mardi, 15 juin 2010
mi-temps footbalistique dans le "kan an diskan"
dédié à A Hé qui fut "notre" grand numéro 10
J'ai aimé le foot. Le bonheur commença avec la lecture du Miroir des Sports — vieux numéros d'avant-guerre avec le souvenir d'un de mes héros, Alex Thépot, gardien de but (Coupe du Monde 1934) — dans le grenier du 9, rue Rosière d'Artois, continua avec les matchs d'un Footbal-club de Nantes qui était encore en 2e Division dont le gardien de but s'appelait David et qui était mon idole, s'épanouit, sept ans durant, enfin de l'équipe des minimes à celle des juniors comme... gardien de but.
La passion s'est affaiblie de décennie en décennie.
Le goût me revient avec cette Coupe, — y sont l'Algérie et la Côte d'Ivoire, mes terres d'adoption — mais je crains bien la déception d'un jeu qui, "mondialisé", s'est uniformisé.
Jouent tous pareil !
Pas si sûr !
Je ne rechigne point au plaisir de partager le clin d'œil* entrevu sur le blogue d'Olivier Er, affordance.info.
* Cliquez sur le clin d'œil.
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lundi, 14 juin 2010
chant contre-chant II
En inversant le "kan an diskan" I
Lacomblez et sa Clé Sarrazine
Nous irons ensemble à la chute de tes reins où les raies sablières aux plumes de volcan accomplissent le premier raid immobile de mémoire maritime. Tu m'as donné la croix du Sud qui fleurit sur tes jambes un jour de grand partage des ombres.
Une heure est née pour la vénération des envols. C'est l'échelle des nuages sur ta poitrine de gazelle coursée, c'est ton sexe éveillé par l'étoile de la fin du monde, c'est ce qui tremble encore du soir dans tes yeux fermés.
Mon voyage soudain suit une courbe de morsure. Je donne au feu la terre cultivée, tes cheveux partout brisent le mouvement des armées. On parle dans la pierre, on parle de toi dans nos étreintes, on parle de nous à même l'impossible.
Tu viens nue parmi les meutes de ronces comme une île où l'on vit les épaules lourdes de paradisiers et le regard perdu pour les vaisseaux de transhumance. Totale et nue, tu renverses sur leur faîte les conifères de la brume pour une prière de racines élevée vers le fond des lacs. Tu retiens entre tes jambes de vase à braises et de selle de chameau l'Andalousie de mon dernier regard.
Mille mains blanches comme la soif et précises comme l'absence se glissent entre nous avec des ruses de voilier traquant le seul récif gouverné par l'oiseau-tempête, que l'on nommera peut-être l'Amour dans une langue de Jamais et d’Ailleurs.
Je meurs avec lenteur dans les bas-quartiers de la ville invisible, une lenteur morne de blessure privée du glaive. Une lenteur de bijou nomade sur le plein champ de ta gorge, à la lueur des grêles amassées par la caravane qui t'emporte.
Je meurs cette fois vêtu d'une poussière de montagne.
Blaise Cendrars et Moravagine
Mulier tota in utero, disait Paracelse ; c'est pourquoi toutes les femmes sont masochistes. L'amour, chez elles, commence par la crevaison d'une membrane pour aboutir au déchirement entier de l'être au moment de l'accouchement. Toute leur vie n'est que souffrance; mensuellement elles en sont ensanglantées. La femme est sous le signe de la lune, ce reflet, cet astre mort, et c'est pourquoi plus la femme enfante, plus elle engendre la mort. Plutôt que de la génération, la mère est le symbole de la destruction, et quelle est celle qui ne préférerait tuer et dévorer ses enfants, si elle était sûre par là de s'attacher le mâle, de le garder, de s'en compénétrer, de l'absorber par en bas, de le digérer, de le faire macérer en elle, réduit à l'état de fœtus et de le porter ainsi toute sa vie dans son sein ? Car c'est à ça qu'aboutit cette immense machinerie de l'amour, à l'absorption, à la résorption du mâle.
L'amour n'a pas d'autre but, et comme l'amour est le seul mobile de la nature, l'unique loi de l'univers est le masochisme. Destruction, néant, que cet écoulement intarissable des êtres ; souffrances, cruautés inutiles que cette diversité des formes, cette adaptation lente, pénible, illogique, absurde de révolution des êtres. Un être vivant ne s'adapte jamais à son milieu ou alors, en s'adaptant, il meurt. La lutte pour la vie est la lutte pour la non-adaptation. Vivre c'est être différent. C'est pourquoi toutes les grandes espèces végétales et zoologiques sont monstrueuses. Et il en est de même au moral. L'homme et la femme ne sont pas faits pour s'entendre, s'aimer, se fondre et se confondre. Au contraire, ils se détestent et s'entre-déchirent; et si, dans cette lutte qui a nom l'amour, la femme passe pour être l'éternelle victime, en réalité c'est l'homme qu'on tue et qu'on retue. Car le mâle c'est l'ennemi, un ennemi maladroit, gauche, par trop spécialisé. La femme est toute puissante, elle est mieux assise dans la vie, elle a plusieurs centres érotogènes, "elle sait donc mieux souffrir, elle a plus de résistance, sa libido lui donne du poids, elle est la plus forte. L'homme est son esclave, il se rend, se vautre à ses pieds, abdique passivement. Il subit. La femme est masochiste. Le seul principe de vie est le masochisme et le masochisme est un principe de mort. C'est pourquoi l'existence est idiote, imbécile, vaine, n'a aucune raison d'être et que la vie est inutile.
15:31 Publié dans les lectures, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 13 juin 2010
kan an diskan
à JCB pour qu'il sache encore moins
comment fuir et retrouver sa sérénité.
Il y a déjà quelque temps que j'ai très envie de publier ce "kan an diskan" — ce chant contre-chant des sonneurs bretons.
Les commentaires seront pour plus tard. Je livre — en trois morceaux — les deux textes nus. Le premier morceau, celui de Cendrars a été publié en janvier de cette année sur le thème de la « liste ».
En trois morceaux, car je pense toujours que de trop longues notes, ne retiennent que difficilement le regard sur l'écran.
À expérimenter, cette première fois, la confrontation du tableau clinique du masochsime et de la Lance brisée du couchant !
L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes, cet état d'angoisse des amants, cet état d'attente, cette souffrance latente, sous-entendue, à peine exprimée, ces mille inquiétudes au sujet de l'absence de l'être aimé, cette fuite du temps, ces susceptibilités, ces sautes d'humeur, ces rêvasseries, ces enfantillages, cette torture morale où la vanité et l'amour-propre sont en jeu, l'honneur, l'éducation, la pudeur, ces hauts et ces bas du tonus nerveux, ces écarts de l'imagination, ce fétichisme, cette précision cruelle des sens qui fouaillent et qui fouillent, cette chute, cette prostration, cette abdication, cet avilissement, cette perte et cette reprise perpétuelle de la personnalité, ces bégaiements, ces mots, ces phrases, cet emploi du diminutif, cette familiarité, ces hésitations dans les attouchements, ce tremblement épileptique, ces rechutes successives et multipliées, cette passion de plus en plus troublée, orageuse et dont les ravages vont progressant, jusqu'à la complète inhibition, la complète annihilation de l'âme, jusqu'à l'atonie des sens, jusqu'à l'épuisement de la moelle, au vide du cerveau, jusqu'à la sécheresse du cœur, ce besoin d'anéantissement, de destruction, de mutilation, ce besoin d'effusion, d'adoration, de mysticisme, cet inassouvissement qui a recours à l'hyperirritabilité des muqueuses, aux errances du goût, aux désordres vaso-moteurs ou périphériques et qui fait appel à la jalousie et à la vengeance, aux crimes, aux mensonges, aux trahisons, cette idolâtrie, cette mélancolie incurable, cette apathie, cette profonde misère morale, ce doute définitif et navrant, ce désespoir, tous ces stigmates ne sont-ils point les symptômes mêmes de l'amour d'après lesquels on peut diagnostiquer, puis tracer d'une main sûre le tableau clinique du masochisme ?
Blaise Cendrars
Moravagine, pp.61-64
Le Livre de Poche, n° 275, Paris, 1960
©Bernard Grasset, 1926
Laisse-moi vivre au beau midi noir des étangs oubliés sous tes paupières par la folie des jungles, par le delta des laves.
Laisse-moi dormir paumes ouvertes vers le toit de figues qui protège tes yeux du chant des sables.
Laisse-moi perdre ma race au hasard des lianes cambrées de ton retour hors la nuit des passeurs de collines.
J'ai connu le temps de l'eau rythmique et le temps des sœurs accueillantes. Mon sommeil a couleur de naufrage, trop loin des chambres molles où ton regard promène ses lenteurs d'ibis.
Écoute contre terre, la sonnaille tremble dans la voix des esprits pour des jours chargés de cavaliers blancs à la lisière de ton lit. Ils viendront sans messager, repoussant le désert au fond de ta gorge, ils viendront mêlés de pluies désirées et de tambours fauves, au seul rocher de l'horizon fichant les bannières aux signes des quatre vents. Leurs allées sur ton corps seront de miel et de bronze, ils prêteront serment sur de vastes pelages.
Alors je serai l'écuyer voué aux départs, celui qui plante sur la piste fraîche de grands soleils de cuivre. J'aurai toujours dans la poitrine un certain vol de corbeaux.
Laisse-moi feindre la torpeur des comètes, effacer de mes larmes les cartes de route et cuire au zénith le serpent maître des fleuves.
Je prends ton corps comme il vient sous mes lèvres, ta voix comme elle passe sur la nuit d'écailles libres. J'ai l'âge des délires implacables. Et la poignée de sauterelles jetées par ouest ce matin ne fait pas la couleur de l’absence. Toute la forêt charbonne sur tes seins d'huître perlière, tes seins de lévitation dans la pirogue du gulfstream, tes seins de mangouste amoureuse du cobra. Je descends les falaises vers ton nombril calme avec la patience des hordes qui nous offriront l'incendie des capitales. Au gué des marais seulement rêvés, la lance brisée du Couchant défie la Licorne, belle et tourmentée comme la fleur mauve de ton réveil.
Jacques Lacomblez
La Clef sarrazine
Poètes singuliers du surréalisme at autres lieux,
A.V Aelberts & J.J. Auquier, UGE 10/18/, 1971.
Demain, le "kan an diskan II".
08:00 Publié dans "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 12 juin 2010
au jardin
Les lys sont ouverts.
Fleurit la treille.
Bientôt, l'olivier va la suivre !
Je ne parle ni des roses, ni des seringas, ce jasmin des poètes, ni des pivoines.
Ce fut profusion.
Pluvieuse mais féconde fin du printemps.
09:14 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 09 juin 2010
Petitmangin et Gaffiot pour 10 €
J'allais, ce matin, au dépôt d'Emmaüs, en quête d'une vieille grammaire grecque de Ragon, de celle que j'avais manipulée chez mes Bons Pères.
Moins épaisse que les éditions récentes dites de "Ragon-Dain", dans le sac, elle m'aurait été plus légère. Mais les dépositaires héllénistes doivent être rares. Aucune trace de la langue d'Homère, dans le foutoir de mon Emmaüs nantais.
Je me suis rabattu sur un "Gaffiot"* de 1937 et sur la Grammaire latine de Petitmangin de 1948. Le tout pour pour 10 €.
Les bancs de la VIe, le sarrau noir à liseré rougue, la syntaxe qui resurgit dans les exemples rabâchés à longueur d'études et le rempart du Gaffiot pour dissimuler les lectures interdites.
...Primam partem tollo, quoniam nominor leo
Ibant obscura soli sub nocta
Oderunt dum metuant
Cæsar pontem fecit
Mirabile visu...
J'avais oublié ce qu'est le supin** !
La matinée valait bien 10 €.
Qui, il y a dix ans, aurait valu 10 francs. Maudite inflation.
Post-scriptum :
Je suspecte, dans cette décision d'acquisition, l'infiltration sournoise des écrits de Quignard dont je mets, parfois et sans doute souvent à tort, en question les assertions étymologiques. Mais cette remarque n'émerge à ma "comprenoire" qu'à la fin de cette note.
* Dictionnaire de latin-français, l'équivalent du "Bailly" en grec... ancien.
** Une forme verbale employée comme substantif, si la mémoire est encore bonne.
16:44 Publié dans Les antiques | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 05 juin 2010
entre quelques rosiers
Ce matin à ma fenêtre
Quatre roses endormies
Evidence et loyauté
Dans leur corolle éblouie.
A midi à ma fenêtre
Quatre roses de grand ciel
Découvrent que le soleil
D'amour souffre violence.
Rose de la beauté noire
Songe rouge de mes nuits
Roses montant de la terre
À proximité du ciel.
Semaisons, soleil et vie
Cheminements de la pluie
Enigmes et parabole
De la rose sans parole.
Henry Bauchau
Loin du tohu bohu d'un Calaferte pornographe, des monstruosités érudites de Quignard.
Lire Bauchau : un apaisement qui n'efface aucune question.
J'attends l'ouverture des lys.
08:20 Publié dans les lectures, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 29 mai 2010
nommer et ne pas citer ?
Jeudi, suite à la une du LibéLivre sur Calaferte, je nomme un de ses bouquins, Satori, publié en 1968, repris en Folio en 1997. Et je ne cite point. Je nomme La Mécanique des femmes *. Et je ne cite toujours pas.
Absorbé sans doute pas des parcours incessants depuis quelques jours dans les "petits traités" de Pascal Quignard, — des vrais Petits Traités à Zétès —dont les concisions me fascinent toujours autant. Malgré quelques impatiences, irritations, sinon répulsions.
Ce matin, je "répare".
Le paragraphe 34 :
Ô, mes vénales ! Huppes renardes, lippe engrossée, siphonnez-moi ! Des dents ! Des yeux ! Des fronts ! Des nuques ! Des langues coulomelles ! Pas de nuit sans vos vulves muscates. Tel —, je me hampe sur vos sveltes fumiers. Je fouine, foutre, mange, bâfre et broie, ronge. Mes sordides nourrices ! Tous vos corps ! Tous vos corps ! Tous vos membres ! Les orties de la peau ! Vos salives qui bêlent. Vos mousses alcalines. Vulgaires ! Vos abois ! Je vous hume à la chienne. Je vous constate. Vous octroie. Couvrez, harcelez-moi de vos mamelles floches. Dans le sang ! Dans l'onguent ! Ce sirop ! Ce gluten ! Je gobe vos oursins. Bêtes crottées. Boales.J'entorse vos cheveux. Griffures ! L'acide amer sous vos aisselles. Lèche. Lape. Liche. Râpe. Grumeaux. Sorcières ! Crapulez-moi ! Mon Mal est diabolique. Ruses ! La claque des hanches. Aux lèvres charnelantes je tranche des baisers de boue. Saintes souilleuses ! Abrégez-moi ! Vos grandes bouches disloquées de félicité silencieuse sont mes Rosaires à moi. Je roule. Rauque. Courroucé. Je râle dans vos culs pluvieux. Goules !
Le paragraphe 35 — la phrase qui ouvre et qui laisse pressentir les années ultimes:
J'assiste à une représentation qui, déjà, n'est plus la mienne.
Citerai-je La Mécanique des femmes ? Brefs appels du désir et cris longs de la jouissance...
Vous ! Allez lire.
Et puis à la dernière page de Rag-time, un dernier poème ébouillanté, pour apaiser des tumultes, des orgasmes, des révoltes. Méfiez-vous, on y rencontre la mélancolie et la mort.
Les arbres sont jolis dans la matinée blonde
et les femmes aussi
les rues et leurs maisons qu'une vapeur inonde
qu'il ferait bon ici
Tout quitter me peine
j'en ai le cœur gros
Les promeneurs sont neufs dans d'élégants costumes
accompagnés d'enfants
on croise des cheveux légers et que parfument
quelques poivres troublants
Tout quitter me peine
j'en ai le cœur gros
Quand je serai parti que d'autres à ma place
passeront par ici
qu'ils aient en souriant pour ma vieille carcasse
une pensée merci
Tout quitter me peine
j'en ai le cœur gros
* Faut-il signaler l'adaptation réalisée par un certain Jérôme de Missolz ? Mais Christine Boisson y est si luxurieusement belle !
10:49 Publié dans les lectures, quelquefois Quignard | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 27 mai 2010
lassitude s'éloignant
« Seule une grande ferveur intellectuelle triomphe de la fatigue et des flétrissures du corps. »
C'est de Gide cité par Calaferte, cité dans le LibéLivres de ce jour, à propos du Jardin fermé, l'ultime journal de ce dernier.
Ça me va bien, quand je commence de remonter la pente en lente hâte. Mais le courage n'est guère pour l'écriture.
Je feuillette quelques pages de Satori. Cent pages d'un maelstrom douloureux.
Mais où donc ai-je rangé La Mécanique des Femmes — le bouquin, bien sûr ?
20:57 Publié dans les lectures, Web | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 21 mai 2010
deux ou trois jours à Foleux
Flageolantes, les jambes et le souffle, court..
Nous n'irons point en mer belle ; plus calmes encore seront les rives de Vilaine.
Je n'emporte qu'une "grosse" lecture : La Guerre d'Algérie sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora*, manière de relancer l'écriture d'Algériennes.
Quand de vieux nostalgiques protestent contre Hors-la-loi, le film de Rachid Bouchareb, il est bon de réajuster ses pensers en lisant "Rétablir et maintenir l'ordre colonial", pp. 107-112, dans le bouquin ci-desssus cité.
Extrait :
La loi était suspendue. La nécessité - c'est-à-dire faire face à la menace à Guelma - fit loi, selon la formule. Entre la loi et la nécessité, il y a un rapport ambigu qui justement fonde l'état d'exception.
Jean-Jacques Rousseau considérait que « l'inflexibilité des lois, qui les empêche de se plier aux événements, peut en certains cas les rendre pernicieuses et causer par elles la perte de l'État dans sa crise ».
En affirmant « la répresson sur mon ordre a été brutale et rapide », en appelant « comité de salut public » ce tribunal expéditif chargé d'envoyer à la mort souvent des innocents, Achiary encouragea l'exception pour conserver l'ordre.
Guelma 1945 n'était pas 1793-1794.
Achiary pensait se placer du côté de la violence comme « conservatrice du droit » pour reprendre ici l'expression de Walter Benjamin, quitte à se mettre en dehors de la loi en n'exigeant plus par exemple de levée d'écrou écrite à la prison. En réalité, il instaurait comme norme le désordre.
Guelma se trouvait donc bien au paroxisme d'un état d'exception colonial, qui était dans les faits permanent, où la nécessité fondait la loi, en mai-juin 1945 avec encore plus de gravité qu'en temps normal. À Guelma, le droit de la police indiquait « le point où l'État, soit par impuissance, soit en vertu de tout ordre juridique — colonial — ne peut plus garantir par les moyens de cet ordre les fins empiriques qu'il désire obtenir à tout prix » : la paix dans l'ordre colonial.
Cet État dont Guelma représente l'acmé de l'exception était bâti sur une Union sacrée de tous les Européens face au péril « indigène ». La colonisation et la défense des intérêts coloniaux dépassaient les différences politiques.
D'où le soutien apporté après les faits à André Achiary et aux forces de l'ordre par tous, des communistes à la droite républicaine.
Jean Pierre Peyroulou, p. 112
Qui donc, en ce mai 1945, est vraiment HORS-LA-LOI ?
* La Guerre d'Algérie sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora, aux Éditions Robert Laffont, 2004.
Manière de rendre hommage au vieil éditeur qui vient de disparaître.
Massacres coloniaux, Yves Benot, préface de François Maspéro, La Découverte/poche, 2001.
et
Les Massacres de Guelma, Marcel Reggui, La Découverte, 2006.
17:51 Publié dans les lectures, les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 18 mai 2010
« Le Verfügbar aux enfers »
Survivre, notre ultime sabotage.
Germaine Tillion
J'étais sceptique sur la représentation de ces écrits de résistance de Germaine Tillion. Elle aussi sans doute puisqu'elle a retardé, jusqu'à la dernière année de sa vie, la décision de faire chanter.cette "opérette". Première réalisation pour la scène, en juin 2007 ,au Châtelet, que nous devons grâce à la mise à jour des airs par Nelly Forget, une "ancienne" des Centres sociaux éducatifs en Algérie — elle en fut l'une des premières, j'en fus un des derniers — qui accompagna les annnées ultimes de l'ethnologue des Aurès !
L'interprétation, à Nantes, par mes collègues de l'atelier d'interprétation vocale de l'Université permanente — vingt-huit femmes évoluant en chœur antique alentour d'un vaste bat-flanc à trois étages, tour à tour wagon de déportation et bat-flanc d'un bloc du camp — fut d'une forte beauté, renforçant l'humour ravageur, la crudité des corps et l'imbécile cruauté du système nazi.
Merci à vous, Femmes.
Dans le hall de la salle Vasse, était affiché un texte de René Guy Cadou. L'avais-je oublié ?
A Ravensbruck en Allemagne
On torture on brûle les femmes
On leur a coupé les cheveux
Qui donnaient la lumière au monde
On les a couvertes de honte
Mais leur amour vaut ce qu'il veut
La nuit le gel tombent sur elles
La main qui porte son couteau
Elles voient des amis fidèles
Cachés dans les plis d'un drapeau
Elles voient Le bourreau qui veille
A peur soudain de ces regards
Eles sont loin dans le soleil
Et ont espoir en notre espoir.
Ravensbruck
Pleine poitrine
1944-1945
11:02 Publié dans Cadou toujours, les lectures, Les musiques, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 15 mai 2010
palmes et murmure des "séguia"
Relisant paresseusement Le voyage en Algérie, voici, s'insinuant, la douce-amère nostagie — c'est très sain, énonce une dame dans le Monde Magazine de ce jour — je m'y "évaille" donc paisiblement :
Biskra, 30 novembre (1903)
Je rentre au cœur de ma jeunesse. Je remets mes pas dans mes pas. Voici les bords charmants de ce sentier que je suivais, ce premier jour où, faible encore, échappé de l'horreur de la mort, je sanglotai, ivre du simple étonnement d'être, du ravissement d'exister. Ah ! qu'à mes yeux encore fatigués l'ombre des palmes était calmante ! Douceur des ombres claires, murmures des jardins, parfums, je reconnais tout, arbres, choses... le seul méconnaissable, c'est moi.
... ce jardin que j'ai vu planter, est déjà feuillu, touffu, compliqué. Il s'assombrit d'ombrage et de mystère...
Qu'il ferait bon, s'il n'était tant de pauvres sur la terre, y deviser sans bruit, avec quelques amis, ce matin.
André GIDE
Moins de soixante ans après Gide, la palmeraie avait à peine frémi.
Mais aujourd'hui ?
Y retournerai-je jamais ?
16:40 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 08 mai 2010
les écrits brûleront encore
« J'affirme que ce livre est interminable. »
À la page 319 de son Livres en feu*, voilà ce qu'écrit Polastron.
Il a déjà parcouru depuis 1358 avant notre ère toutes destructions et incendies des bibliothèques ; il vient d'évoquer l'invasion de l'Irak par les "Marines" en 2003 , les diverses bibliothèques de Bagdad, pillées ou incendiées, selon.
Il nous livre encore 224 pages pour évoquer les dommages de paix jusqu'aux embarras que sans doute suscitera "la connaissance ignifugée", en clair la numérisation des toutes les bibliothèques du Monde. Il ajoute postface, annexes (3), appendices incluant remerciements, chronologie sélective, bibliographie, notes et index.
Tout quoi ! de ce quoi doit être fait un livre.
Pour les liseurs, lecteurs, auteurs, écrivains, écrivants, éditeurs, libraires, bibliothécaires, instituteurs, professeurs, animateurs, acheteurs, vendeurs, tous les passionnés de ce support de nos écrits**.
Mon avis est qu'il aurait dû, chapeautant le colophon, répéter cette terrible phrase :
« J'affirme que ce livre est interminable. »
* Lucien X. POLASTRON, Livres en feu, Folio essais n°519, 2009.
** Ne pas oublier de féminiser tous ces usagers de l'objet. Peut-être sont-elles plus les nombreuses ?
Éventuellemnt relire les notes des 20 et 23 décembre 2009, sur des lectures dues au conseil érudit de Constantin Copronyme.
17:21 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 03 mai 2010
ils n'étaient que sous-entendus
Saluons donc les "vieux travailleurs" !
Pour contenter le commentaire de PI, j'use d'une bonne vieille expression, jadis employée, mais qui en suggère plus que l'injuste terme de "retraités".
De quoi nous serions-nous mis en retrait ?
Le "vieux travailleur" — je n'oublie point la vieille travailleuse — laisse entendre qu'il est toujours sur le chantier.
12:42 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 01 mai 2010
un Premier Mai
Salut aux travailleuses et aux travailleurs !
(Mais que les banquières et les banquiers aillent se faire f...!)
16:09 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 15 avril 2010
silence volontaire pour quelques jours
grapheus tis sera muet pendant quelques dix jours.
Mise sur ber de la vieille coque: il s'avère qu'avant l'été elle a besoin d'un sérieux carénage.
11:44 Publié dans Les blogues, Web | Lien permanent | Commentaires (3)