tard, dans les criques de Bretagne sud,
en dévalant les houles du Golfe de Gascogne,
dans les calmes plats qui s’allongent sur l’équateur du Pacifique,
sur les rives de la Falémé, précédant le coq et le muezzin,
au creux des ports de l'Algarve et de l'Andalousie atlantiques.

Et ici, aujourd’hui quand, quittant l’écran, le regard se porte sur les grandes images qui élargissent les murs, dans le retour bienheureux à une clandestine adolescence,
la voix du lecteur murmure :

Je suis le saint, en prière sur la terrasse, — comme les bêtes pacifiques paissent jusqu’à la mer de Palestine.
Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.
Je suis le piéton de la grand’route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d’or du couchant.
Je serais bien l’enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet suivant l’allée dont le front touche au ciel.
Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L’air est immobile. Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant.



Ailleurs

Dites-moi à quelle heure je dois être transporté à bord...



Sur la Toile
• Le site de la ville natale (aurait-il apprécié ?).
• un site à liens.
• Un mien Rimbaud, écrit en hâte quand un matin d'atelier, Daniel Biga déroula, devant nous, son exemplaire sur papier journal, du Rimbaud de Pignon-Ernest (cf. la reproduction,ci-dessus). Dédié à Mj, cette femme qui m'entraîna dans l'aventure de cet atelier.

dimanche, 20 mars 2005

Comme transition

Entre une table rimbaldienne surchargée dont il ne restera, mardi, que peu d'écritsmedium_tabrimb.jpg





















et le petit disque dur qui s'est éteint après plus de quinze mille heures de vaillant travail par monts, mers et vaux
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il fallait bien au quelconque lecteur un matin printanier aux bords de Vilaine.
On ne peut, tous les jours, longer l'Équateur et contempler la fabuleuse constellation du Scorpion s'enfonçant à l'aube dans les eaux du grand Sud !