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vendredi, 04 mars 2005

Dans les rues de ma ville

Jeudi de neige sur Nantes. Mais Nantes est noire sous les bourrasques. Allant au cours de Grec ancien, j'espérais quelques rares photos de Nantes la blanche. Je ne fus que frigorifié dans l'enfilade glacée du fleuve.
La traduction de la morale conjugale, pensée par Xénophon, n'en subit aucun préjudice. Peut-être une certaine lenteur dans l'accès aux bonnes règles de grammaire, compensée par la découverte de ce qu'est un "hystéron-protéron" qui est beaucoup plus amusant dans l’involontaire

Il se suicida et mit le feu à sa maison

que dans le volontaire
trouver d’abord, chercher après
(Cocteau).


Je dois rédiger un papier pour le bulletin “paroissial” de l’Université Permanente sur le thème “Pourquoi vous être inscrit au cours de Grec ancien” ; j’ai demandé à mes collègues de m’écrire cinq lignes ; je tenterai une synthèse. Je leur ai soumis une proposition pour un titre. “Les Femmes Savantes” me paraissaient l’adéquat. Rires des colègues ! Mais le choix me reste. Je serais maître de la publication, je prendrais la seconde réplique de Philaminte, accompagnée de la didascalie qui la suit :

«....Ah ! permettez de grâce,
Que pour l’amour du grec, Monsieur, on vous embrasse. »

Il les baise toutes, jusqu’à Henriette qui le refuse.


À la sortie, j’ai traversé la Loire, remonté la rue Neuve des Capucins - la matinée allait s’achever sur des traces que j’ignorais encore -, enfilé la rue de l’Héronnière - oh ! l'ombre de Lola ! - jusqu’à la rue Crébillon ; je suis passé à la boutique d’Harmonia Mundi - je deviens allergique aux rayons de la Fnac, - y ai trouvé la première symphonie “Titan” de Mahler par Walter et un disque d’Aperghis pour me mettre dans l’ambiance du spectacle que l’ami Hervé Tougeron, accompagné de Catherine Verhelst donnera en avril à Graslin, Musique(s) de Toile, un opéra de chambre noire, où se mêleront les musiques de Ligeti et d’Aperghis, des projections de Fernand Léger et Oskhar Fischinger, des textes et témoignages sonores de Jean-Luc Godard et Robert Bresson. Une vraie cure de Jouvence, pour moi !

Giboulées de neige en descendant la rue Crébillon, je m'abrite dans le Passage Pommeraye... Voilà les traces qui se précisent. Je sors mon petit nikon, je croque deux ou trois des adolescent(e)s fessu(e)s qui ornent le passage et, tout à coup, je me dis que je viens de faire, en sens inverse le trajet qu’a fait le héros maudit du Musée Noir de Mandiargues. Vains dieux ! Je ne vais quand même pas me laisser dévorer.
Depuis les “Énervés” d’Évariste Luminais et les exégèses picturales fort réjouissantes de Bourdaily on the web, j’ai l’imaginaire vacillant...
Je ressors rue de la Fosse. La neige ne tombe plus et il n’y a point d’albatros dans le ciel de Nantes. C’est, là, l’unique erreur de Pieyre de Mandiargues dans l'écriture de la nouvelle. Et le pervers et noir enchantement s’efface !
Sur le seuil du Passage, je me retourne : aucune femme “à l’immense chevelure mouvante” ne m’a suivi et les allégories fessues ont toujours là-haut leur pose alanguie.

Le texte de Mandiargues est d’une incroyable rosserie.
medium_beaart.jpgmedium_liseus.jpg




“Mesquines créatures, un peu plus petites que le naturel, pâles, privées de sourire, enduites d’une sale couleur jaune crème tirant sur le vert, il se dégage de vous une désolation pas moins immense que d’un sérail de vieux enfants...; en même temps vous ne laissez pas d’être assez troublantes, sous les voiles qui couvrent à demi vos chétives nudités...”

Une prochaine fois, passée la Loire, j’éviterai la rue Neuve des Capucins.

Ma petite mythologie urbaine diffère de celle de Mandiargues qui donne à la fessue de gauche les attributs des Beaux-arts et à celle de droite, ceux de la Science. Sans doute, a-t-il raison ? Pour moi, filles l'une et l'autre, celle de droite est la Liseuse, celle de gauche la Songeuse !

Commentaires

Oh, quel beau vendredi que le vôtre !
Sans le savoir, j'étais presque avec vous, finissant "le Feu d'artifice" de Patrick Deville qui se passe en grande partie à Nantes...

Écrit par : Berlol | samedi, 05 mars 2005

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