dimanche, 20 mars 2005
De l'autre côté du monde
Le 20 mars 1999, à 17 h 55 heure locale, Javier, Mat et moi étions par
00°00,00
115°16,00 ouest
l’Équateur, c’était donc cela, six zéro sur un minuscule cadran de GPS et cette immensité tout autour !
Nous étions partis de Ua Huka - iles Marquises - depuis vingt-trois jours et à moins de 2 250 milles, c’était Panama où nous attendaient - peut-être - les sept oncles de Blaise Cendrars.
Et il y avait des soirs !
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mardi, 08 mars 2005
Toujours à marée à basse !
L'iBook de Grapheus tis est en observation. Le diagnostic est pour jeudi.
J'espère que le "Rimbaud de Claude-Edmonde Magny sera lisible mardi prochain.
à bientôt !
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dimanche, 06 mars 2005
Dimanche à marée basse
Beaucoup de labeur avec Rimbaud !
Le disque dur de Grapheus tis a quelques soucis.
Interruption pour quelques jours.
Amicalement à tous !
BONS VENTS !
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vendredi, 04 mars 2005
Dans les rues de ma ville
Jeudi de neige sur Nantes. Mais Nantes est noire sous les bourrasques. Allant au cours de Grec ancien, j'espérais quelques rares photos de Nantes la blanche. Je ne fus que frigorifié dans l'enfilade glacée du fleuve.
La traduction de la morale conjugale, pensée par Xénophon, n'en subit aucun préjudice. Peut-être une certaine lenteur dans l'accès aux bonnes règles de grammaire, compensée par la découverte de ce qu'est un "hystéron-protéron" qui est beaucoup plus amusant dans l’involontaire
Il se suicida et mit le feu à sa maison
que dans le volontaire
trouver d’abord, chercher après
(Cocteau).
Je dois rédiger un papier pour le bulletin “paroissial” de l’Université Permanente sur le thème “Pourquoi vous être inscrit au cours de Grec ancien” ; j’ai demandé à mes collègues de m’écrire cinq lignes ; je tenterai une synthèse. Je leur ai soumis une proposition pour un titre. “Les Femmes Savantes” me paraissaient l’adéquat. Rires des colègues ! Mais le choix me reste. Je serais maître de la publication, je prendrais la seconde réplique de Philaminte, accompagnée de la didascalie qui la suit :
«....Ah ! permettez de grâce,
Que pour l’amour du grec, Monsieur, on vous embrasse. »
Il les baise toutes, jusqu’à Henriette qui le refuse.
À la sortie, j’ai traversé la Loire, remonté la rue Neuve des Capucins - la matinée allait s’achever sur des traces que j’ignorais encore -, enfilé la rue de l’Héronnière - oh ! l'ombre de Lola ! - jusqu’à la rue Crébillon ; je suis passé à la boutique d’Harmonia Mundi - je deviens allergique aux rayons de la Fnac, - y ai trouvé la première symphonie “Titan” de Mahler par Walter et un disque d’Aperghis pour me mettre dans l’ambiance du spectacle que l’ami Hervé Tougeron, accompagné de Catherine Verhelst donnera en avril à Graslin, Musique(s) de Toile, un opéra de chambre noire, où se mêleront les musiques de Ligeti et d’Aperghis, des projections de Fernand Léger et Oskhar Fischinger, des textes et témoignages sonores de Jean-Luc Godard et Robert Bresson. Une vraie cure de Jouvence, pour moi !
Giboulées de neige en descendant la rue Crébillon, je m'abrite dans le Passage Pommeraye... Voilà les traces qui se précisent. Je sors mon petit nikon, je croque deux ou trois des adolescent(e)s fessu(e)s qui ornent le passage et, tout à coup, je me dis que je viens de faire, en sens inverse le trajet qu’a fait le héros maudit du Musée Noir de Mandiargues. Vains dieux ! Je ne vais quand même pas me laisser dévorer.
Depuis les “Énervés” d’Évariste Luminais et les exégèses picturales fort réjouissantes de Bourdaily on the web, j’ai l’imaginaire vacillant...
Je ressors rue de la Fosse. La neige ne tombe plus et il n’y a point d’albatros dans le ciel de Nantes. C’est, là, l’unique erreur de Pieyre de Mandiargues dans l'écriture de la nouvelle. Et le pervers et noir enchantement s’efface !
Sur le seuil du Passage, je me retourne : aucune femme “à l’immense chevelure mouvante” ne m’a suivi et les allégories fessues ont toujours là-haut leur pose alanguie.
Le texte de Mandiargues est d’une incroyable rosserie.
“Mesquines créatures, un peu plus petites que le naturel, pâles, privées de sourire, enduites d’une sale couleur jaune crème tirant sur le vert, il se dégage de vous une désolation pas moins immense que d’un sérail de vieux enfants...; en même temps vous ne laissez pas d’être assez troublantes, sous les voiles qui couvrent à demi vos chétives nudités...”
Une prochaine fois, passée la Loire, j’éviterai la rue Neuve des Capucins.
Ma petite mythologie urbaine diffère de celle de Mandiargues qui donne à la fessue de gauche les attributs des Beaux-arts et à celle de droite, ceux de la Science. Sans doute, a-t-il raison ? Pour moi, filles l'une et l'autre, celle de droite est la Liseuse, celle de gauche la Songeuse !
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mardi, 01 mars 2005
Paul ÉLUARD
Voici donc le numéro 1 de la collection Poètes d’aujourd’hui : une aventure éditoriale et une construction assez complexe avec deux coauteurs, Louis Parrot et Jean Marcenac.
“C’est avec le livre consacré à Paul Éluard que naquit réellement la maison d’édition”. Pierre Seghers relate avec précision l’histoire de sa collection dans le n°164, Pierre Seghers par l’auteur, pages 56 et 57.
Le texte de Parrot avec un choix de poèmes est achevé d’imprimer le 10 mai 1944. “Au plus noir de l’occupation”, Seghers annonce deux autres titres : Max Jacob, Aragon.
Cette aventure mérite d’être soulignée : la maquette est de Boris Lacroix - elle existait encore, au moins dans son format et son principe éditorial - présentation de l’auteur et choix de textes - jusqu’en 2003, Francis Ponge présenté par Sollers, par exemple.
Ce jour, le format 135x160 semble avoir été abandonné au profit d’un 145x195, plus traditionnel et c’est le Jean Grosjean de Jean-Luc Maxence qui en fait les frais et/ou en bénéficie.
Le conseiller de Seghers sera Paul Éluard lui-même : « Non pas une brochure, une plaquette. Mais un livre. Faites de vrais livres ! » Ce fut sans doute le premier livre de poche sur un poète et l’occupant était encore là.
L’élaboration du bouquin dans la clandestinité justifie cette superposition de strates d'écrits : le texte de Louis Parrot en mai 1944, préfacé en mars 1945, postfacé en août 1948. Précédé par Parrot, Éluard meurt le 18 novembre 1952 .
Seghers confie, de suite, à Jean Marcenac, la charge d’une nouvelle postface ; celui-ci reprend, en la commentant, une longue intervention - 45 pages -, Les progrès de l’espérance, écrite pour la revue Europe en avril 1950. Le choix des poèmes d’Éluard s’enrichit des dernières œuvres publiées et d’inédits.
Qu’écrit Parrot ? Il réfute, dès les premières lignes, une présentation qui ne soit que critique et esthétique ; il affirme ne pas “vouloir expliquer” l’œuvre, mais “indiquer dans quelles conditions elle est née,... donner quelques précisions sur la vie de son auteur”. La biographie du poète devient aussi une approche de l’histoire du Surréalisme, des liens avec les peintres.
Qu’écrit Marcenac ? La discrétion politique que montrait Parrot évoquant “ la vie publique du poète, au moment où il allait entreprendre ses longues et amicales tournées d’amabassadeur de la poésie nouvelle et des idées les plus généreuses en Grèce, en Yougoslavie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Italie” va laisser place à une entreprise de récupération, certes nuancée par la tristesse de la disparition récente et l’amitié désertée, mais noyée dans un pathos où se découvrent Orphée, les Argonautes, Byron, le soir de Grèce, le soleil de Chine, les dockers en lutte, les augmentations de salaire pour aboutir à cette extraordinaire “nouvelle qui passe en grandeur tout ce qui peut se rêver et nous apprend qu’en U.R.S.S., on envisage de ne plus vendre le pain, mais de le donner...” (sic), récupération à la gloire du Parti !
Le péan sera entonné, de la page 240 à 242, quand Éluard “avec les clairvoyance du génie,... était allé au communisme pour couronner par lui sa poésie et son génie, leur donner leur conclusion nécessaire, leur efficace plénitude, parce que le communisme est cette science du bonheur”.
Suivent Lénine, MaÎakovski (!), Neruda, Aragon, les Congrès pour la paix et les fêtes anniversaires de Gogol et de Victor Hugo, célébrées à Moscou en 1952, où Éluard représente “le peuple français” ! Jean Marcenac fut un homme très respectable, militant communiste, poète engagé dans la Résistance, militant qui fut, je crois, journaliste à “l’Huma” et aux Lettres Françaises.
Le portrait d’Éluard ci-contre est bien dans le ton du réalisme socialiste.
L’ironie que peuvent laisser percer ici ces quelques lignes ne sont, sans nul doute, que l’amertume d’espoirs déçus dans un bien sombre magma. Et ce qu’avaient vécu de tels hommes était-il donc si atroce qu’ils fussent aveuglés dans leur rêve d’horizon ?
Demeure la question sous-jacente à beaucoup de livres de la collection. Seghers fit-il le meilleur des choix en confiant le rôle de passeurs de poètes à d’autres poètes ? Certes, il “faisait” vivre et les uns et les autres. Mais... (lire le blogue de Florence Trocmé sur Perse et Bosquet et son commentaire ci-dessous, ajouté ce 2 mars).
Le livre arrive à Bongouanou, accompagné de deux autres titres de la collection Arthur Rimbaud par Claude Edmonde Magny et Francis Jammes par Robert Mallet. Faut-il avouer qu’en mars 1957, je ne m’attarde guère aux écrits de présentation et autres "seuils" littéraires, comme écrirait Gérard Genette.
Au poème même !
L’objectif de Seghers me comblait d’aise : “Sevré de contacts et d’informations... ni radios, ni T.V., ni bibliothèques ouvrant aux modernes leurs portes,” je me voyais offrir, au fin fond de ma brousse tropicale et coloniale, la possible lecture de poètes que je découvrais, pas "illuminé" comme certain(!) me qualifie, mais pour le moins émerveillé ! Ils me donnèrent quelques coups de pied au cul et soutinrent ma tentative d'auto-décolonisation.
À petits pas, j’allais apprendre à fréquenter les rayons de librairies où je trouverais mes nourritures. Parce que, entre autres démarches de recherche, j’aurai appris à maîtriser les catalogues de certains éditeurs dans l’immense chambre de la concession scolaire d’une subdivision côte-d’ivoirienne.
Retour à Paul Éluard.
Comme certains, à l’image de Cadou, Desnos, Prévert, il est trop vite devenu le poète des livres de classe, des cours de collèges, des anthologies lycéennes et des “poèmes pour tous” à offrir aux jeunes mariés. Trop aisé à cerner, à définir, à classer dans une tradition
À tel point que chez le lecteur, s’est souvent annoncée comme une usure du sens. Ainsi de ces métaphores populaires, telles "prairie émaillée de fleurs", "mon sang ne fit qu'un tour" et autres qui naquirent du génie inventif de la langue et ne sont plus que clichés éculés.
Et pourtant
Bonne journée j’ai revu qui je n’oublie pas
Qui je n’oublierai jamais
Et des femmes fugaces dont les yeux
Me faisaient une haie d’honneur
Elles s’enveloppèrent dans leurs sourires
Bonne journée j’ai vu mes amis sans soucis
Les hommes ne pesaient pas lourd
Un qui passait
Son ombre changée en souris
Fuyait dans le ruisseau
J’ai vu le ciel très grand
Le beau regard des gens privés de tout
Plage distante où personne n’aborde
Bonne journée journée qui commença mélancolique
Noire sous les arbres verts
Mais qui soudain trempée d’aurore
M’entra dans le cœur par surprise.
16 mai 1936
Les yeux fertiles, 1936
Une cueillette dans
Blason des fleurs et des fruits dédié à Jean Paulhan
À mi-chemin du fruit tendu
Que l’aube entoure de chair jeune
Abandonnée
De lumière indéfinie
La fleur ouvre ses portes d’or
Rose pareille au parricide
Descend de la toile du fond
Et tout en flammes s’évapore
Dahlia moulin foyer du vent.....
Tulipe meurtrie de lune.....
Colchique veilleuse nacrée...
Marguerite l’écho faiblit
Un sourire accueillant s’effeuille
Goyave clou de la paresse
Muguet l’orgueil du maître pauvre....
Dans le filet des violettes
La fraise adore le soleil
Glycine robe de fumée
Œillet complice de la rue
Digitale cristal soyeux
Lilas lèvres multipliées
Amarante hache repue
Brugnon exilé jusqu’aux ongles
Iris aux mains de la marée
Passiflore livrée aux hommes
Clématite jeunesse comble
Chèvrefeuille biche au galop
......................................................
Fleurs récitantes passionnées
Fruits confidents de la chaleur
J’ai beau vous unir vous mêler
Aux choses que je sais par cœur
Je vous perds le temps est passé
De penser en dehors des murs.
Le livre ouvert II, 1947
Il faut cependant revenir à la Femme et à l’Avenir. L’amertume du lecteur n’a point éteint toute lueur dans le large de ce double horizon.
Char, le copain d’Éluard, n’écrivait-il pas ! : « Il faut intarissablement se passionner. En dépit d’équivoques découragements et si minimes que soient les réparations. » (in À une sérénité crispée).
J'ai cru pouvoir briser la profondeur l'immensité
Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
Comme un mort raisonnable qui a su mourir
Un mort non couronné sinon de son néant
Je me suis étendu sur les vagues absurdes
Du poison absorbé par amour de la cendre
La solitude m'a semblé plus vive que le sang
Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon cœur au vide et le vide à la vie
Tout effacer qu'il n'y ait rien ni vitre ni buée
Ni rien devant ni rien derrière rien entier
J'avais éliminé l'hivernale ossature
Du vœu de vivre qui s'annule.
Tu es venue le feu s'est alors ranimé
L'ombre a cédé le froid d'en bas s'est étoile
Et la terre s'est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J'avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J'avançais je gagnais de l'espace et du temps
J'allais vers toi j'allais sans fin vers la lumière
Là vie avait un corps l'espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l'aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j'adorais l'amour comme à mes premiers jours.
Les champs sont labourés les usines rayonnent
Et le blé fait son nid dans une boule énorme
La moisson la vendange ont des témoins sans nombre
Rien n'est simple ni singulier
La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit
La forêt donne aux arbres la sécurité
Et les murs des maisons ont une peau commune
Et les routes toujours se croisent.
Les hommes sont faits pour s'entendre
Pour se comprendre pour s'aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.
La mort, l’amour, la vie
Le Phénix, 1951
Pour conclure
écrites avec André Breton, quelques lignes de L’Immaculée Conception
........................
32. Lorsque la vierge est renversée en arrière, le corps puissamment arqué et reposant sur le sol par les pieds et les mains, ou mieux par les pieds et la tête, l’homme étant à genoux, c’est l’aurore boréale.
L’amour multiplie les problèmes. La liberté furieuse s’empare des amants les plus dévoués l’un à l’autre que l’espace à la poitrine de l’air. La femme garde toujours dans sa fenêtre la lumière de l’étoile, dans sa main la ligne de vie de son amant. L’étoile, dans la fenêtre, tourne lentement, y entre et en sort sans arrêt, le problème s’accomplit, la silhouette pâle de l’étoile dans la fenêtre a brûlé le rideau du jour.
L’amour
L'Immaculée Conception, 1930.
Ce blogue du 1er mars consacré à Paul Éluard est dédié à Ch.A.A.
qui y reconnaîtra peut-être la jeune lectrice... qu'elle est encore.
Post-blogue :
Ne saisissez pas seulement "l'Immaculée Conception" dans Google. Vous auriez un afflux de pages sur une autre immaculée conception, guère plus vierge, en son avenir, que celle d'Éluard et de Breton !
19:00 Publié dans "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 28 février 2005
"Montrez-moi aussi..."
Mais pourquoi ai-je, hier, parlé de la "pâleur" d'Éluard ? Le livre était-il donc depuis si longtemps fermé ?
Cet après-midi, préparant la présentation du "Poète d'aujourd'hui" n°1, pour demain (?), je relis ce texte dédié à Picasso et qui prolonge le poème des poèmes "Moi, noire, harmonieuse..."
Montrez-moi aussi le corsage noir
Les cheveux tirés les yeux perdus
De ces filles noires et pures qui sont ici de passage et d'ailleurs à mon gré
Qui sont de fières portes dans les murs de cet été
D'étranges jarres sans liquide toutes en vertus
Inutilement faites pour des rapports simples
Montrez-moi ces secrets qui unissent leurs tempes
À ces palais absents qui font monter la terre.
30 août 1936
Les yeux fertiles
19:35 Publié dans "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 27 février 2005
Moi, noire,
Demain, je sèche Spinoza et les écritures bibliques pour PowerPoint et les finesses du montage.
Le "poète du mardi" va peut-être en souffrir. Ce devait être "Éluard" arrivé par poste en mars 1957 dans l'indicible pafum des caféiers en fleurs et l'Amour se déclinait alors ainsi sans le secours des quatre étapes de l'herméneutique médiévale :
Moi, noire, harmonieuse, filles de Ieroushalaîm
comme tentes de Quédar, comme tentes de Shelomo.
Le Poème des Poèmes.
selon Chouraqui
Éluard me paraissait un peu pâle !
23:50 Publié dans "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 26 février 2005
Tailles d'hiver finissant
Timide fut la neige et le soleil abondant, cette semaine.
Nous avons entrepris la taille des arbustes, de la glycine, de la treille.
Ce matin, écouté distraitement Répliques avec Finkielkraut autour de "heurts et malheurs de l'autofiction". La grande question sur la Littérature (!) tourne gravement autour du cul et de l'argent. C'est ainsi depuis le commencement du monde de l'écrit.
Seulement ces temps-ci, ça rétrécit et théoriser ne fait rien à l'affaire qui se rabougrit - côté cul - proportionnellement à l'augmentation - côté fric - des signes imprimés.
Ennui !
Je m'en suis allé entendre Giono sur la petite radio satellite de France Cul. J'ai prolongé la balade radiophonique dans les herbiers de Coïmbra avec Gilles Lapouge.
Là, elle respirait, la langue !
Et la séduction des herbiers m'a transporté à travers la péninsule ibérique aux jardins de Ronda ; c'était dans les premiers jours de mars 2002. Entre glycines et pivoines, je choisis la pivoine.
Parmi les belles macros de Florence Trocmé et celles de Berlol qui embaument la Toile, Nicléane m'autorisera bien à faire s'épanouir une pivoine de Ronda.
...il est ici à Ronda
dans la pénombre douce de l'aveugle,
un silence concave dans les cours,
le loisir d'un jasmin
et la rumeur de l'eau, qui conjurait
toute mémoire de déserts.
Jorge Luis BORGES
Ronda, Les Conjurés.
Substituons au jasmin la pivoine. L'eau s'emperle aux fontaines de Ronda !
21:45 Publié dans Borgès alors ?, les diverses | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 24 février 2005
Mare adentro
Au sortir du film de Alejandro Amenabar, dans la rumeur prolongée des musiques galiciennes, à déchirer le ventre,
– Qu'y a-t-il après la mort ?
– Rien.
– ......................................
– Comme avant la naissance.
Ramon Sampiedro a-t-il pensé lui aussi, à l'instar de Jean Améry
«...que la mort volontaire est dans sa contradiction, l'unique chemin de la liberté qui s'ouvre à nous. Ce chemin est absurde mais non fou, puisque son absurdité n'accroît pas celle de la vie, mais au contraire la diminue. »
23:01 Publié dans Les nocturnes | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 23 février 2005
Lettre à Er sur l'ortograf
J'ai tardé pour répondre à ton courriel.
Guère de conseils à te donner, ni cure à te recommander, ni surtout -et je te rejoins -psychothérapie à commencer.
Je ne puis que te dire que celles et ceux qui ne sont pas trop irrespectueux des règles de l'orthographe sont celles et ceux qui ont sans doute mémorisé des formes, des agencements de lettres et de mots, retenu des ajustements entre mots, phrases et paragraphes. Et que dans toute cette maîtrise, il y a une grande part de JEU, de curiosité pour le fonctionnement de la langue.
Si ce n'est que soumission à des règles, c'est une connerie ; l'avancée de la langue n'a que faire des serviles et autres forcenés d'une pureté qui, à l'origine, n'a été que la nécessité technique de définir un ensemble de pratiques communes par les imprimeurs et typographes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
Seulement voilà que les grammairiens et de piètres pédagogues se sont arrogés les droits de correction que l'on sait et que l'on subit. Que les pouvoirs royaux, républicains, universitaires y ont trouvé un excellent moyen d'exercer un contrôle et de sélectionner les bons serfs. Que l'ordre règne dans les mots pour qu'il règne dans les têtes !
Alors, il faut te dire dans ton for intérieur que cette langue c'est aussi la part socialisée de ton être intime qu'on nomme "PAROLE", ta parole... Tu décides de la façon dont tu souhaites la présenter à l'autre !
Je n'ai jamais compris, moi qui suis un pas trop mauvais en orthographe - il m'arrive de faire quelques erreurs - pourquoi les instances politiques qui ont tenté une réforme de l'orthographe en 1989 ont reculé devant les objurgations de ces dits puristes aussi mal torchés qu'un cul de nouveau-né....et pas plus chastes que mes pratiques amoureuses, ne maintenant que d’infimes simplifications.
C'est vrai que même chez les tout-bons (ou tous bons ?), il leur faut souvent consulter dictionnaires, grammaires et livres de "bon" (!) usage.
Et qu'il y a parfois plaisir à ces manipulations...
Cendrars, un des grands du XXe siècle avouait ne pouvoir écrire une page sans aller consulter dictionnaire ou grammaire.
Courage et joue, Ami !
Jaqez
Post-scriptum :
En octobre 1989, le mensuel ACTUEL, plein d’espoir, publiait son n° 244 au prix de 3,5 écu(s) (là, ils avaient tout faux). Ça s’intitulait :
1999 - le premier journal en nouvèle ortografe - L’histoire des anés 90 en 200 fotos.
Remarque leur sagesse. Nous aurions mis deux, trois, quatre ans, à nous faire à ces nouvelles “images” de mots.
Eh bien ! Nenni ! Nous faudra-t-il attendre 2099 ?
D’ici la fin du siècle, procure-toi “le bon usage” de Maurice Grévisse, refondu par André Goose ; il date de 1936 et il en est à sa 13 ou 14e édition.
De la page 91 à la page 103, il présente l’orthographe en tous ses états.
Et puis dans les signets ou favoris, - je n’écris point marque-page, je me ferais agresser - de ton “navigateur” préféré, glisse la ressource suivante : celle du Trésor Informatisé de la Langue Française.
Il ne résout pas toutes nos questions, il en éclaire beaucoup. Il ne m’a été d’aucun secours pour marque-page : les marques de mes pages préférées ou l’acte de marquer ma page ? D’origine verbale, donc masculin ou substantif, donc féminin ? Va savoir ! Ça doit être une origine verbale comme arrache-clou, porte-drapeau, prie-dieu ! Mais aussi pourquoi point nominale comme soutien-gorge, appui-tête, garde-meuble ?
L’usage, diront les tolérants. La règle, hurleront les puristes.
Lis " le bon usage" : il nuance !
Méfie-toi des correcteurs de traitement de texte, ils sont le juste reflet de l'idéologie linguistique des auteurs du logiciel ; ils n’autorisent aucune nuance et n’ont aucun humour.
Un jour, j’avais saisi un de mes proverbes mandingues préférés :
Si pressé que tu sois, tu ne peux dire à ton cul de te précéder !
Le correcteur m’a refusé “cul”, il me proposait pudiquement “derrière”.
Certes, il s'agit plus d'un problème de sens que d'orthographe. C'est quand même à tomber sur le cul !
J'ai bien dû laisser traîner quelques fautes d'ortograf....
Joue bien dans la grande cour de récréation de la langue !
Post-scriptum 2 : Rends visite à "la langue sauce piquante". Voilà des gens du métier, de vrais correcteurs, qui n'humilient point les pécheurs et "corrigent en riant".
19:10 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 22 février 2005
Henri MICHAUX
Au commencement, ce texte.
L’exorcisme, réaction en force, en attaque de bélier, est le véritable poème du prisonnier.
Dans le lieu même de la souffrance et de l’idée fixe, on introduit une exaltation telle, une si magnifique violence, unies au martèlement des mots, que le mal progressivement dissous est remplacé par une boule aérienne et démoniaque — état merveilleux !
................................................................................................................
Cette montée verticale et explosive est un des grands moments de l’existence. On ne saurait assez en conseiller l’exercice à ceux qui vivent malgré eux en dépendance malheureuse. Mais la mise en marche du moteur est difficile, le presque-désespoir seul y arrive.
Pour qui l’a compris, les poèmes du début de ce livre ne sont point précisément faits en haine de ceci, ou de cela, mais pour se délivrer d’emprises.
Préface à Épreuves, exorcismes
C’est lu dans le Panorama critique des nouveaux poètes français de Rousselot, que j’ai emporté avec moi dans la petite cantine où sont serrés mes premiers livres.
Au chapitre “Michaux”, MON ROI, LA LETTRE, NOTES DE ZOOLOGIE, et de curieuses ARTICULATIONS :
Et go to go and go
Et sucre !
Sarcospèle sur Saricot
Bourbourane à talico
ou te bourdourra le bodogo
Bodogi.
Croupe, croupe à la Chinon.
Et bourrecul à la misère.
La nuit remue
Le bouquin sera très vite commandé. Il arrivera trois semaines après, en décembre 1955, au petit bureau de poste de la subdivision de Bongouanou, dans le centre-est de la Côte d’Ivoire ; le bureau est tenu par un receveur sérère originaire de Casamance. Au fil des mois, le postier, intrigué par ces petits colis tamponnés “Éditions Seghers”, qui me sont envoyés, me parlera de Senghor.
Vivre à des milliers de kilomètres de mon ouest natal, dans une forêt extraordinaire de beauté et de senteurs, mais où les rares écrits sont d’école, de religion ou de commerce, décuplera le petit bonheur d’ouvrir le précieux colis cartonné, d’enlever une à une les couches du papier qui emballent soigneusement le petit livre.
La maquette des “Poètes d’aujourd’hui” m’est désormais familière : première de couverture vert pomme, avec une encre en gris et noir en guise de portrait qui peut être un visage - plus tard, je l’associerai au terrible supplice décrit dans Pays de la magie (Ailleurs, p.142).
En feuilletant, pas de portrait non plus, une seule photographie : une main fine émergeant d’un poignet de chemise - on cherche les boutons de manchette - qui trace sur une table toute en fouillis de papiers, dossiers, encriers, pinceaux, cendrier : Brassaï a photographié Michaux en 1945 ; mais Bertelé choisit de recadrer, respectant la volonté de Michaux qui “ne veut pas que tout le monde puisse le reconnaître dans le métro” .
Longtemps donc, le lecteur lira sans rien savoir du visage ; seulement cette main, les mots, de curieux dessins ! Alternance qui se dépliera jusqu’au terme de l’œuvre et de la vie : quand Michaux ne peint pas, il parle de peinture ; quand il n’écrit pas, il peint comme des alphabets.
Il aura peut-être été un des rares occidentaux à parvenir à “griffer et inciser” par plume et “caresser et effleurer” par pinceau, la feuille résolvant l’affrontement des calligraphies occidentale et orientale, évoquées par Roland Barthes.
Ce qui s’annonçait dans les premiers textes lus dans le “Panorama” va se déployer : et au delà d'une simple révolte passagère et d’un premier refus.
Quand les mah,
Quand les mah,
Les marécages,
Les malédictions,
Quand les mahahahahas,
Les mahahaborras,
Les mahahamaladihahas,
Les matratrimatratrihahas,
Les hondregordegarderies,
Les honcucarachoncus,
Les hordanoplopais de puru paru puru,
Les immoncéphales glossés,
Les poids, les pestes, les putréfactions,
Les nécroses, les carnages, les engloutissements,
Les visqueux, les éteints, les infects,
Quand le miel devenu pierreux,
Les banquises perdant du sang,
Les Juifs affolés rachetant le Christ précipitamment,,
L'Acropole, les casernes changées en choux,
Les regards en chauves-souris, ou bien barbelés, en boîte à clous,
De nouvelles mains en raz de marée,
D'autres vertèbres faites de moulins à vent,
Le jus de la joie se changeant en brûlure,
Les caresses en ravages lancinants, les organes du corps les mieux unis en duels au sabre,
Le sable à la caresse rousse se retournant en plomb sur tous les amateurs de plage,
Les langues tièdes, promeneuses passionnées, se changeant soit en couteaux,soit en durs cailloux,
Le bruit exquis des rivières qui coulent se changeant en forêts de perroquets et de marteaux-pilons,
Quand l'Épouvantable-Implacable se débondant enfin,
Assoira ses mille fesses infectes sur ce Monde fermé, centré, et comme pendu au clou,
Tournant, tournant sur lui-même sans jamais arriver à s'échapper,
Quand, dernier rameau de l'Être, la souffrance, pointe atroce, survivra seule,croissant en délicatesse,
De plus en plus aiguë et intolérable... et le Néant têtu tout autour qui recule comme la panique...
Oh! Malheur! Malheur!
Oh! Dernier souvenir, petite vie de chaque homme, petite vie de chaque animal,petites vies punctiformes;
Plus jamais.
Oh! Vide!
Oh! Espace! Espace non stratifié... Oh! Espace, Espace!
L’Avenir in Mes Propriétés
Michaux entreprend une quête patiente, méthodique d’outils de langue et de dessin pour descendre dans ses propres profondeurs et élaborer une résistance fondamentale.
«... c’est bien dans ce premier refus, sans rémission, de ce qui est extérieur à lui, et dans l’intense intériorisation qui en résulte qu’il faut d’abord chercher la clé du caractère et de l’œuvre d’Henri Michaux... Non pas absent au monde, non pas indifférent certes, mais trop présent, trop exposé de par son extrême sensibilité : alors avec des mots, comme avec des armes, il lui faudra, bientôt, défendre une autonomie toujours menacée. Écrire sera son combat pour sauvegarder, sa singularité et son altérité. »
René Bertelé - p. 25
Le panaris est une souffrance atroce. Mais ce qui me faisait souffrir le plus, c'était que je ne pouvais crier. Car j'étais à l'hôtel. La nuit venait de tomber et ma chambre était prise entre deux autres où l'on dormait.
Alors, je me mis à sortir de mon crâne des grosses caisses, des cuivres, et un instrument qui résonnait plus que des orgues. Et profitant de la force prodigieuse que me donnait la fièvre, j'en fis un orchestre assourdissant. Tout tremblait de vibrations.
Alors, enfin assuré que dans ce tumulte ma voix ne serait pas entendue, je me mis à hurler, à hurler pendant des heures, et parvins à me soulager petit à petit.
Crier in Mes Propriétés
Qui je fus, Mes propriétés, Épreuves,exorcismes, La vie dans les plis emmènent loin, très loin des fugaces révoltes adolescentes.
Autrefois, j’avais trop le respect de la nature. Je me mettais devant les choses et les paysages et je les laissais faire.
Fini, maintenant j’interviendrai.
Michaux voyage, mais ce qu'il écrit tient plus d'un infra-voyage :
Les poètes voyagent, mais l’aventure du voyage ne les possède pas.
De l’abrupt de ce jugement, seul, Blaise Cendrars....!
Nous y parviendrons une de ces semaines à venir.
Écuador, Un barbare en Asie, voyages bien réels.
Voyage en Grande Garabagne, Au pays de la magie, Ici Poddema, enchevêtrements de parcours réels et imaginaires, d'ethnologies étranges, parcourues de bestiaires et de flores. Jusqu’aux prosaïques déplacements de Plume, du restaurant à la nuit des Bulgares, en passant par Casablanca et le Colisée :
...Et si à Rome il demande à voir le Colisée : «Ah ! non. Écoutez, il est déjà assez mal arrangé. Et puis après Monsieur voudra le toucher, s’appuyer dessus, s’y asseoir... c’est comme ça qu’il ne reste que des ruines partout.
Tous voyages enveloppés dans un immense Espace du dedans.
« Lecteur, tu tiens donc ici, comme il arrive souvent, un livre que n’a pas fait l’auteur, quoiqu’un monde y ait participé. Et qu’importe ?
Signes, symboles, élans, chutes départs, rapports, discordances, tout y est pour rebondir, pour chercher, pour plus loin, pour autre chose.
Entre eux, sans s’y fixer, l’auteur poussa sa vie.
Tu pourrais essayer, peut-être, toi aussi ? »
Postface à Plume
Donc, poussons notre vie à la Michaux. Comme on “traîne un landau sous l’eau”.
Ce sont des efforts continuels, ce ne sont pas jeux de tout repos, des jeux infernaux qui vont jusqu’à l’exténuation.
Voici alors que s’élèvent, élégiaques et désespérés, à relire souvent quand rôdent de sales ombres et des débris sanglants :
Nausée ou c’est la mort qui vient, Repos dans le malheur, Dans la nuit, Qu’il repose en révolte,
Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l'étrave, ou si l'on veut, dans l'écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.
Dans l'attelage d'un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l'haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.
Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Sur les tapis des paumes et leurs sourires,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.
Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.
Emportez-moi in Mes propriétés
Nous nous sommes regardés dans le miroir de la mort. Nous nous sommes regardés dans le miroir du sceau insulté, du sang qui coule, de l’élan décapité, dans le miroir charbonneux des avanies.
Nous sommes retournés aux sources glauques.
La lettre
Labyrinthe
René Bertelé écrit en 1946, ajoutant en juin 1949 une postface :«... l’œuvre d’Henri Michaux reste remarquablement ouverte... Comment prétendre fixer les traits d’une œuvre singulièrement en mouvement et qui...est loin de nous avoir encore livré toutes ses clefs ? »
L’accident horrible de sa compagne l’a approché “des rumeurs de la Mort”.
Le “buveur d’eau”* n’a pas encore été à la rencontre des psychotropes.
Le “Lointain intérieur” va resurgir sous ses doigts de peintre, plus que jamais multiple, fourmillant, agité, furieusement agité.
Et toujours s’étendront les grandes pages, plages nostalgiques :
Paix dans les brisements, Iniji
Ne peut plus, Iniji
Sphinx, sphères, faux signes,
obstacles sur la route d’Iniji
Rives reculent
Socles s’enfoncent
................................................
Iniji hôte éphémère des fosses
des parents, des pinces, des mots
Voici la route lointaine qui ne ramène plus.
Le sein dort qui a donné lé lait.
Le galbe l’a quitté... et l’opale...
Il n’est resté que l’ombre et le soupir des lèvres
Viens, viens, vent d’Aouraou
viens, toi !
Et je n’ai point parlé de l’humour du “chaud” Michaux !
Écrivains, poètes, écrivassiers, tous écrivants quelconques, tous mâles maniant langue et mots, méfiance ! Méfions-nous ! Michaux nous a écrit :
Le pantalon tombé, ils perdent l’alphabet.
Post-scriptum en guise de bibliographie et autres ...graphies
• Michaux ne voulait pas de photographies, il ne voulait pas, non plus, être publié en livre de poche, ni en Pléiade.
À peine était-il disparu, Gallimard s’est empressé de le publier en poche, puis en Pléiade.
À votre gré ! Je demeure d’une fidélité un peu conne : je n’ai jamais feuilleté, ni acheté un Michaux en poche. Mais le trouve-t-on ailleurs qu’en poche et en Pléiade ? Alors !
• Des voix :
Michel BOUQUET quand il n’était pas“président” (!) le lisait avec force, Catherine SAUVAGE gueulait superbement
“Je vous construirai une ville avec des loques, moi...”.
Il est écrit aussi que Germaine Montéro aurait lu la Ralentie !
• Des musiques :
“Épervier de ta faiblesse”, mis en musique par Milan Stibilj avec les Percussions de Strasbourg.
D’autres poèmes par Boulez, Bosseur, Lutoslawsky, Amy, Le Roux.
• Des livres et revues sur :
André GIDE, Découvrons Henri Michaux, Gallimard 1941.
Robert BRÉCHON, Michaux, Idées, Gallimard 1969.
J. M. MAULPOIX, Michaux passager clandestin, Champ Vallon, 1984.
• Trois n° du Magazines littéraire (février 1974 - juin 1985 - avril 1998)
• * Jean-Pierre MARTIN, Henri Michaux, Biographies, NRF, Gallimard, octobre 2003
Une biographie qui peut “choquer” (provoquer un choc) chez les lecteurs de Michaux, mais l’auteur, J. P. Martin, fait précéder son énorme travail d’un avertissement et d’un avant-propos qui ont apprivoisé le vieil effarouché que je suis.
• Sur la Toile :
Eût-il approuvé un tel support ? Allons-y, je m’affranchis, là, de ma très ancienne fidélité :
- Plume, la société des amis d'Henri Michaux
- L'ADPF
- Des textes et des liens sur la Toile
• Les gouaches et encres sont tirées pour la plupart de Émergences-Résurgences, Les sentiers de la création, Albert Skira, éditeur, 1972
20:00 Publié dans "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 19 février 2005
"Répliques"... en vrac
Matinée un peu triste. Répliques laissait espérer un bel et vigoureux échange...
Finkielkraut a perdu les "pédales". Ça couvait déjà depuis pas mal d'émissions, mais ses invités se montraient polis : Répliques doit être une sacrée tribune pour que certains se soient contenus devant les diatribes de leur hôte.
Plenel, lui, n'avait sans aucun doute rien à perdre. Il fut incisif, clair, calme.
Il récusa les "Tous les" et autres généralisations et il s'avéra vite que l'un et l'autre ne partageaient point le même Péguy .
Et puis il y eut cette bourde énorme de Finkielkraut qui, démagogiquement s'affirma "fils d'émigré" ; j'ai pensé très, très fort qu'il valait mieux, sans doute, à une époque, être fils de "certains" émigrés que fils d'ouvrier ou fille de paysan.
Cet homme qui semble ne pas très bien vieillir serait donc en mal de reconnaissance ? Il a presque laissé suinter pourquoi il avait accepté l'invitation de Sarkozy.
Je laisse déjà s'empoussièrer les "Sollers" sur mes étagères pour cause de même acceptation ; me faudra-t-il couper le son le samedi entre 9 heures 10 et 10 heures sur France Cul ?
Post-scriptum :
Au moment même où je saisis cette mince chronique, Stora s'entretient avec Gilles Manceron, Sylvie Thénault et Olivier Le Cour Grandmaison, auteur de "Coloniser, exterminer : sur la guerre et l'état colonial", chez Fayard.
Berlol est-il à l'écoute ?
Manceron et Stora annoncent la disparition récente de Benot, l'auteur de "Massacres coloniaux" dont ils disent grand bien. Ce qui est plus que mérité.
«...Aussi bien cet essai ne prétend-il pas à la neutralité et se présente-t-il comme une prise de parti pour la liberté et l'égalité de tous. »
Merci à Yves Benot qui écrivait cela, en fin de son introduction.
17:28 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 17 février 2005
"ça dépend de quel vieillard..."
Au sortir de la vision de "Monsieur Klein", l'étrange film de Losey, comme une oppression muette.
Besoin de me secouer en relisant le haut des pages II et III du Libé-Livres d'aujourd'hu. Ça me remet les oreilles en place, et me chamboule les vieux mythes sur l'oralité ; c'est un collage Hampâté Bâ-Alain Mabanckou, ce dernier cité ayant publié au Seuil, en 2005 (!) un roman "Verre Cassé". Ça donne :
« En Afrique quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Ça dépend de quel vieillard, arrêtez vos conneries. »
23:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 15 février 2005
Paul VERLAINE
Voici le n° 38 des "Poètes d'aujourd'hui", à peine lisible au dos du bouquin : si la reliure est forte - cahiers cousus, pas simplement collés - le papier en 1953 n’est point encore de très bonne qualité.
Le “Paul VERLAINE” de Jean Richer n’est pas l’objet littéraire non identifié qu’auront été pour le lecteur adolescent de 1955 le “Cadou” et le “Char”.
Le “Verlaine” s’introduit avec force entre un classique Larousse, un manuel de littérature française en usage chez les bons pères et un livre de “Poésies religieuses” offert par ma mère pour mes dix-huit ans.
Ah ! Verlaine et la mère ! Rimbaud et la mère ! penseront les avertis.
Moi, je me contente de souligner encore aujourd’hui, cinquante ans après, l’étonnement heureux du fils de la “bonne-à-tout faire chez les grands bourgeois” nantais, qui ose entrer chez Beaufreton et demander qu’on lui enveloppe dans un papier-cadeau un livre de poèmes.
Merci ! Tendrement à elle !
Ni elle, ni moi, ne connaissons le préfacier qui propose un choix fort catholique. Il s’agit de J.-K. Huysmans*.
Les premières pages de Richer vont ébranler l’image ; dès la deuxième page, il note “l’étrange aberration qui a fait tolérer au capitaine Verlaine la présence chez lui, sur l’étagère d’une armoire, de trois bocaux où, dans l’esprit de vin, Mme Verlaine gardait précieusement les fruits de trois grossesses malheureuses antérieures à la naissance du petit Paul.”
Le décor est dressé ; nous ne sommes plus dans l’hagiographie amicale des bouquins précédents.
Verlaine est mort en 1896 ; plus de cinquante ans se sont écoulés et le critique a lu Freud : “Chez tous nos homosexuels hommes..., nous avons retrouvé, dans la toute première enfance, période oubliée ensuite pas le sujet, un très intense attachement érotique à une femme, à la mère généralement, attachement provoqué ou favorisé par la tendresse excessive de la mère elle-même, ensuite renforcé par un effacement du père de la vie de l’enfant.”
Freud écrit ceci à propos de Vinci ; Richer doit aussi avoir, à ce moment, l’enfance de Rimbaud en tête.
Le modeste lecteur note que l’un et l’autre de nos futurs terribles amants ont des pères capitaines, du génie pour Verlaine, d’artillerie pour Rimbaud. De l’influence du grade militaire et de l’arme des pères sur les comportements sexuels des fils ? On cause peut-être trop des mères.
Et en 1953, Deleuze et Guattari n’ont pas vingt ans ! L'anti-Œdipe est en germe. Richer le lira-t-il un jour ?
Quelques excuses donc pour Richer qui déroule fort bien le parcours tumultueux : les avatars conjugaux, les relation de l’Archange et du Faune, les tables de cafés, les violences de l’ivrogne, les hôtels de passe et les chambres d’hôpital. Il consacre les trois derniers chapitres à la situation de Verlaine dans la vie littéraire de cette fin XIXe.
le Faune et l'Archange - par Fantin-Latour
Le choix des textes ira bien au-delà des classique Larousse, Hatier ou de Gigord.
Mais sans audace. Quoique un texte comme Lassitude ?
"A batallas de amor campo de pluma."
Gongora
De la douceur, de la douceur, de la douceur!
Calme un peu ces transports fébriles, ma charmante.
Même au fort du déduit parfois, vois-tu, l'amante
Doit avoir l'abandon paisible de la Sœur.
Sois langoureuse, fais ta caresse endormante,
Bien égaux tes soupirs et ton regard berceur.
Va, l'étreinte jalouse et le spasme obsesseur
Ne valent pas un long baiser, même qui mente !
Mais dans ton cher cœur d'or, me dis-tu, mon enfant,
La fauve passion va sonnant l'olifant!...
Laisse-la trompetter à son aise, la gueuse !
Mets ton front sur mon front et ta main dans ma main,
Et fais-moi des serments que tu rompras demain,
Et pleurons jusqu'au jour, ô petite fougueuse !
Les machistes au braquemard raidi trouveront le sonnet bien assagi ; l’adolescent que j’étais pressentait qu’avec de telles allusions le livre n’obtiendrait point la signature du préfet de discipline. J’imitais la griffe du dit et enfouis le Verlaine entre le Gaffiot latin et le Bailly grec. L’anthologie très catholique de Huysmans avait reçu, elle, l’autorisation du censeur ; je pus lire Sagesse en toute quiétude et au grand jour :
— Il faut m’aimer ! Je suis l’universel Baiser,
Je suis cette paupière et je suis cette lèvre
................................................................................
Ô ma nuit claire ! ô tes yeux dans mon clair de lune !
Ô ce lit de lumière et d’eau parmi la brune !
Toute cette innocence et tout ce reposoir !
Aime-moi !
...............................................................................
Il faut m’aimer. Je suis ces Fous que tu nommais,
Je suis Adam nouveau qui mange le vieil homme
Ta Rome, Ton Paris, Ta Sparte et Ta Sodome
Comme un pauvre rué parmi d’horribles mets.
...............................................................................
Aime. Sors de ta nuit. Aime.............................
Sagesse prépare les voies qu’emprunteront Francis Jammes, Charles Péguy, Paul Claudel. Les critiques d’alors, Lemaître, Bloy, Huysmans ne s’y trompent point : le Silène impénitent, lubrique est aussi empli d’une ferveur d’enfance qui renoue par delà quatre siècles de silence avec les “accents d’humilité et de candeur..., (les) prières dolentes et transies, les allégresses... oubliés depuis ce retour à l’orgueil du paganisme que fut la Renaissance.” (Huysmans).
L’homme qui fit merveilleusement claudiquer la langue française et sa métrique, qui libère le vers, le désarticule, affole les césures et enjambe d’un vers l’autre, refuse d’être le théoricien et revendique la chanson :
Mandoline
Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
Échangent des propos fades
Sous les ramures chanteuses.
C'est Tircis et c'est Aminte,
Et c'est l'éternel Clitandre,
Et c'est Damis qui pour mainte
Cruelle fait maint vers tendre.
Leurs courtes vestes de soie,
Leurs longues robes à queues,
Leur élégance, leur joie
Et leurs molles ombres bleues
Tourbillonnent dans l'extase
D'une lune rose et grise,
Et la mandoline jase
Parmi les frissons de brise.
Valse à sept temps pour un tableau qui ressemble à Watteau.
Tango à six temps pour un Balanide gentiment porno
C’est un plus petit cœur
Avec la pointe en l’air ;
Symbole doux et fier
C’est un plus tendre cœur.
Il verse ah ! que de pleurs
Corrosifs plus que feu
Prolongés mieux qu’adieu
Blancs comme blanches fleurs !
Vêtu de violet,
Fait beau le voir yssir,
Mais ô tout le plaisir
Qu’il donne quand lui plaît
Comme un évêque au chœur
Il est plein d’onction
Sa bénédiction
Va de l’autel au chœur
Il ne met que du soir
Au réveil auroral
Son anneau pastoral
D’améthyste et d’or noir.
Puis le rite accompli,
Déchargé congrûment,
De ramener dûment
Son capuce joli.
Et tant d’autres chansons moins coquines, plus langoureuses, nostalgiques, quasi confidentielles : elles bercent encore des centaines d'écolières et d'écoliers ingénus et ravis.
Elles enchantèrent les musiciens - Claude Debussy, Gabriel Fauré, Arthur Honegger, Charles Tournemire, Edgar Varèse - et les chanteurs - CharlesTrenet, LéoFerré.
Lisant Le paysage dans le cadre des portières, il est difficile de ne pas entendre déjà les rythmes lancinants de boogie-woogie qui martèlent le Transsibérien de Blaise Cendrars.
Le paysage dans le cadre des portières
Court furieusement, et des plaines entières
Avec de l'eau, des blés, des arbres et du ciel
Vont s'engouffrant parmi le tourbillon cruel
Où tombent les poteaux minces du télégraphe
Dont les fils ont l'allure étrange d'un paraphe.
Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout,
Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout
Desquelles hurleraient mille géants qu'on fouette ;
Et tout à coup des cris prolongés de chouette. -
- Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux
La blanche vision qui fait mon cœur joyeux,
Puisque la douce voix pour moi murmure encore,
Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore
Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement,
Au rhythme du wagon brutal, suavement.
“Le Pauvre Lélian est mort... le 8 janvier 1896, rue Descartes à Paris. Les journaux de l’époque, les revues, les Correspondances, les Mémoires, sont pleins de cette disparition, de cette absence soudaine...Voici Zola, Barrès, Montesquiou, Taillade, Proust, Bloy, Valéry, Mallarmé, au bord de la tombe fraîchement creusée de Paul Verlaine, prince des poètes.”
En 1996, pour le centenaire de la mort du poète, au Promeneur**, Jacques Drillon publie nombre de documents relatant cette absence.
Il fut le poète de mes adolescences pieuses et troublées.
*Verlaine, Poésies religieuses, préface et choix de J.-F. Huysmans, éditions Messein, 1950.
** Jacques DRILLON, Tombeau de Verlaine, Le Cabinet des lettrés, aux éditions Gallimard, 1996.
VERLAINE est dans la Péiade (œuvres complètes, 2 tomes) et dans Poésie/Gallimard(3 volumes).
Verlaine sur la Toile
L'œuvre
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lundi, 14 février 2005
Un soir de Saint-Valentin
Pour prolonger une soirée où se troquèrent entre lectrices et lecteurs de drôles de mots qui s'agençaient en bizarres titres pour susciter quelque appétit !
poor young shepherd
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J'ai peur d'un baiser !
Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis.
Oh ! que j'aime Kate !
C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin...
La terrible chose
Que Saint-Valentin !
Elle m'est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !
.....................comme une valse à cinq temps qui trouve encore le temps de patienter un moment en attendant le "pauvre Lélian" !................
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