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lundi, 23 février 2009

le récit athée

L'Odyssée, à l'instar de l'Iliade, est considéré comme un grand récit fondateur des structures narratives occidentales. Mais n'était-ce point là, manière d'occulter la portée philosophique d'Homère ?
S'opposant à l'épopée de Gilgamesh — s'en inspirant sans doute — s'opposant aux livres de la Genèse et de l'Exode, il est déjà confrontation du récit laïc aux récits religieux.
Premier récit "laïc" qui refuse l'immortalité, donc la foi et l'espérance qui sous-tendent l'aller à la Terre Promise des récits religieux.
L'Odyssée est l'épopée du "retour", retour et affirmation de la condition humaine et un refus de tous les Jardins d'Éden et d'ailleurs*.

Revenons maintenant à ce qui a été dit tant de fois d'Homère éducateur de la Grèce : qu'il est le germe de tout ce qu'on trouvera après. C'est le lieu commun classique, et c'est strictement vrai. Cela, nous le constatons avant même de commencer l'examen du contenu des poèmes, en voyant ce que sont ces textes, leur statut.
On peut le dire en très peu de mots : le texte « sacré » de la Grèce n'est pas un texte sacré. C'est déjà là une différence fondamentale par rapport à pratiquement toutes les cultures historiques que nous connaissons. Ce texte n'est pas religieux ni prophétique, il est poétique; l'auteur n'est pas un prophète, c'est un poète, c'est le poète. Ou, si vous préférez : le prophète de la Grèce, c'est un poète qui n'est pas aussi un prophète. Et, en un sens, quand on a dit cela, tout est dit.
Il est le poète, celui qui fait être. Et ce poète n'interdit rien, n'impose rien, ne donne pas d'ordre, ne promet rien : il dit. Et ce faisant, il ne révèle rien — il n'y a pas de révélation —, il rappelle.
Il rappelle ce qui a été et ce qui est en même temps le linéament de ce qui est, de ce qui peut être. Cela, il le rappelle à la mémoire des hommes...


Cornélius Castoriadis
Ce qui fait la Grèce
I. D'Homère à Héraclite
,p. 95.

* Dans le Livre de la Genèse, à la sortie du Jardin, refusant l'immortalité en transgressant la règle de la connaissance divine, l'Ève et l'Adam hébraïques sont encore sur la voie grecque d'Ulysse, mais, dans le même Livre, le retour au religieux va se faire très vite avec Abram et l'acceptation de la promesse du dieu.

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