mardi, 04 janvier 2005
Zoroastre, grammairiens et fabrique de littérature
Il est des réveils sur France Cul qui m’étourdiront de plaisir étonné. Encore heureux que j'étais encore allongé sous la couette.
Ce matin, 6 heures, je perçois le tracé d’une craie sur un tableau qui doit être noir, des mots étranges qui, pour moi, s’apparentent à de l’indou, prononcés par une voix savoureuse qui mâche ces mots avec sensualité.
Il est question d’Immortelles bienfaisants, de philologues et de grammairiens à lubies, de l’hypertrophie de la catégorie de l’infinitif : se mêlent des dieux et des fonctions grammaticales dans des lectures "à suffocation" - Dumézil aurait parlé de lecture “sous une cloche à fromage”.
Une heure durant les dieux et la philologie s’entremêlent ; j’écoute fasciné.
Je sais que c’est l’heure de “l’éloge du savoir”; reviennent des problèmes de titulatures, de génitif et super-superlatif.
Émergent des bribes du Mazdéisme.
L’homme qui parle de dieux et de grammaire est Jean Kellens. Il ne cache ni les difficultés, ni les doutes, ni les obscurités que recèlent les études zoroastriennes. La craie s’anime toujours sur le tableau noir et chante la voix sur les noms de divinités indo-iraniennes.
Ce matin, j’ai abordé un “continent” quasi inconnu. Oh ! Zarathoustra, ça me disait bien quelque chose.
Irai-je y voir de plus près. Je ne sais.
Les dieux, je m’en fous, mais cette grammaire avec des “immortels bienfaisants", des infinitifs hypertrophiés et des aoristes effacés ! Ça, alors ?
Depuis quelques jours, j’ai entrepris deux lectures parallèles : La fabrique de la langue de Lise Gauvin et Ces voix qui m’assiègent d’Assia Djebar.
Je suis servi dans mes interrogations ; depuis des années, le mot “littérature” m’incommode ; du moins dans les acceptions qui nous sont servies dans les revues, les magazines, les sites, les blogues.
Je ne sais plus de qui je tiens l’idée d’un artisanat de la langue.
Quand je me réfère à mon trio de fin d’adolescence, Cadou tenait du menuisier, Michaux - ça coule de source - du peintre, Char, du sculpteur - son père était dans les plâtrières, non ?.
Ça rejoint Kellens qui mentionne dans le Mazdéisme, un menuisier qui fabrique une déesse !
Quand mon poète d’enfance, - Lise Gauvin lui consacre son premier chapitre - Joachim Du Bellay se réapproprie son dialecte angevin, Assia Djebar n’est pas loin avec la ténacité qu’elle déploie à s’emparer de la langue de l’ancien oppresseur. Les mânes de Kateb Yacine doivent en frémir de bonheur linguistique.
Voilà où mènent, pour une journée, des grammairiens à lubies et des “immortels bienfaisants”.
Il s’agissait aussi de digérer les agapes du nouvel an, d’aller aérer Dac’hlmat - belle, la Vilaine dans les brumes ! - d’explorer le programme des Folles journées qui célèbrent Beethoven, de régler ce fichu accès au blogue de Jobic, “Er Klasker”.
Demain matin, à 6 heures, encore rendez-vous avec Kellens, ses “immortels bienfaisants”, le bruit de sa craie sur le tableau noir !
Post-scriptum :
Précédant Zoroastre, il y avait, de 1 heure à 6 heures, le Pays Dogon. C’est écoutable encore pour la semaine. qui est consacrée au Mali...
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Sur France Cul, naturellement.
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lundi, 06 décembre 2004
Éthique, grand âge et culture prolétarienne
Une semaine qui déjà s'étend en larges horizons.
Ce matin, le père Morin et son ÉTHIQUE sur France Cul. C'est toujours roboratif ! En espérant que son Éhique soit moins ardue que La nature de la nature qui ouvrait le bal de la Méthode.
Il y a des grognons sur les blogues philosophico-métaphysiques qui vont grincer des dents.
Un quart d'heure après, j'entre dans le hall des Chantiers, qui est pompeusement nommé Maison des hommes et des techniques.
Eugène, mon père, y fut apprenti à l'âge de treize ans ; il y fut ajusteur-mécanicien jusqu'à la guerre ; et moi j'y viens pour philosopher et faire du grec.
C'est mon Plan Vermeil* à moi - Merci Régis Debray pour ton humeur et ton humour ! Je m'autorise le tutoiement : avant ta courageuse aventure sud-américaine, au printemps 63, tu fus l'assistant de René Vauthier à Alger et ensemble, nous lançâmes les Ciné-Pop.
Bref, sur une table du hall, une affichette :
Le Mouvement ouvrier et la première guerre mondiale
Marcel Martinet
Martinet, l'un de ces rares intellectuels qui, en ce début du XXe siècle, défend sans relâche la culture ouvrière et l'Éducation populaire :
« Il faut que les hommes appelés à sauver le monde en se sauvant eux-mêmes (...) s'instruisent et s'éduquent, méditent et développent leur capacité ouvrière et sociale. Pour acquérir cette culture nécessaire, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes : ni dieu, ni césar, ni tribun »
dans La culture prolétarienne, 1935, Éditions Agone.
* Régis DEBRAY, Le plan vermeil , Modeste proposition , Éditions Gallimard, 2004
** Le même Régis Debray a "inventé", au grand dam de certains, le concept de médiologie
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 09 novembre 2004
Rien qu'un fétu de poème
...et le dernier dahlia dans un jardin perdu !
René Guy Cadou
in "le chant de solitude"
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vendredi, 29 octobre 2004
Virée d'Aquitaine
Entre le 21 et le 28 novembre
allant chercher Noémie et Célia en Agenais
Halte dans la longue amitié de nos années algériennes chez Colette et Jo.
Si l’une peint et jardine, l’autre écrit.
Clos-Favols est un agréable jardin et le vin y est bon.
Après son “Homo capiens” et “Baniane, une Algérie fraternelle”*, Jo s’est engouffré dans des recherches bibliques et coraniques : il accumule écrans et pages sur son ordinateur, livres de référence en sa bibliothèque...
Pêle-mêle,
Foi et savoir de Jacques Derrida,
em>La Bible dévoilée de Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman,
Islam et liberté de Mohamed Charfi,
Textes akkadiens d’Ugarit, présentés par Sylvie Lackenbacher,
Les nouveaux penseurs de l’Islam de Rachid Benzine,
L’âge d’or de l’Islam de Aly Mazahéri,
La condition de la femme dans l’Islam de Mansour Fahmy,
Le moine, l’imam et le rabbin, avec le bénédictin Benoît M. Billot, Zuhair Mahmood l’imam et Michel Serfaty le rabbin,
De Chahdortt Djavann, Bas les voiles et Que pense Allah de l’Europe ?
jusqu’à
Les chamanes de la préhistoire de Jean Clottes et David Lewis-Williams.
J'avoue que je me suis écarté de son questionnement ; "mes" Grecs sont un autre viatique.
Il serait difficile de ne pas citer le trésor de sa bibliothèque , les dix-sept tomes des
Œuvres complètes de Saint Augustin,
traduites en français pour la première fois,
sous la direction de M. Raulx,
Doyen de Vaucouleurs,
Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, Éditeurs
publiées en 1864 et 1871.
Pierre Mamet, curé de la Mission de France et vieux compagnon de lutte pour l'indépendance algérienne,qui habita le presbytère de Soukh-Arhas - le lieu de naissance du grand homme - lui en fit don.
Le tome XIV, celui des œuvres polémiques, s’ouvre sur une petite merveille à la Prévert, un inventaire des hérésies qui ont méchamment surgi dès que le Seigneur se fut évanoui dans les cieux ; de I à LXXXVIII, quand le chat n’est plus là, les souris dansent et Augustin ne peut attendre la venue, quinze siècles plus tard, de l’inénarrable Jean-Paul II, il lui faut de suite ferrailler contre
les Simoniens, les Ménandriens, les Saturniniens....
les Nicolaïtes...
les Colorbasiens...
les Pépuziens...
les Tessarescédécatites....
les Apollinaristes...
les Antidicomarites...
ceux qui ne sont pas d’accord avec l’état du monde - déjà -
ceux qui marchent nu-pieds...
les Jovinianistes, les Abéloïtes, les Pélagiens ou Célestiens.
Ce sont les derniers et quatre-vingt-huitièmes.
Bel appauvrissement en seize siècles !
Ce ne sont point :
les Méthodistes, Luthériens, Presbytériens, Épiscopaliens,
les Évangélistes, Baptistes, Pentecôtistes, Témoins de Jéhovah, Mormons
et autres Adventistes,
les Orthodoxes, Coptes et Maronites - y ajoutant même
les Chiites et les Sunnites, les Soufis, Kharéjites et Maléchites
qui parviendront au chiffre LXXXVIII et ébranleront la certitude romaine.
Certains d’entre eux – réintégrons les catholiques romains - éliront peut-être même Bush Junior !
Contre ce enfouissement marécageux, retour à René Char :
« Obéissez à vos porcs qui existent. Je me soumets à mes dieux qui n'existent pas. Nous restons gens d'inclémence. »
Alentour de Clos-Favols, Blaye n’est pas loin et son si tendre Jaufré Rudel apaise de ces divagations politico-divines, par sa complainte d’amant :
Jamais d’amour ne jouirai
Si je n’aie joie d’amour de loin
Plus noble et plus gentil n’en sais
En nulle part, ni près, ni loin
Tant est son prix constant et vrai
Qu’être captif des Sarrasins
Me serait être tout près d’elle.
Que s’y reconnaissent mes trop lointaines Comtesses de Tripoli !
* Joseph SAOUTER, Homo Capiens
Baniane, une Algérie fraternelle
aux Éditions Reconnaissances, 11 rue du Télégraphe, Paris 20e.
19:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 14 octobre 2004
De quelles lectures s'agit-il ?
Ennuyeuse soirée à la médiathèque Condorcet. Les certitudes de dames qui s'estiment passionnées par la lecture - quelle lecture ? -me hérissent plus encore aujourd'hui que naguère quand je faisais profession de conseiller d'Éducation populaire "Livre & Lecture". Je n'ai pu m'empêcher de rétorquer qu'il existe nombre de lecteurs qui ne sont point "passionnés", mais qui sont, interrogateurs, à la recherche de réponses et de questions nouvelles. Que pour ces lecteurs-là, il serait opportun de prolonger l'ouverture de la médiathèque, une fois, une seule fois par semaine, le vendredi, par exemple, jusqu'à 22 heures. Je pensais soulever un tollé chez les professionnels de la lecture publique, mes copines bibliothécaires. Eh bien, non ! Ce sont des "usagères" qui ont ridiculiser ma proposition. Elles, ce qu'elles veulent, c'est un club de lecture - en soi pourquoi pas ? - mais je crains l'objet des échanges : la littérature pour dames d'œuvre, ça sévit encore. Dans les six ou sept cents romans annoncés, la provende est abondante pour nourrir la passion de ces dames... Il me faudrait peut-être "déconstruire" mon point de vue. Nous nous retrouvons à la mi-novembre ; par provocation, je suis fichu de leur proposer des "lectures" autour de mes "alliés substantiels". Si la provocation échoue, je me retire dans mon encoignure de lecteur : telle, en sa tour, l'encoignure de l'ami Montaigne .
17:10 | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 12 octobre 2004
... au petit matin
Ce n'est pas encore le jour.
Et déjà un sonnet en bouche, le XIIe, ce matin, de la Belle Louise
« Oh si j'estois en ce beau sein ravie »
Puis m'en aller chez Joachim, parcourir ses sonnets "phalanstériens" , entre le 128e et le 147e
« Ce n'est pas de mon gré, Carle...
...................................................
Ne te fâche, Ronsard.... »
Voilà qui apaise des tumultes de la soirée !
J'ajoute la petite surprise -un tantinet attendue - de voir surgir (!) le bandeau publicitaire qui surplombe sans humour la citation de Char, "les mots qui vont surgir..."
Non, ce n'était point "BlogJob" que je guettais !
Tant pis ! Je veux écrire gratuit, il faut bien que je paie !
07:55 | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 10 octobre 2004
Pour saluer Jacques Derrida
Pour saluer Jacques Derrida, qui fut souvent “l’illisible”. Mais parfois quelles lueurs ?
Dans L’écriture et la différence, à propos de Emmanuel Lévinas, (p. 127-128) :
« Sommes-nous des Juifs ? Sommes-nous des Grecs ? Nous vivons dans la différence entre le Juif et le Grec, qui est peut être l’unité de ce qu’on appelle l’histoire. Nous vivons dans et de la différence, c’est-à-dire dans l’hypocrisie dont Lévinas dit si profondément qu’elle est “ non seulement un vilain défaut contingent de l’homme, mais le déchirement profond d’un monde attaché à la fois aux philosophes et aux prophètes ”.
Sommes-nous des Grecs ? Sommes-nous des Juifs ? Mais qui sommes-nous... d’abord des Juifs ou d’abord des Grecs ?... À l’horizon de quelle paix appartient le langage qui pose cette question ? Où puise-t-il l’énergie de sa question ?Peut-il rendre compte de l’accouplement historique du judaïsme et de l’hellénisme ? Quelle est la légitimité, quel est le sens de la copule dans cette proposition du plus hégélien, peut-être, des romanciers modernes :“Jewgreek is Greekjew. Extremes meet”* ?
* James Joyce, Ulysse, p. 622.
Dans le Magazine littéraire de septembre 2004, consacré à Antonin Artaud :
« La voix de Artaud..., quand on l’a entendue, on ne peut plus la faire taire. Et donc il faut le lire avec sa voix, avec le spectre, le fantôme de sa voix qu’on doit garder à l’oreille. Pour moi, l’archivation de la voix est une chose bouleversante. Contrairement à la photographie, la voix archivée est “vivante”. »
12:40 | Lien permanent | Commentaires (1)