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dimanche, 08 février 2009

avatar I

note dédiée à Th qui, dans le texte, peut
— mais ne veut ? — lire Ulysses de ce James Joyce.


Premier avatar de l'Odyssée : l'espace maritime méditérrannéen — au delà, sans doute — et la longue durée de l'errance se réduisent à l'étroite géographie urbaine de Dublin et à la seule journée d'une déambulation citadine.
Les quatre cents pages d'un Folio homérique s'épaississent en mille cent trente cinq pages d'un autre Folio, joycien celui-là. Et voilà le lecteur confronté à l'application de l'adage appliqué par Roland Barthes à Proust : « Bonheur de lire (Joyce) on ne saute jamais les mêmes passages ! »

Humble aveu : de ce gros bouquin, je n'ai lu intégralement que les vingt premières et les soixante dix-huit dernières pages— celles-ci pour la seule raison qu'elles ne sont que l'unique phrase non ponctuée d'un long monologue paragraphé de Marion Bloom, dite Molly, la Pénélope dévergondée, sublime et ravageuse de l'Odyssée irlandaise.
Pour le reste, trois ou quatre ou cinq pages, de ci, de là, au hasard des heures et des saisons. Donc, je n'ai pas encore tout lu. À fortiori, quand je pratique fréquemment la relecture des pages mentionnées. C'est ainsi que je n'ai pas encore rencontré Bella Cohen qui serait la patronne d'une maison de passe, avatar gaélique de la grotte de Circé.

Ne voici que les cinq premières et dix dernières lignes de ce monstrueux, délirant, inépuisable feuilletage où, à l'adresse à la Muse, se substitue le parodique "introïbo" d'un Buck Mulligan, version irlandaise d'un Hermès bouffi, avant que n'entrent, entre autres, en scène, Stephen Dédalus, moderne Télémaque et au chapitre II, son père, Léopold Bloom, époux cocu de la dévergondée Molly, le héros qui, plus tard à la page 741 désirera être mère et dont le nonce du pape, en uniforme de zouave pontifical énoncera la généalogie à la page suivante : Leolpodi autem generatio...

Majestueux et dodu, Buck Mulligan parut en haut des marches, porteur d'un bol mousseux sur lequel reposaient en croix rasoir et glace à main. L'air suave du matin gonflait doucement derrière lui sa robe de chambre jaune, sans ceinture. Il éleva le bol et psalmodia :
— Introïbo ad altare Dei.
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.... O et la mer la mer écarlate quelquefois comme du feu et les glorieux couchers de soleil et les figuiers dans les jardins de l'Alameda et toutes les ruelles bizarres et les maisons rosés et bleues et jaunes et les roseraies et les jasmins et les géraniums et les cactus de Gibraltar quand j'étais jeune fille et une Fleur de la montagne oui quand j'ai mis la rose dans mes cheveux comme les filles Andalouses ou en mettrai-je une rouge oui et comme il m'a embrassée sous le mur mauresque je me suis dit après tout aussi bien lui qu'un autre et alors je lui ai demandé avec les yeux de demander encore oui et alors il m'a demandé si je voulais oui dire oui ma fleur de la montagne et d'abord je lui ai mis mes bras autour de lui oui et je l'ai attiré sur moi pour qu'il sente mes seins tout parfumés oui et son cœur battait comme fou et oui j'ai dit oui je veux bien Oui.

James Joyce
Ulysse, (titre original : Ulysses)
Folio/Gallimard


Voilà le premier avatar, véritable tohu bohu langagier..
Qui se clôt sur une interrogation : certaines méchantes langues suspectant l'acquiescement final de Molly Bloom de ne pas être à l'adresse de Léopold ?
Mais qui est sûr de la fidélité de Pénélope, la fileuse d'Ithaque : certaines autres — les mêmes ? — laissent entendre qu'elle n'aurait point été insensible au "lumineux" Amphinomos.

Et si James Joyce bouleversait des siècles d'orthodoxie homérique ?

Télémaque ne s'interroge-t-il pas, lui-même, sur sa filiation : « Ma mère dit que je suis bien son fils, mais, moi, je n'en sais rien. » C'est sa réponse à Mentès dont Athéna a revêtu l'apparence de prince pirate, (in Odyssée, I, 213-216).

Commentaires

Un lien amusant :

http://laprecaritedusage.blog.lemonde.fr/2013/01/21/soiree-reussie/#comment-8525

Écrit par : Cochonfucius | vendredi, 18 avril 2014

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