vendredi, 27 août 2010
« égaré » par mer calme
La semaine passée, trois jours de mer sans une ride... encalminés... à peine l'imperceptible balancement d'une lointaine houle,
j'ai ouvert Vents et ce fut comme si je lisais pour la première fois la violence et la colère dans les majestés fort convenues de Saint-John Perse.
Fracas des forces, ébranlement des balises.
Lecture d'un égaré.
Est-ce si sûr, cette venue des écritures nouvelles ?
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Elles épousaient toute colère de la pierre et
toute querelle de la flamme; avec la foule s'engouffraient
dans les grands songes bénévoles, et jusqu'aux
Cirques des faubourgs, pour l'explosion de la plus haute tente
et son échevèlement de fille, de Ménade,
dans un envol de toiles et d'agrès...
Elles s'en allaient où vont les hommes sans naissance
et les cadets sans majorât, avec les filles de licence
et les filles d'Église, sur les Mers catholiques
couleur de casques, de rapières et de vieilles châsses à reliques,
Et s'attachant aux pas du Pâtre, du Poète,
elles s'annexaient en cours de route la mouette mauve
du Mormon, l'abeille sauvage du désert et les migrations
d'insectes sur les mers, comme fumées de choses errantes
prêtant visière et ciel de lit aux songeries des femmes sur la côte.
Ainsi croissantes et sifflantes au tournant de notre âge,
elles descendaient des hautes passes
avec ce sifflement nouveau où nul n'a reconnu sa race,
Et dispersant au lit des peuples, ha ! dispersant
— qu'elles dispersent ! disions-nous — ha ! dispersant
Balises et corps-morts, bornes militaires et stèles votives,
les casemates aux frontières et les lanternes aux récifs;
les casemates aux frontières, bassescomme des porcheries,
et les douanes plus basses aupenchant de la terre;
les batteries désuètes sous les palmes, aux îles de corail blanc
avilies de volaille; les édicules sur les caps et les croix aux carrefours;
tripodes et postes de vigie, gabions, granges et resserres,
oratoire en forêt et refuge, en montagne; les palissades d'affichage
et les Calvaires aux détritus; les tables d'orientation du géographe
et le cartouche de l'explorateur ; l'amas de pierres plates
du caravanier et du géodésien; du muletier peut-être ou
suiveur de lamas ? et la ronce de fer aux abords des corrals,
et la forge de plein air des marqueurs de bétail,
la pierre levée du sectateur et le cairn du landlord,
et vous, haute grille d'or de l'Usinier, et le vantail ouvragé
d'aigles des grandes firmes familiales...
Ha ! dispersant — qu'elles dispersent ! disions-
nous — toute pierre jubilaire et toute stèle fautive,
Elles nous restituaient au soir la face brève
de la terre, où susciter un cent de vierges et d'aurochs
parmi l'hysope et la gentiane.
Ainsi croissantes et sifflantes, elles tenaient
ce chant très pur où nul n'a connaissance.
Et quand elles eurent démêlé des œuvres mortes
les vivantes, et du meilleur l'insigne,
Voici qu'elles nous rafraîchissaient d'un songe
de promesses, et qu'elles éveillaient pour nous,
sur leurs couches soyeuses,
Comme prêtresses au sommeil et filles d'ailes
dans leur mue, ah! comme nymphes en nymphoses
parmi les rites d'abeillage — lingeries d'ailes dans
leur gaine et faisceaux d'ailes au carquois —
Les écritures nouvelles encloses dans les grands
schistes à venir...
Vents, I, 3.
©Nicléane
Trois jours, et la brise ne se levait point, et nous étions plongés dans les beautés indicibles des horizons bleus et gris de l'ouest.
Heureux !
16:22 Publié dans les lectures, les marines, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
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