lundi, 11 octobre 2004
Feuilletage d'automne
Les dépressions automnales, depuis dix jours déboulent le long de notre quarante-septième parallèle.
Vents, pluies, chants des feuilles.
Nostalgique feuilletage des livres de bord des années passées.
L'an 2001, arrondi au petit matin cabo Sao-Vicente, sous la punta de Sagres, un grain subit obligeait à réduire la toile de Dac'hlmat, la grand'voile à un ris et le génois à demi-enroulé.
Au mitan de l'après-midi, première escale aux rives de l'Algarve, Lagos nous attendait
Au 12 octobre, sur le livre de bord de 2001, voici ce qui y fut consigné :
Il fallait nous départir de Lisboa. Il y eut un bon créneau météo, on largua les aussières au début du jusant, le dimanche après-midi 30 septembre, par un beau soleil. Décision prise de mouiller sur ancre à Cascais le soir, puis le lundi matin, cap au sud-est sur Sinès.
Les amis de l’Astrolabe quittaient aussi Lisbonne, mais cap au sud-ouest pour Madère, cinq cents milles, cinq jours de traversée. Petite nostalgie dans l’équipage : Dac’hlmat aurait eu 2 ou 3 mètres de plus....! Nous nous étions échangé nos e-mails et donné rendez-vous pour octobre 2002 sur les rives de Gironde.
Une descente sereine du Tage ; si peu de houle ; Nicléane photographie.
Le lundi matin, au mouillage de Cascais, une brume épaisse, nous décidons d’attendre ; à quelques encablures, le Letho de Peter le Néo-Zélandais, arrivé la veille au soir, on se salue de la main !
L’Astrolabe est sans doute déjà loin dans le suroît...
Mardi matin : ciel clair, l’estuaire est immense et limpide !
Salut, le Tage et tous les anciens qui en sont partis et y sont revenus !
Ah ! et les voyages, les voyages de croisière, et les autres.
Les voyages en mer, où nous sommes tous compagnons d’autrui
D’une manière spéciale, comme si un mystère maritime
Rapprochait nos âmes et nous rendait un instant
Patriotes provisoires d’une même incertaine patrie,
Se déplaçant éternellement sur l’immensité des eaux !
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Les voyages, les voyageurs – il en est tant d’espèces !
Tant de nationalités dans le monde ! Tant de professions !
Tant de gens !
Tant de directions diverses qui peuvent se donner à la vie,
La vie, au bout du compte, au fond toujours, toujours la même !
Tant de visages singuliers ! Tous les visages sont singuliers
Et rien ne donne autant le sens du sacré que de beaucoup regarder les gens.
Fernando Pessoa
Ode Maritime
À la nuit, Sinès, à l’instar de Leixoès, un ancien port de pêche devenu un énorme complexe portuaire ; et il s’agrandit encore. Mais au fond, tout au fond, une anse préservée, une jolie plage propre et quelques pontons. On nous attend au catway que nous distinguons mal, aveuglés par les photophores du port et c’est toujours bien agréable de se faire prendre les aussières : c’est Nick et sa compagne, des Cornouaillais de Falmouth, déjà côtoyés à Nazaré et Péniche.
Sinès, village de Vasco de Gama, un cirque de calcaire ouvert sur le sud-ouest, rude montée où sourd une source dédiée à Santa Lucia, bonne pour les yeux, une citadelle trop nouvellement restaurée et un Vasco de bronze à l’ombre de la muraille. Nous y aurons la joie du premier courrier, quémandé depuis notre arrivée et que je n’obtiendrai d’un gardien de port, gentil mais obtus, qu’après avoir déchiffré notre nom à l’envers : j’avais omis d’indiquer à Patrik que le plus important de l’adresse, c’est le nom du bateau.
Corvée de lessive devant la seule machine à laver du port : c’est la rencontre de Cath, la compagne de Peter. Le Letho est arrivé la veille ; ils sont partis de Cascais quelques heures après nous quand la grande houle d’ouest a recommencé à agiter le mouillage. Et c’est peu dire. Ils ont fait escale à Setùbal. Nous allons deux jours durant beaucoup échanger autour de pots de bière, de tasses de café et de verres de porto ; nous ouvrirons la dernière bouteille de Muscadet avec eux et pour le grand bonheur de Peter qui nous avouera en avoir beaucoup entendu parler mais n’avoir jamais bu un vrai Muscadet. Kath est Irlandaise et fut prof de français. Ils vont peut-être retraverser l’Atlantique pour les Caraïbes où Peter a beaucoup navigué comme skipper professionnel, ils hésitent, Ils entreraient bien en Méditérrannée.
Entre Nicléane et Kath, une belle connivence de femmes !
Longs échanges sur l’état du monde.
Et les inévitables points “météo” pour saisir le meilleur moment de larguer les aussières et d’arrondir ce sacré Cabo São Vicente qui, pour nous, nous mettra enfin à l’abri des grosses dépressions automnales du Centre Atlantique.
Nous sommes le 6 octobre. L’anticyclone des Açores pousse une dorsale jusqu’au sud de Ouest-Portugal ; il faut en profiter. Mon schipchandler lisboète m’avait confié que des Açores, les Portugais n’attendaient que deux choses, l’anticyclone et le beurre - qui, il est vrai, est fort bon ! Au nord, sur vous, fond alors la première grande dépression d’automne et sa tempête, nous n’aurons que la queue très humide de son front froid - douze heures de pluie torrentielle et une grande houle de nord-ouest.
Le 7, soleil, petit vent de... sud-ouest, toujours absents les alizés portugais. Nicléane et moi partirons juste avant la tombée de la nuit pour être au petit matin en vue de São Vicente. À 17 heures, porté par la houle qui entre jusqu’au fond de notre anse bénie, un petit voilier battant pavillon USA avec une femme seule à bord, tous les voileux du port se précipitent pour lui prendre ses amarres. Elle a dans les soixante ans et Kath nous dit qu’elle navigue ainsi en solitaire depuis sept ou huit ans. Par l’entremise de notre Irlandaise, l’Américaine nous donne quelques renseignements sur l’état de la mer au large. Grande, grande houle, très creuse, cinq mètres, mais large ! Le plus gênant : le peu de vent pour appuyer les voiles et éviter d’être trop inconfortablement ballotté. Elle dit qu’elle attendrait le lendemain ou plus tard. Nous hésitons, mais sachant la “fragilité” des dorsales, je préfère, sans forfanterie, larguer. À 19 heures, les autres équipages en sont à l’apéro, nous, les Bretons, on largue !
Belle, belle nuit, grande, grande houle certes, mais tant d’étoiles. Et Orion à l’aurore avec les derniers éclats de São Vicente ! Et Nicléane a assuré sans barguigner son quart de nuit.
En milieu de matinée, le cap et la pointe de Sagres laissés dans le nord-ouest, à nous l’Algarve, la houle s’est apaisée, bonheur d’une mer plate et d’un vent frais de travers, Dac’hlmat allonge la foulée quand un méchant nuage noir venu de terre nous cueille à 25, 30 nœuds. Rafales, éclairs, prise de ris, réduction du génois, cirés enfilés ! Ça ne durera guère. Mais merci l’Algarve pour l’accueil. Nous qui rêvions de soleil !
Nous longerons la belle côte de calcaire déchiquetée, remonterons la rivière de Lagos et deux jours après, prendrons le bus pour São Vicente et Punta de Sagres, histoire de voir d’en-haut ce que nous avions vécu d’en-bas.
C’est plus impressionnant de terre que de mer. J’ai franchi dix-huit fois le Raz-de-Sein : je ne suis jamais allé à la Pointe du Raz....
Histoire de voir aussi Punta de Sagres, un site tabulaire impressionnant où Henri le Navigateur installa son école de navigation qui accueillit marins, astronomes, cartographes, mathématiciens, architectes, simples matelots. Depuis Porto, nos oreilles attentives ne bruissaient que de ce nom-là. Nos enfances avaient rêvé de Cabral, Vasco de Gama, Batholomeu Diaz, Albuquerque, Magellan - un faux-frère celui-là, il navigua pour les Espagnols.
Le Monde s’était donc ouvert à partir de ces lieux que depuis plus d’un mois nous hantions...
Le Monde Ouvert ? Officiellement pour les Grands de l’Occident, Rois, Papes, Empereurs. Que sait-on des humbles matelots, vikings, bretons ou basques qui, peut-être cent fois, avaient déjà touché ces terres inconnues qui, depuis Punta de Sagres, vont être nommées, cartographiées, partagées, puis.....
Terribles ambiguïtés d’un temps qui est toujours évoqué en célébration de la Découverte et de la Rencontre !
En ces jours-ci que nous vivons, gens d’Occident, difficile de ne pas repenser ce qui est notre Bien et notre Mal ! Notre faim d’ouverture et notre hantise de possession !
J’avoue avoir salué au passage Gil Eanes : il fut sans doute le premier à rencontrer les ancêtres de nos amis Soninké et Peuhl. Contournant le premier le cap Bojador, il dut bien mouiller son ancre dans l’estuaire du fleuve qui n’était pas encore Sénégal !
À peine étions-nous débarqués, dans le premier cyber-café de Lagos - nous ne connaissions que les courriels - les blogs étaient-ils connus ? - je vis l'une parmi les plus belles femmes rencontrées lors nos escales.
S'annonçait la beauté andalouse !
23:10 Publié dans les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 10 octobre 2004
Ici commence....
« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. »
René Char
Entré entre crépuscule du soir et crépuscule du matin dans ce projet de journal sur la Toile, que je vis comme une plongée dans un maelstrom d'écrits, de cris et d'images.
Avec la tension qui est aussi celle que je ressens quand j'écarte le quai du pied et que je vais arrondir la jetée du port pour le large.
S'il faut poursuivre la métaphore marine, j'embarque avec une maigre expérience d’écriture journalière et des bribes de journal intime - (l'adolescent) -, de livre de bord - (le marin) -, de notes de lecture - (l'ancien conseiller)...
Avec mon idée fixe du possible phalanstère - à moi Fourier et Barthes ! - que j'ai affiché en incipit dans mon site refaçonné ces jours-ci...
Cette idée qu'écrire sur la Toile - site ou blog - c'est écrire pour les très proches, les proches, les amis de jadis, de naguère, d'aujourd'hui : c'est une manière de nouer et renouer les liens que tissaient les lettres, les rencontres dans le cours du temps et dans l'espace qui nous sépare trop souvent.
Site ou blog comme une présence invitant à l'entretien : « Voilà où j'en suis ! Et vous, où en êtes-vous ?
Avec l'idée d'une écritoire - l’écran de mon bon vieil iBook -, renouvelant l'ancienne aventure des copistes en leur scriptorium : communauté et solitude, proximité et éloignement, mais immédiateté qui efface les longues et patientes attentes des lettres de naguère, mais qui n'exige point la frappe hâtive du “chat”.
Sans trop d’illusions, mais un mince espoir : qui lit ? Qui lira ? Qui, surtout, en retour écrira ?
13:05 Publié dans Les blogues | Lien permanent | Commentaires (1)
Pour saluer Jacques Derrida
Pour saluer Jacques Derrida, qui fut souvent “l’illisible”. Mais parfois quelles lueurs ?
Dans L’écriture et la différence, à propos de Emmanuel Lévinas, (p. 127-128) :
« Sommes-nous des Juifs ? Sommes-nous des Grecs ? Nous vivons dans la différence entre le Juif et le Grec, qui est peut être l’unité de ce qu’on appelle l’histoire. Nous vivons dans et de la différence, c’est-à-dire dans l’hypocrisie dont Lévinas dit si profondément qu’elle est “ non seulement un vilain défaut contingent de l’homme, mais le déchirement profond d’un monde attaché à la fois aux philosophes et aux prophètes ”.
Sommes-nous des Grecs ? Sommes-nous des Juifs ? Mais qui sommes-nous... d’abord des Juifs ou d’abord des Grecs ?... À l’horizon de quelle paix appartient le langage qui pose cette question ? Où puise-t-il l’énergie de sa question ?Peut-il rendre compte de l’accouplement historique du judaïsme et de l’hellénisme ? Quelle est la légitimité, quel est le sens de la copule dans cette proposition du plus hégélien, peut-être, des romanciers modernes :“Jewgreek is Greekjew. Extremes meet”* ?
* James Joyce, Ulysse, p. 622.
Dans le Magazine littéraire de septembre 2004, consacré à Antonin Artaud :
« La voix de Artaud..., quand on l’a entendue, on ne peut plus la faire taire. Et donc il faut le lire avec sa voix, avec le spectre, le fantôme de sa voix qu’on doit garder à l’oreille. Pour moi, l’archivation de la voix est une chose bouleversante. Contrairement à la photographie, la voix archivée est “vivante”. »
12:40 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 09 octobre 2004
Bienvenue
Benaizz dë vou rsevaer !
Bienvenue !
Degemer mat !
successivement :
en Gallo
en Français
en Breton
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)