jeudi, 05 mars 2009
rien de nouveau sous le soleil
La décision du Conseil Constitutionnel semble considérer comme normales les prérogatives que s'attribue l'homme de l'Élysée de nommer les responsables des services publics de radio et de télévision. Il n'y a pas à s'étonner de cette entaille.
En faisant mes bagages pour aller quelques jours à Éphèse, je feuillette Héraclite ;
μάχεσθαι χρὴ τὸν δῆμον ὑπὲρ τοῦ νόμου ὅκωσπερ τείχεος.
Le peuple doit combattre pour la Loi comme pour ses murailles.
Le peuple (τὸν δῆμον) doit (χρὴ) combattre (μάχεσθαι) pour (ὑπὲρ) la loi (νόμου) comme (ὅκωσπερ) pour ses murailles (τείχεος).
cité par Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 2.
Ça fait un sacré bail que le peuple ne se préoccupe plus de ses murailles, mais de son ventre. Alors la Loi ?
14:26 Publié dans Les antiques, les civiques, les voyages | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 26 février 2009
matinée nostalgique
Il s'y connaît en remueur de nostalgie, l'ami "Bourdaily on the way"...
Sa dernière note comme la dernière cigarette de cette jeune femme, rencontrée à Marakechh.
ll achève le Journal de Thiron-Gardais dans ce qui a toujours fait, depuis que je le fréquente — l'an 2004 — sa singularité si passionnante, ce mêle d'érudition — la peinture, les sciences de la nature, les voyages, les lectures — et de parcelles de sa vie quotidienne — ses filles, ses cartons de déménagement, ses routes de nuit.
Nous nous étions reliés pour une rue de Nantes, dédiée à Évariste Luminais, pour la bougie des Énervés de Jumièges et de sublimes lactations virginales. Mais aussi, beaucoup de silences avaient continué le tissage de cette amitié de Toile.
J'entends bien sa lassitude. Il faut sans doute être dans la plus jeune ténacité de Berlol ou dans l'effervescence éditoriale et scripturaire de FB, pour ces apports quasi journaliers de pensers.
S'appuyer sur sa canne au détour d'un sentier, quand un printemps furtif s'annonce.
S'accoter au quai du port dans la brume de ce matin de février.
Ce sont les livres d'heures des Ulysse vieillissants de la Toile, parfois un peu las !
Mais le temps n'est pas encore venu, qu'ils prennent sur l'épaule leur rame bien faite pour aller au pays de qui ignorent la mer et mangent leur pitance sans sel.
εἰς ὅ κε τοὺς ἀφίκηαι οἳ οὐκ ἴσασι θάλασσαν
ἀνέρες, οὐδέ θ᾽ ἅλεσσι μεμιγμένον εἶδαρ ἔδουσιν·*
Kénavo, JCB !
À te relire, plus tard, mais ne tarde point trop !
* L'Odyssée, Chant XI, 120-124.
Ulysse, aux enfers, rencontre Tirésias de Thèbes.
Je persiste dans ma relecture homérique, quand, à mes côtés, Noémie, fille de ma fille, acceptant, certaines heures, de se dégager de son blogue "skyrockien" entreprend de conter un bref roman de chevalerie.
Atmosphère très "bourdaisienne" donc.
09:59 Publié dans Les blogues, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 23 février 2009
le récit athée
L'Odyssée, à l'instar de l'Iliade, est considéré comme un grand récit fondateur des structures narratives occidentales. Mais n'était-ce point là, manière d'occulter la portée philosophique d'Homère ?
S'opposant à l'épopée de Gilgamesh — s'en inspirant sans doute — s'opposant aux livres de la Genèse et de l'Exode, il est déjà confrontation du récit laïc aux récits religieux.
Premier récit "laïc" qui refuse l'immortalité, donc la foi et l'espérance qui sous-tendent l'aller à la Terre Promise des récits religieux.
L'Odyssée est l'épopée du "retour", retour et affirmation de la condition humaine et un refus de tous les Jardins d'Éden et d'ailleurs*.
Revenons maintenant à ce qui a été dit tant de fois d'Homère éducateur de la Grèce : qu'il est le germe de tout ce qu'on trouvera après. C'est le lieu commun classique, et c'est strictement vrai. Cela, nous le constatons avant même de commencer l'examen du contenu des poèmes, en voyant ce que sont ces textes, leur statut.
On peut le dire en très peu de mots : le texte « sacré » de la Grèce n'est pas un texte sacré. C'est déjà là une différence fondamentale par rapport à pratiquement toutes les cultures historiques que nous connaissons. Ce texte n'est pas religieux ni prophétique, il est poétique; l'auteur n'est pas un prophète, c'est un poète, c'est le poète. Ou, si vous préférez : le prophète de la Grèce, c'est un poète qui n'est pas aussi un prophète. Et, en un sens, quand on a dit cela, tout est dit.
Il est le poète, celui qui fait être. Et ce poète n'interdit rien, n'impose rien, ne donne pas d'ordre, ne promet rien : il dit. Et ce faisant, il ne révèle rien — il n'y a pas de révélation —, il rappelle.
Il rappelle ce qui a été et ce qui est en même temps le linéament de ce qui est, de ce qui peut être. Cela, il le rappelle à la mémoire des hommes...
Cornélius Castoriadis
Ce qui fait la Grèce
I. D'Homère à Héraclite,p. 95.
* Dans le Livre de la Genèse, à la sortie du Jardin, refusant l'immortalité en transgressant la règle de la connaissance divine, l'Ève et l'Adam hébraïques sont encore sur la voie grecque d'Ulysse, mais, dans le même Livre, le retour au religieux va se faire très vite avec Abram et l'acceptation de la promesse du dieu.
15:42 Publié dans Les antiques, les lectures, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 20 février 2009
le quatrième avatar et la suggestion d'un cinquième...
Il sera musical.
Ulysse s'éveille sur une grève d'Ithaque, mais il ne reconnaît point le rivage
Toutes choses à ses yeux semblaient autres,
les longs chemins, les ports de mouillage sûr,
les rocs escarpés, les bois touffus.
Il se tint debout, contemplant sans la reconnaître sa terre natale.
Il pleura. Paumes ouvertes se frappant les cuisses,
Gémissant : « Sur quel rivage, ai-je encore échoué ? »
Claudio Monteverdi livre son avant-dernier opéra, Le retour d'Ulysse dans sa patrie. Il est au sommet de son art, il est dans l'au-delà de ses soixante-dix ans, il est toujours dans le stile recitativo de son Orféo, mais la déclamation s'est approfondie.
Dans l'atelier de la Tisserande qui ignore encore l'échoué de la plage, s'élève le lamento.
Je me demande parfois, si mon cher Joachim — autre très mince, mais génial avatar — n'a pas trop anticipé le bonheur du marin.
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
Joachim Du Bellay, l'homme qui tissait déjà une toile d'amitié et de nostalgie — de "nostos", en grec, le retour —, dans ses cent quatre-vingt-onze "notes d'un blogue" qu'il intitulait Les Regrets.
C'était quasi un siècle avant l'œuvre de Monteverdi et plus de dix ans avant la traduction de l'Odyssée par Pelletier du Mans.
23:21 Publié dans Les antiques, Les musiques, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 19 février 2009
avatar III
Après le foisonnement burlesque de Joyce, le conte sensuel de Giono, voici le troisième avatar et nous pénétrons dans l'ironie sombre et la double nuit des Grands Aveugles : celle de l'Aède grec et du Bibliothécaire argentin.
Un récit si bref, vingt-cinq pages qui traversent des siècles et des continents, des fleuves et un simple ruisseau, et se dit être l'Immortel.
Personne ne peut écrire un livre. Pour
Qu'un livre soit vraiment,
Il faut l'aurore et le couchant,
Des siècles, des armes et la mer qui unit et sépare.
Homère a-t-il écrit l'Odyssée ? Ou est-ce ce tribun, Marcus Flaminius Rufus ? Ou ce Cartaphilus, antiquaire de Smyrne ? Peut-être ce mécréant de Jorge Luis Borgès, qui un jour réglera le problème de l'identité réelle de l'auteur de l'Odyssée en déclarant que l'Odyssée a été écrite par Homère « ou par un autre Grec portant le même nom » ?
Je déroge à ma petite règle du premier et dernier paragraphe de l'œuvre, je glisse le dernier paragraphe du chapitre III de ce récit qui en contient cinq, précédés d'un préliminaire et suivis d'un post-scriptum — on sait le goût raffiné de l'érudit pour les éléments du paratexte.
C'est un écrit à lire en fermant les yeux après chaque phrase, ces vingt-cinq pages qui seront la durée d'une lecture courante de l'Odyssée. Quelques secondes ? Une éternité ? Hors temps, certainement !
Il est curieux que tous ceux qui écrivent sur cet récit éprouvent le besoin de doubler, tripler, voir plus, le nombre de pages de leur commentaire, en regard de l'original.
Voilà où m'a mené ce post-it décollé, glissant d'un vieux dossier.
Autant que je me souvienne, mes épreuves commencèrent dans un jardin de Thèbes Hékatompylos, quand Dioclétien était empereur. J’avais servi (sans gloire) durant les récentes campagnes d’Égypte, tribun dans une légion en garnison à Bérénice, en face de la Mer Rouge.
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Je lui demandai ce qu'il savait de l'Odyssée. L'usage du grec lui était pénible ; je dus répéter ma question.
« Très peu, dit-il, moins que le dernier rhapsode. Il y a déjà mille cent ans que je l'ai inventée. »
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Quand s'approche la fin, il ne reste plus d'images du souvenir ; il ne reste plus que des mots. Il n'est pas étrange que le temps ait confondu ceux qui une fois me désignèrent avec ceux qui furent symboles du sort de l’homme qui m'accompagna tant de siècles. J'ai été Homère; bientôt, je serai Personne, comme Ulysse ; bientôt, je serai tout le monde : je serai mort.
Jorge Luis Borgès
L’Aleph,
L’Imaginaire/Gallimard
Post-scriptum :
L'Immortel ne fut pas ma première lecture de ce recueil, L'Aleph, que je découvris en 1968.
Ce fut lors d'une mise en scène — un comble d'audace naïve, mais en Éducation populaire, nous faisions souvent fi de la gravité des textes érudits !— d'un "Livre Vivant" sur L'Écriture du Dieu, un parmi les dix-sept récits, qui narre la découverte de la sentence qui permit au dieu la création du monde ! Rien que cela.
16:45 Publié dans Borgès alors ?, Les antiques, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 18 février 2009
embrumé, enrhûmé
Les commentaires "homériques" sont sous la couette.
Et comme les Filles* sont là, l'écran n'est guère disponible.
Comble de malchance, le petit iBook voit (!) sa nappe vidéo rendre l'âme et l'on m'affirme qu'il n'y a plus de pièces détachées pour cette série (UV2012UDLLN de 2002).
L'adieu au bon vieux système Mac OS 9 ?
Je ne me résous guère au "bon à jeter".
Ça n'améliore point la situation du bonhomme sous couette.
Pour cependant, poursuivre les élargissements homériques, sur France Cul, Théo Angelopoulos dans À voix nue.
Cette note ressemble quasi mot pour mot à la note de la veille mais qui ne fut point enregistrée et donc pas publiée. Affres des fièvres !
Quand au haché des parutions sur ce blogue, j'invite à lire le journal de Thiron-Gardais tenu par l'ami que je ne peux que toujours nommer "Bourdaily on the web".
* Le "comble de malchance" n'est à attribuer qu'à l'obscurcissement de la nappe vidéo et aux raclements bronchiteux, la présence de Noémie et de Célia tenant de la tendresse du vivre, du rire et de... l'accaparement de l'iMac, qui me permettra ensuite d'être initié aux plaisirs de MSN (avec enfin l'utilité de Photo Booth et Bluetooth) et de LimeWire, en toute légalité — tout en me laissant entendre que Mozart... "avec LimeWire, ce n'est pas sûr qu'on trouve" (sic !).
L'avatar III de l'Odyssée ne devrait pas tarder.
AILLEURS — c'est sans doute le plus important :
La poétaille piétaille négraille des Caraïbes s'éveille. Que prennent garde les petits Césars !
À lire le manifeste.pdf, transmis par l'ami du Cœur de Ptah.
15:51 Publié dans Les blogues | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 11 février 2009
avatar II
Mon second avatar : Naissance de l'Odyssée !
C'est écrit, de 1919 à 1923, par un jeune homme qui revient de guerre, de la Grande, celle qui ne sera pas la dernière, il est un modeste employé dans une banque de Manosque qui le nomme à son agence de Marseille.« Ce livre a été écrit dans un souterrain... Cétait une place à la conservation des titres ; ces titres se conservaient dans des coffres et ces coffres se conservaient dans le sous-sol. C'est là que je travaillais. »*
Ce pourrait être une "pagnolade" avant la lettre. De l'aveu même de Giono, « il ne faut considérer ce livre que comme un jeu littéraire... Vers l'époque 1920, je n'avais qu'un Blible, revenue blessée à mort de la guerre, et l'Odyssée. C'est cette Odyssée bleue et verte, toute mouillée des bavures de l'eau que j'allais lire en colline pour me calmer le cœur. »* Il avouait avoir fréquenté, dans son adolescence, la Bible, Homère et les Tragiques grecs, Virgile, achetés et lus dans les Classiques Garnier — j'en ai encore, jaunis, défraîchis, décousus, une cinquantaine si j'y ajoute les "Hatier", serrés tout au bas d'une étagère ; et encore consultés.
"Pour (se) calmer le cœur," Giono s'enfonça plus loin encore dans l'écriture.
Il a pris le pli homérique des images et s'empare du mouvement de la grande narration occidentale : Naissance de l'Odyssée, ce sera la gestation des grands récits futurs. Viendront Le Chant du Monde, Le Hussard sur le toit, Les Grands chemins, Le Bonheur Fou, L'Iris de Suse, ces sortes de "road movies" comme on le dit des films.**
C'est la saveur et la cruauté, la langue gorgée de sang, de vin, de sexe et d'eau salée, d'aridité ! Tout s'inclut déjà dans les premiers et derniers mots, premières et dernières phrases, premiers et derniers pragraphes.
Aplati sur le sable humide, Ulysse ouvrit les yeux et vit le ciel. — Rien que le ciel ! Sous lui, la chair exsangue de cette terre qui participe encore à la cautèle des eaux.
La mer perfide hululait doucement : ses molles lèvres vertes baisaient sans relâche, à féroces baisers, la dure mâchoire des roches.
Il essaya de se dresser : ses jambes, des algues ! Ses bras, des fumées d'embruns ! Il ne commandait plus qu'à ses paupières et, elles étaient ouvertes sur la désolation du ciel ! Il ferma les yeux. — Le désespoir se mit à lui manger le foie.
Des claquements de petits pieds battirent, puis des exclamations, si humaines, qu'elles étaient comme fleuries.
Les voix voletaient au-dessus de son corps. Sa peau entendait la tiédeur de ce souffle que pétrissait la langue. Il releva un peu ses paupières : il était entouré par un cercle de jambes nues. Son regard fit le tour puis monta au long d'elles. Les jarrets sculptés par l'effort derrière l’araire, les cuisses... Deux montaient sans poils sous la tunique, deux cuisses ombrées de bleu !
Son regard échela : des seins ! C'était une femme !
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On chanta derrière les cyprès. Une chanson sauvage, comme hachée par des dents qui voulaient mordre. Elle parlait de « tripes au soleil » et de « gueule écrasée à coups de talon».
Ulysse à pas feutrés s'approcha de la sombre barrière. II écarta doucement le feuillage : Télémaque !
Il était encore tout ruisselant de l'orage passé : ses cheveux plats serraient son crâne comme un casque.
Résolu et grave, il appointait soigneusement à la serpe un épieu en bois de platane.
Jean Giono,
Naissance de l’Odyssée.
* Tiré des préfaces à Naissance de l'Odyssée écrites par Giono entre 1930 et 1960,
pp. 843-846, Œuvres romanesques complètes, tome I, La PLéiade, 1971
** Sont loin d'être oubliées les Géorgiques à la manière de Virgile : Colline, Un de Baumugnes, Regain, Que ma joie demeure, etc, et les chroniques à la Stendhal : Un roi sans divertissement, Le moulin de Pologne, Noé, Les âmes mortes, Ennemonde et autres caractères, Voyage en Italie , etc. Œuvres souvent comme autant d'Odyssées immobiles
Sites :
• Centre Jean Giono de Manosque.
• Le voyageur immobile
10:31 Publié dans Les antiques, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 09 février 2009
intermède à des avatars
Le matin d'une tempête, il importe d'être éveillé à l'aube.
Quand, il y a quelques jours, j'ai entrepris cette petite odyssée portative, je suis allé un peu vite en besogne en mentionnant brièvement la possible existence d'un quelconque navet hollywodien qui s'avérera être un parfait péplum italien.
J'avais occulté mes propres souvenirs au bénéfice de la donne mal maîtrisée de la Toile qui dans une recherche trop rapide par "moteurs" — google, exalead, clusty ou autre lycos, bref encore des avatars — ne mentionnait ni 2001 : l'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick, ni l'œuvre cinématographique de Théo Angelopoulos : Le regard d'Ulysse, L'Éternité et un jour et Éléni, La terre qui pleure, premier volet d'une trilogie en cours de création.
La dernière (?) traduction de l'Odyssée serait celle de Frédéric Mugler, publiée par Actes Sud dans sa collection de poche Babel en 1995.
Au prochain avatar !
23:19 Publié dans Les antiques, Parfois un film, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 08 février 2009
avatar I
note dédiée à Th qui, dans le texte, peut
— mais ne veut ? — lire Ulysses de ce James Joyce.
Premier avatar de l'Odyssée : l'espace maritime méditérrannéen — au delà, sans doute — et la longue durée de l'errance se réduisent à l'étroite géographie urbaine de Dublin et à la seule journée d'une déambulation citadine.
Les quatre cents pages d'un Folio homérique s'épaississent en mille cent trente cinq pages d'un autre Folio, joycien celui-là. Et voilà le lecteur confronté à l'application de l'adage appliqué par Roland Barthes à Proust : « Bonheur de lire (Joyce) on ne saute jamais les mêmes passages ! »
Humble aveu : de ce gros bouquin, je n'ai lu intégralement que les vingt premières et les soixante dix-huit dernières pages— celles-ci pour la seule raison qu'elles ne sont que l'unique phrase non ponctuée d'un long monologue paragraphé de Marion Bloom, dite Molly, la Pénélope dévergondée, sublime et ravageuse de l'Odyssée irlandaise.
Pour le reste, trois ou quatre ou cinq pages, de ci, de là, au hasard des heures et des saisons. Donc, je n'ai pas encore tout lu. À fortiori, quand je pratique fréquemment la relecture des pages mentionnées. C'est ainsi que je n'ai pas encore rencontré Bella Cohen qui serait la patronne d'une maison de passe, avatar gaélique de la grotte de Circé.
Ne voici que les cinq premières et dix dernières lignes de ce monstrueux, délirant, inépuisable feuilletage où, à l'adresse à la Muse, se substitue le parodique "introïbo" d'un Buck Mulligan, version irlandaise d'un Hermès bouffi, avant que n'entrent, entre autres, en scène, Stephen Dédalus, moderne Télémaque et au chapitre II, son père, Léopold Bloom, époux cocu de la dévergondée Molly, le héros qui, plus tard à la page 741 désirera être mère et dont le nonce du pape, en uniforme de zouave pontifical énoncera la généalogie à la page suivante : Leolpodi autem generatio...
Majestueux et dodu, Buck Mulligan parut en haut des marches, porteur d'un bol mousseux sur lequel reposaient en croix rasoir et glace à main. L'air suave du matin gonflait doucement derrière lui sa robe de chambre jaune, sans ceinture. Il éleva le bol et psalmodia :
— Introïbo ad altare Dei.
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.... O et la mer la mer écarlate quelquefois comme du feu et les glorieux couchers de soleil et les figuiers dans les jardins de l'Alameda et toutes les ruelles bizarres et les maisons rosés et bleues et jaunes et les roseraies et les jasmins et les géraniums et les cactus de Gibraltar quand j'étais jeune fille et une Fleur de la montagne oui quand j'ai mis la rose dans mes cheveux comme les filles Andalouses ou en mettrai-je une rouge oui et comme il m'a embrassée sous le mur mauresque je me suis dit après tout aussi bien lui qu'un autre et alors je lui ai demandé avec les yeux de demander encore oui et alors il m'a demandé si je voulais oui dire oui ma fleur de la montagne et d'abord je lui ai mis mes bras autour de lui oui et je l'ai attiré sur moi pour qu'il sente mes seins tout parfumés oui et son cœur battait comme fou et oui j'ai dit oui je veux bien Oui.
James Joyce
Ulysse, (titre original : Ulysses)
Folio/Gallimard
Voilà le premier avatar, véritable tohu bohu langagier..
Qui se clôt sur une interrogation : certaines méchantes langues suspectant l'acquiescement final de Molly Bloom de ne pas être à l'adresse de Léopold ?
Mais qui est sûr de la fidélité de Pénélope, la fileuse d'Ithaque : certaines autres — les mêmes ? — laissent entendre qu'elle n'aurait point été insensible au "lumineux" Amphinomos.
Et si James Joyce bouleversait des siècles d'orthodoxie homérique ?
Télémaque ne s'interroge-t-il pas, lui-même, sur sa filiation : « Ma mère dit que je suis bien son fils, mais, moi, je n'en sais rien. » C'est sa réponse à Mentès dont Athéna a revêtu l'apparence de prince pirate, (in Odyssée, I, 213-216).
23:31 Publié dans Les antiques, les lectures, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 06 février 2009
avatars de traduction
Je ne mesurerai point mon petit chantier sur l'Odyssée et ses avatars à la réflexion de Borgès, qui, sur les traductions de l'Odyssée, confesse son "ignorance opportune du grec" et se réjouit de leur abondance :
« On peut imputer cette richesse hétérogène et même contradictoire...à la seule longueur de l'original, aux écarts ou à la capacité diverse des traducteurs, mais plus encore à cette circonstance qui doit être particulière à Homère ; la difficulté catégorique de savoir ce qui appartient au poète et ce qui appartient à la langue. C'est à cette heureuse difficulté que nous devons la possiblité de tant de versions, toutes sincères, auhentiques et divergentes. »
Les traductions d'Homère,
en marge de Discussions, La Pléiade, p. 290.
L'Argentin songeait aux traductions surtout anglaises, « car les lettres en Angleterre ont toujours sympathisé avec cette épopée de la mer. » et souligne l'admirable jeu des qualificatifs homériques.
De combien d'épithètes fut affublé Ulysse ?
Parmi les vingt-quatre traductions françaises recensées, j'en ai privilégié une par siècle depuis celle de Pelletier du Mans en 1570, qui fut première en France. Et une femme parmi ces mâles héllénistes, Anne Dacier, née Lefèbvre !
Enseigne moi, Muse, le personnage,
plein d’entreprise et de savoir en son age
Lequel après qu’il eut saccagé
Troye la grand’, a longtemps voyagé,
Et en errant les villes à passées
D’hommes divers, & compris leurs pensées :
Qui a souffert maints travaux périlleux
Dessus la mer, avec soing merveilleux
De rachetter sa vie & de donner
Moyens aux siens de pouvoir retourner
Pelletier du Mans, 1570
Muse raconte moy l’homme fin & rusé
Qui long temps erra, depuis qu’il eut rasé
Le sacré mur de Troye, & d’hommes & de villes
Remarqua les façons farrouches & civiles,
il eut en son esprit en courant sur les mers
Des douleurs en grand nombre & des travaux amers
Pour garder plein de soin & de peyne infinie
Sa vie, & ramener ceux de sa compagnie.
Salomon Certon, 1604
Muse, contez-moi les aventures de cet homme prudent
qui, après avoir ruiné la ville sacrée de Troie, fut errant
plusieurs années en divers pays, visita les villes de différents peuples,
et s'instruisit de leurs coutumes et de leurs mœurs.
Il souffrit des peines infinies sur la mer pendant qu'il travaillait à sauver sa vie
et à procurer à ses compagnons un heureux retour.
Anne Dacier 1716
Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps,
après qu'il eut renversé la citadelle sacrée de Troie.
Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ;
et, dans son cœur, il endura beaucoup de maux, sur la mer,
pour sa propre vie et le retour de ses compagnons.
Leconte de Lisle, 1867
C'est l'Homme aux mille tours, Muse, qu'il faut me dire,
Celui qui tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte,
Celui qui visita les cités de tant d'hommes et connut leur esprit,
Celui qui, sur les mers, passa par tant d'angoisses,
en luttant pour survivre et ramener ses gens.
Victor Bérard, 1924
Secrètement, la seule satisfaisante serait celle de la lectrice ou du lecteur !
Mais je reviendrai, un jour à venir, sur Borgès et Ulysse.
Post-scriptum :
À propos de cinéma, mais bien sûr ! Existe un méchant film italien en technicolor, oui, avec Silvana Mangano, Rossana Podesta, Kirk Douglas, Anthony Quinn et Daniel Yvernel (!).
Poseïdon d'encore fulminer et Athéna d'en trembler, enfin, de...jalousie !
17:26 Publié dans Borgès alors ?, Les antiques, les lectures, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (3)
jeudi, 05 février 2009
quelques avatars d'Ulysse
Aprè la Folle Journée et un retour studieux à l'Anabase, un signet orange a glissé d'un classeur : j'y avais rapidement noté, il y a cinq ou six ans, les première et dernière phrases de certains avatars de l'Odysée pour quoi j'ai quelque passion.
Je me livre à une petite entreprise de publication en étoffant le thème, car l'Odyssée (Ulysse, donc !) c'est de la musique, de la bande dessinée, des mangas, une série télévisée... et plus sans doute — doit bien exister un vieux navet hollywodien !
Le choix se resserrera sur quatre ou cinq de ces avatars. Au jour le jour !
Voici les premiers versets du Chant I.
J'avoue que pour les cinq derniers, je ne sais si je jouerai le jeu. En quête d'une traduction satisfaisante — c'est celle de Philippe Jacottet, ici proposée — j'en ai découvert plus de vingt*, de celle de Pelletier du Mans en 1570 à celle de Jacottet en 1955.
De plus récentes ? Une traduction mienne — mais pour ces cinq vers seulement — à moins que ce ne soit la vôtre, vous qui parcourez cet écran.
Donc, Ulysse d'HOMÈRE, encadré par un premier avatar, celui de Homère (sic), Lob et Pichard**.
Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροΐης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσε·
πολλῶν δ’ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω,
πολλὰ δ’ ὅ γ’ ἐν πόντῳ πάθεν ἄλγεα ὃν κατὰ θυμόν,
ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων.
Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif :
celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra,
voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages,
souffrant beaucoup d’angoisses dans son âme sur la mer
pour défendre sa vie et le retour de ses marins.
* Sur un site à couper le souffle du plus homérique des lecteurs français.
** Dans la Collection Mythologie, édition Glénat, 1981.
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mardi, 03 février 2009
Epaules nues et gueule burinée
à M et A H
pour ces jours dans la chaleur de l'amitié,
de la musique et de la mer.
Entre la Folle Journée — avec un pluriel —, de Heinrich Schütz à Jean-Sébastien Bach et le VendéeGlobe, le blogue s'est effacé devant les écoutes, les échanges, les balades et l'amitié.
Il y eut de belles épaules nues sous les projecteurs du palais des Congrès, et l'on peut soupçonner en écoutant le Magnificat en ré majeur de Bach que Gabriel, le visiteur de la future vierge-mère ait eu une archangélique érection spirituelle — il ne venait point pour lui, mais pour l'Esprit-Saint, et il avait annoncé, six mois auparavant, une nouvelle identique à la cousine âgée de :
Miriâm dit au messager :" Comment cela peut-il être
puisqu'aucun homme ne m'a pénétrée ?"
Le messager répond et lui dit :
"Le souffle sacré viendra sur toi, la puissance du Suprême t'obombrera.
Ainsi celui qui naîtra de toi, sacré, sera appelé Bèn ÉLohîm."
Et Miriâm visitant sa cousine, d'entonner le chant :
Oui, le Puissant a fait en moi de grandes choses et sacré est son nom.*
L'archange peut être satisfait de sa tâche de messager, et nous de la musique céleste de Bach qui soulève si allègrement les épaules nues des belles cantatrices.
La Passion selon Mathieu avec le grand vieillard qu'est désormais Michel Corboz fut une longue et paisible méditation nocturne ; je craignais l'ennui sinon l'endormissement, les trois heures furent de haute veille.
Le lendemain, une sonate de Dietrich Buxtehude — les concerts de Schütz et consorts avaient été dévorés par les grands matinaux de la première semaine de janvier qui avaient fait la queue aux portes du palais dès deux heures du matin — et la Cantate 150 de Bach par le Capriccio Stravagante de Skip Sempé et les Solistes de Pygmalion : une musique à pleurer de joie, interprétée dans l'airain des voix et la douceur des cordes.
Comment le père Bach, sur des textes aussi débiles, à en perdre la foi ...si vous l'avez encore, écrivait-il de pareilles compositions ?
Sur Arte, il y a encore de beaux restes à écouter et voir !
Pour la première fois sur ce blogue, je vous propose d'écouter les sons qui vont suivre ; c'était jeudi soir dans la Grande Halle ! La "négraille" d'Aimé Césaire, à sa façon, célèbre Bach et c'est tout aussi fascinant que le soulèvement des épaules blanches et nues des belles du Magnificat.
Non, nous ne sommes pas allé aux jetées des Sables d'Olonne. La foule de la Folle Journée nous suffisait et la bise de Nordé ne devait être guère accueillante. Mais, belle est la victoire du grand à la gueule burinée, grand parmi les marins de la vallée des Fous — ainsi nomme-t-on le vallon où s'ouvre Port-La Forêt.
Amants, nous ne sommes point gens de labour ni valets de moisson. Pour nous la haute et libre vague que nul n'attelle ni n'oblige. Et pour nous, sur l'eau neuve, toute la nouveauté de vivre, et toute la grande fraîcheur d'être...**
Après la musique, l'eau devait manquer aux vieux marins, point fous, que nous sommes devenus, le village de Passay nous accueillit et Grand'Lieu s'étendait comme le long recitativo secco d'une passion de Schütz !
Post-scriptum :
*Les brefs passages cités — Luc, I, 34-35 — sont extraits de la Bible traduite et présentée par André Chouraqui, chez Desclée de Brouwer, 1989.
** Saint-John Perse, Amers, Poésie/Gallimard, 1970.
L'image du lac est de Nicléane.
14:24 Publié dans les marines, Les musiques | Lien permanent | Commentaires (3)
mercredi, 28 janvier 2009
votre "librairie en ligne"
Depuis quelques jours, il y a ajout dans la colonne de droite ; d'abord, il y eut un courriel émanant de LITOR annonçant l'existence d'un site : Babelio, de la bibliothèque papier au réseau social.
Babelio permet de cataloguer et de classer ses livres en ligne. Les internautes peuvent créer leur bibliothèque virtuelle et y ajouter leurs livres en quelques clics. Toutes les informations bibliographiques disponibles sont importées automatiquement : titre, auteurs, édition, image de couverture, résumé. Les utilisateurs peuvent ensuite classer leurs livres en les étiquetant, partager des critiques ou des citations, et personnaliser leur profil de lecture.
Sur le modèle des réseaux sociaux existants sur le web (Facebook, Linkedin, Last FM...) Babelio vise à mettre en contact les internautes par affinité de lecture. En recommandant automatiquement à ses membres les bibliothèques qui leur ressemblent, Babelio favorise l'échange de suggestions et d'impressions de lectures.
Babelio réunit aujourd'hui les bibliothèques de près de 6000 passionnés de lecture, et plus de 270 000 livres.
Comme "réseau social", Babelio me parle plus que FaceBook, quoiqu'on puisse autant, sinon plus, "bluffer" dans le virtuel ; je n'ai jamais trop apprécié l'exposition de la bibliothèque comme statut social et dans le virtuel de la Toile, toutes les infatuations et excroissances sont permises. Je n'ai sans doute point dérogé à ces glissements autosatisfaits en "exposant" mes premiers bouquins. Mais l'expérience m'a tenté et plus que d'exposer ma gueule, je préfère montrer quelques uns de ces amas de papier qui façonnent sur étagères mon enceinte de bienheureuse solitude.
J'ai donc insérer un "widget" dans ma colonne de droite : les bouquins changent — trois au hasard — à chaque visite faite au blogue.
J'ai quelques gênes : typographies limitées dans les notes de critique et de citations, répulsion très affirmée pour les "étoiles" qui notent les livres, pour le cartouche mentionnant les librairies en ligne, méfiance pour les fiches de description rédigées par les lecteurs — les références à "wikipédia" semblent fréquentes et j'ai déjà eu quelques divergences avec une rédactrice à propos de la biographie (?) d'Héraclite.
Je n'ai pas encore trouvé — pas cherché, non plus — les "bibliothèques" qui auraient mes préférences.
Ce que je souhaiterais, c'est que ces préférences puissent se manifester à partir des liens qui se sont tissés et se tissent dans ma vie quotidienne, dans ma rue, dans ma petite cité, sur les quais que j'arpente, dans ce petit coin de la Toile où je lis et suis lu !
Demeure une question quant à l'utilisation deBabelio : où et comment faire émerger ces écrits qui s'accumulent sur mon disque dur ? Je pense à mes écrits de publie.net, à ces fichiers en .pdf que j'accumule pour les travaux de l'atelier de Grec ancien.
Allez visiter le site — déjà recommandé dans ma note du 8 de ce mois — de JuxtaLinéaires, par exemple, — les Latins y sont aussi. Autant de fac-similés, scannés, à portée d'écran !
Le "grand vieux" Borgès n'avait pas rêvé :
La Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible.
16:35 Publié dans Borgès alors ?, les lectures, Web | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 24 janvier 2009
sur la Place de la Toile, le droit de se déconnecter
En écoutant en direct, le... différé de Place de la Toile, sur le droit à la déconnexion — rien que ça —, tout en feuilletant le bouquin de Marcel Mathiot, Carnets d'un vieil amoureux, — voila un vieux qui aurait bien blogué entre 2000 et 2004 — je me retrouve en l'état de ce dernier, AHURI d'être passé en si peu d'ans de la brouette de ma grand'mère maternelle, descendant laver le linge sale des autres à la rivière, avec sa lessiveuse, son trépied, ses bûches, son bat-drap et son baquet, un matin glacé de janvier, ahuri donc d'être passé en si peu de jours... à cette machine à laver que je viens d'allumer dans une maison bien tiède pour quelques mouchoirs — mais oui encore ! — deux ou trois "polaires, un torchon et même quelques "loungewear" (ahurissant ! n'est-ce pas ce mélange avec les mouchoirs de Cholet).
Ce droit à la déconnexion, c'est vraiment tout fait dans la logique des Droits, droits de l'enfant, droits des femmes, droits de l'homme — pardon de l'humain —, ce ventre mou de nos sociétés libérales qui, en le dissimulant fort habilement, autorise le riche à écraser les pieds du pauvre.
Ainsi le droit de ma grand'mère à briser la glace de la Vilaine pour laver les caleçons merdeux de monsieur, du château de Trenon, comte de Saint-Germain, et les culottes ensanglantées de madame la comtesse !
Et mon droit à "ma" machine à laver !
Merdre !
Tempête sur le golfe de Gascogne. Le vent de Galerne hurle sous les portes.
Post-scriptum : Et comme ce matin, je n'en suis pas un ahurissement près, mais que j'éprouve besoin de certaine douceur, dans Répliques, tout de suite, notre grognon de service, Alain Finkielkraut, s'entretient avec Renaud Camus (sans doute antisémite et parfait amant de la langue) de l'ineffable Paul-Jean Toulet. M'émerveilla jadis, cet ineffable — et sans doute aujourd'hui encore :
Carthame chatoyant, cinabre,
Colcothar, orpiment,
Vous dont j'ai goûté l'ornement
Sur la rive cantabre :
Orpiment, dont l'éclat soyeux
Le soleil qui reflète ;
Cocothar, tendre violette
Eclose dans ses yeux ;
Fleur de cinabre, étroite et rare,
Secret d'un beau jardin ;
Carthame et toi, rose soudain,
Dont sa pudeur se pare...
Contrerimes
De la linguistique — ou de la poésie, — à votre gré, en "loungewear" !
08:08 Publié dans Les blogues, les lectures, Web | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 23 janvier 2009
une jeune fille lisant
Hier, 22 janvier 2009, 7 heures 30 du matin.
Dans le tramway, pluie frappant les vitres embrumées, avis de grand Frais sur le golfe de Gascogne.
Peu de voyageurs.
Elle s’assoit devant moi, à contre sens.
Vêtue de noire, emmitouflée dans un châle. Peau sombre. Mains gantées de mitaines.
Pakistanaise ? Iranienne ? Afghane ?
Moyenne-orientale, certes ! Elle n’a pas vingt ans. Est-elle jolie ? Peut-être ! Je la vois pour la première fois. Comme moi, elle est montée à la Neustrie.
De son sac damassé, elle sort un petit livre à la reliure de cuir brun. Elle le feuillette — Le geste me met en éveil — de gauche à droite. À peine, ses lèvres bougent. Elle appuie le livre sur ses genoux. J’entrevois alors les entrelacs enluminés qui encadrent chaque page et je vois l’écriture arabe. Fugitivement, quand elle rehaussera le livre à hauteur de sa poitrine, j'identifierai, sur ce qui est pour nous la quatrième de couverture, le titre :
Le Coran, Al Q'ran, القرآن
À la Balinière elle referme le livre et le glisse dans le sac, dont elle retire — et je ne puis que sourire— Lorenzaccio de Musset dans l’édition de Garnier-Flammarionen en poche.
Elle est descendue à Hôtel-Dieu.
Je suis demeuré songeur.
Le vent se déchaîne sur le fleuve.
23:29 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)