mercredi, 18 janvier 2012
Gustav Leonhardt ne nous quittera point
Ce matin au lever du jour, j'apprends que s'en est allé le grand claveciniste.
Je ne suis qu'un piètre mélomane. Je ne puis écrire que ma tristesse, j'aimais beaucoup cet homme au visage émacié, à la carrure d'ascète. Une fois, à Nantes, l'été 1980, en l'Église Saint-Croix, nous l'avions écouté : il avait joué Froberger.
J'ai réouvert ma vieille platine, j'ai fait glisser la grande galette noire hors de la pochette noire d'Harmonia Mundi, laissé se poser la fine tête de lecture : la Suite XX en Ré majeur, "Méditation faite sur ma mort future laquelle se joue lentement avec discrétion".
Une tant belle musique pour tenter de bien mourir.
Cette autre aussi est belle. Il suffit d'écouter.*
* Tombeau sur la mort de monsieur de Blancrocher.
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mardi, 17 janvier 2012
et un paquebot échoué
Respect pour les morts noyés. Respect pour les disparus.
Pour les autres, mais qu'allaient-ils faire dans cette galère ? Quatre mille passagers, mille galériens — un pour quatre, le luxe du servage ! JeanLuc Godard aura filmer les séquences marines de Socialisme sur ce Costa Concordia.
Faut-il, après lui, filer la métaphore jusqu'à l'ultime ?
À propos : y avait-il une Bibliothèque à bord ?
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lundi, 16 janvier 2012
à chacun son Maghrébin
Au vieux maître — Lucien Jerphagnon — le Berbère, Augustin de Thagaste, jeune latiniste débauché puis évêque d’Hippone, Père de l’Église.
À son turbulent étudiant devenu maître — Michel Onfray — le Pied-Noir, Albert Camus de Belcourt, gardien de but du Racing Universitaire d'Alger, journaliste de Combat, philosophe prolétaire (si ! si !).
Onfray est un habile raconteur de la philosophie ; il avait plus ou moins laissé pressentir qu’il narrerait cette belle histoire d’un penseur isssu du peuple pauvre, sinon miséreux quand il écrivait en 2007, dans un mince opuscule, La Pensée de midi, Archéologie d’une gauche libertaire*, un hommage à Camus qu’il inscrivait dans une filiation qui reliait les rives méditérranéennes aux rivages bretons à travers une approche de Georges Palante et de Jean Grenier. Il y va de 600 pages qui font un certain raffut dans la sphère de la critique journalistique : un vrai lancement publicitaire (!) avec Franz-Olivier Giesbert, un soutien amical et nuancé de Jean Daniel et un “halte-au-feu” d’Olivier Todd, qui doit craindre une chute des ventes de son excellent bouquin, Albert Camus une vie, beau pavé de plus de huit cents pages, datant de 1996.
Je continue de lire Onfray. Sa contre-histoire de la philosophie m'était une nécessité. Aujourd’hui, je m’avoue qu’il est plus conteur qu’historien, plus bretteur que philosophe, chaleureux, menteur par omission, à pas un oxymore près — feu sur Sartre sur une page, révéré à la page suivante — ; il pisse les feuillets, les articles, les livres en négligeant allègrement le précepte de Pline “Adversus solem ne meiito” — ne pisse pas face au soleil — qui reprend lui-même la recommandation moins aphoristique d’Hésiode***:
N’urine pas debout, tourné vers le soleil,
Ni entre le coucher de l’astre et son lever,
Ni marchant en chemin, ni sur les bas-côtés,
Ni en te dénudant. Car les nuits sont aux dieux.
L’homme pieux satisfait ce besoin accroupi
Ou bien contre le mur d’une cour bien fermée. **
Mais Onfray renvoie aux calendes grecques les préceptes : c’est un “chien”, un vrai de vrai Cynique, quoi !
Pour acquérir L'ordre libertaire, j’attendrai sans doute la parution en poche de son "pamphlet hagiographique" (?) (c'est écrit dans le sous-titre du Nouvel Obs qui balise les deux pages de remerciements de Jean Daniel à la dédicace de Onfray).
Pour le bénéfice de l’éditeur, ça ne tardera guère.
Dans l'attente, je relis avec bonheur — et gratitude envers Michel Onfray — Sa pensée de midi. C’est la très belle et brève histoire d'un lien entre trois philosophes.
* Michel ONFRAY, La Pensée de midi, Archéologie d'une gauche libertaire, Galilée, septembre 2007.
** Pour qui souhaiterait vérifier la justesse de la traduction— ce que j'avoue n'avoir pas encore pris le temps de faire :
μηδ' ἄντ' ἠελίου τετραμμένος ὀρθὸς ὀμιχεῖν·
αὐτὰρ ἐπεί κε δύῃ, μεμνημένος, ἔς τ' ἀνιόντα·
μήτ' ἐν ὁδῷ μήτ' ἐκτὸς ὁδοῦ προϐάδην οὐρήσῃς
μηδ' ἀπογυμνωθείς· μακάρων τοι νύκτες ἔασιν·
ἑζόμενος δ' ὅ γε θεῖος ἀνήρ, πεπνυμένα εἰδώς,
ἢ ὅ γε πρὸς τοῖχον πελάσας ἐυερκέος αὐλῆς.
*** Référence à une recension de Pierre Assouline qui n'est point dans mes fréquentations quotidiennes, sur les Adages d'Érasme,"Erasmemania" dans le Monde des Livres du vendredi 13 janvier. Piquante à lire ! Et à ouvrir le fichier qui livre aperçu de ces fameux Adages en cliquant sur ce lien, Adagesbooklet.pdf
10:34 Publié dans Les antiques, Les blogues, les lectures, Web | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 11 janvier 2012
au décours de...
un mot au ...détour d'une notice d'information médicale sur l'anesthésie. Et surgit comme une sensation ruisselante, légère. Un mot nouveau dont je ressens imperceptiblement le sens. Je l'ai lu pour la première fois quelques minutes avant qu'on ne me fasse coucher dans un lit mobile d'où je ne vois en accéléré que les plafonds des longs couloirs, de l'ascenceur, d'autres longs couloirs, jusqu'à une vague aire de stationnement où semblent se croiser d'autres lits aussi mobiles que le mien.
au décours de...
Un visage aigu à lunettes qui se penche et me dit : « Je vais vous accompagner tout au long de l'intervention ! » Je pense : pourquoi ne dit-elle point "jusqu'au décours" ?
Une infime piqure sur le dos de la main gauche. Le même visage me propose un masque d'oxygène : « Air alpin ou air pyrénéen ? » me propose-t-elle.
Elle ne peut savoir d'où je viens : « Air marin ! » Je lui suggère. Elle nous, elle et moi, embarque en paroles apaisantes dans l’air salin, les beaux nuages et le bleu de la mer.
Moi, je ne perçois au plafond qu’un assemblage de tuyaux crèmes mais sereins je n’entends plus les mots je deviens attentif à cette lourdeur qui m’empoigne paisiblement les épaules la nuque mon regard qui efface l’assemblage et entre dans l’autre monde — non, un autre monde — c’est bien ainsi oui ça doit être ainsi au décours de...
au décours de.... j’entends mon nom le nom d’un autre que je ne suis pas mon nom l’air salin dans la bouche bruissements de voix claires froides trop claires je n’ai encore cette fois ramené aucun rêve seule cette impression d’un temps abrégé déjà ! Et le retour trop lucide par les mêmes longs couloirs le même ascenseur et les autres longs couloirs
L’air salin dans la bouche, ce n’est que le goût salé de mon sang. Ce n’est rien qu’un simple aléa dentaire dû à l’adolescence du grand âge.
La saveur fraîche d’une compote.
La vie revient neuve.
Mais la note d’information médicale du Service Anesthésie et Réanimations de l’Hôtel-Dieu précise bien “qu’au décours de l’intervention, l’anesthésie peut provoquer, etc.”
Allons, le décours me plaît bien.
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lundi, 09 janvier 2012
retour des Asturies 2
Dialogue surréel dans les rues d'Oviédo — je ne sommeille point, je lis un livre de bronze que me commente le statufié.
Plus tard, un autoportrait sur l'angle du mur de la très vieille maison asturienne couverte de lauzes, qui nous abrita.
Sur le banc de l'image précédente, sans doute pouvait-on y lire ce texte du poète galicien José Àngel Valente
Une fois encore, le sot
inutile étend
sa perisitance et triste araignée
vers quelle ombre ?
L'éclat, V
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dimanche, 08 janvier 2012
retour des Asturies 1
©Nicléane
Les vieux mineurs qui levaient le poing ne sont plus sur les quais des ports et au Cabo de Peñas les grandes strophes de Perse semblaient demeurer muettes.
©Nicléane
Les grandes houles de noroît n'étaient que portées musicales fracassantes fracassées.
16:28 Publié dans les marines, les voyages | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 01 janvier 2012
Pour 2012
« Ne ratez pas le printemps ! »
écrivait Jankélévitch
Et c'était mon souhait pour 2011.
Le même souhait peut se récrire en 2012. J'ajoute :
Saluez vigoureusement les aurores de l'été
contemplez apaisé(e)s les crépuscules de l'automne
l'hiver vous sera favorable.
01:00 | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 28 décembre 2011
Ce soir, on largue
Pour demain retrouver des rivages amis, arpenter les jetées des port Asturiens, larges comme des avenues — car il faut bien résister aux puissantes houles de noroît qui lèvent du Golfe et franchir le passage de 2011 à 2012.
"Nordeste" de Vaquero Turcios.
Asturies
terre de résistance aux conquêtes arabo-andalouses et autre dictature franquiste,
terre de bergers qui jouent de la bombarde, sœur celte de la ghaïta berbère,
terre de mineurs très âgés qui ont mémoire des luttes anciennes et qui, discrètement aujourd'hui encore, se saluent, le poing levé, en entrant dans les cafés.
Élogio del Horizonte d'Eduardo Chillida
13:30 Publié dans Les blogues, les marines, Web | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 décembre 2011
ce même jour, il y a vingt ans
Revenant d'une balade au bord de mer........................
MON PÈRE !
Ce pourrait être la chanson de Barbara
Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
.......................................
Faites vite
il y a peu d'espoir
il a demandé à vous voir
Ce pourrait être un poème de Luc Bérimont
J'étais faible, mon père, et tu m'avais quitté
Sans savoir que minuit roulerait sous sa patte
Cet enfant au front lourd dont les larmes tremblaient
ou de Jean Claude Renard
Père dans cette nuit où la mort nous retient
et dans ce sang pareil à un pays brûlé
• Luc Bérimont, Le grand viager.
• Jean Claude Renard, Père, voici que l'homme.
17:50 Publié dans Les nocturnes, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 25 décembre 2011
inventaire d'une nuit de Noël
huitres de ces claires ignorées de la baie de Bourgneuf aux confins indéfinis du Marais breton entre Poitou et Bretagne
Muscadet des vignes de nos ancêtres
foie gras enrobé toute une nuit dans un sel de Guérande parfumé de cassonade et de poivre noir
Chaume de Saint-Aubin de Luigné
dattes aux doigts de lumière — Deglet Nour — de Tolga la palmeraie allongée au pied des Zibans ces petits monts comme derniers replis de l'Atlas avant le vertige des sables
non pas un réveillon
mais un cheminement en des terroirs naguère arpentés et le corps s'éveille aux noms aux senteurs aux saveurs aux paysages
et nous demeurons proches dans le voisinage de l'océan
23:14 Publié dans Les blogues | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 24 décembre 2011
Bonne nuit
Il y avait pas mal de monde à la boulangerie, cet après-midi ; quand j'en suis sorti avec ma bûche et mon pain de campagne, la boulangère m'a dit : « Bon réveillon ! ».
Je ne lui ai pas dit merci, mais je lui ai souhaité une bonne nuit, à elle et à tous ses clients que j'avais précédés. Ils ont tous ri !
Sur le chemin du retour, Cadou et sa nostalgie de païen si proche du divin me sont revenus au cœur.
Paille de la saison
Fraîcheur des tiges nues
Ο nids de neige reconnus
A la fenêtre de l'étable
Passe l'étoile
Ouvre les mains
Amour presqu'île du matin
L'âne suspend son pas
Epaissies sous la langue
Le bœuf a retrouvé
Ses anciennes ciguës
Et Joseph attendri
Par ce bon voisinage
Ecarte de ses yeux
Les guêpes du sommeil
Un mage prie
Moulant ses lèvres de faïence
Sur les mots jamais dits
Et semblables au sel
Tandis que retenant
Son ventre avec tendresse
Marie ne comprend pas
Ce grand soleil éteint.
René Guy Cadou
Nativité
Grand élan, La vie rêvée.
...Retenant son ventre avec tendresse...
en écho tout au long de la nuit, la beauté émouvante des femmes grosses de leur enfant.
19:49 Publié dans Cadou toujours, les lectures, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 21 décembre 2011
et les cargos d'échouer et les bibliothèques de brûler
à Bénédicte, la Piétonne cairote
Et ça continue !
« Détruire la bibliothèque est un geste qui remonte à la plus haute Antiquité. Les autodafés, apparus en même temps que les livres, se multiplient à proportion du nombre d'ouvrages. »*
Pour les livres, Lucien Polastron* date de 1358 avant notre ère la destruction des Bibliothèques de Thèbes — tiens ! déjà l'Égypte —, désormais, il nous faudra consigner le 19 décembre 2011 pour l'incendie de l'Institut d'Égypte. Deux cent mille ouvrages, recensent les journaux. Déjà, en janvier 2010, en Tunisie, un Institut des Belles Lettres arabes avait été incendiée.
Pour les bateaux, l'échouement paraît plus banal, sauf pour les riverains, les sables, les rocs et... les noyés. Combien par an ? je ne sais, mais dans ma modeste histoire de vie maritime, depuis l'Amoco Cadiz, le Torrey Canyon, l'Erika, le Prestige, le Joola — échouements ou naufrages — ce sont des paysages qui furent souillés et quelques visages qui s'effacèrent.
Les bateaux, paquebots, cargos, pétroliers, voiliers continueront d'échouer. Mais les livres "numérisés" ? s'écrieront les optimistes. Certes, quand se seront éloignées les convoitises des pharaons de la Toile, nous serons en droit d'espérer atteindre l'éternité des écrits — ...avant que ne surgisse le cataclysme mondial de la panne électrique générale ou de la déflagration nucléaire universelle.
Il faudra, alors, qu'un scribe sur une écorce, une peau de bête, à l'aide d'un bout de bois brûlé, sur une bille d'argile à l'aide d'un silex, trace, à nouveau, le décompte d'une moisson engrangée, l'affontement de dieux inconnus ou une belle et nue romance amoureuse.
La terre, la mer, l'air, le feu !
Ouvrir les fragments d'Héraclite**
γης θάνατος ΰδωρ γενέσθαι και ύδατος θάνατος αέρα γενέσθαι και αέρος πϋρ, και έ'μπαλιν.
Mort de la terre, de devenir mer, mort de la mer, de devenir air, de l'air de devenir feu. Et inversement.
— Les traducteurs s'attardent souvent sur cet "και έ'μπαλιν" et glissent le sens de "et inversement" vers "et indéfiniment", laissant entendre quoi...? L'éternité ?
Que deviennent alors les images de ce cargo échoué et de ces feuilles de papier calcinées ?
La VIE, quoi !
Et demain, le solstice d'hiver : après-demain le soleil, remontant à l'horizon, se couchera plus tard.
* LIVRES EN FEU, Lucien X. Polastron, Folio essais n° 519, 2009. (L'auteur devra ajouter quelques annexes à son ouvrage...)
** Cité par Marc-Aurèle, Pensées, IV, 46.
(AFP PHOTO / DAMIEN MEYER, pour le cargo)
17:37 Publié dans dans les pas d'Héraclite, Les antiques, les lectures, les marines | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 17 décembre 2011
lecture d'après tempête
à celles, seules, qui ont su précéder la vie
Belle insomnie d'après tempête.
Au ciel nocturne lavé, Orion en son zénith, assembleur des âmes — si je croyais encore aux âmes — de mes morts aimés.
Pourquoi donc avoir ouvert Aromates chasseurs ?
Bribes d'images. Brassées, devrais-je écrire !
...l'existence de nos deux espaces immémoriaux : le premier, l'espace intime où jouaient notre imagination et nos sentiments; le second, l'espace circulaire, celui du monde concret. Les deux étaient inséparables. Subvertir l'un, c'était bouleverser l'autre.
Chuchotement parmi les étoiles.......
.......A chacun son sablier pour en finir avec le sablier.
Continuer à ruisseler dans l'aveuglement...........
.....Une écriture d'échouage........
...........un long-courrier retenu jusqu'à son évidence inutile.........
......Ronger c'est ritualiser la mort........
........réapprendre à frapper le silex à l'aube, s'opposer aux mots.
Et puis comme un achèvement en cette fin de nuit et qu'Orion scintille encore dans le suroît
Nuls dieux à l'extérieur de nous, car ils sont le fruit de la seule de nos pensées qui ne conquiert pas la mort, la mort qui, lorsque le Temps nous embarque à son bord, chuchote, une encablure en avant.
...............................................
Refuse les stances de la mémoire
Remonte au servage de ta faim
Indocile et dans le froid
Aromates chasseurs n'est pas encore refermé. Et je ne sais que proposer mes lectures. Non en parler.
Post-scriptum :
René CHAR, Aromates chasseurs, Gallimard, 20 décembre 1975. Un — l'exemplaire 1518 — parmi les quatre mille neuf cent trent-cinq exemplaires, composés en Baskerville corps 12, sur bouffant alfa des Papeteries Libert. Dommage qu'une édition numérique n'autorise point un tel post-scriptum.
04:40 Publié dans Char à nos côtés, les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 12 décembre 2011
hier à l'aube
La voix de Mau dans le gris du petit matin : « Étienne est mort ».
J'ai froid. C'était mon Copain !
En boucle dans ma tête, ces bribes du texte de Char :
« Son visage parfois vient s'appliquer contre le nôtre, ne produisant qu'un éclair glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n'est nulle part. Toutes les parties — presque excessives — d'une présence se sont d'un coup disloquées. »
18:00 Publié dans Les nocturnes | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 10 décembre 2011
L'un est mort avant-hier, l'autre mourra demain
Je parle de Franzt Fanon. Je parle de Xavier Grall.
Au début de cet an, j'avais pensé, non pas célébrer, non pas commémorer, mais au moins relire ceux qui naquirent ou décédèrent, il y a deux cents, cent ans, cinquante ans, trente ans...
Je n'ai réouvert ni Cendrars, ni Hemingway, ni Céline. À peine Saint-Pol-Roux. Un peu Armand Robin. Feuilleté Bougainville, parce que, dans le bras de la Madeleine, est à quai depuis plusieurs mois la réplique contemporaine de sa frégate La Boudeuse, et que naguère deux cents ans après elle, l'étrave d'un voilier a recoupé son sillage. J'étais à bord de ce voilier.
Mais ce décembre 2011, demeurent, au profond des lectures bouleversantes, anciennes et toujours actuelles, ces deux-là, le Nègre et le Celte, pas si loin l'un de l'autre, qui me furent des cris, des ruptures et une refondation.
Allons, camarades, il vaut mieux décider dès maintenant de changer de bord. La grande nuit dans laquelle nous fûmes plongés, il nous faut la secouer et en sortir. Le jour nouveau qui déjà se lève doit nous trouver fermes, avisés et résolus. Il nous faut quitter nos rêves, abandonner nos vieilles croyances et nos amitiés d'avant la vie.
...............................................................................................................................................
Si nous voulons que l'humanité avance d'un cran, si nous voulons la porter à un niveau différent de celui où l'Europe l'a manifestée, alors, il faut inventer, il faut découvrir.
Si nous voulons répondre à l'attente de nos peuples, il faut chercher ailleurs qu'en Europe.
Davantage, si nous voulons répondre à l'attente des européens, il ne faut pas leur renvoyer une image, même idéale, de leur société et de leur pensée pour lesquelles ils éprouvent épisodiquement une immense nausée.
Pour l'Europe, pour nous-mêmes et pour l'humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf.
Frantz Fanon
Les damnés de la terre
quelques lignes de la conclusion.
Je vous salue mes grands oiseaux
qui couvez dans mon cœur des
élans maritimes
je vous salue brousse de houles
je vous célèbre forbans et paladins
..........................................................
J'ai vu, Amer,
des eaux pareilles au lait
des chamelles rieuses
féconder les vallées chérifiennes
ô vie, ô séguias, ô glèbe femelle!
A Témara, prés de Salé
j'ai pleuré sur la splendeur
des mers sarrazines désertées.
Et j'ai rêvé de toi, gardienne
de l'extrême Ouest.
Ah quand allierai-je à tes noroîts
le miel des aurores africaines?
Ah quand allierai-je la vigueur de tes chênes
à la sensualité des figuiers ?
Partir pour revenir à toi
voguer pour retrouver tes abers
te haïr pour férocement t'aimer
....................................................................
Et ceci sera mon testament
à mes Berbères je lègue
les oiseaux des Glénan
et le sourire de Concarneau
à mes Berbères je lègue
l'allégresse des fontaines
et les printemps du pays Gallo.
Et ceci sera mon testament
à mes amis je lègue
l'alliance de l'Ouest et du Sud
le mariage des dolmens
et des mosquées
et les fiançailles des roses
d'avec les oliviers.
Xavier Grall
Le rituel breton.
In memoriam :
Frantz FANON, mort le 6 décembre 1961.
Xavier GRALL, mort le 11 décembre 1981.
17:40 Publié dans la guerre, les civiques, les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)