vendredi, 13 août 2010
de retour au Foleux
En ce début août, Dac'hlmat a eu quelques minces soucis techniques : une mitraillette à maquereaux dans l'hélice devant l'entrée de Port Haliguen et une drisse de grand'voile volage qui n'a demandé qu'à passer devant le mât en s'entortillant dans le feu de pont.
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mardi, 10 août 2010
pour saluer Mad Mesnard
à Yoelenn, sa compagne
avant d'acquérir ma forme définitive,
il m'en souvient très clairement.
J'ai été une lance étroite et dorée,
je crois en ce qui est clair,
j'ai été goutte de pluie dans les airs,
j'ai été la plus profonde des étoiles,
j'ai été mot parmi les lettres,
j'ai été livre dans l'origine,
j'ai été lumière de la lampe,
Pendant une année et demie,
j'ai été un immense pont
jeté sur trois vingtaines d'abers.
J'ai été chemin, j'ai été aigle,
j'ai été bateau de pêcheur sur la mer,
j'ai été victuaille du festin,
j'ai été goutte de l'averse,
j'ai été une épée dans l'étreinte des mains,
j'ai été bouclier dans la bataille,
j'ai été corde d'une harpe,
ainsi pendant neuf années.
Dans l'eau, dans l'écume,
j'ai été éponge dans le feu,
j'ai été arbre au bois mystérieux.
Le combat des arbres
Cet après-midi du 5 août, je sortais du golfe en tirant des bords.
Une voix, celle de Mau : « Mad est mort ! »
Nous fûmes, plus de trente ans durant, compagnons d'Éducation populaire, cette si belle utopie, issue de la résistance aux nazis — MAD en fut et jusqu'à hier, j'ignorais qu'il fut un de ces jeunes passeurs d'armes* — cette utopie qui se voulait ouverture de toutes et de tous aux savoirs et à la beauté.
De lui, je sus l'Andro, l'HanterDro et la Dañs Plinn. Nous relûmes les anciens Bardes.
Une fois de plus, la déchirante énigme !
* dans les jours qui suivirent la rédaction de cette note, je reçus d'un de ses très proches la précision suivante :
« En fait,, il n'était pas passeur d'armes, mais un membre actif de la résistance. Le docteur Verliac (Paulus) en avait fait son adjoint militaire. Lors de l'épisode évoqué (à ses funérailles), la barque, trop lourde, ne put pas franchir les lignes à Lavau. Tout le monde se cacha. La zone était surveillée par une canonnière allemande. Mad fut envoyé pour prendre contact avec les combattants à l'extérieur de la poche de Saint-Nazaire. Quand il revint, il n'y avait plus personne. Ses compagnons avaient été arrêtés.
Mais de tout cela Mad ne parlait pas, ou si peu. »
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lundi, 09 août 2010
remontant le golfe vers Vannes — rivage érudit (suite)
Après les Logoden, arrondie la tourelle de Loqueltas, on embouque le resserrement de Conleau et sa fameuse maison rose, couleur fréquente sur les maisons utilisées comme amers remarquables en Bretagne Sud.
Au sortir, le plan d'eau s'élargit jusqu'au clocher lointain de Séné ; le chenal est sinueux.
Sur babord, la pointe des Émigrés et ses bosquets de pins : ici furent fusillés, le 10 thermidor an III — 28 juillet 1795 — malgré la promesse que Hoche aurait faite à Sombreuil, le chef des émigrés, de leur laisser la vie sauve, dix-neuf parmi les 748 dont il fut fait mention dans la note précédente.
D'aucuns penseront : ce n'était que des "Blancs", des Chouans pour leur dieu et leur roi !
Certes. Mais cruelle et souvent odieuse jeune République : il ne faut point oublier que le soulèvement de 1793 dans l'Ouest poitevin et breton fut d'abord une révolte paysanne contre les bourgeois. Les nobliaux émigrés et leur clergé n'en seront que les futurs manipulateurs.
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dimanche, 01 août 2010
rivage érudit : Port Haliguen en trois dates
Il n'a l'air de rien, ce second port de Quiberon bien abrité dans l'est de la presqu'île. La ville est plus connue par Port-Maria, qui embarque les estivants pour Belle-Isle, sa plage, ses galeries d'art (?), ses boutiques de fringues et sa thalassothérapie.
J'aime bien ce Port-Haliguen pour sa "modestie" historique.
Comme sa darse Est, moins "plaisancière", plus fréquentée par les "pratiques" du coin et où — cela devient si rare — mouillent encore quelques bateaux de pêche et le "Roi Gradlon" du service des Phares et Balises.
le 14 Février 1778
Les États-Unies indépendants reconnus
« Croisant dans la baie de Quiberon, le vaisseau le"Robuste" de La Motte-Picquet rendit les honneurs au bateau le "Ranger" commandé par John Paul Jones. Ce faisant il le reconnaissait comme "navire amiral" et non comme un navire secondaire d'une colonie anglaise. »
1795
L'affaire de Quiberon
« En septembre 1794, le Comte de Puisaye, véritable penseur du débarquement de Quiberon, gagne l'Angleterre pour solliciter l'aide des insulaires. Fort du soutien du comte d'Artois, frère du défunt Louis XVI, il persuade le gouvernement anglais du possible renversement de la République par le soulèvement de la Bretagne rejointe par les royalistes émigrés.
Avec le concours financier et matériel du premier ministre William Pitt, la flotte anglaise s'apprête à débarquer 5.400 hommes armés avec, à leur tête, le comte d'Hervilly secondé de Rotalier. Puisaye, lui, est nommé général en chef de l'armée catholique et royale de Bretagne, par le comte d'Artois. Profitant de l'offre de paix du général Hoche, le chef chouan des Côtes du Nord rend les armes en décembre 1794.
La reddition du chef chouan modifie alors la destination du débarquement : il aura lieu en baie de Quiberon. Face à la réactivité et à l'organisation de l'armée républicaine, les Blancs se retranchent rapidement sur la presqu'île de Quiberon après avoir conquis Landévant et Auray. Pris au piège, les Emigrés se déchirent, à l'image de leur commandement. Le courage de quelques chefs chouans ne suffit pas à sauver de la répression de nombreux royalistes. Sur les 6.262 personnes arrêtées, 748 sont fusillées. Trois semaines auront suffi à l'armée du général Hoche pour réduire le dessein royaliste en cauchemar. »
1899
Le retour du capitaine Dreyfus
« Le 30 juin 1899, une petite unité de la Marine Nationale, le "SFAX", jette l'ancre au large de Port Haliguen par une nuit de tempête.
A 2h15 du matin le 1er juillet, débarque le Capitaine Dreyfus, de retour de l'Ile du Diable en Guyane où il purgeait une condamnation à perpétuité. La Cour de Cassation venait de décider le renvoi du Capitaine Dreyfus devant une nouvelle juridiction à cause des réactions de l'opinion publique déchirée en deux camps et des écrits d'Emile Zola (entre autre le célèbre article "J'accuse ").
Sur le quai de Port Haliguen un Capitaine de Gendarmerie attend avec deux gendarmes et des militaires. Le Capitaine Dreyfus dégradé, passera entre deux haies de soldats qui lui tournent le dos pour n'avoir pas à lui rendre les honneurs. Il lui faudra attendre jusqu'en 1906 pour que son innocence soit reconnue, proclamée et le vrai coupable (Esterhazy) dénoncé. »
extraits du site du Musée du Patrimoine sur l'histoire de Quiberon, fort bien documenté.
10:15 Publié dans les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 juillet 2010
à nouveau, nous larguons
« Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d'autres rives ! »
Saint-John Perse,
Oiseaux, I.
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dimanche, 25 juillet 2010
les biographies lézardent-elles l'œuvre ?
Je ne témoigne, ici, que de mes aventures dans les biographies. Et encore me faut-il préciser qu'il y a lecture de biographie et lectures des biographies...!
Celles d'auteurs jusque là non lus et celles de ces auteurs que je fréquente depuis longtemps. Les premières ont souvent été des incitations à l'approche de l‘œuvre ; les secondes, certaines du moins, dans leur recherche d'archives privées, lettres, notes, je les ai vécues plus comme des enquêtes aux limites du voyeurisme, sinon de la fouille-merde...
Mais si le voyeur, c'était le lecteur. Moi donc !
Dernière mésaventure : avec Nicolas Bouvier, l'œil qui écrit d'un certain François Laut.
Devais avoir un certain pressentiment — j'avais noté dans l'exergue manuscrit qui marque la page de titre de toutes mes livresques acquisitions (ma manière d'ex libris) : « Bouvier ne me serait-il point assez évident ? »—.
Le mesquin du quotidien ébranlerait-il l'Usage du Monde ?
Deux mésaventures précédentes, — un René Char par Laurent Greilsamer, Un Henri Michaux par Jean-Pierre Martin — ont paru ainsi dans la mémoire du lecteur ébranler la lecture de L'effroi, la Joie et d'Écuador.
"Paru ébranler" : un retour à l'œuvre atténue vite la lézarde.
Il n'en demeure pas moins que vive est la lecture vierge de tout commentaire, de toute recension, de toute critique, de toute notice biographique.
C'est le premier poème de Cadou lu sur un banc du Jardin des Plantes au sortir d'un oral catastrophique du bac 1e partie, c'est le premier aphorisme des Feuillets d'Hypnos, planqués derrière le Bailly, c'est le premier combat souterrain de Qui je fus, dissimulé dans le casier à chaussures...
Post-scriptum bibliographique :
• François LAUT, Nicolas Bouvier, L'œil qui écrit, Petites Bibliothèque Payot, 2010.
• Laurent GREILSAMER, L'éclair au front, la vie de René Char, Fayard, 2004.
• Jean-Pierre MARTIN, Henri Michaux, NRF Biographies, Gallimard 2003.
Second post-scriptum :
Aucune donnée biographique, ni bribe d'histoire littéraire ne m'ont soutenu dans la lecture de De l'Amour, les avatars amoureux de Henri Beyle, dit Stendhal : je me suis fait profondément chier. Et je pensais pallier mes manques ?
L'Amour fou des surréalistes était passé bien avant. Trop tard pour apprécier les "cristallisations" de monsieur le Consul.
Je retiendrai de François Laut ce précepte d'Asie centrale qui m'est une lueur dans ces pérégrinations littéraires :
« Garde-toi de demander le chemin à qui le connaît, tu risquerais de ne pas t'égarer. »
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vendredi, 23 juillet 2010
quelques mots et des images
15:56 Publié dans les marines, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 15 juillet 2010
retour à terre
à MauMau vieux compagnon d'éduc pop et de mer qui fut de ce périple
Sur un ponton du Crouesty.
À hauteur de quai, aux aurores, j'ai dialogué avec une mésange charbonnière qui s'ébrouait de la petite pluie nocturne qui venait de tomber. Annonce du retour dans le "petit jardin".
...Nous reviendrons un soir d'Automne, avec ce goût de lierre sur nos lèvres ; avec ce goût de mangles et d'herbages et de limons au large des estuaires.
... Nous reviendrons avec le cours des choses réversibles, avec la marche errante des saisons, avec les astres se mouvant sur leurs routes usuelles.
Saint-John Perse,
Vents, IV,4
02:25 Publié dans les marines, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 10 juillet 2010
à Groix
à Colette et Jo
L'ile aux sources, fontaines et lavoirs nombreux et restaurés.
Île veilleuse aux approches des rades qui dans ses replis ombragés et frais pourrait bien abriter une femme qui donne sens à nos modestes errances marines.
Que si la source vient à manquer d'une plus haute connaissance,
L'on fasse coucher nue une femme seule sous les combles —
Là même où furent, par milliers les livres tristes sur leur claies comme servantes et filles de louage...
Là qu'il y ait un lit de fer pour une femme nue, toutes baies ouvertes sur la nuit.
Femme très belle et chaste, agréée entre toutes femmes de la Ville
Pour son mutisme et pour sa grâce et pour sa chair irréprochable, infusée d'ambre et d'or aux approches de l'aine,
Femme odorante et seule avec la Nuit, comme jadis, sous la tuile de bronze,
Avec la lourde bête noire au front bouclé de fer, pour l'accointement du dieu,
Femme loisible au flair du Ciel et pour lui seul mettant à vif l'intimité vivante de son être...
Là qu'elle soit favorisée du songe favorable comme flairée du dieu dont nous n'avons mémoire,
Et frappée de mutisme, au matin, qu'elle nous parle par signes et par intelligence du regard.
Et dans les signes du matin, à l'orient du ciel qu'il y ait aussi un sens et une insinuation.
Saint-John Perse,
Vents, V.
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mercredi, 07 juillet 2010
long et paisible bord de près, babord amures
Dans l'anticyclone, les vents thermiques de noroît ont atténué leur agressivité qui bloquait Dac'hlmat dans la quiétude de la baie de Quiberon.
ce qui pourrait être extrait du livre de bord :
La Teignouse fut passée contre deux heures de flot, de manière chaotique. La navigation du jour s'est achevée sur un long bord de près, babord amures, dans une mer belle, à peine ridée, un temps de demoiselle. Un sentiment d'effleurer le monde.
Si vivre est tel, qu'on s'en saisisse ! Ah ! qu'on en pousse à sa limite,
D'une seule et même traite dans le vent, d'une seule et même vague sur sa course,
Le mouvement !...
Saint-John Perse,
Vents
Beau déboulé dans le goulet de la rade de Lorient entre la haute tour rouge de la Petite Jument et la tourelle verte de la Citadelle : Dac'hlmat, grand'largue, à plus de cinq nœuds contre deux heures de jusant !
Accueil à l'espagnol avec "marinero" qui vous prend les aussières, à Port-Louis, tout neuf de son port de plaisance.
Et dans le calme des escales quelques bouquins qui seront parfois ouverts, le regard se levant des pages pour accueillir les ciels.
© Nicléane
Les bouquins ont été rangés dans le petit équipet qui fait usage de bibliothèque. Les uns pour combler les carences littéraires — la censure était rude chez les Bons Pères — : Stendhal et son "De l'amour", Flaubert et son "Éducation sentimentale".
Les autres pour creuser et la philosophie avec "Le miel et l'absinthe " de Comte-Sponville sur Lucrèce, et le voyage lié au poème avec une biographie sur Nicolas Bouvier, sous-titrée L'œil qui écrit.
Bouvier, sur un chantier archéologique en Bactriane où se métissent des écritures grecques, karoshti indienne et chinoise, note : « Moi qui pensais être ici au bout du monde, j'étais en son centre. »
Moi, sur mon Dac'hlmat, glissant sur des eaux paisibles, quand s'effacent les rivages de Bretagne Sud, je pense être nulle part.
* François Laut, Nicolas Bouvier, l'œil qui écrit, Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, 2010.
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dimanche, 04 juillet 2010
la justesse d'une voix
Escale à Port-Haliguen, dans le bel anticyclone des Açores.
Avant la météo marine, l'annonce de sa mort.
Terzieff !
Récemment, j'avais écouté Philoctète. Bien des années auparavant, aux temps vifs de notre jeunesse, c'était Tête d'or.
Y eut-il plus juste scansion du poème ?
Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t'inclinant
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
René Char
Commune présence
Le Marteau sans maître, 1934
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lundi, 28 juin 2010
Toponymie d'Yeu en deux listes
Quelques rues de Port-Joinville
Rue du Secret
Rue Forcée
Rue de l'Abesse
Impasse des mariés
Impasse de la Borgne
Rue des Gats Prompts
Rue Gâte Bourse
Plus savoureuse encore, une petite circumnavigation islaise au large des anses, des plages et des pointes
Plage de la Pipe
Pointe du Pé-de-Coulon
Plage de la Raie Profonde
Plage de la Petite Conche
Plage des Ovaires
Plage de la Grande Conche
Anse de la Cœillerotte
Anse de la Marmouille
La Piatchette
Anse de la Cochenoille
Anse de la Belle Armande
Le Trou Pisset
Le Trou des Oreilles d'âne
Les Amporelles
La Raie Mauvaise
Le Chapornu
La plage de la Pulante
ET
La Plage des Roses.
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dimanche, 27 juin 2010
à Yeu
Le 25 au soir, quand, au Foleux, nous larguons le ponton, un milan noir, haut dans le ciel.
Passée l'écluse d'Arzal, au mouillage de Tréhiguier, un couple de Tadornes de Belon surveille sa nichée dans la vasière de l'estuaire.
Le 26, par temps de demoiselle, longue descente ensoleillée sur l'île d'Yeu. Mau et moi retrouvons des étendues marines et des amers naguère familiers, la Banche et sa cardinale ouest qui balise le plateau, le Pilier, la Petite Foule, les Chiens Perrins.
Et entre les digues de Port-Joinville, la si belle passerelle de la Galiote d'où les Islaises hâlaient les thoniers, retour de la Biscaye.
Pêcheur qui t'es levé de bon matin,
Regarde à terre les Chiens Perrins :
Si malgré l'beau temps, la passe brise
Le suroît t'réserve une surprise.
Quand brise par calme la Sablaire
T'auras sal'temps d'ouest et misère
tiré de l'Almanach du Marin Breton 1906.
21:28 Publié dans les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 25 juin 2010
Ce soir, nous larguons
Après quatre jours de silence pour cause de livebox épuisée, Dac'hlmat largue les amarres pour trois semaines entre Yeu et Penmarc'h.
Là nous allions, la face en Ouest, au grondement des eaux nouvelles. Et c'est naissance encore
de prodiges sur la terre des hommes. Et ce n'est pas assez de toutes vos bêles peintes, Audubon! qu 'il ne m'y faille encore mêler quelques espèces disparues : le Ramier migrateur, le Courlis boréal et le Grand Auk...
Là nous allions, de houle en houle, sur les degrés de l'Ouest. Et la nuit embaumait les sels noirs de la terre, dès la sortie des Villes vers les pailles, parmi la chair tavelée des femmes de plein air. Et les femmes étaient grandes, au goût de seigles et d'agrumes et de froment moulé à l'image de leur corps.
Saint-John Perse
Vents.
À toutes et tous, aux prochaines bornes des ports.
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dimanche, 20 juin 2010
chant contre-chant III, ou mieux, kan an diskan III
S'achève ici la publication parallèle et antithétique du texte absolument misogyne extrait du Moravagine de Blaise Cendrars, roman halluciné, d'un déjanté total — je pense que cette lecture a dû m'épargner la lecture de... Sade et autre Bataille — et du lyrisme échevelé, à la fois saharien et océanique, de la Clef sarrazine, le texte de Jacques Lacomblez, poète et peintre surréaliste plus (trop ?) ignoré.
Cendrars donc
La femme est maléfique. L'histoire des civilisations nous montre les moyens mis en œuvre par les hommes pour se défendre contre l'avachissement et l'effémination. Arts, religions, doctrines, lois, immortalité ne sont que des armes inventées par les mâles pour résister au prestige universel de la femme. Hélas! cette vaine tentative est et sera toujours sans résultat aucun, car la femme triomphe de toutes les abstractions.
Au cours des âges, et avec plus ou moins de retard, on voit toutes les civilisations péricliter, disparaître, s'enfoncer, s'abîmer en rendant hommage à la femme. Rares sont les formes de sociétés qui ont pu résister à cet entraînement durant un certain nombre de siècles, ainsi que le collège contemplatif des brahmanes ou la communauté catégorique des Aztèques; les autres, comme celles des Chinois, n'ont pu qu'inventer des modes compliqués de masturbation et de prières pour calmer la frénésie féminine, ou, comme les chrétiennes et les bouddhiques, ont eu recours à la castration, aux pénitences corporelles, aux jeûnes, aux cloîtres, à l'introspection, à l'analyse psychologique pour donner un nouveau dérivatif à l'homme.
Aucune civilisation n'a jamais échappé à l'apologétique de la femme, à part quelques rares sociétés de jeunes mâles guerriers et ardents, dont l'apothéose et le déclin ont été aussi rapides que brets, telles que les civilisations pédérastiques des Ninivites et des Babyloniens, plutôt consommatrices que créatrices, qui ne connaissaient nul frein à leur activité fiévreuse, nulle limite à leur appétit énorme, nulle borne à leurs besoins, et qui se sont pour ainsi dire dévorées elles-mêmes en disparaissant sans laisser de traces, ainsi que meurent toutes les civilisations parasitaires en entraînant tout un monde derrière elles. Il n'y a pas un homme sur dix millions qui échappe à cette hantise de la femme et qui, en l'assassinant, lui porterait un coup direct ; et l'assassinat est encore le seul moyen efficace que cent milliards de générations de mâles et mille et mille siècles de civilisation humaine ont trouvé pour ne pas subir l'empire de la femme. C'est dire que la nature ne connaît pas le sadisme et que la grande loi de l'univers, création et destruction, est le masochisme.
Blaise Cendrars
Moravagine, pp.61-64
Le Livre de Poche, n° 275, Paris, 1960
©Bernard Grasset, 1926
Lacomblez, pour clore — mais cet affrontement entre la plus belle haine et le plus fol amour est-il jamais clos ?
Toi
sableuse du désert des étoiles
où la mer fait la mer
pour elle seule
sans l'ombre d'une vague
tant le jour meurt en elle
comme la pierre tendre dort
sous ton front vêtu d'oiseau
de brume
et de dégel
Belle incendiée du porphyre
à minuit
quand la flamme hésite
mains tendues
au miroir de tes seins levés
par la brise
Incendiée sous l'eau par la planète
en exil de ton épaule marquée
au cœur rouge
Statue de sel d'horizon
de peine perdue
de mille sourcils
dans le temple qui brûle
Au bord de l'amour
je t'appelle Antilope
pour le vent que tu chasses
pour la part du ciel que tu gardes
sous tes jambes
Je rêve et c'est l'éveil des eaux
c'est la fonte noire des neiges
ton regard de novembre
Scellé ton corps dérobe
à l'océan
la clef du galion.
La distance la plus courte de la fleur à l'étoile est couverte par tes cheveux noués en demeure paisible, en demeure ouverte pour y faire l'amour au lever du vent si tu veux que le vent te regarde nue, si tu veux que le vent se fasse plus salin que mon corps, plus floral que ma langue dans ta voix.
Aux deux châteaux fragiles, beaux chevaliers d'ombre et de peur, je fais un chemin de bois mort quand tes larmes donnent aux caresses la saveur des pierres lointaines, un chemin de bois mort impérissable comme l'arc-en-ciel qui porte de l'orage à la mer le signe de ton ventre.
Tu t'avances au fond de ton regard même vers un colombier d'estuaire où je tiens la vie recluse pour les oiseaux de ton retour, ces oiseaux à perte d'oiseau tant l'horizon s'emplit de plumages.
II reste un sentier de gel où le soleil d'attente fixe l'ombre comme une épée nue, un sentier qui nous sépare encore de la foule des regards, il reste une heure de presqu'île au-delà du remous de tes épaules. Mais vêtue seulement du vent de la plaine, tu poses ies doigts sur une pierre de montagne où j'écrivis jadis que la femme est un désir fait citadelle au bord de la mer. Le peu de la mer retenue dans les paumes jointes parce que c'est la mer entière qui bat dans nos mains.
Comme nous l'avons désiré, le bois peint aux couleurs de l'arbre laisse couler le sable de fourmis tendres et de rosés géantes. Nous revenons au château que nous fûmes dans la jeune royauté de ton corps, surpris de nous rencontrer sommeillant à même notre amour.
Tu dis : J'ai longtemps voyagé.
— Et pourtant l'étoffe est encore chaude sous la voûte des Maures.
Tu dis : II fait si loin, là-bas.
— Et pourtant c'est moi le milan qui vole dans tes,yeux.
Tu dis : Je t'aime.
— Et c'est ma voix que j'entends.
Jacques Lacomblez
La Clef sarrazine
in Poètes singuliers du surréalisme at autres lieux,
A.V Aelberts & J.J. Auquier, UGE 10/18/, 1971.
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