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jeudi, 02 mars 2006

Un vrai vracquier

En vrac !
Je me fais l’effet certains jours d’être un vieux “vracquier”* qui charge en désordre dans ses cales toutes choses n’ayant guère de rapport entre elles.

Ainsi, une journée comme hier, occupée

à écouter - tout en regardant, merveille du dvd - un opéra, l’Orféo de Monteverdi, puis l’abécédaire de Gilles Deleuze que m’a prêté Ét,
à lire et écouter, lu par Cuny, le Van Gogh d’Artaud,
à lire Le bonheur fou de Giono et la Littérature française du Moyen-Âge,
à traduire avec quelque peine l’Andromaque d’Euripide....

Et la vie tout autour, belle parfois - longue et lente promenade avec Nicléane sur les rives du canal de la Martinière dans un soleil de fin d’hiver - mais souvent ces jours-ci trébuchante :
les amis, Jc, Cl, Je, et le compagnon de Fra, qui luttent à coup de “chimiothérapies” accompagnées de leurs inévitables complications contre la Sournoise,
Jej qui repasse au bloc pour qu’on lui “lave” un stimulateur infecté...


S’élève le chant d’Orphée :
Où t’en vas-tu, ma vie ?


Parfois comme une gêne d’être en insolente santé.

Ainsi pour aller déguster de la pomme de terre au coin de la rue des Halles et de la rue des Carmes, dans un joli “caboulot” dénommé À l’amour de la pomme de terre, où l’on vous sert le tubercule en tous ses états. Selon votre gourmandise ! On vous propose un vin d’Alicante, grenat et dense

Ainsi en ouvrant le Libé-livres - il est souvent des semaines mornes, sans titres, sans auteurs, sans “clientèle” dirait Deleuze parlant des époques de sécheresse - celui d’aujourd’hui me comble avec ses lectures à venir - le printemps s’annonce
avec Quignard et un art de rompre, Villa Amalia,
avec Coetzee et l’Homme ralenti,
avec Patrick Roegiers et le Cousin de Fragonard, Honoré l’homme aux écorchés - j’avais beaucoup aimé sa Géométrie des sentiments -,
avec Derrida et l’Animal que donc je suis - pour penser les vivants autres qu’humains, à l’heure où nous nous préparons à massacrer des millions de volatiles, rééditant nos sanglantes tueries bovines -,
avec enfin, il fait la Une, David Le Breton avec La saveur du monde. Une anthropologie des sens.

« L’homme ne va pas sans la chair qui le met au monde.»

Je pressens que cette lecture qui ne nie point le dualisme occidental du corps et de l’esprit est une tout aussi belle entreprise de conciliation de l’un et l’autre que ne tentent de la faire les assertions hédonistes un tantinet forcées de Onfray.
Marongiu qui signe la critique commence ainsi :
« À l’origine, une homologie manifeste a relié dans la langue, le savoir et la saveur... En latin par exemple, le verbe sapere dit à la fois ce qu’on sait et ce qu’on sent. »

Je tairai la chronique d'Édouard Launet, la gardant, et pour cause, en mon for intérieur ; elle est titrée Vive l'agonie. "La plume, au seuil du néant, devient (peut-être) d'une extrême acuité". À mon usage futur, je ne refuse point.

Je préfère bien mieux que mes vieux copains puissent encore, et pour longtemps, conjuguer le verbe “sapere”, même si certains n’entendent point le latin !

* Cargo qui souvent fait du cabotage en transportant les matériaux et denrées les plus divers.

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