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vendredi, 16 juin 2006

spleen

La vigne fleurit. Le muscadet pétille, léger.

Le monde est une vraie merde.
Airbus a totalement écrasé mon vignoble du Chaffault et son ex-président directeur général, un certain Noël...machin, à l'instar de l'autre, Antoine... truc, ex-président de Vinci, a pris soin de s'emplir ses fouilles et celles de ces rejetons, avant que l'Airbus ne s'étale sur le tarmac.
De pauvres nègres continuent d'arriver exsangues sur les grèves de Fuerteventura.

Je lis Giono à la "Genette" qui lisait Proust en sautant les passages narratifs.
Il suffit de me laisser guider par les mots qui disent et l'odorat et l'ouïe et l'œil d'Angelo : le Bonheur est Fou à chaque page.
Ça me console de mon espace qui va se restreindre. Me console un peu seulement !

vendredi, 09 juin 2006

mince glane odorante

Avant que Hautetfort ne ferme pour vingt-quatre heures, et peut-être pour prolonger la contemplation secrète de l'Origine du Monde, une glane odorante dans - encore et toujours - Voyage en Italie de Giono, vrai scribe des cinq sens :

Les femmes mettaient des clous de girofle dans les coffres à linge. Leur faire la cour, c'était manger du bœuf en daube.

Sic !
L'atmosphère sonore de la contemplation est assurée par l'andante du concerto pour basson en si bémol de Mozart.
Extase assurée.

Seiches farcies

Il est raconté qu'une dame fit recette avec un blogue à ...recettes ; devant rattraper un déficit en lectorat que mon inconstance de "quelconque écrivant" - traduction sommaire de grapheus tis - suscite, ai-je une chance avec ces « seiches farcies », tirées de deux pages de Voyage en Italie, celui de Jean Giono :


Il faut hacher la salade et le cerfeuil avec une pointe d'ail et beaucoup de persil. Le persil est très bon à l'homme ; il donne une belle démarche. On coupe menu aussi les tentacules des petites seiches. Il ne les faut pas plus grosses qu'un œuf de pintade. On fait un coulis avec la pomme d'amour, de l'huile et le foie cru de trois ou quatre gros rougets. Dans les maisons où l'on est habitué à manger de la seiche farcie, on a toujours une petite jarre de garbinella. C'est un mot qui signifie tour d'adresse. C'est une purée de fenouil de Padoue. On écrase dans de l'eau-de-vie les grosses tiges de ce fenouil qui pousse au bord des marais. Cette pâte « fine comme de l'argile à poterie» macère dans l'alcool pendant des mois. On en prend gros comme un poing d'homme. On la délaie dans du vin blanc. On fait crever du riz et on le laisse s'imbiber de ce vin blanc. La seiche est le seul fruit de mer qui demande assaisonnement de noix muscade. Cela vient de ce qu'elle se nourrit des petites boues qui flottent entre deux eaux, comme du lait. Il faut beaucoup de temps pour farcir des seiches mais, bien entendu, on a le temps. Ensuite, on les fait cuire à la poêle dans de l'huile qui ne doit pas grésiller. Cela ne s'appelle pas frire ; cela s'appelle sborare. C'est un mot qui signifie quelque chose de dégoûtant. Mais celui qui est près d'une poêle où l'on fait sborare des seiches ne se soucie plus du sens du mot.


Je n'ai point osé imposer la lecture à haute voix de cette recette à la compagnie nocturne de Bouguenais Bouquine qui tenait sa dernière rencontre avant l'été. Je m'en vas la publier sur le blogue qui sommeille. Il ne suffit point de décréter "la parole aux lectrices et lecteurs" pour qu'elle se prenne ; de ce rêve, nous avons discuté avec ardeur hier au soir.

jeudi, 08 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes IX

Des origines à la fin du Moyen-Âge



1343.— INCENDIE DES GALÈRES DE GRIMALDI.

En dépit de la trêve conclue entre Jeanne de Penthièvre et Jean de Montfort, le 19 janvier 1343. Olivier de Clisson, tenant de Montfort et des Anglais, incendia à Nantes plusieurs galères françaises de l'amiral Grimaldi. Arrêté et conduit à Paris, il fut décapité le 2 août comme fauteur des Anglais.
Sa veuve, Jeanne de Belleville* vendit alors ses terres et ses bijoux, et armant trois vaisseaux de guerre, vint ravager les côtes de France pour venger la mort de son époux. Elle était accompagnée de ses trois fils ; dont l'un, le futur connétable de Clisson, faisait ainsi sur mer ses premières armes (1).


1388. — GALÈRES NANTAISES.

Invité par le roi Charles VI à venir le retrouver à Tours, pour tenter sa réconciliation avec le Connétable de Clisson, le Duc Jean IV de Bretagne fit armer à Nantes six grandes galères. Elles comprenaient outre la chiourme des rameurs, un grand nombre d'arbalétriers et étaient garnies de machines à lancer les pierres et les traits appelées tormentum.
En janvier 1391, le Duc Jean IV se rendît de nouveau auprès du roi, avec cinq galères nantaises armées et équipées de la même manière (2).

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(1) DE LA RONCIÈRE, Histoire de la Marine Française, t.1, p. 470.
(2) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. 1, p. 453.


Post-scriptum :
* Jeanne de Belleville était si belle que sa réputation s'étendait à tout le royaume de France. Son mari, le seigneur de Clisson, chevalier de Nantes, fut accusé d'intelligence avec les Anglais et décapité le 2 août 1343. Mme de Clisson, furieuse, vend ses meubles et ses bijoux. Elle achète trois navires. Sa vie tourne. Elle oublie sa beauté et se consacre à son insatiable vengeance. Bien des marins du roi de France paieront de leur vie l'offense faite par leur maître à la femme d'un chevalier breton. La dame de Clisson, qui emmène ses deux fils dans ses courses, atteint dans son métier un art consommé et laisse le souvenir d'une extrême cruauté.

Gilles LAPOUGE, Les pirates, p. 87, Balland, 1976


Je ne sais si Gilles Lapouge fut un grand voyageur ; il est certainement un étonnant voyageur sur les littératures de l'utopie et sur les ondes - son émission est "En étrange pays" sur France Cul.

Deux exergues qu'il mit en ouverture de chapitres de son livre Les Pirates

Étonnants voyageurs ! Quelles nobles histoires !
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !

Charles Baudelaire


C'est bien la difficulté, cette profondeur des yeux pour des voyageurs actuels désireux de nous émerveiller.

Et moi, je me suis contenté de l'Équateur.

Henri Michaux

Pas tendre, cette humilité, pour nos stressés des tarmacqs !

mercredi, 07 juin 2006

"Étonnants Voyageurs" ? Exténués ?

Michel Le Bris a beau dire : quand il lança ce beau festival, il y a seize ans, erraient encore quelques voyageurs étonnants. Dans les années qui suivirent, j’ai toujours regretté de n’y avoir point traîner mes “botalos”. De celui de 98, “on” me fit cadeau d’un beau livre d’images d’un de ces voyageurs, Nicolas Bouvier.
Déjà, le “salon” commençait à prendre de l’âge.
Le Bris défend son festival en le déclarant LITTÉRATURE MONDE. Soit !
Et c'est vrai, c’est si bien que s’inversent les sens du voyage : l’Autre me visite.

Mais aujourd’hui, ce ne sont point les étonnants qui s’exténuent, ce sont les destinations qui se rétrécissent.
À ce jour, la rondeur terrestre n’est qu’une balle de Roland-Garros, au mieux une sphère de cuir pour un “mondial” de fric putassier. Les camping-cars et les mobil-homes s’incrustent à toutes fins de terre.
Un ancien conseiller culturel de président - l’inévitable Orsenna - et une navigatrice, Isabelle Autissier - peuvent bien annoncer qu’ils s’aventurent dans le Grand Sud, avec un peu d’argent et beaucoup d’entregent, le risque devient moindre et, absent l’étonnement.
Quoiqu’entre la pointe du Raz et Sein ( et non pas au large de Sein, comme le clamaient les journalistes qui ne sont point marins !)... ce n’est qu'un naufrage d'avant-hier.

Pressentiment ? J’emportai dans mon sac “Voyage en Italie” de Giono. Bien m’en prit !
Une méchante tendinite - Ha ! encore la vieuzerie ! - me cloua à Saint-Servan chez MT et de A, hôtes très attentionnés dont la villa rococo ressemble si fort à ces maisons de Cadix rehaussées d'une tour de guet pour veiller les retours des grands voiliers. Chaque pièce y a ses étagères de livres et dans ma chambre, je retrouvai Les derniers Grands Voiliers du capitaine Louis Lacroix *, rédigés en 1935, publiés en 1950 dans une édition de chez Amiot-Dumont, qui présente les pavillons d’armement des compagnies de Voiliers de Nantes. Mon exemplaire de 1974, édité par les ENOM, ne les mentionne plus.

Nicléane, accompagnée de nos amis Da, Ja et Pi, alla saluer le Grand Bé et me ramena, pieds mouillés, une image du sobre tombeau de Chateaubriand.

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Et m’est alors revenu souvenir du Voyage en Italie de notre grand romantique. D’écrit en écrit, “mon” Italie s’est retrouvée chez l’ami Montaigne, chez la belle De Staël, chez Stendhal.

De Montaigne,

Nous partimes le samedi bien matin et par une très belle levée le long de la rivière, ayant à nos côtés des plaines très fertiles de blé et fort ombragées d’arbres, entre-semés par ordre dans les champs où se tiennent leurs vignes, et le chemin fourni de tout plein de belles maisons de plaisance.



De Chateaubriand,


Vous voyez d'abord un pays fort riche dans l'ensemble et vous dites : «C'est bien»; mais quand vous venez à détailler les objets, l'enchantement arrive. Des prairies dont la verdure surpasse la fraîcheur et la finesse des gazons anglais se mêlent à des champs de maïs, de riz et de froment ; ceux-ci sont surmontés de vignes qui passent d'un échalas à l'autre, formant des guirlandes au-dessus des moissons; le tout est semé de mûriers, de noyers, d'ormeaux, de saules, de peupliers, et arrosé de rivières et de canaux. Dispersés sur ces terrains, des paysans et des paysannes, les pieds nus, un grand chapeau de paille sur la télé, fauchent les prairies, coupent les céréales, chantent, conduisent des attelages de bœufs, ou font remonter et descendre des barques sur des courants d'eau.



De madame de Staël (plus Romaine)

Il y a dans les jardins de Rome un grand nombre d'arbres toujours verts qui ajoutent encore à l'illusion que fait déjà la douceur du climat pendant l’hiver. Des pins d'une élégance particulière, larges et touffus vers le sommet et rapprochés l'un de l'autre, forment, comme une espèce de plaine dans les airs dont l’effet est charmant, quand on monte assez haut pour l'apercevoir. Les arbres inférieurs sont placés à l'abri de cette voûte de verdure... Oswald et Corinne terminèrent leur voyage de Rome par la villa Borghèse, celui de tous les jardins et de tous les palais romains où les splendeurs de la nature et des arts sont rassemblées avec le plus de goût et d'éclat. On y voit des arbres de toutes les espèces et des eaux magnifiques. Une réunion incroyable de statues, de vases, de sarcophages antiques, se mêlent avec la fraîcheur de la jeune nature du sud.



De Giono,


En approchant de Lonato, il semble que le pays devienne familier. La route circule dans une terre velue, couverte de canniers d'un vert acide. Ils s’entrouvrent sur des champs de terre rose. Par les chemins de traverse arrivent des chars traînés par des bœufs à grandes cornes. Les vergers de pommiers sont touffus comme des bosquets de plaisance. Les raies de haricots, de petits pois, de fèves, de salades, de choux s'alignent contre des prairies et des chaumes pas plus grands que des mouchoirs mais infiniment répétés côte à côte comme les carrés d'un damier. Les fermes sont à usage de trois ou quatre personnes, pas plus : cela se voit. Un mûrier fait de l'ombre. Une treille. Des aubergines, des potirons à soupe sèchent sur une murette ; cinq à six tomates sur une assiette. Un melon jaune. Les bouteilles de vin rafraîchissent dans la canalisation d'arrosage. C'est le paysage des Géorgiques.



Je suis cependant allé au Palais des Congrès voir une exposition à propos d’Hugo Pratt avec de belles photographies de Marco d’Anna déjà admiré à Gijon en juin 2005 ; toujours clopinant, j’ai arpenté sur le quai Duguay Trouin les allées de l’immense librairie - ce que sont devenus les salons et autres festivals du livre - avec de drôles d’êtres humains, femelles et mâles, à demi-dissimulés derrière des piles de livres et griffonnant des signes en interpellant du regard d’autres drôles d’êtres humains debout, penchés admirativement vers les assis(e) !

Si peu d’étonnement possible !

J’ai achevé, poussé sans doute par les rêveries vénitiennes de Giono, ma soirée de festival en feuilletant, tiré des rayons de chez MT et A, un bouquin d’art sur Véronèse, et j’y ai retrouvé une belle et païenne lactation, Vénus et Mars unis par l’amour - mais le regard baissé de Mars n'attend point une future giclée masculine !
À envoyer à Bourdaily pour merci !

Ah, si !...Nicléane voulait voir Jersey, nous avons vu Jersey... un petit voyage exténué !


* Encore une note comme Blaise Cendrars en avait le génie : dans Bourlinguer, Gênes, note 12, p. 268, Le livre de poche, (1960 ?).

samedi, 03 juin 2006

"petites délices"* de lecture

J’avais emporté en mer le Voyage en Italie de Giono et trois bouquins de Jouve...
L’Italie chez l’un et l’autre. Pas tout à fait la même.
Giono/Jouve, adret et ubac de mes lectures actuelles.
Jouve pour la chronique à venir de “Poètes, vos papiers”, un Jouve des profondeurs rouges et noires...
Giono dans les odeurs tièdes du printemps, où, cependant courent des effluves de cruauté.

Quelques éclats de bonheur (il va sur les traces de son Bonheur fou qu’ il a déjà peut-être ébauché) :

La petite façade du Palazzo... me procure aussitôt quelques-unes de ces pensées tristes sans lesquelles un beau matin clair ne saurait être parfait. J’entre dans la cour du Broletto et je suis heureux pendant plus de vingt minutes, comme je l’ai été l’autre soir à Turin, c’est-à-dire sans raison bien déterminée.
C’est un endroit où on attrape le bonheur comme dans d’autres on attrape la peste.
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Or, j'ai le temps ; tout mon plaisir est dans le temps que je perds. Le détail, le fait divers, le faux pas est pour moi d'une saveur extrême et d'un enseignement dont je refuse de me passer. Je suis fort capable de méditation au désert. Chaque fois que je vais en prison, j'y prends le plaisir le plus rare et j'ai compris l'appétit de l'homme pour les couvents ; mais j'aime également la vie quand elle est compliquée. Je me suis efforcé de décrire le monde, non pas comme il est mais comme il est quand je m'y ajoute, ce qui, évidemment, ne le simplifie pas. Je l'ai fait avec ce que je crois être de la prudence. J’entrechoque mes découvertes. Je ne jongle pas.
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Je me promenais sur les pavés qui longent la rangée de façades devant la Loggia Amulia. J'avoue que, si j'habitais Padoue, ce serait ici mon lieu de prédilection. Tout y a du caractère. À chaque instant, ma rêverie était poussée vers de petites délices personnelles*. J'ai déjà éprouvé ce sentiment très voluptueux à Brescia. Voilà encore ce qui me fait dire que je n'ai pas besoin, à toute force, d'art. J'ai été des milliers de fois heureux dans ma vie ; pour l'être encore et de façon nouvelle (puisque depuis j'ai changé) il me suffit de retrouver l'harmonie qui a déjà provoqué une fois le bonheur. La plus belle architecture, la plus belle peinture, la plus belle musique, la plus belle poésie peut m'y aider, bien entendu, mais elle peut aussi être impuissante à le faire et même me gêner. Mon bonheur n'est pas automatiquement créé par la beauté. Rien ne le crée d'ailleurs, mais tout peut le provoquer : voilà qui est plein d'espoir et prolonge aisément la jeunesse du cœur. Les petites bouches se nourrissent mal et vieillissent vite. J'aime le beau et évidemment c'est de ce côté-là que je cherche, mais je dois reconnaître que le laid, et plus terriblement encore, le vulgaire, réussit parfois où le beau a échoué.
Il n'y a rien extraordinaire sur le Prato della Valle, sauf pour moi aujourd'hui, à cinq heures du soir, une lumière et un air, des bruits, des couleurs, des formes qui me comblent d'un bonheur que je suis seul à pouvoir goûter. Pourquoi ne pas le dire ?


Le Monde des Livres d’aujourd’hui, vendredi 2 juin - je suis en province - titre en page 2 :
“Stendhal, le patrimoine national en péril”. Les cinq cahiers autographes du Journal seront mis aux enchères le 20 juin. Une revente "à la découpe" fait craindre la mutilation des manuscrits.
Giono se souvient d'une photographie en tête du tome V du Journal dans une édition moderne ; voici comment il pratique l’art du voyage littéraire

J'avais envie de voir le café Pedrocchi. Je ne tenais plus en place. Il est exactement tel que le représente la photographie qui est en tête du tome cinquième du journal de Stendhal édité par Honoré Champion. Je n'ai pas du tout envie de boire un moka célèbre ni de déguster une glace fameuse. Je tiens à passer, lentement, mais sans m'arrêter. Je veux voir cette terrasse sur laquelle Henri Beyle trouva tant de draw-back mais je veux la perdre de vue tout de suite pour ne pas lui enlever sa valeur romanesque.
C'est fait. J'ai quelques minutes de bonheur très intense. C’est bien pour dire qu’il ne s’agit pas toujours d’art. Nous avons tous notre gibier.


La “valeur romanesque” contre la réalité touristique. Bien vu !

* Blaise Cendrars, dans L'homme foudroyé, pour conclure le chapitre fou où il narre ses amours avec Madame de Patmos, se récite "à satiété" cette règle grammaticale qui lui devient "comme la règle d'or de la poésie :
« Amour, délice et orgue sont féminins au pluriel.
Amours, délices et orgues sont masculines au singulier.»

mercredi, 17 mai 2006

comme une vraie belle dictée

On se réveille le matin. Juste avant d'aller marcher dans la Vallée. Désormais, tous les jours quatre à cinq kilomètres de marche un peu vive.
On ouvre Le bonheur fou qui me tient depuis quatre mois au rythme lent de quelques pages, la semaine.
Angélo sort de cent cinquante pages de guerre.
Ça se lit et relit comme une belle dictée d'enfance ; j'aimais bien les dictées. Moins pour le jeu avec les règles et l'orthographe que pour les descriptions qui, souvent, composaient le corpus de ce petit exercice tant redouté par certains. Moi, j'aimais bien et je me prends encore à penser : « Tiens ! Voilà encore une belle et bonne dictée ! »
Rien à voir avec les pitoyables, laides, mal torchées et sadiques dictées à la Pivot.

Angélo prit la route de Suisse. Des nuages gonflés de lumière voyageaient aussi. Le printemps était dans sa fleur. Les trembles brasillaient comme des miroirs à alouettes. L'argent des feuilles était si lisse qu'il reflétait le bleu du ciel. À la place des montagnes encore couvertes de brumes, ces reflets portés par d'innombrables rangées d'arbres installaient un horizon sans limite.
.... Dans les hauteurs, les villages s'enroulaient en coquille de limaçon autour de vieux clochers couronnés de lilas d'Espagne. Sur les premiers ressauts de la plaine, les bourgades étaient au soleil des arcades crépies de pourpre et pavoisées de lessives. Des fermes, toute paille dehors, couvaient des moutons et des charrettes bleues dans de petites bauges de terre rose. Il n'y avait pas de vent, mais les friches, couvertes de bourrache, de coquelicots, de pâquerettes, de centaurées, s'éteignaient quand passait l'ombre des nuages, puis se rallumaient comme des braises sur lesquelles on souffle.


Jean Giono
Le bonheur fou, p. 335
Folio/Gallimard


"... Un horizon sans limite" : on dirait presque une sortie de l'estuaire de la Vilaine, un matin de printemps. J'ai toujours respiré chez Giono des effluves marines. Qu'il ait traduit Moby Dick n'est point anodin !

jeudi, 30 mars 2006

ils savent "bloquer"

Ils retrouvent les bonnes vieilles stratégies de leurs ancêtres. Il sortent des villes et y reviennent aussitôt pour “bloquer” et les portes et les ponts.
Elles sont fières, ils sont fiers. Je les aime. Ils sont simples et clairs. À ravigoter ma vieille peau !
Frémissement de vie qui repousse la grisaille de ces années : démocratie embourbée depuis le coup d’état de mai 1958...

Du coup, j’ai raté le corrigé de la troisième Philippique mais j’ai pu acheter le Libé du jeudi ; les deux pages centrales du cahier “livres” sont un brûlot aux bonnes mœurs. De temps à autre, des pavés dans le stupre et le sperme éclaboussent les pensées moralement correctes.
Cœurs sensibles d’abord, cœurs purs ensuite, ne lisez point !

Revenez aux trois premières pages du dit cahier. Elles parlent d’Aristoclès au large front qu’on surnomma Platon. Lequel concluait, dit-on, son testament par un « Je ne dois rien à personne ».
Faut-il en déduire que Socrate n’a jamais existé !

vendredi, 24 mars 2006

Belle vieillarde comme beau vieil....

L’émotion nocturne a noué la gorge ; et les larmes d’affleurer jusqu’au matin. Entre le quai Hoche et la rue Lanoue-Bras-de-fer, c’était plus encore l’air vif qui piquait les yeux.

Pour quitter les affres de l’Orphée nocturne, il m’a fallu la rudesse de la IIIe Philippique de Démosthène lors de l’atelier de Grec ancien ; le sortilège s'éloigna - c’est banal, m’a-t-on commenté. L’après-midi, autour des grands textes du Moyen-Âge, s’enchanta des Troubadours. Parvenu à Jaufré Rudel et à l’amor de terra londhana, je craignis à nouveau l’envoûtement funèbre de "ma" belle Sarrazine.

Je m’emballai dans une présentation du travail du Clémencic consort autour du Trobar et apportai plus de précisions sur celle que je place allègrement entre Sappho et Louise Labé, Béatriz, comtesse de Dié, mes condisciples (!) de l’atelier ignorant l’existence de ces chères Trobaïritz, et cela sous le regard bienveillant et ravi de AmR qui est sûrement la meilleure pédagogue rencontrée depuis quatre ans à l’Université permanente.

E membre vos de nostres partimens !


Il y a des jeudi de Libé-livres qui sont de véritables bonheurs.
Le nonagénaire Maurice Nadaud :
« Je réagis, je participe, je m’enrichis à la lecture. Je ne suis pas aussi bête que je le suis tout seul. »
Merveilleux vieillard et non moins vivante vieillarde, Benoîte Groult, qui revendique sa liberté de l’être : belle vieillarde, et de poser elle-même la touche étoile quand elle le décidera.
Dans les autres pages, Augiéras, entre désert et océan. À lire, à lire !
Deux israéliens arabes qui écrivent en hébreux, Sami Michael, Sayed Kashua.
Hanna Craft, autobiographie d’une esclave, écrite dans les années 1850.
Et la suite du “Maitron”, le dictionnaire du mouvement ouvrier.

Je ne pourrai ni acheter, ni lire ; mais de certains jeudis - Libé -, de certains vendredis - Le Monde - je me répands dans une lecture euphorique de ces recensions qui prépare peut-être - allez savoir ! si je mets mes petits pas dans ceux, très grands, de Nadaud ? - les lectures des trente ans à venir.

“Vent d’Ouest” tenait une table de librairie au sortir des Chantiers, commémoration de la mort de Cadou oblige ; je me suis offert enfin le dvd réalisé par Jacques Bertin et Annie Breit. Le coffret est enrichi (?) d’un cd avec poèmes chantés et dits ; il reprend les poèmes lus par Daniel Gélin quand un 45 tours s’ajoutait au livre de la collection Poètes d’aujourdhui ; dieux ! que la diction de Gélin a vieilli !
Le meilleur, et je le savoure d’autant plus qu’il me faut manier le coupe-papier, c’est la correspondance Béalu-Cadou entre 1941 et 1951 : ça vaut toutes les approches critiques et les habituelles hagiographies.

Pour entrer tendrement dans une paisible nuit - ce n'est pas Cadou - mais c'est si proche à des siècles d'écart.

Enquer me membra d'un mati
que nos fezem de guerra fi
e que.om donet un don tan gran :
sa drudaria e son anel
enquer me lais Deus viure tan
qu'aia mas mans sotz son mantel !

Guilhem IX coms de Peitius


Encore me souviens d'un matin
où à la guerre mîmes fin
qu'elle m'accorda un don si grand :
sa fente nue et son anneau
que dieu me laisse vivre tant
que j'ai mes mains sous son manteau !

jeudi, 23 mars 2006

nuit

Je ne sais si cela arrive aux autres, à l’autre.
À toi ? À vous ?

Je viens de m’éveiller en larmes au mitan de la nuit parce qu’Elle est revenue.
Ou est-ce moi qui suis redescendu ?

À trop penser Orphée, voilà ce qui advient, de ne plus savoir entre le rêve du sommeil et la songerie de la veille.

Ce n’est plus de la littérature ce sont des mots pour vivre pour mourir
tu pleures au cœur de la nuit
sur ton rêve ta rêverie sur ta vie

Il repose
livré aux mains des furies tendres
baigné dans la langueur du cadavre et le flux
lointain de la naissance
Orphée n'est plus

Ô seins dressés que je meurtris ô toute morte
dans le plaisir ! Tu es l'aimée. Tu es l'aimée.

Je sais. Tant de fougère ancienne. Je connais
l'humide, et la trompeuse ondée du souvenir
et la mousse des pas paisibles et la rosée
sur Toi mon Eurydice,
mais si belle,

parmi ces corps où moi perdu n'ai plus de corps
ô contour de ma vie ! demeure

il croit cerner

les reins
mais l'abîme dans la moiteur remue il est très loin


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dans la nuit nue tu ouvres ce livre qui remonte des larmes tu es pourtant si loin de cette croyance le christ n’est plus qu’un lointain copain
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Le sel immense et bleu bu par le sang agile
la plaie gercée d'oubli devient lèvre au printemps.
Le salpêtre des morts est léché sur les ruines
par la Bête vêtue de dieu : ô roche nue
parais
C'est l'odeur de la femme son regard
qui fait rage de tous ses vents dans les blessures
c'est le rauque grondement des chevelures
la femme détachée de l'écho qui prend feu
l'odeur qui dans le cœur déplace ses montagnes
les à-pics beaux comme des temples où s'appuie
le soleil le profond soleil criblé de balles
et profusion de l'ombre en l'or ! la mer surgie
roche d'ardent feuillage et d'oiseaux où la terre
découpe adamantine une baie sur la Nuit.
Pierre Emmanuel
Tombeau d’Orphée


la nuit une nuit cette nuit.

samedi, 04 mars 2006

Poursuivre la lecture de Artaud

Partielle, trop partielle, ma noter, à la simple hauteur de ma naïveté et de cette tentative de critique de "témoignage".
Des pans entiers laissés pour compte : Artaud et le Surréalisme, Artaud au Mexique chez les Tarahumaras, Artaud et le théâtre, Artaud et le cinéma - sur ce point, j'entrevis une fois le visage du moine Massieu dans la Passion de Jeanne d'Arc de Carl Dreyer.
À quand un producteur de dvd pour Artaud et le cinéma ? Vingt rôles ! Qui connaît Sidonie Panache ? - Arte à l'aide !

Bibliographie en poche
:
L'ombilic des limbes, précédé de Correspondance avec Jacques Rivière et suivi de Le pèse-nerfs, de Fragments d'un Journal d'Enfer, de L'Art et la Mort et de textes de la période surréaliste, préface d'Alain Jouffroy. Poésie/Gallimard, première édition en 1968.
Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, L'Imaginaire/Gallimard n°36, mai 1986.
Nouveaux écrits de Rodez, L'Imaginaire/Gallimard n°307,
Van Gogh, le suicidé de la société, L'Imaginaire/Gallimard n°432, janvier 2005.
Le théâtre et son double, Folio/Galimard n° 14.
Les Tarahumaras, Folio/Galimard n°52.
Messages révolutionnaires, Folio/Galimard n°320.



Gallimard publiait les Œuvres complètes, édition réalisée par Paule Thévenin, vingt-six tomes jusqu'en 2004. Puis en 2004, l'édition discutée dans la collection QUARTO
.

Quelques revues :
Europe n°873-874, janvier-février 2002.
Magazine littéraire, n°61, février 1972, n°434, septembre 2004.
Planète+Plus n°20, février 1971.
Ça remonte à Mathusalem ; y avaient participé Anaïs Nin, J.L. Barrault, R. Aron, le Dr. Ferdière, Henri Thomas
Colloque Artaud/Bataille, Tome 1, en 10/18, à Cerisy-la-Salle en juillet 1972, Sollers officiant avec toute la fine équipe marxo-lénino-maoïste du Tel quel d'alors, i.d. Kristeva, Roche, Pleynet, Scarpetta, Henric, Guyotat dans le rôle du branleur se branlant, et des intervenants. C'est parfois inaudible/illisible. Un petit monument à visiter avec beaucoup d'humour. En prêtant l'oreille, on pourrait entendre ce qu'auraient pu être les rugissements, glapissements, éructations de l'ombre - du cadavre - de Artaud, "travaillé par la Chine"(sic) et assistant au Colloque.
En cherchant, on doit trouver des articles dans La Quinzaine littéraire et Art Press.

Radio :
Dans la Parole soufflée, ch. VI de l'Écriture et la différence, Derrida évoque Artaud ; dans le Magazine littéraire de septembre 2004 (cf. ci-dessus), il mentionne l'importance des archives sonores :
« La voix de Artaud..., quand on l’a entendue, on ne peut plus la faire taire. Et donc il faut le lire avec sa voix, avec le spectre, le fantôme de sa voix qu’on doit garder à l’oreille. Pour moi, l’archivation de la voix est une chose bouleversante. Contrairement à la photographie, la voix archivée est “vivante”. »
Allez l'entendre !
Pour en finir avec le jugement de Dieu - l'émission censurée, le 2 février 1948, enfin diffusée par France Culture en 1973.
Extraits en mp3 sur le site cité (!). J'avais enregistré en direct la diffusion de 1973.
Van Gogh le suicidé de la société, lu par Alain Cuny - il faut aimer le proféré de Cuny (j'aime !) - diffusé par France Cul, lors de l'Atelier de Création Radiophonique du 3 mai 1987. Enregistrée aussi en direct. Sur la Toile, je n'ai pas retrouvé la version "Cuny" ; il s'en trouve en "podcasting" ; c'est fadasse !
Les deux émissions seraient publiées par les Éditions André Dimanche.

Télévision :
• La Véritable Histoire d'Artaud le Momo, film de G.Mordillat et J. Prieur (les films d'ici, 1993).
• Artaud Cité (Atrocités), film de André S. Labarthe, FR3, coll. Un siècle d'écrivains, 2000).

Sur la Toile :
http://www.antoninartaud.org
• Le bulletin international Antonin Artaud
• Une thèse.
• Un site parmi d'autres (riche iconographie, autorisée ?)
• sur le blogue de Constantin Copronyme, "Beauté convulsive".

jeudi, 02 mars 2006

Un vrai vracquier

En vrac !
Je me fais l’effet certains jours d’être un vieux “vracquier”* qui charge en désordre dans ses cales toutes choses n’ayant guère de rapport entre elles.

Ainsi, une journée comme hier, occupée

à écouter - tout en regardant, merveille du dvd - un opéra, l’Orféo de Monteverdi, puis l’abécédaire de Gilles Deleuze que m’a prêté Ét,
à lire et écouter, lu par Cuny, le Van Gogh d’Artaud,
à lire Le bonheur fou de Giono et la Littérature française du Moyen-Âge,
à traduire avec quelque peine l’Andromaque d’Euripide....

Et la vie tout autour, belle parfois - longue et lente promenade avec Nicléane sur les rives du canal de la Martinière dans un soleil de fin d’hiver - mais souvent ces jours-ci trébuchante :
les amis, Jc, Cl, Je, et le compagnon de Fra, qui luttent à coup de “chimiothérapies” accompagnées de leurs inévitables complications contre la Sournoise,
Jej qui repasse au bloc pour qu’on lui “lave” un stimulateur infecté...


S’élève le chant d’Orphée :
Où t’en vas-tu, ma vie ?


Parfois comme une gêne d’être en insolente santé.

Ainsi pour aller déguster de la pomme de terre au coin de la rue des Halles et de la rue des Carmes, dans un joli “caboulot” dénommé À l’amour de la pomme de terre, où l’on vous sert le tubercule en tous ses états. Selon votre gourmandise ! On vous propose un vin d’Alicante, grenat et dense

Ainsi en ouvrant le Libé-livres - il est souvent des semaines mornes, sans titres, sans auteurs, sans “clientèle” dirait Deleuze parlant des époques de sécheresse - celui d’aujourd’hui me comble avec ses lectures à venir - le printemps s’annonce
avec Quignard et un art de rompre, Villa Amalia,
avec Coetzee et l’Homme ralenti,
avec Patrick Roegiers et le Cousin de Fragonard, Honoré l’homme aux écorchés - j’avais beaucoup aimé sa Géométrie des sentiments -,
avec Derrida et l’Animal que donc je suis - pour penser les vivants autres qu’humains, à l’heure où nous nous préparons à massacrer des millions de volatiles, rééditant nos sanglantes tueries bovines -,
avec enfin, il fait la Une, David Le Breton avec La saveur du monde. Une anthropologie des sens.

« L’homme ne va pas sans la chair qui le met au monde.»

Je pressens que cette lecture qui ne nie point le dualisme occidental du corps et de l’esprit est une tout aussi belle entreprise de conciliation de l’un et l’autre que ne tentent de la faire les assertions hédonistes un tantinet forcées de Onfray.
Marongiu qui signe la critique commence ainsi :
« À l’origine, une homologie manifeste a relié dans la langue, le savoir et la saveur... En latin par exemple, le verbe sapere dit à la fois ce qu’on sait et ce qu’on sent. »

Je tairai la chronique d'Édouard Launet, la gardant, et pour cause, en mon for intérieur ; elle est titrée Vive l'agonie. "La plume, au seuil du néant, devient (peut-être) d'une extrême acuité". À mon usage futur, je ne refuse point.

Je préfère bien mieux que mes vieux copains puissent encore, et pour longtemps, conjuguer le verbe “sapere”, même si certains n’entendent point le latin !

* Cargo qui souvent fait du cabotage en transportant les matériaux et denrées les plus divers.

lundi, 27 février 2006

de l'influence de la géographie sur le penser

Pour détendre "ma" langue des fractures mentales d'Artaud, retour au Bonheur fou de Giono, par lecture nocturne :

À faucher les prés, fendre le bois et égorger les carpes qu'on pêchait de temps en temps à l'épuisette dans un grand vivier, il pouvait se consacrer entièrement à ses idées. Or, dans ce désert rocailleux et sylvestre, la moindre idée était exquise.

dimanche, 26 février 2006

"La maladie de la mort"

Cet après-midi, j'ai écouté Gérard Desarthe lisant La maladie de la mort de Duras.
Il ne faut jamais dire "Fontaine, je ne boirai point de ton eau ! "
Le 3 mars 1996, j'étais au mouillage en rade de Houat quand la radio annonça la mort de l'écrivaine : je feuilletais son bouquin Écrire. Il y était question de la mort d'une mouche.

Oui. C'est ça, cette mort de la mouche, c'est devenu ce déplacement de la littérature. On écrit sans le savoir. On écrit à regarder une mouche mourir. On a le droit de le faire.


Vais-je me mettre à lire - à tenter de lire une fois encore - Marguerite Duras ?

samedi, 25 février 2006

« Philosophe, oui ! Démagogue, non ! »

Décidément “mes” philosophes se font étriller.
Après Marcel Conche, l'autre semaine, “mis en bouteille” avec ses si pour son Journal étrange, voilà que l’hédoniste aux lunettes fines se fait admonesté par le philosophe du Monde !
Onfray sort sa contre-philosophie, celle qu’il prêche depuis quatre ans en sa chaire de l’Université populaire de Caen et Roger-Pol Droit l’admoneste.

Je puis paraître et méchant et ingrat ; j’ai suivi ses cours, ceux de Onfray, par l’entremise généreuse des étés de France Cul, j’ai importé, via la Toile, leurs synopsis. J’y pris beaucoup d’intérêt et tant appris sur des pensers qui nous étaient occultés.

Je n’ai point encore feuilleté les deux tomes de sa Contre-histoire de la Philosophie, mais il est vraisemblable qu’il a repris les dits cours.
C’est bien dans ses chemins ; j’ose dire que depuis l’Art de jouir, il ne fait qu’étirer à travers de superbes titres - ceux de son journal par exemple, le Désir d’être un volcan, les Vertus de la foudre, l’Archipel des comètes, la Lueur des orages désirés (à paraître) -2 500 ans de philosophie hédoniste.
Pourquoi pas ? Bis repetita placent ! Et j’en ai profité.

Une erreur d’appréciation vacharde de Roger-Pol Droit, toutefois : “Le matérialiste est (sans doute) étudié depuis des décennies, à la Sorbonne et ailleurs”, il n’est guère sorti des cabinets lettrés. Onfray a certes été instrumentalisé, de son plein gré, par les médias - l’anecdote du secrétaire de la Libre Pensée, à la sortie du Traité d'athéologie, est savoureuse : “... un rabbin, un curé, un imam et... Onfray !” - à manichéens, manichéen et demi ! - il a descendu ce penser hédoniste dans la rue.

Reste à souhaiter pour nous, lecteurs de Onfray, qu’il calme ses passions athées, qu’il règle ailleurs qu’en philosophie, ses problèmes d’adolescence avec les pères salésiens, qu’il vérifie ses sources et s’exerce à la prudence - eh, oui ! - mais qu’il continue à développer la théorie des anecdotes de Hégel, ces “sagas miniatures” qui concentrent et ramassent la philosophie et qu'il nous livre à nouveau quelques beaux textes, tel “Esthétique du pôle Nord”.

Cette accalmie sera-t-elle possible ?
Il ne faut pas oublier qu’un de ses premiers livres est titré “Cynismes, portrait du philosophe en chien”.
L’Hédoniste peut devenir un Chien.

Démagogie, non ! Philosophie, oui !