Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 11 novembre 2010

garder mémoire

pour Th "ma sœur" et Lo, mon frère, qui archivent si bien les souvenirs de la tribu,

pour Célia qui, "pour l'école", me demanda naguère qui dans la famille avait fait la guerre 14-18.

 

Ne pas célébrer, ne pas commémorer, ne pas faire mémoire. Même pas me souvenir puisque je n'ai pas vécu ces temps-là.
Mais simplement garder mémoire.

Parmi la quinzaine d'hommes de cette batterie d'artillerie, le cousin de ma mère, Marcel Gilais, mortellement blessé près de sa pièce, sur la Somme, le 17 août 1918.

 

batterie_gilais.jpg

 

Un parmi les cinq ou six de mes ascendants connus dont trois ou quatre laissèrent leur peau dans la guerre.
Un qui est un nom sur un monument aux morts dans le cimetière de Beslé-sur-Vilaine.
Qui n'est qu'un nom et quelques images.
Et une tendresse quasi muette dans le cœur de sa petite cousine de onze ans.

 

Dans un cadre, puis remisées plus tard dans une boite à chaussures, quelques photos, une citation et une croix de guerre !

croixguerre.jpgcita1.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. [...]
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu [...]
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés.

Charles Péguy

 

Ouais, bien sûr ! Mais........... 

 

Post-scriptum : Le blogueur n'est pas un bon diariste. Il lui faut une guerre pour revenir à l'écran au sortir d'une cure bienfaisante. Des bords de Nive aux rives de Loire, il y eut pourtant les Landes aux confins du Gers, un Périgord "quercyen" chaleureux, inconnu et étonnant, un Limousin amical. Quelques livres furent ouverts. Mais il est vrai qu'au retour il n'y avait plus que “le dernier dahlia dans un jardin perdu" (René Guy Cadou). Et toujours des tas de points de suspensions...

Prenons les écrans blancs de ces premiers jours de novembre pour les points de supensions, manière de laisser la pensée rêvassante vaguer à l'infini de la Toile.

19:19 Publié dans Les graves | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 27 octobre 2010

Pour saluer une fin de cure

....Et nous charger d'assez de nostalgie pour revenir en ce pays.

Au gré de la lectrice et du lecteur !

Ou la carte postale d'un Pays Basque plus vrai que nature :

Itxasou.jpg

©Nicléane

Ou une image à la Corot quand les brumes s'ancrent dans les vallées et que le soleil a étarqué ses haubans*.

Brumes basques.jpg

©Nicléane

 

* Du dicton breton :

Soleil à haubans !
Marin, prends ton caban.

 

 

d'un Pays Basque, l'autre

Dans ce pays, on ne passe pas de frontière : nous sommes au Pays Basque.

Au hasard des pérégrinations, j'ai découvert un de ces monastères qui jalonnaient le chemin de Saint Jacques.

 

Urdax 1 .jpg

 

©Nicléane

Urdax dans une des ces vertes et profondes vallées basques.
Et comme je suis toujours à l'affût d'histoires de livres, voilà encore une bibliothèque dévastée par les soldats de la Convention en 1793. Neuf mille livres livres furent brûlés.

 

BiblioUrdax.jpg

©Nicléane

 

samedi, 16 octobre 2010

en cure

Blogue en cure ou cure de blogue.

Voilà plus de quinze jours que «  grapheus tis » est figé sur le 3 octobre.

Dresser le catalogue des soins serait aligner les chiffres journaliers qui ponctuent les vestiaires où se suspendent peignoirs et serviettes des curistes.

À moins d'être un adepte de la numérologie...

Les corps sont perclus. Lasses, les chairs. Mais les visages se sourient et les eaux, apaisantes.

Le parc invite à la déambulation nonchalante, exotique et la Nive bruit de remous qui incite à guetter la remontée du saumon.

 

Thermes.jpg 

©Nicléane

 

On y est bien et j'ai deux voisins : Edmond Rostand, tout près, à la sortie de Cambo. Et Francis Jammes, un peu plus loin à Hasparren.

 

À la moustache cirée et "belle époque" de l'auteur de Cyrano — que j'aime bien — je préfère la barbe fluviale et faunesque de Francis Jammes.
L'un était pauvre et ne fut jamais académicien, l'autre l'était et fut fort riche.


Visiter la Villa Arnaga de Rostand et se heurter à la porte close de la maison d'Hasparren où mourut Jammes résument fort bien la renommée "touristique" actuelle.

Quant à la "littéraire" ? Sic transit...!

anarga.jpg

©Nicléane

 

P1050369.jpg

 

Cambo célèbre Rostand et fête le centenaire de Chantecler. Le parking de la Villa Arnaga concurrence l'Inter-marché du coin.
Hasparren semble oublier que Jammes y vécut... C'est une vieille dame toute simple qui m'indiqua le lieu ; la plaque apposée près de la porte aurait-elle suffi ?

 

P1050371.jpg

 


Rostand, c'est le décor.

Mais Jammes, c'est la langue...

 

... des paysans calmes
Qui semblent réfléchir et qui ont l’air au loin
De se fondre dans la nuit lentement et grands.

 

 

Post-scriptum (qui a à voir avec le blogue) :

Le "Couvent" où réside le curiste blogueur n'est pas équipé de borne WiFi ; il m'est obligation de me rendre, par les allées du parc, dans les salons des Thermes.
Le curiste se caractérise par sa paresse augmentée !


dimanche, 03 octobre 2010

au hasard des tables de nuit

Quand j'évoquais les bornes WiFi, je pensais à l'écriture. Loin des lectures !

Et voilà que la table de nuit de la chambre qui m'accueille chaque fois aux rivages aquitains chez Col et mon vieux compagnon Er Klasker m'invite à relire Daewo.

J'ai mis entre parenthèses mon Jammes et mon Giono.

 

La circulation intense de la parole ouvrière, le lancinant des fermetures de "boites" en cinq pages litaniques.

Dans l'humilité et le respect :

« Fouiller la benne aux archives, j'ai pensé, c'est comme si j'avais été prendre des papiers directement dans leur poche, et je n'ai pas osé. »

 

Dans l'accueil de l'interpellation :

« Vous me lisez, là, ce que vous avez gribouillé ? »

 

Dans le percutant du témoignage :

« Moi, je parle pour ces visages. »

 

En ces temps de manifs, de cortèges indénombrables, dans le miteux lettré de la rentrée littéraire, où est-elle la Parole d'en bas ?

Merci, François, pour tes flopées de guillemets ouvriers !

 

 

Post-scriptum : Est annoncée l'adaptation télévisée par lui-même, Gérard Mordillat, de son bouquin "Les vivants et les morts", pour le 6 de ce mois.

 

vendredi, 01 octobre 2010

au hasard des bornes WiFi

Nous allons donc prendre les eaux.

À Cambo, où naquit Edmond Rostand. Mais pour moi, j'inclinerais volontiers du côté d'Hasparren, où mourut Francis Jammes.
J'emporte Le deuil des primevères et De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir.

Mais je n'écrirai point que je ne relirais pas Chanteclerc. Si le coq en gloire se trouve encore en librairie ?

Voilà pour le sentiment géographique qui anime mes lectures.

 

Je commémorerai aussi : Giono meurt le 8 octobre 1970. Je glisse à côté du vieux Jammes, les tomes V et VI de la Pléiade : Les Âmes fortes... Les Grands chemins... Hortense...Le Déserteur... Ennemonde... L'iris de Suse... Olympe...

Relire et lire ! Et le blogue s'écrira au hasard des bornes WiFi.

Quand le lecteur quitte son jardin, il est loin, très loin de la rentrée littéraire 2010.

 

Nous reviendrons dans nos vents d'ouest quand seront passées les grues.

 

Les grues sont passées dans le ciel gris et leurs longues lignes filaient en grinçant, cris de neige et d'ombre ; c'est la saison où l'on va pour orner les tombes.

Francis Jammes

lundi, 27 septembre 2010

viatique pour une voyageuse

 

Le voyage commence
dans une bibliothèque.

viatique.jpg


Le touriste compare.
Le voyageur sépare.


Chacun appelle barbarie
ce qui n'est point de son usage.


Le paysage est un paquet de saveurs,
de couleurs, d'odeurs, où le corps infuse.


La marche, on n'a rien trouvé de mieux
pour aller plus lentement.


Mes pensées dorment si je les assis.
Mon esprit ne va
si les jambes ne l'agitent.


Compagnon, il nous faut cheminer
sans faire demeurance.


...c'est le propre des grands voyages
que d'en ramener tout autre chose
que ce qu'on y allait chercher.



VIATIQUE POUR UNE VOYAGEUSE *
 

sont cités dans le désordre Michel de Montaigne Frédéric Gros Nicolas Bouvier un pélerin de Saint-Jacques Michel Onfray

 

 

Voilà donc la cause du désordre sur l'étagère des Voyageurs, Nicolas Bouvier qui ébranle Kenneth White qui chamboule Frédéric Gros.

Le tout s'est retrouvé suspendu à un fil à linge dans le jardin de Fr, qui s'en va à l'automne pour les latitudes australes.

 

Fr fut la compagne de JeanJo ce vieux lutteur disparu en février 2008. Hier, Fr l'évoqua dans la gravité d'une joie qui éclaira les visages de celles et ceux qui étaient présents et qui devaient à cet homme des parcelles de bonheur.

Je lui dois, moi, une approche de ce que pouvait être, à la toute fin des des années 1990, la publication sur l'Internet de documents — écrits, photographies — qui permettait d'échanger entre voisins et amis — de leur maison à la mienne, trois cents mètres à peine ! — par les tuyaux de ce qui n'était alors qu'une étrange machine, des pans de nos activités que nous ignorions. C'était alors estimé incongru, farfelu par notre entourage.C'est de ces échanges que je décidai la création de ce blogue.

JeanJo s'y refusa obstinément. il n'était point Briéron pour rien !

 

Que les vents soient favorables aux voyageuses, à Fr et à Th qui l'accompagne !

 

 

*Petit ouvrage commun à Nicléane, la peintresse et à l'écrivassier.


 

lundi, 20 septembre 2010

errances en lectures

 

 

Lourde fatigue... venue trop précoce des fraicheurs automnales ? aquagym immodérée ?

 

Tu viens d'achever avec ta compagne une "stèle à une voyageuse". Plutôt, tu t'es préoccupé, toi, de rechercher des textes, brefs éclats de mots pour désarçonner l'amie qui va entreprendre une pérégrination.

Tu as parcouru Montaigne, Bouvier, Caillé, Onfray, Gros*. Et voilà que souhaitant caser Marcher, une philosophie de ce dernier et ranger Bouvier, Le Hibou et la Baleine, Le poisson-scorpion, les Routes et déroutes, ses Œuvres en Quarto, tu ébranles les bouquins de Kenneth White qui est son voisin d'étagère.

Le premier livre qui se penche : les rives du silence

 

Assez
assez de tant de choses

cette vague qui se brise
blanche prose

Et que cela, ne l'oublie pas
ne sente jamais le poète

Enfin, un peu de réalité
ce goût de sel sur la langue                    

Brumes blanches
à Roscoff

la marée qui se retire
à Douamenez

A ceux qui parlaient écriture
il répondait : ouverture

Écrire des poèmes?

Plutôt suivre la côte
fragment après fragment

 

Ode fragmentée à la Bretagne blanche

 

 distiques si éloignés des stances houleuses de Perse — pourtant à plusieurs reprises, cité en exergue.

 

Du coup, j'ai descendu la vingtaine de bouquins : poèmes ? essais ? carnets de voyage ? journaux ?

J'avais commencé de lire Kenneth White en 1977 avec ses Limbes incandescents, publiés dans Les Lettres nouvelles de Maurice Nadaud. L'ex-libris de son dernier livre lu, La maison des marées note le 24 novembre 2005. 

 

... je ne rencontre pas âme qui vive, à vélo ou à pied, seulement des mouettes, rassemblées sur la plage face au soleil ou bien nichées ça et là, solitaires, et des corbeaux fourrageant dans d'énormes amas de goémons. Au loin, par intervalles, des essaims de petits oiseaux, sans doute des migrateurs faisant route vers quelque région chaude du Sud pour y passer l'hiver. Ici, encore des rochers aux formes grotesques, souvent blanchis par les fientes, et le sentier qui court au milieu des bruyères (les cendrées rouge sombre et les callunes plus pâles), des mûriers sauvages, des fougères, des prunelliers et des chèvrefeuilles. Cette partie sud-sud-ouest de l'île est celle qui voyait le plus grand nombre de naufrages, comme le dit un rapport de 1681 :

« Le bout de l'isle Doüessant le plus exposé au mauvais temps est celuy d'Oüest Suroüest et c'est sur ce bout que se font presque tous les nauffrages. »

C'est là que coule cette violente rivière marine, le Fromveur. Où que l'on regarde, on aperçoit un phare. Je marche le long de Penn ar Roc'h et continue vers Penn Arland en passant par Bouge an Dour, Porz Gwenn et Penn ar C'hreac'h. Partout le soleil qui brille sur le mica, ici et là des touffes de carotte sauvage ou de criste-marine, et, dans une petite crique tranquille, où l'eau vert-bleu clapote contre les rochers, un héron blanc.

 

Ailleurs, sur un rivage des Landes :

 

Chardon bleu sur la dune
bleu brûlant sur la dune
les racines dans le sable
mais vigoureux en diable

le chardon bleu et moi
toute la journée nous restons
sous ce soleil de plomb

moi je contemple le grand tout
lui il y est et il s'en fout

 

sermon du chardon bleu

in Terre de diamant

 

La vingtaine de bouquins est encore toute évâillée sur la table. Pour une paresseuse lecture.

 

 

 

* Marcher, une philosophie, Frédéric GROS, Carnetnord, 2009.

mercredi, 15 septembre 2010

des hommes

 

 

au sortir d'une salle de cinéma

 

19441905.jpg

 

 

19478858.jpg

 

Au delà de toute foi, de toute croyance.

Dans la solidarité tenace et quotidienne des humains.

 

 

 

dimanche, 12 septembre 2010

retour de mer, mais la suite n'a pas grand'chose à y voir

 

aux amantes et amants désespéré(e)s... adultères et donc maudit(e)s

 

... ensommeillé.

C'est sur France Mu  le Jardin des dieux qui me tire à la lumière du jour avec une voix qui scande en italien ce que je vais savoir être le chant V de l'Enfer du Dante.

La voix est celle de Carmelo Bene ce déjanté des années soixante-dix qui m'avait subjugué avec un film "Notre Dame des Turcs" qui dépassait en délire tous les films dit "underground" de l'époque.

La scansion est envoûtante, surtout quand on ne comprend goutte à l'italien : un texte « que les non-italianophones pourront savourer et comparer comme autant de nectars inconnus… » annonce François-Xavier Szymczak, l'animateur de l'émission.

 

J'ai ouvert la Divine Comédie — en deux tomes qui me furent offerts ce terrible Noël 1964 par Co et Jo — que je n'ai parcourue qu'à sauts et gambades.

Le Dante ne me plaît guère, j'avoue n'être qu'un lecteur au premier degré et sa catholicité m'emm... : déjà au chant IV qui précède celui dont il fut, ce matin, question sur France Mu, il dépose mes vieux Grecs dans le premier cercle de ses enfers. Ce matin, nous en étions au chant V qui précipite dans le deuxième cercle les amants trop aimants :

 

 

« Francesca, le récit de ton triste martyre
n'a laissé dans mon cœur que douleur et pitié.

Mais dis-moi cependant: au temps des doux soupirs,
comment, par quel moyen l'amour vous permit-il
de comprendre, les deux, vos passions naissantes? »

Elle me répondit: « La plus grande douleur
est de se rappeler les instants de bonheur
au temps de la misère; et ton docteur* le sait.

Cependant, si tu veux savoir les origines
de notre affection, je veux bien te les dire,
même s'il me fallait pleurer en racontant.

Un jour, nous avons pris du plaisir en lisant
de Lancelot, qui fut esclave de l'amour;
nous étions seuls tous deux et sans aucun soupçon.

Souvent notre regard se cherchait longuement
durant notre lecture, et nous devînmes pâles;
pourtant, un seul détail a suffi pour nous perdre.

Arrivés à l'endroit où cette belle bouche
était baisée enfin par cet illustre amant,
celui-ci, dont plus rien ne peut me séparer,

vint cueillir en tremblant un baiser sur mes lèvres
Le livre et son auteur furent mon Galehaut;
et pour cette fois-là la lecture a pris fin. »

Pendant qu'un des esprits me racontait cela,
l'autre pleurait si fort que, mû par la pitié,
je défaillis moi-même et me sentis mourir,

et finis par tomber comme tombe un cadavre.

 

Les musiques étaient belles et les voix des diseurs**, des nectars inconnus.

 

 

* Virgile, l'accompagnateur du Dante.

** Il y a plusieurs diseurs : Roberto Benigni, Vittorio Gassman, Vittorio Sermonti, Carmelo Bene...

vendredi, 03 septembre 2010

à hisser ! à border !

 

Les vents de Nordé à Suet, d'un port du Ponant, sont favorables pour mettre le cap au large et saluer les marées d'Équinoxe.

D'où le très misogyne dicton :

 

Temps de mirage : vent d'amont

Pour fuir la fille sera bon.

 

Avec plus d'élégance, nos Dames reprennent leur liberté, pour quelques jours de vent d'amont.

mardi, 31 août 2010

Au trente et un du mois d'août*

à A Hé

patron du Marche Avec qui n'a pas encore vendu son âme au diable et qui sait mieux que tout autre envoyer chansons à hisser et chansons à virer

 

Aujourd'hui, c'est le temps d'une chanson bien connue du gaillard d'avant, quand le trois-mâts, toutes voiles hautes, file ses dix nœuds dans l'alizé de Nordé et qu'un Malouin envoie la chanson des gars de Surcouf !

 

Et deux couplets pour étancher la soif :

 

Au trente et un du mois d'août
Au trente et un du mois d'août
On vit venir sous vent à nous
On vit venir sous vent à nous
Une frégate d'Angleterre
Qui fendait la mer z'et les flots :
C'était pour attaquer Bordeaux!


Buvons un coup là là
Buvons-en deux
A la santé des amoureux
A la santé du Roi de France
Et merde pour le Roi d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre!


 

Vir' lof pour lof en arrivant
Vir' lof pour lof en arrivant
Je l'abordions par son avant
Je l'abordions par son avant
A coups de haches et de grenades
De piq's, de sabres, de mousquetons
En trois-cinq sec je l'arrimions!


Buvons un coup là là
Buvons-en deux
A la santé des amoureux
A la santé du Roi de France
Et merde pour le Roi d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre!


***

 

Siffle, gabier, siffle doucement,

Pour appeler le vent.
Mais sitôt la brise venue,

Gabier, ne siffle plus.

 

* Armand HAYET, capitaine au long cours - Dictons, tirades et chansons des anciens de la Voile, Éditions Denoêl, 1971.


lundi, 30 août 2010

adjectif, mon souci

Toutes les lectures de l'été ne furent point aussi vaines que le De l'amour de Stendhal* et L'Éducation senimentale de Flaubert ; j'ai relu L'Échappée belle de Bouvier et je suis tombé sur ce passage qui efface une tenace rancœur datant de ma classe de IVe — soixante ans de rumination — quand le "prof" d'alors m'humilia à propos d'une narration de tempête qui débordait d'adjectifs "hugoliens" : je me souviens  encore avoir décrit, entre autres verbales inflations, des "gouffres d'émeraude" !!!

 

Adjectifs

Gobineau, avec quelques autres de ces flibustiers orientaux déjà cités, m'a ouvert la grande épicerie des adjectifs où je suis allé me servir avec tout le mauvais goût que je me souhaite.

Dans la littérature des années cinquante, temps où j'ai fait mes études, si éprise de rhétorique sartrienne ou d'austérité camusienne, l'adjectif n'avait pas bonne mine. Oh non  ! Il faisait bonbonnière ottomane ou tango argentin gominé. Ce caniche frisotté troublait l'absinthe de Monsieur Teste. La belle phrase - comme on dit « une belle âme » dans les confessionnaux de province - vertueuse, sobre, forte de son seul et inéluctable sens était celle qui s'en passait le mieux. Or, il m'apparut clairement qu'à l'est de Zagreb, on ignorait tout de ces lois somptuaires et de ces édits jansénistes ; on savait, en revanche, qu'on ne peut rendre justice à la stridence d'une cornemuse, au tremblement liquide d'une flûte de Pan, à ces dégringolades chromatiques et si navrantes du « tar » (le luth iranien) sans leur accorder au moins trois adjectifs, enfoncés avec le pouce dans la phrase comme pistache dans la brioche. Gobineau ne l'oublie jamais lorsqu'il fait parler ses personnages : qu'on soit au Caucase, en Arménie, au Turkestan ou en Perse, les destins les plus modestes ou les plus malheureux sont comme soulevés et portés par un discours emphatique, fleuri, compatissant qui aide encore là où la vie n'aide plus et qui relève bien plus d'un vœu pieux et respectable que du mensonge, si mensonger soit-il.

 

Nicolas Bouvier

L'Échappée belle

éloge de quelques pérégrins, p. 88.

 

 

* Dans la dernière émission d'un été avec Philippe SollersLire c'est entendre — celui-ci annonce donner une place très importante à Stendhal dans le  prochain roman qu'il va publier. Tiens ! j'effacerai peut-être  ainsi mon fiasco (!) estival...

 

 

 

 

samedi, 28 août 2010

après les bornes, les stèles et autres repères, ... les livres...

Après avoir appeler — crier ? — à la dispersion — à l'abolition ? — de tous repères et limites des territoires de l'homme, voici que Perse demande l'éventement de toutes les poussières — pruine, poudre, loess, fard, cendres, squames — en introduisant dans la « Basilique du Livre », « un homme de peu de nom », qui vient rire — ricaner ? —.

Et que les vents donc envoient aux quatre horizons toute la quincaillerie des livres, « le fonds de commerce de la boutique à comprendre », écrira Claudel.

L'auteur ? l'éditeur ? le libraire ? le bibliothécaire ? le critique ? le liseur ? le blogueur ? tous et tout ?

 

Tout à reprendre. Tout à redire. Et la faux du
regard sur tout l'avoir menée !

Un homme s'en vint rire aux galeries de pierre
des Bibliothécaires. — Basilique du Livre!...
Un homme aux rampes de sardoine, sous les prérogatives
du bronze et de l'albâtre. Homme de peu de nom.
Qui était-il, qui n'était-il pas?

Et les murs sont d'agate où se lustrent les lampes,
l'homme tête nue et les mains lisses dans les
carrières de marbre jaune — où sont les livres au
sérail, où sont les livres dans leurs niches, comme jadis.
sous bandelettes, les bêtes de paille dans leurs jarres,
aux chambres closes des grands Temples — les livres
tristes, innombrables, par hautes couches crétacées
portant créance et sédiment dans la montée du temps.

Et les murs sont d'agate où s'illustrent les lampes.
Hauts murs polis par le silence et par la science,
et par la nuit des lampes. Silence et silencieux offices.
Prêtres et prêtrise. Sérapéum!

A quelles fêtes du Printemps vert nous faudra-t-il
laver ce doigt souillé aux poudres des archives
— dans cette pruine de vieillesse, dans tout ce fard
de Reines mortes, de flamines — comme aux gise-
ments des villes saintes de poterie blanche, mortes
de trop de lune et d'attrition?

Ha! qu'on m'évente tout ce lœss! Ha! qu'on m'évente tout ce leurre!
Sécheresse et supercherie d'autels...
Les livres tristes, innombrables, sur leur tranche de craie pâle...

Et qu'est-ce encore, à mon doigt d'os, que tout
ce talc d'usure et de sagesse, et tout cet attouchement
des poudres du savoir? comme aux fins de saison
poussière et poudre de pollen, spores et sporules de
lichen, un émiettement d'ailes de piérides, d'écailles
aux volves des lactaires... toutes choses faveuses à la
limite de l'infime, dépôts d'abimes sur leurs fèces,
limons et lies à bout d'avilissement — cendres et
squames de l'esprit.

 

Vents, I, 4.


 

« La littérature, je n'en suis pas » proclamait l'ancien diplomate, au moment où il s'autopubliait en Pléiade (1972) après avoir accepté en 1960 le Nobel de ... littérature.

Bon ! cette affirmation qui n'est pas dans Vents n'est sans doute qu'une hyperbole.

 

Il n'empêche que je me rêverais bien devant nombre de bouquins en cet homme de peu de nom, qui s'en vint rire aux galeries de pierre des Bibliothécaires.

 

Mais !

Mais n'oublions point qu'ensuite, il nous faudra nous laver ce doigt d'os ! Et continuer de lire ce qui advient à la page suivante :

 

Que si la source vient à manquer d'une plus haute connaissance,

L'on fasse coucher nue....


 

Post-scriptum : Lire Saint-John Perse, c'est accroître, quasi à chaque page, son vocabulaire en botanique, biologie, mythologie, géologie !


vendredi, 27 août 2010

« égaré » par mer calme

 

La semaine passée, trois jours de mer sans une ride... encalminés... à peine l'imperceptible balancement d'une lointaine houle,

j'ai ouvert Vents  et ce fut comme si je lisais pour la première fois la violence et la colère dans les majestés fort convenues de Saint-John Perse.

Fracas des forces, ébranlement des balises.

Lecture d'un égaré.

Est-ce si sûr, cette venue des écritures nouvelles ?

 

........................................................................

Elles épousaient toute colère de la pierre et
toute querelle de la flamme; avec la foule s'engouffraient
dans les grands songes bénévoles, et jusqu'aux
Cirques des faubourgs, pour l'explosion de la plus haute tente
et son échevèlement de fille, de Ménade,
dans un envol de toiles et d'agrès...

Elles s'en allaient où vont les hommes sans naissance
et les cadets sans majorât, avec les filles de licence
et les filles d'Église, sur les Mers catholiques
couleur de casques, de rapières et de vieilles châsses à reliques,

Et s'attachant aux pas du Pâtre, du Poète,
elles s'annexaient en cours de route la mouette mauve
du Mormon, l'abeille sauvage du désert et les migrations
d'insectes sur les mers, comme fumées de choses errantes
prêtant visière et ciel de lit aux songeries des femmes sur la côte.

Ainsi croissantes et sifflantes au tournant de notre âge,
elles descendaient des hautes passes
avec ce sifflement nouveau où nul n'a reconnu sa race,

Et dispersant au lit des peuples, ha ! dispersant
— qu'elles dispersent ! disions-nous — ha ! dispersant

Balises et corps-morts, bornes militaires et stèles votives,
les casemates aux frontières et les lanternes aux récifs;
les casemates aux frontières, bassescomme des porcheries,
et les douanes plus basses aupenchant de la terre;
les batteries désuètes sous les palmes, aux îles de corail blanc
avilies de volaille; les édicules sur les caps et les croix aux carrefours;
tripodes et postes de vigie, gabions, granges et resserres,
oratoire en forêt et refuge, en montagne; les palissades d'affichage
et les Calvaires aux détritus; les tables d'orientation du géographe
et le cartouche de l'explorateur ; l'amas de pierres plates
du caravanier et du géodésien; du muletier peut-être ou
suiveur de lamas ? et la ronce de fer aux abords des corrals,
et la forge de plein air des marqueurs de bétail,
la pierre levée du sectateur et le cairn du landlord,
et vous, haute grille d'or de l'Usinier, et le vantail ouvragé
d'aigles des grandes firmes familiales...

Ha ! dispersant — qu'elles dispersent ! disions-
nous — toute pierre jubilaire et toute stèle fautive,

Elles nous restituaient au soir la face brève
de la terre, où susciter un cent de vierges et d'aurochs
parmi l'hysope et la gentiane.

Ainsi croissantes et sifflantes, elles tenaient
ce chant très pur où nul n'a connaissance.
Et quand elles eurent démêlé des œuvres mortes
les vivantes, et du meilleur l'insigne,

Voici qu'elles nous rafraîchissaient d'un songe
de promesses, et qu'elles éveillaient pour nous,
sur leurs couches soyeuses,

Comme prêtresses au sommeil et filles d'ailes
dans leur mue, ah! comme nymphes en nymphoses
parmi les rites d'abeillage — lingeries d'ailes dans
leur gaine et faisceaux d'ailes au carquois —

Les écritures nouvelles encloses dans les grands
schistes à venir...



Vents, I, 3.

 

lesgrisbleus.jpg

©Nicléane

Trois jours, et la brise ne se levait point, et nous étions plongés dans les beautés indicibles des horizons bleus et gris de l'ouest.

Heureux !