mercredi, 21 décembre 2011
et les cargos d'échouer et les bibliothèques de brûler
à Bénédicte, la Piétonne cairote
Et ça continue !
« Détruire la bibliothèque est un geste qui remonte à la plus haute Antiquité. Les autodafés, apparus en même temps que les livres, se multiplient à proportion du nombre d'ouvrages. »*
Pour les livres, Lucien Polastron* date de 1358 avant notre ère la destruction des Bibliothèques de Thèbes — tiens ! déjà l'Égypte —, désormais, il nous faudra consigner le 19 décembre 2011 pour l'incendie de l'Institut d'Égypte. Deux cent mille ouvrages, recensent les journaux. Déjà, en janvier 2010, en Tunisie, un Institut des Belles Lettres arabes avait été incendiée.
Pour les bateaux, l'échouement paraît plus banal, sauf pour les riverains, les sables, les rocs et... les noyés. Combien par an ? je ne sais, mais dans ma modeste histoire de vie maritime, depuis l'Amoco Cadiz, le Torrey Canyon, l'Erika, le Prestige, le Joola — échouements ou naufrages — ce sont des paysages qui furent souillés et quelques visages qui s'effacèrent.
Les bateaux, paquebots, cargos, pétroliers, voiliers continueront d'échouer. Mais les livres "numérisés" ? s'écrieront les optimistes. Certes, quand se seront éloignées les convoitises des pharaons de la Toile, nous serons en droit d'espérer atteindre l'éternité des écrits — ...avant que ne surgisse le cataclysme mondial de la panne électrique générale ou de la déflagration nucléaire universelle.
Il faudra, alors, qu'un scribe sur une écorce, une peau de bête, à l'aide d'un bout de bois brûlé, sur une bille d'argile à l'aide d'un silex, trace, à nouveau, le décompte d'une moisson engrangée, l'affontement de dieux inconnus ou une belle et nue romance amoureuse.
La terre, la mer, l'air, le feu !
Ouvrir les fragments d'Héraclite**
γης θάνατος ΰδωρ γενέσθαι και ύδατος θάνατος αέρα γενέσθαι και αέρος πϋρ, και έ'μπαλιν.
Mort de la terre, de devenir mer, mort de la mer, de devenir air, de l'air de devenir feu. Et inversement.
— Les traducteurs s'attardent souvent sur cet "και έ'μπαλιν" et glissent le sens de "et inversement" vers "et indéfiniment", laissant entendre quoi...? L'éternité ?
Que deviennent alors les images de ce cargo échoué et de ces feuilles de papier calcinées ?
La VIE, quoi !
Et demain, le solstice d'hiver : après-demain le soleil, remontant à l'horizon, se couchera plus tard.
* LIVRES EN FEU, Lucien X. Polastron, Folio essais n° 519, 2009. (L'auteur devra ajouter quelques annexes à son ouvrage...)
** Cité par Marc-Aurèle, Pensées, IV, 46.
(AFP PHOTO / DAMIEN MEYER, pour le cargo)
17:37 Publié dans dans les pas d'Héraclite, Les antiques, les lectures, les marines | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Et si, comme le disait ce jeune homme plein d'espoir, réceptionniste à la pension du Monastère Sainte Catherine, au pied du Mont Moïse, et si on commençait par le commencement, l'éducation, qui mène à la démocratie, en passant par le respect de soi-même, des autres, mêmes et différents, de la nature, eau, terre, air, et des livres qui ne sont pas seulement encres et papiers illisibles.
Merci pour la dédicace... Et rendez-vous en 2012.
Écrit par : Bénédicte | mercredi, 21 décembre 2011
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