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dimanche, 11 septembre 2005

Assia Djebar a écrit...

...La poésie populaire reste devant ; un phare dans les ténèbres de l’éclipse d’hier. Une raison aujourd’hui d’espérer en finir avec le déchirement d’un bilinguisme qui semble boiter des deux jambes.

En finir un jour de parler sa langue maternelle comme un enfant qui apprend à marcher, et sa langue de culture comme un étranger masqué.


Assia Djebar
Préface à
Poèmes pour l’Algérie heureuse
SNDED, Alger

Lectures algériennes et autres

Reprise des projets pour les mois à venir. Avant hier, je suis allé à Condorcet - la médiathèque.
J’y suis revenu hier matin pour prendre “Ces voix qui m’assiègent” d’Assia Djebar. C'est quelques minutes avant le bulletin "météo marine" de France Inter que j'ai appris le 15 juin dernier, en plein golfe de Gascogne, l'élection de Djebar à l'Académie française ; ce fut une sacrée joie. Ce sont Yacine, Feraoun, Sénac, Mammeri, Anna Gréki, Dib, qui y entrent dans son beau sillage de femme.

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Je tiens "Ces voix qui m'assiègent" pour un des bouquins les plus forts sur la confrontation linguistique qu'avait déjà abordée Kateb Yacine dans Le Polygone étoilé :

« ...Quand j’eus sept ans... mon père prit soudain la décision irrévocable de me fourrer sans plus tarder dans la “gueule du loup”, c’est-à-dire à l’école française.
Il le faisait le cœur serré :
— Laisse l’arabe pour l’instant. Je ne veux pas que, comme moi, tu sois assis entre deux chaises... La langue française domine. Il te faudra la dominer, et laisser en arrière tout ce que nous t’avons inculqué dans ta plus tendre enfance. Mais une fois passé maître dans la langue française, tu pourras sans danger revenir avec nous à ton point de départ. »

Le Polygone étoilé, page 180.



Le bouquin de Djebar rassemble quinze ans de textes - poèmes, interventions lors de colloques, conférences, articles, où elle se confronte souvent dans un déchirement douloureux avec cet “tangage des langues”.

« Femme algérienne... “femme arabo-berbère” et en sus “d’écriture française” ».


Je le présente aux “coups de cœur” de Bouguenais bouquine du 20 septembre.

Quand j’entre à Condorcet, c’est comme si je n’avais pas quitté le métier. Même accueil chaleureux que naguère, quand je venais y animer des ateliers d’écriture ou des journées autour de la littérature de jeunesse.
Avec Mg, nous avons survolé les deux ou trois actions où je dois - encore ! - intervenir.
“Les heures avec ...” : une heure avec le Sourire qui mord. Nous nous revoyons, mardi avec Br qui a déjà rassemblé tous les albums qu’a édités ce sacré Christian Bruel.
Un petit tour au coin “multimédia” où nous reparlons avec Jl de la relance des deux blogues “Bouguenais bouquine” et “Croque-livres” ; mai et juin ne furent que de timides amorces. Il n’est sans doute pas encore naturel, pour la lectrice, le lecteur, d’affirmer leurs convictions critiques, même quand il ne s’agit que de témoigner de leur intérêt pour un texte.
À lire les quelques interventions que consacre à la “chose” critique le Magazine littéraire de septembre - pp.26-28 et plus particulièrement celle de Bertrand Leclair : Bouvard et Pécuchet font de la critique. En rappel, le blogue de Berlol, le jeudi 3 février 2005.

Be me confie les deux CD sur Cadou chanté. J’avais l’intention de solliciter un compagnon, bon guitariste, bon chanteur, pour accompagner mes lectures dans “Une heure avec René Guy Cadou” en février 2006...
Mais je me réinterroge sur cette idée. Car, toujours la même déception à l’écoute de ces poèmes chantés. Je m’étais accroché assez violemment avec Luc Vidal quand, dans les années 90, il édita, au Petit Véhicule*, Môrice Bénin. J’estimais le résultat franchement mauvais ! Chanter les poètes ? Il n’y a guère que Ferré et quelques exceptions, rares, Caussimon, Hélène Martin, Francesca Solleville, par exemple. Quinze ans après, même quand à Bénin, s’ajoutent des gens, ailleurs talentueux , comme Julius Beaucarne et Marc Robine, ça n’enrichit rien.

Laissez-nous donc les lire, nos poètes !
Mieux vaut bon diseur que piètre chanteur.

Naguère, en mes années de jeunesse, le débat était autour de Brassens sur “chanteur et poète”.
Aujourd’hui, c’est plus dérisoire encore ; en écoutant Finkielkraut, hier matin dans Répliques, j’ai cru comprendre que le thème glissait désormais sur “chanteur et sociologue” (l’exemple : Pierre Perret et sa chanson Mimi - il était déjà sexologue avec son zizi , le brave homme !).

Hier au soir, tard dans la nuit, “fête du village”. Bof ! Beaufs ! L’urbanisation n’arrange guère mes penchants relationnels à certains voisinages.

* Les éditions du Petit Véhicule, association plus militante que mercantile, font une belle part à la poésie. Elles publient une revue, SIGNES, consacrée à la littérature et à la peinture.
http://www.petit-vehicule.asso.fr/

mardi, 06 septembre 2005

Allant à Liré

Nous allons passer quelques heures à aux bords de Loire, à la Maison-Cassée, près de l’Île-aux-Moines, en Liré.
Je pousserai, une fois de plus, jusqu’à La Turmelière, évitant la banale construction érigée à la fin du XIXe siècle, par un dénommé Charles Thoinnet, ancien chambellan de Napoléon III, pour aller rêver sur la colline qui surplombe le Doué de Lou.

Dans mes errances galiciennes, quand un peu m’étreignait le “regret” de mes rives, j’ai relu le Tombeau de Du Bellay ; Michel Deguy est sans doute le premier à assigner une juste place au Liréen et à souligner ce qui fait de celui -ci notre si proche contemporain.

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L’apparente et consciente humilité de la banalisation « autobiographique », qui quitte les grands genres et laisse les grandes cordes à la lyre de Ronsard, semble en contradiction avec le projet d’une grande poésie moderne française, et sans doute du Bellay la ressentit comme telle,accablé de son affaissement d’inspiration, mais à la faveur de cette profanation la poésie se rapproche de cette capacité qui sera pensée comme son « essence » : l’inquiétude de l’interrogation de ce qu’elle est. Le passage, de la fureur stéréotypée, qui se réserve aux grands thèmes, au désenchantement annonce l’expérience du plus grand nombre. Le sujet de la langue et le sujet de l’histoire s’identifient. ....Comme un qui, désespérant de construire ou de reconstruire en marbre, inventerait de travailler avec le bois, matériau innombrable, et retourne ainsi le manque contre lui : prend le vide à rebours et le change en élément, donne l’eau à boire et à préférer — au risque, qui ne cessera de s’aggraver, de ruiner les différences jusqu’à celle de la prose et de la poésie et, au matin de Cendrars, du poème et du journal.

Tombeau de Du Bellay
de Michel Deguy,
pp.110-111





Un autre jour, il faudra bien poursuivre le chemin jusqu'à Saint-Florent-le-Vieil.
Surplombant le fleuve, près de l'île Batailleuse, réside un très vieil homme, qu'au temps de ma jeunesse folle, j'avais envisagé de visiter ; à l'époque, il était très difficile de se procurer ses livres. Il m'a fallu attendre le début des années 60 pour avoir entre les mains Le Rivages des Syrtes.
J'avoue que je n'oserais plus aller toquer à la porte de monsieur Louis Poirier. J'irais cependant visiter la bibliothèque municipale à laquelle il a fait don d'une première partie de sa "librairie". Manière de pénétrer dans les fondations de ce grand œuvre, que je vis comme très ancien et plus contemporain de ces plates proses que nous offrent les hommes (...et femmes) qui "managent" les appareils éditoriaux.

Ô cendres de José Corti !

samedi, 27 août 2005

à peine à quai et déjà....

Un temps de demoiselle s'annonce pour la semaine. Alors le petit bonheur pervers de repartir quand les autres reviennent...
L'été m'aura fait blogueur en pointillé. Il est vrai que certains moments sur les côtes de Galice furent de grande vacuité. Peut-être la tension dans l'attente d'une météo favorable au retour ?

À la manière de Sei Shonagon, choses qui ont beaucoup manqué :

Écouter France Cul.
Lire Libé et Le Monde.
Consulter les blogues amis.


Dans le brouhaha de la rentrée littéraire - mais pourquoi donc France Cul s'est-elle acoquinée avec Télérama ? - je m'en vais demeurer serein. Les bouquins de Cogez - Les écrivains voyageurs au XX° siècle - de Broda - L'amour du nom - m'ont fait ressortir des rayons de bonnes lectures et relectures pour l'automne et l'hiver.

Je plonge à nouveau dans Segalen et Jouve. J'effleure Scève. Je traverse le Michaux voyageur et le Leiris africain et vas m'enivrer des Filles du feu et du Fou d'Elsa. J'approcherai Marina Tsvétaïeva. La difficile lecture de Rancière - La parole muette - me ramènera à Balzac (Le curé de village) et aux saveurs érotiques de Madame Bovary.
Et puis, Hannah Arendt est annoncée au programme de l'Université permanente et le Monde des Livres annonce la parution de son Journal de pensée et sa biographie par Laure Adler...

Alors les Houellebecq, Nothomb - tiens, avec un écrit de cette dame, j'ai inauguré un nouveau lieu de lecture assez incongru - Claudel (l'actuel, pas Paul), d'Ormesson, Bouraoui, Fleutiaux, les six cents autres, etc, ne me verront point feuilleter la moindre page.

Me chaut plus de plonger dans le Tumulte de François Bon - il me fait songer, en plus baroque, plus volcanique, plus inconsciemment audacieux - il écrit dans l'instantanéité du être lu -à la démarche de Ponge quand celui-ci nous livra, dans les Sentiers de la création, sa Fabrique du pré, mais calmement abrité par les délais de rédaction, d'édition, d'impression, de diffusion.
Le Tumulte, c'est périlleux, complexe, confus (?), je m'y paume et m'y plais !

J'irai me détendre dans les réticules de Berlol, les images alchimiques de Ptah, les exégèses picturales de Bourdailyonthe web et les supputations bibliques d'Er Klasker. (cf. ci-contre "Les journaux fréquentés").

Après-demain je m’embarque avec les tomes II des œuvres de Segalen et avec “Le ciel brûle” de Tsvétaïeva. J'ajoute Vents de Saint-John Perse. (Je dois achever la présentation du Seghers n°35).

Les mouillages de Suscinio et de Houat devraient être paisibles.

lundi, 23 mai 2005

Ce que je retiens


«... C'est pourquoi je ne crains pas de toujours me ratttacher à une tradition philosophique, pour raviver, si je le puis, des potentialités non déployées, et peut-être réprimées aussi, de telle ou telle grande philosophie. »


Paul RICŒUR
entretien avec Michel Contat
dans Le Monde du 27 juin 1987,
repris dans Le Monde du 22 mai de cet an.

Et il me faudra lire et relire La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli.

samedi, 07 mai 2005

En préparant la lecture des Feuillets d'Hypnos

Préparer ma lecture des Feuillets d’Hypnos me conduit à réouvrir quelques livres publiés sur René Char.

Si, jusqu’en 1980, hors les études dans les revues, il y a peu de livres - Georges Mounin, Greta Rau et les deux Seghers (Pierre Berger et Pierre Guerre) - l’édition va accroître les titres pour la fin du siècle.

De Christine Dupouy à Éric Marty, en passant par Jean Pénard, Jean Voellmy, Serge Velay, Jean-Michel Maulpoix, Gabriel Bounoure, Paul Veyne, je retiens comme précieux les deux tomes de Jean-Claude Mathieu - La poésie de René Char ou le sel de la splendeur, chez José Corti, 1984 & 1988 - et le René Char, Traces de Philippe Castellin aux Éditeurs Évidant (sic), en 1989.
Il me semble que l’un et l’autre reçurent l’entière approbation de Char qui était pour le moins connu pour ses sautes d’humeur à l’égard des critiques universitaires.
Le René Char et ses poèmes de Paul Veyne - Gallimard, 1990 -demeure d’une grande saveur et l’humour est sous-jacent , qui laisse percevoir les tornades colériques que dut affronter l’historien et philosophe, venant du poète.

Post-scriptum
: Irai-je jusqu’à présenter sur la table exposant les livres de et sur Char, le faible pamphlet de François Crouzet, Contre René Char aux Belles Lettres, coll. Iconoclatses, 1992 ? Je ne sais !
Au fait, qui est François Crouzet ?

mardi, 03 mai 2005

Bouguenais bouquine

D'autant que les lecteurs sont nombreux et que s'ils se mettent tous, ou seulement 10 % d'entre eux, à ouvrir des blogs pour décrire leurs impressions, comme ça commence à se faire, de cette façon ou d'une autre, les auteurs ne sauront bientôt plus où donner de la tête. Au long règne d'un verbe à sens unique, allant des auteurs globalement satisfaits de s'exprimer vers des légions de lecteurs muets, que représentaient ou que dirigeaient des journalistes prescripteurs, succède peut-être l'ère d'une nombreuse parole à double sens, qui permet aux auteurs de devenir lecteurs de leurs lecteurs, pour le meilleur ou pour le pire. Selon leur tempérament, certains auteurs entreront dans la danse, d'autres se tiendront à l'écart, certains s'en amuseront, d'autres seront aigris. Un petit googlage sur un ouvrage sorti le mois précédent et on aura deux cents références de blogs plus ou moins réticulés entre eux, derrière lesquels viendront les modestes articles du Monde, de Libération, de L'Humanité, dont certains auront déjà disparu des pages visibles parce que devenus payants...
Alors, délirant récit d'anticipation ou projection raisonnable ?

Berlol - 3 février 2005
http://www.u-blog.net/berlol/note/345


Eh bien ! les lectrices et lecteurs de la médiathèque Condorcet de Bouguenais entrent dans l’ère du “délirant récit d’anticipation ou dans le projet raisonnable”.
Un blogue collectif vient de s’ouvrir avec l’espoir qu’autour gravitent le plus possible de blogues personnels.
Des années s’est posé le problème : comment donner la parole au lecteur ? Comment la faire entendre ?
Depuis deux ou trois ans, s’ébauche, à travers les blogues, ce possible !

“Pour le meilleur ou pour le pire” souligne Berlol.

Il est certain que vont se côtoyer, que coexistent déjà, deux ordres de valeurs : la lecture du consommateur dans l’ordre des goûts irrationnels et la lecture du connaisseur dans l’ordre des jugements motivés.

Les lectrices et lecteurs de Bouguenais sont, et en leur for intérieur, et dans leur petite communauté d’échange, confrontés à cette tension.

samedi, 02 avril 2005

Supplique pour pallier aux misères de la veille

Qu'aurait-on pu lire sur le blogue de Dame Louïse Labé, Lionnoize, le IIe jour d'avril, l'an mile cinq cent cinquante cinq ?

Estant le tems venu, Madamoiselle, que les severes loix des hommes n'empeschent plus les femmes de s'apliquer aus sciences et disciplines : il me semble que celles qui ont la commodité, doivent employer cette honneste liberté que notre sexe ha autre fois tant desiree, à icelles aprendre : et montrer aus hommes le tort qu'ils nous faisoient en nous privant du bien et de l'honneur qui nous en pouvoit venir : Et si quelcune parvient en tel degré, que de pouvoir mettre ses concepcions par escrit, le faire songneusement et non dédaigner la gloire, et s'en parer plustot que de chaines, anneaus, et somptueux habits : lesquels ne pouvons estimer notres, que par usage.

Épitre dédicatoire
À Mademoiselle Clémence de Bourges, Lyonnaise


En ces années, l'orthographe était légère et le penser profond !
Ha ! Dames des blogues de l'an deux mille cinq, dévoilez vos claviers !

jeudi, 31 mars 2005

Luce et "Jules"

Ce matin, en quittant les “Chantiers” après le cours de Grec ancien, je traverse la Loire par la nouvelle passerelle qui enjambe le fleuve devant le nouveau Palais de justice, Jean Nouvel, architecte.
Après la Petite Hollande, je longe le quai de la Fosse, je vais faire le tour de mes librairies ; je hâte le pas, à hauteur de la Médiathèque Jacques Demy, je double la longue file d’une classe d’enfants qui sort de celle-ci. Des rires à mon passage. C’est toujours une question ?
Je me retourne et deux d’entre eux m’interpellent : « Monsieur, tu ressembles à Jules Verne ».
Eh, oui ! Il sortaient de l’exposition Jules Verne, c’est son année à Jules un peu partout dans “notre” ville natale. Lui et moi avons au moins cela en commun.

Et tout au long de la file d’enfants, les langues se sont déliées « Le monsieur, il ressemble à Jules Verne ! » C’est bête, mais ils m’ont touché, ces enfants. Je leur ai dit qu’ils me donnaient grand plaisir. Le soleil m’a paru un peu plus vif et mes pas se sont allégés.
J’ai songé à Noémie ; pour ses neuf ans, je viens de lui envoyer mon “Jules Verne” préféré, le Voyage au centre de la terre, un vrai livre pour les grands, avec de belles illustrations modernes.

Rue de la Fosse, la nostalgie a surgi.

Luce Courville !

Qui mentionne son nom à Nantes ? Pourtant “Jules Verne”, ce fut un de ses chantiers, la constitution du fonds, l'ensemble documentaire et iconographique, l’élaboration patiente du Musée sur la Butte Sainte-Anne, c’est elle.
Luce et son “Jules” comme elle disait .
Conservateur(e) de la bibliothèque municipale, les Nantais lui doivent les annexes décentralisées dans les quartiers, l’essor du Centre de littérature de Jeunesse quand ce n’était pas encore à l’ordre du jour des politiques culturelles ... Elle obtint de quitter les arrière-salles du musée des Beaux-Arts pour enfin une nouvelle Médiathèque, digne de Nantes - digne, enfin presque !
Elle est morte, à la fin de l’été dernier.
C’était une grande dame lettrée qui fut aussi une fervente militante de l’Éducation Populaire.

Un drôle de silence !

lundi, 28 mars 2005

Pour une septuagénaire adolescence

L'Harmonie a pris des précautions sans nombre pour assurer aux vieillards de l'un et l'autre sexe les charmes et délassements de l'amour.

(...) Doutera-t-on que toute femme âgée n'embrassât à l'instant ce nouveau culte s'il pouvait s'organiser d'emblée et procurer à chaque femme sexagénaire les illusions et jouissances amoureuses de Cléopâtre ou Ninon ? Le culte amoureux enlèverait donc à son apparition la classe la plus attachée au culte Civilisé, celle des femmes avancées en âge.
Qu'on ne se hâte pas de préjuger sur les moyens d'exécution, d'argumenter sur l'impossibilité de rendre aimable et faire adorer un octogénaire (...); les octogénaires de l'un et l'autre sexe verront dans l'Harmonie une brillante jeunesse idolâtre et complaisante avec eux.

(...) Il s'agit d'assurer aux personnes de tout âge le charme de l'amour aussi pleinement qu'on peut le trouver au bel âge.

(...) L'Harmonie assure (le plaisir amoureux) aux centenaires comme aux jouvencelles et jouvenceaux, pourvu qu'il leur reste assez de force et d'intelligence pour (y) prendre part.

Charles Fourier
Vers la liberté en amour


Le feuilletage des écrans de remue.net, qui n'est donc point une si grosse machine littéraire que cela - il m'arrive d'amplifier de légères et passagères amertumes - m'a donné idée de prolonger la chronique de Dominique Hasselmann sur "l'inactualité persistante de Charles Fourier".
Et d'ajouter un splendide portrait du grand libertaire, visible au musée des beaux-arts d'Agen.
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Fourier on s'est moqué mais il faudra bien qu'on tâte un jour bon gré mal gré de ton remède


André Breton
Ode à Charles Fourier


mercredi, 26 janvier 2005

Salut ! Robert !

...je relevai la robe de soie noire dont elle s'était débarrassée. Nue, elle était nue maintenant sous son manteau de fourrure fauve. Le vent de la nuit chargé de l'odeur rugueuse des voiles de lin recueillie au large des cotes, chargé de l'odeur du varech échoué sur les plages et en partie desséché, chargé de la fumée des locomotives en route vers Paris, chargé de l'odeur de chaud des rails après le passage des grands express, chargé du parfum fragile et pénétrant des gazons humides des pelouses devant les châteaux endormis, chargé de l'odeur de ciment des églises en construction, le vent lourd de la nuit devait s'engouffrer sous son manteau et caresser ses hanches et la face inférieure de ses seins. Le frottement de l'étoffe sur ses hanches éveillait sans doute en elle des désirs érotiques cependant qu'elle marchait allée des Acacias vers un but inconnu. Des automobiles se croisaient, la lueur des phares balayait les arbres, le sol se hérissait de monticules, Louise Lame se hâtait.

Robert Desnos
La Liberté ou l'Amour
Les profondeurs de la nuit


Belle manière d'assècher la Camarde !

mardi, 18 janvier 2005

D’une légère escroquerie poétique

Début décembre, je trouvais en collection de poche une anthologie de la poésie française aujourd’hui, Pièces détachées d’un certain Jean-Michel Espitallier. Heureux de ma trouvaille, mince certes, je la mis dans mon panier, après avoir parcouru quelques textes. Roubaud, Stéfane, Tarkos, Hocquard, Prigent : ma foi !
J’eus quelques doutes avec Rossi et la dame Nathalie Quintane qui déjà m’avait roulé dans la supercherie d’un titre : L’Année de l’Algérie* (40 pages à 5 €, 0,125 € la page).
Chère, très chère page, quand je compare aux 36 € pour 1140 pages de quartiers de ON ! par onuma nemon, avec des images, des hors-texte, des vignettes en marge et un disque compact, en prime.
Enfin, j’aurai appris le mot occuré attaché, semble-t-il, à un herpès, et dont il faut sans doute chercher le sens dans un “dico” médical ; car ignoré dans le petit Robert et introuvable dans le Trésor de la Langue Française informatisé.

Revenant à Pièces détachées, il me faut aller à la septième page de la composition des trains - poétique, non, pour une introduction - pour apprendre que la sélection fut opérée à l’intérieur d’un corpus exclusivement constitué d’auteurs ayant publié au moins une fois dans la revue “Java” ; le “compositeur” excuse bien la minceur en qualifiant son anthologie “d’imparfaite cartographie...de Meccano multicolore...de trente-trois pièces détachées”.
N’empêche que la “cueillette des discours” n’est point immense brassée. Monsieur Espitallier est, sans doute, atteint d’un raccourci chronique des bras.

Ô la couverture en “jeans” de La Nouvelle Poésie Française ! En 1972, Bernard Delvaille “ne consacrait pas”, il “pariait”. Mais sur plus de quatre-vingt dix noms.
Je garde de cette moisson l’ami Daniel Biga, André Velter, James Sacré, Frank Venaille, Denis Roche, Georges Drano, Marc Cholodenko, Alain Borer...
Plus de trente ans déjà !

*Inventaire/Invention, pôle [ multimédia ] de création littéraire, revue en ligne qui assure “l’édition de textes courts”. Y sont édités, parfois, des gens que j’aime bien, que j’ai parfois fréquentés, de loin, de près, sur la Toile : François Bon, Cathy Barreau, Albane Gellée. On y retrouve un certain Jean-Michel Espitallier. Tiens donc !
C’est précis, propre. Un peu exsangue. Ça ressemble curieusement à une littérature d’atelier d’écriture**, quoi !
On semble vite avoir le souffle court dans les jeunes éditions.

** "De mon temps”, nous appelions prosaïquement cette activité : “stage d’expression écrite”. Il me faut me méfier ; je deviens peut-être un vieux con !
Pardon, Cathy ! Pardon, François Bon !

mardi, 11 janvier 2005

Africa et ...théologie fantastique

Hier, au soir.
D’abord, à Nantes-histoire, Pascal Blanchard, un fringant et jeune conférencier sur l’Imaginaire colonial.
Un uppercut en plein plexus pour le jeune colonial qui avait, heureusement, dans sa malle, Victor Ségalen, Henri Michaux et Gide (quoique !). Plus tard vinrent s’ajouter Kateb Yacine, Aimé Césaire, Franz Fanon... D’autres.
Et surtout la Première femme :

Nigra sum sed formosa !

En plein exotisme, oui. Mais aussi, en totale "contre-épreuve" comme l'écrit Ségalen.
J'y reviendrai un autre jour avec images et petits récits.

Prolongement tard dans la nuit autour de Baalu, notre communauté amie aux confins arides du Mali et de la Mauritanie : l’alphabétisation, le développement de la lecture, le “banco stabilisé”....

Dédié à mes vieux copains Jop et Chris qui sont souvent (trop ?) plongés dans les monothéismes, ce dialogue entre Ernesto Sabato et Jorge Luis Borges :
Sabato : Mais dites-moi, Borges, si vous ne croyez pas en Dieu, pourquoi écrivez-vous autant d’histoires théologiques ?
Borges : C’est parce que je crois en la théologie comme littérature fantastique. C’est la perfection du genre.

dimanche, 09 janvier 2005

Lire, mais aussi écouter et lire à nouveau

Dans le serpent d’attente de la Folle journée, j’écoutais France Cul. Ah ! ces nuits ! Une voix haut perchée - un homme ? une femme ? - qui parle d’un dénommé Joubert. J’aime bien ces écoutes du hasard où se dévoilent, au fil des minutes, les thèmes, les personnages, l’interviewé et son interviewer. Suspens des savoirs : le "google" de l'écoutant balaie les souvenirs pour tenter l'identification.

Cette nuit de vendredi à samedi, donc : Parler en prose et le savoir. C’est Sipriot qui s’entretient avec Jean Guitton. On est dans le "naguère" : le ton radiophonique, l'expression orale sans faille, l’affirmation des idées, des valeurs ; ça semble vieillot, suranné, passé de mode. Mais se glissent beaucoup de subtilités délicates. Et Guitton s’en retourne plus loin encore jusqu’à un certain Joseph Joubert... Accroissement du raffinement.

Une heure qui a effacé la nécessaire patience de la file d’attente et les premières risées d’un vent de suroît.

Et en ce dimanche sombre de janvier, quand Le pavé dans la mare s'exerce sur la symphonie n°6 de Schubert (France Mu), cette facilité inouïe de la Toile, qui évite le report à plus tard d'une recherche en bibliothèque, pour savoir qui est Joubert Joseph...

Sans avoir été un lecteur assidu de Guitton, même au temps de mon catholicisme d’adolescent, je dois dans mon autodidaxie une fière chandelle au vieux philosophe qui publia en 1951 Le travail intellectuel, sous-titré conseils à ceux qui étudient et à ceux qui écrivent.

Il y parle des cahiers de chevet qui me renvoient à la notion du blogue et du travailleur en cellule qui me fait reprendre l’expression de Pascal Quignard sur l’entrée en anachorèse.

D’ailleurs, je me demande si, depuis Les petits traités (1990), et peut-être même avec des bouquins précédant ceux-ci, Quignard n’est pas à situer dans une archéologie des blogues de lecteurs.

Post-scriptum
À propos de ces auteurs "rares, tel Joseph Joubert, j'attends avec impatience l'intervention de Michel Onfray sur Saint-Èvremond, mardi 11.

jeudi, 06 janvier 2005

Des rites du lecteur

Dès le retour à la maison, ils ont été disposés en pile, là-haut, sur la table de la “librairie” gorgée de soleil. J’ai ouvert la fenêtre et entre la douceur hivernale de nos pays d’Ouest.
Au sortir du cours de grec ancien - nous avons “tiré les Rois”, “Bel olivier” offrait le Muscadet de la Chapelle-Basse-Mer, j’apportais la brioche couronnée de chez Bonnin, toute fraîche de la nuit, - je suis passé chez “Coiffard”, rue de la Fosse.

Depuis un certain temps, je “tournais” autour de deux ou trois titres, et Noël ayant été généreux en d’autres petits bonheurs : whisky “single islay malt” , Ran en dvd, le Sahara noir et blanc en images, je n’avais plus à craindre de doublons.

J’ai trouvé facilement l’Éthique de Morin, les Conversations de Borges et Sabato. J’eus plus de mal avec quartiers de on ! et j’écorchai le nom de son auteur qui serait presque un palindrome ou même la négation de tout nom, Onuma Nemon. La libraire m’a regardé, interloquée. J’eus beau lui dire qu’il y a trois semaines, il était là dans les parutions premières, mais que ça ne m’étonnait guère qu’il n’y soit plus... Renvoyé sans doute au second rayon ? Nous avons consulté “Électre” ; dans “Verticales”, nous allions forcément trouvé ce nom qui est nom sans nom ; nous avons trouvé “quartiers de on !”, le titre, et l’auteur nous fut donné par surcroît.

La cueillette n’était point achevée ; traversant la Fosse, je suis allé parcourir les rayons des “poches”. Ébène de Ryszard Kapuscinski me tentait depuis plus d’un an ; je n’ai précédé cet homme en Afrique que de deux ans ; le tout récent apaisement - jusqu’à quand ? - au Soudan m’a incliné sur le rayon le plus bas quand, voisins, se sont offerts à mes yeux les tomes II et III du Dernier Royaume. Ce n’était point prévu, mais je m’étais bien juré quand Quignard reçut le Goncourt d’avoir l’attente patiente jusqu’à la parution en poche ; en octobre, il y eut Les Ombres errantes, voilà Sur le jadis et Abîmes.
Oui, je sais, s’offrent, en repassant de l’autre côté de la Fosse, et ce depuis deux ou trois jours, Sordissimes et les Paradisiaques. Mais je retarderai de deux ans s’il le faut le plaisir de lire les Quignards “nouveaux”; depuis Les tablettes de buis d’Apronenia Avitia, mes “Quignards” s’alignent en poche sur un rayon : c’est une règle qui n’est point toujours... d’économie ! Vieille passion adolescentes pour les "poches".

Voilà ! C’est ainsi que depuis ce midi, ils sont là, à attendre en pile sage. Et dans la cuisine, je m’affaire au rangement de la vaisselle, à la mise en ordre des journaux et revues - du tri à faire -, je rince des bouteilles, je sors au jardin, je ramasse les branches que les bourrasques d’hier ont brisées. Des voisins bavardent dans le parc proche, je vais les saluer, le soleil adoucit l’humidité de l’herbe, je pense aux arbres fruitiers qu’il va me falloir faire tailler, je traîne mes sabots. De droite, de gauche.

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Sur la table, là-haut, la pile doit être en plein soleil. Je retarde le moment.

Le premier feuilletage, l’entrebaillé des pages, un mot par-ci, par-là, un paragraphe de-ci, de-là, la quatrième de couverture, la table des matières, l’achevé d’imprimer* - plus d’imprimatur, ni de nihil obstat, dommage parfois, naguère, double était le bonheur des lectures "à l'index" - encore des mots. La paume de la main sur le lisse de la couverture, le pouce qui fait chuinter/chanter la tranche des feuillets. Noms, noms propres, de lieux, de femmes, d’hommes, des phrases, encore des mots, des gros mots... des mots inconnus !

Le lecteur pose ses balises.

Tout à l’heure, stylo en main, entr’ouvrir et sur la page blanche de garde, apposer, l’ex-libris à ma manière, tous livres étant en cet endroit marqués du lieu et de la date de prise de possession.

À plat, sur la table, sur une étagère, sur un coin de meuble, dans la chambre, la cuisine, sur le manteau de la cheminée, aux ouatères, dans l’escalier, posé sur une chaise, sur le guéridon de l’entrée, près du petit ordinateur.
Ailleurs !
Mais jamais écorné, ni taché. Épousseté parfois. Jamais oublié - le drame de celui qui fut prêté et n’est jamais revenu !
Dans une heure, un jour, un mois, un an peut-être, le livre va être ouvert.

Commence l’aventure.


* La chose imprimée de François Richaudeau, aux éditions Retz : la référence pour s’assurer de l’exactitude des termes techniques concernant l’écrit en tous ses états. Pour les non-professionnels.