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mercredi, 11 février 2009

avatar II

Mon second avatar : Naissance de l'Odyssée !
C'est écrit, de 1919 à 1923, par un jeune homme qui revient de guerre, de la Grande, celle qui ne sera pas la dernière, il est un modeste employé dans une banque de Manosque qui le nomme à son agence de Marseille.« Ce livre a été écrit dans un souterrain... Cétait une place à la conservation des titres ; ces titres se conservaient dans des coffres et ces coffres se conservaient dans le sous-sol. C'est là que je travaillais. »*

Ce pourrait être une "pagnolade" avant la lettre. De l'aveu même de Giono, « il ne faut considérer ce livre que comme un jeu littéraire... Vers l'époque 1920, je n'avais qu'un Blible, revenue blessée à mort de la guerre, et l'Odyssée. C'est cette Odyssée bleue et verte, toute mouillée des bavures de l'eau que j'allais lire en colline pour me calmer le cœur. »* Il avouait avoir fréquenté, dans son adolescence, la Bible, Homère et les Tragiques grecs, Virgile, achetés et lus dans les Classiques Garnier — j'en ai encore, jaunis, défraîchis, décousus, une cinquantaine si j'y ajoute les "Hatier", serrés tout au bas d'une étagère ; et encore consultés.

"Pour (se) calmer le cœur," Giono s'enfonça plus loin encore dans l'écriture.
Il a pris le pli homérique des images et s'empare du mouvement de la grande narration occidentale : Naissance de l'Odyssée, ce sera la gestation des grands récits futurs. Viendront Le Chant du Monde, Le Hussard sur le toit, Les Grands chemins, Le Bonheur Fou, L'Iris de Suse, ces sortes de "road movies" comme on le dit des films.**

C'est la saveur et la cruauté, la langue gorgée de sang, de vin, de sexe et d'eau salée, d'aridité ! Tout s'inclut déjà dans les premiers et derniers mots, premières et dernières phrases, premiers et derniers pragraphes.

Aplati sur le sable humide, Ulysse ouvrit les yeux et vit le ciel. — Rien que le ciel ! Sous lui, la chair exsangue de cette terre qui participe encore à la cautèle des eaux.
La mer perfide hululait doucement : ses molles lèvres vertes baisaient sans relâche, à féroces baisers, la dure mâchoire des roches.
Il essaya de se dresser : ses jambes, des algues ! Ses bras, des fumées d'embruns ! Il ne commandait plus qu'à ses paupières et, elles étaient ouvertes sur la désolation du ciel ! Il ferma les yeux. — Le désespoir se mit à lui manger le foie.
Des claquements de petits pieds battirent, puis des exclamations, si humaines, qu'elles étaient comme fleuries.
Les voix voletaient au-dessus de son corps. Sa peau entendait la tiédeur de ce souffle que pétrissait la langue. Il releva un peu ses paupières : il était entouré par un cercle de jambes nues. Son regard fit le tour puis monta au long d'elles. Les jarrets sculptés par l'effort derrière l’araire, les cuisses... Deux montaient sans poils sous la tunique, deux cuisses ombrées de bleu !
Son regard échela : des seins ! C'était une femme !
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On chanta derrière les cyprès. Une chanson sauvage, comme hachée par des dents qui voulaient mordre. Elle parlait de « tripes au soleil » et de « gueule écrasée à coups de talon».
Ulysse à pas feutrés s'approcha de la sombre barrière. II écarta doucement le feuillage : Télémaque !
Il était encore tout ruisselant de l'orage passé : ses cheveux plats serraient son crâne comme un casque.
Résolu et grave, il appointait soigneusement à la serpe un épieu en bois de platane.

Jean Giono
,
Naissance de l’Odyssée.


* Tiré des préfaces à Naissance de l'Odyssée écrites par Giono entre 1930 et 1960,
pp. 843-846, Œuvres romanesques complètes, tome I, La PLéiade, 1971

** Sont loin d'être oubliées les Géorgiques à la manière de Virgile : Colline, Un de Baumugnes, Regain, Que ma joie demeure, etc, et les chroniques à la Stendhal : Un roi sans divertissement, Le moulin de Pologne, Noé, Les âmes mortes, Ennemonde et autres caractères, Voyage en Italie , etc. Œuvres souvent comme autant d'Odyssées immobiles

Sites :
• Centre Jean Giono de Manosque.
Le voyageur immobile

Commentaires

et j'ai toujours un peu de Giono dans un petit replis du cerveau quand je lis l'Odyssée

Écrit par : brigetoun | vendredi, 13 février 2009

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