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mercredi, 08 avril 2009

abriter les sans-papiers certainement, accueillir l'Étranger...

...certainement plus encore.

Nous n'étions que quelques cinq cents, sur le parvis du Palais de Justice, dans un vrai crachin nantais et breton.
Cinq cents pour manifester notre honte de ces lois iniques qui contreviennent à l'article I et XII de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Plus de cinquante ans que j'accumule sans doute les possibilités d'être un délinquant.
J'ai mal quand je sais que les deux femmes qui m'ont amené à l'Amour, si la mort n'était pas, elles n'auraient pu être accueillies par d'autres que moi, leur Amant "étranger". Et encore ?
J'ai mal à mes amitiés de Côte d'Ivoire, d'Algérie, du Sénégal, et d'ailleurs, parce que la loi de mon pays — est-ce encore mon pays ? — m'interdirait d'accueillir chez moi leurs enfants et leurs petits-enfants.
M'interdirait ? Mais qui peut interdire ?

Combien des citoyen(ne)s de ce pays — est-ce encore mon pays ? — connaissent le nouveau dispositif de délivrance des attestations d'accueil qui sévit depuis novembre 2004.
Allez donc chercher en votre mairie, chez le Préfet, sur la Toile, les imprimés que vous devrez remplir pour savoir à quelles humiliations vous exposent le décret du 17 novembre 2004 et la circulaire ministérielle du 23 novembre 2004.
Je me suis fait un jour répondre que ces iniquités, c'était l'Europe de l'espace Schengen.
L'Europe ? Quelle Europe ? À peine était-elle devenue "mon pays" que déjà ce n'est plus mon pays.

À en pleurer, au sens propre.
Je ne suis pas solidaire, je ne veux être qu'humain.

À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s'asseoir. La place demeure vide, mais le couvert reste mis.

Plus loin.
Guérir le pain. Attabler le vin.
René Char, Feuillets d'Hypnos.





dimanche, 05 avril 2009

deux « semaines saintes » si étranges

Le Dimanche des Rameaux en 1999,
trente-neuvième jour de mer depuis Ua Huka.
Nous étions par 11°08'15 Nord et 109°18'44 Ouest. Depuis trois jours dans un vrai chaudron à grains.

pacific99001.jpg


Nous réduisions, rehissions, réduisions la toile, ruisselants de pluie chaude.
Acapulco était encore à six cent cinquante milles.

Le Dimanche des Rameaux en 2002, à Ronda, les Pénitents noirs, les reins ceints de cordes de chanvre brut.

ronda.jpg


Les stridences aigres des trompettes et les Vierges vacillantes sur les pasos. Une Semaine Sainte durant, dans les Andalousies Atlantiques.

un outil pour jardiner les lectures, chez Michaux

Dans la série des "Je Lis" et non des "J'ai lu", Michaux est un des tout premiers sur mes étagères. Quoique ça faisait bien longtemps que je ne l'avais lu avec la constance de ces derniers jours, motivée par la quête des anaphores. À côté de ces dernières et de ses sentences, j'ai déniché un excellent outil de jardin pour désherber les lectures qui me grattent, — ces jours-ci, Sollers avec son Un vrai roman, Mémoires dont la suffisance de certaines pages parvient à des profondeurs d'un nombrilisme, rarement avoué avec autant de cynisme.
Le sarclage, quand ce n'est pas plus radicalement un arrachage, proposé par Michaux tient donc en ceci :

« Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l’attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l'auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m'est nécessaire.
Parfois, certains mots restent comme des tours. Je dois m'y prendre à plusieurs reprises et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d'une idée, je revois cette tour. Je ne l’avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison et je passe ainsi un temps interminable.
»


Seul le pessimisme du lecteur est indéracinable :
« Et le livre lu en entier, je me lamente, car je n'ai rien compris... naturellement. N'ai pu me grossir de rien. Je reste maigre et sec.
Je pensais, n'est-ce pas, que quand j'aurais tout détruit, j'aurais de l'équilibre. Possible. Mais cela tarde, cela tarde bien*
».


Je dois avouer que le bonhomme Sollers résiste fort bien quand il justifie son maoïsme des années soixante-dix et célèbre ses ouvres antérieures. Indéracinable, lui aussi. Comme du chiendent ! Même avec l'outillage de Michaux.

Je file la métaphore jardinière parce que le lundi-philo de Gilles Clément n'est pas encore très éloigné et qu'hier après-midi, il y avait un forum des citoyen(ne)s pour penser le Développement durable dans notre petite cité et que ce n'est pas un vain mot, ici. Il nous fallait identifier de nouvelles actions possibles pour 2010. Du "Zéro pesticides" à l'entretien des fossés et à l'amélioration des friches, l'agenda sera bien plein. Mais nous y parviendrons :
Qui sait raser le rasoir saura effacer la gomme.
me dit Michaux.

* Une vie de chien, in Mes Propriétés, 1929,

vendredi, 03 avril 2009

anaphores et sentences

À la demande Mj, j'étais à la recherche d'anaphores dans les textes de Michaux :

Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire
dans ce qui souffre, dans ce qui suinte
dans ce qui cherche et ne trouve pas
dans le chaland de débarquement qui crève sur la grève
dans le départ sifflant de la balle traceuse
dans l'île de souffre sera sa mémoire

À relire dans la note de décembre 2006.

Je me suis retrouvé à glaner ce que je ne sais trop nommer : des sentences, des dictons, des aphorismes ?
Il ne faut point abuser de leur lecture à haute dose. À raison quatre ou cinq par note, le blogue sera donc alimenté pendant quelques jours.
« Aidons les vaches à ruminer » dit le bienveillant, posant sa fouchette un instant.

Ne désespérez jamais. Faites infuser davantage.

Faites pondre le coq, la poule parlera.

Les pieds n’approuvent pas le visage, ils approuvent la plage.

Taciturne en montagne, bavard en plaine.*


Ruminons paisiblement, ayant non seulement poser la fourchette, mais aussi ranger l'assiette !
Mais rien n'empêche d'aller à la recherche d'autres textes utilisant l'anaphore. Par exemple L'Avenir repris dans la note Michaux publiée en février 2005 et où les seules répétitions sont une conjonction "quand" et un article "les" :
Quand les mah,
Quand les mah,
Les marécages,
Les malédictions,
Quand les mahahahahas,
Les mahahaborras,
Les mahahamaladihahas,
Les matratrimatratrihahas,
Les hondregordegarderies,
Les honcucarachoncus,
Les hordanoplopais de puru paru puru,
Les immoncéphales glossés,
Les poids, les pestes, les putréfactions,
Les nécroses, les carnages, les engloutissements,
Les visqueux, les éteints, les infects,
Quand le miel devenu pierreux...


* extraits de Tranches de savoir in Face aux verrous, 1954.

jeudi, 02 avril 2009

l'otium et les haricots grimpants

à Pierre.

harcots001.jpg
Ce n'est point dans le droit fil de Gilles Clément, ce n'est pas un jardin planétaire, ce n'est pas un haricot d'avril, ce n'est qu'un modeste échange entre deux compagnons de jardin.
Les commentateurs, certains parfois, méritent bien d'être le sujet d'une note et non d'une simple réponse dans la rubrique des commentaires.
Et puis, si cela était utile à d'autres jardini(è)r(e)s.


Remarque :
Les haricots "mangetout" peuvent se récolter jusqu'à un stade de développement avancé car ils ne font ni fil, ni parchemin*.
in Conseils au jardinier, verso de la boite.

* Parchemin :
3. c) Enveloppe extérieure de certaines graines (haricots, lentilles, pois, café, p.ex.); membranes végétales qui se trouvent dans plusieurs parties de plantes. La pellicule qui tapisse la cosse des pois verts se nomme le parchemin, et l'espace dont on peut manger la gousse avec la graine se nomme pois sans parchemin (BRARD 1838); (ds Lar. agric. 1981).

On apprend à tout âge !

mardi, 31 mars 2009

oisiveté dans le chaintre

J'ai retrouvé un papier en feuilletant des pages de Vernant sur Mythologie et citoyenneté. Je pense que c'est de moi, mais n'en suis pas si sûr.

« Quant à l'otium qu'il faut bien garder de traduire trivialement par "oisiveté", je le conçois comme l'art d'utiliser son temps à bien se cultiver sans souci de briller ou de rentabiliser — les Romains opposaient "otium" à "négotium". À la nécessité du négoce, du labeur, je m'efforce d'opposer un art de la paresse au noble sens du terme, décrit par Paul Lafarge dans son bouquin Le droit à la paresse.
C'est le chaintre, la "talvera" de ma vie quotidienne, espace et temps improductifs, mais qui génèrent la "vie bonne"


Aujourd'hui, j'ai fait un mince entretien du jardin, le premier du printemps : tonte et rotofil, binage et désherbage en contournant la chélidoine.
Hier au soir, l'homme du Jardin en Mouvement, du Jardin Planétaire et du Tiers-Paysage, Gilles Clément, philosophait au Piano'cktail. Il était fort bien en ses commencements, mais s’est parfois fourvoyé dans l’exposé de ses projets politiques.
Mal aisé de “pédagogiser” l’utopie. Aurait-il oublié qu'il écrivit naguère :

« En mon propre jardin, moi le jardinier, je ne saurai prédire l'exacte forme du lendemain. »
La sagesse du jardinier.

dimanche, 29 mars 2009

en vrac

Une semaine en vrac.
Où ne surnage qu'une colère à propos d'un débat aux Archives départementales où il est question de Guerre d'Algérie, des positions prises par Germaine Tillion d'une part et de celles des "porteurs de valises" et autres Beauvoir et Sartre d'autre part, des injures de ceux-ci écrites à l'égard de celle-là, de ce qui fut arrivé si le MNA n'avait pas été liquidé par le FLN.
Bref, des points de vue à l'emporte-pièces tenant plus de la philosophie de coin de zinc que de la sérénité que devrait apporter le recul de bientôt cinquante ans, même chez des acteurs et témoins de ce "temps d'algèbre damnée".

Repos et sérénité en lisant un entretien de Mona Ozouf sur sa bretonnité et son esprit républicain ; quand cet entretien est précédé d'une trop brève recension sur Françoise Héritier et sa Pensée en mouvement, je me dis que je suis bienheureux de vivre mes humbles pensers dans l'ombre doucement lumineuse de ces femmes de rigueur.
À l'instar de ma "Grande Vieille" Germaine, elles ne se prennent point pour l'incarnation du Bien, mais — sacrés dieux ! — dans les indécences, sinon obscénités actuelles, il me semble respirer un air salubre.

Les belles giboulées de mars n'y sont sans doute pas étrangères, à ce souffle plus ample.

Autre lecture plus "râlante" — pourquoi se fustiger alors ? — en feuilletant le dernier Sollers de "poche", Un vrai roman, Mémoires. C'est mon côté "pipole" : connaître les dessous du microcosme "grand lettré" de ma jeunesse et avec Sollers, je ne suis jamais déçu des odeurs et relents des arrière-cuisines intellectuelles de l'époque (années 60-70) qu'il diffuse à souhait.
Il est d'un aplomb quand il justifie ses penchants maoïstes des années terroristes de Tel Quel (voir pages 142-143). Et je ne mentionne que brièvement sa manière de désertion de luxe, parrainée par Malraux, qui tient plus des petites lâchetés d'un jeune auteur déjà couronné de lauriers que du courage désespéré d'un militant pacifiste.
Pourquoi donc mon addiction à collectionner les “œuvres en poche" de monsieur Joyaux ? Parce que nous sommes "de la classe" - argument d'une rare débilité, j'en conviens — mais encore parce que le bonhomme quand il écrit de peintres et de peintures, de musiques et de musiciens, d'amours plus à la Casanova qu'à la Don Juan, il devient talentueux.
J'ai retrouvé, le jour même de mon anniversaire — récent — un bouquin de lui, marqué en page de garde de l'ex-libris, « Biskra, le ...mars 1963, pour mon anniversaire »* qui, entre autre chapitre dévergondé Introduction aux lieux d'aisance**, offre une quarantaine de pages d'une Lecture de Poussin qui annoncent déjà ses chroniques de la Guerre du Goût et de l'Éloge de l'infini. Il sait, le bougre, d'ailleurs fort bien les vendre, ses essais, tout au long de ce qu'il titre ses Mémoires !

* Le beau temps, où dans une Algérie algérienne toute heureuse de sa fraîche indépendance, on pouvait trouver au bord du Sahara, un petit libraire biskri qui vous procurait les dernières parutions de l'édition française, associant dans sa vitrine les titres de celle-ci aux belles calligraphies des premières de couverture venant du Caire ou de Damas. Et ceci était nouveau !
** En exergue de ce chapitre, la jeunesse ne témoignant d'aucun respect, une citation de Thérèse d'Avila :

Faites ce qui en est en vous.
Et en conclusion, cette autre attribuée à un humaniste innomé (Voltaire ?) :
Il faut faire en se jouant, ou ne faire pas.
Dans la même tonalité, j'aime bien la salutation poitevine de la rencontre quand le saluant s'informe de la santé du salué :
— Comment vas-tu ?
— Je vâs !
Cette dernière, rabelaisienne en diable, je la dédie, pour raisons différentes, à CC et à FB.

lundi, 23 mars 2009

fôt il réformé l'ortograf ?

En guise d'échauffement pour l'atelier sur Mallarmé de ce lundi matin, voici le thème affiché à la une de ce bon quotidien Ouest-France. Tous les deux ans, tous les vingt ans, dix fois par siècle, depuis la fondation de l'École obligatoire pour tous, le débat, la dispute, le conflit — à votre gré ! — resurgissent.
Dans des notes des années 2005 et 2006, la "chose" fut abordée. J'eus le droit à un long commentaire fort publicitaire d'un dénommé Rougnon-Glasson Louis...
Y'a pas que dans les manifs qu'on distribue des tracts !

Nous allons sourire et rire.

À nos claviers — le mien actuel ortographie plus vite que mon penser. Je n'ai jamais pu ou su calmer ma dyslexie et ce malicieux clavier de mon bel iMac l'encourage... D'où quelquefois, rarement, parfois, souvent, des erreurs.
Je ne me résous point — tiens ! et pourquoi donc "je couds" — à employer le mot "faute".

Et le manège est reparti !
Relisons les ancêtres bâtisseurs de notre langue. Je vous assure qu'il nous faut sourire.

Quand je prens des livres, j'auray apperceu en tel passage des grâces excellentes et qui auront féru mon ame; qu'un'autre fois j'y retombe, j'ay beau le tourner et virer, j'ay beau le plier et le manier, c'est une masse inconnue et informe pour moy.
En mes escris mesmes je ne retrouve pas tousjours l'air de ma premiere imagination : je ne sçay ce que j'ay voulu dire, et m'eschaude souvent à corriger et y mettre un nouveau sens, pour avoir perdu le premier, qui valloit mieux. Je ne fay qu'aller et venir: mon jugement ne tire pas tousjours en avant; il flotte, il vague...

Montaigne,
Essais, Livre II, chapitre 12.

vendredi, 20 mars 2009

qu'ai-je lu ?

Un cinglant billet de Édouard Launet dans sa chronique du LibéLivres d'hier "On achève bien d'imprimer" ; ça commence très, très fort :
« Les "gens" — eux, moi, vous peut-être —mentent effrontément lorsqu'on les interroge sur leurs lectures. »
Il relate une étude britannique d'où il ressort qu'on dit "avoir lu", alors qu'il n'en est rien, que le livre n'a peut-être même pas été ouvert.
Le pourcentage est étonnant de ces liseurs non lecteurs : 61 %.
Et pour quoi faire croire ainsi : « Des études ont montré que les gens mentent pour se rendre sexuellement plus attractifs

Diantre ! Je m'interroge désormais sur mes appétits de lecture.
À ma décharge, quand on me demande :
« As-tu lu tel, ou tel ? » Je suis plutôt dans l'évasif.
Souvent quand j'ai lu, mais vraiment lu, je réponds d'ailleurs — ce qui est la vérité vraie : « Je lis. »

Par exemple, c'est ce que je peux répondre pour tous ces gens de pensers et d'écriture dont je rends modestement compte en ce blogue.
Bien que ?
Hier, je me suis pris en flagrant délit de menterie à moi-même : , ces jours, je me tâte pour décider de l'achat d'une quatrième version des Essais, celle qui était annoncée dans Le Monde du 28 février*, où il est écrit entre autres à propos de cette ènième adaptation en français moderne : « Lanly, et c'est le tour de force, n'a pas touché à la structure de la phrase de Montaigne. Il a restauré les mots…». Ça me tente ; hier donc, je rentre chez mon libraire de la rue de la Fosse pour tester cette "restauration".
Et je tombe sur le chapitre XII du Livre II, l'Apologie de Raymond Sebon, ...que je n'ai jamais lu, alors que j'affirme mordicus que j'ai lu Montaigne.
Non, allez, je fais la pirouette : je n'ai pas lu, je lis Montaigne. Et ainsi des vingt ou trente, ou quarante qui sont là, sur les rayons, au plus proche de cet écran, mon écritoire !

J'ai refermé pour un temps Héraclite. Ai-je lu Héraclite ? Certainement non : je lis Héraclite.

Et pendant ce temps-là, dans la petite mare de la littérature écranique, récupérée par le Salon du Livre et par son hypocrite appareil lettré qui classe, organise, hiérarchise et bientôt légiférera, ÇA s'agite beaucoup..
Serions-nous déjà sortis de l'ombre bien heureuse de la pré-histoire de nos blogues ?

À lire l'affaire sur le blogue d'une Dame qui depuis l'aube de cette préhistoire ouvrit un très beau chantier sur les mille écrivailleurs que nous sommes, scribes et liseurs," non déclarés, non reconnus, non officialisés, non syndicalisés, qui hors des réseaux lettrés, institutionnels, reconnus, ont volonté d'inscrire leur penser, leur parole, leurs émotions, leurs goûts, tout en n'hésitant point, pour un temps, à se déclarer, se faire reconnaître, officialiser, avant de reprendre leurs chemins libertaires".

Salut à FB, ce bel et grand "aïeul" de la littérature sur... Toile — va pas aimé, le bougre ! -, qui survit certainement fort bien dans la tempête de la mare.

* Les Essais de Montaigne en français moderne, Adaptation d'André Lanly, Gallimard, « Quarto » 1354 p.

mercredi, 18 mars 2009

génèse du monde selon Héraclite

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γῆς θάνατος ὕδωρ γενέσθαι καὶ ὕδατος θάνατος ἀέρα γενέσθαι καὶ ἀέρος πῦρ καὶ ἔμπαλιν.

Mort de la terre de devenir eau
mort de l'eau de devenir air
mort de l'air de devenir feu.
Et inversement.
cité par Marc-Aurèle, Pensées, IV, 46.

Il est une autre version citée par Maxime de Tyr

ζῇ πῦρ τὸν ἀέρος θάνατον καὶ ἀὴρ ζῇ τὸν πυρὸς θάνατον, ὕδωρ ζῇ τὸν γῆς θάνατον, γῆ τὸν ὕδατος.

Le feu vit la mort de la terre,
et l'air vit la mort du feu,
l'eau vit la mort de l'air,
et la terre vit la mort de l'eau.


Le devenir du monde est une suite de naissances et de morts, de morts et de naissances. Le καὶ ἔμπαλινet à l'inverse — de la version de Marc Aurèle aggrave l'incessant devenir.

Les dieux et leurs sbires se taisent.
Enfin !

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lundi, 16 mars 2009

dans les pas d'Héraclite

à FV qui m'envoya mince mais précieux viatique
pour ce voyage.


οὐ γὰρ φρονέουσι τοιαῦτα (οἱ) πολλοί, ὁκοίοις ἐγκυ­ρεῦσιν, οὐδὲ μαθόντες γινώσκουσιν, ἑωυτοῖσι δὲ δοκέουσι.
La plupart ne prennent pas garde à ce qu'ils rencontrent ; ils ont appris, mais ne savent pas. Il leur semble !

C'est sans doute ainsi, trente-cinq touristes français dans un circuit qui mêle les sites grecs et romains, les paysages fastueux et les hôtels de faux luxe, les mosquées Seldjoukides et la danse du ventre, les tanneurs, les tisserandes et la rapacité des marchands de tapis.

Cependant.
Il fut bon de rêver sur les plus hauts gradins d'Éphèse : Héraclite descendant vers ce qui était encore la mer Ionienne. Il y a vingt-cinq siècles.

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ὁδὸς ἄνω κάτω μία καὶ ὡυτή.
Le chemin descendant montant est un et le même.


Mais ce fut l'austère nudité du paysage alentour et ce site de Laodicée en son état de "ruine intacte" qui menait peut-être au-delà du semblant.

laodicee.jpg


ψυχῆς πείρατα ἰὼν οὐκ ἂν ἐξεύροιο, πᾶσαν ἐπιπορευόμενος ὁδόν· οὕτω βαθὺν λόγον ἔχει.
Aussi loin que tu mènes ton chemin,
tu ne sauras point parvenir aux marges de ton "souffle",
si inatteignable est le LOGOS dont il émane
.







jeudi, 12 mars 2009

second jalon pour le voyage d'Éphèse

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ὁ ἄναξ οὗ τὸ μαντεῖόν ἐστι τὸ ἐν Δελφοῖς, οὔτε λέγει οὔτε κρύπτει  aλλὰ σημαίνει.

Le maître à qui appartient l’oracle de Delphes, ni ne dit ni ne cache, il signifie.


Héraclite d'Éphèse
,
Cité par Plutarque, Sur les oracles de la Pythie

mardi, 10 mars 2009

premier jalon pour le voyage d'Éphèse


ζησάμην ἐμεωυτόν.

Je me suis cherché moi-même.


dimanche, 08 mars 2009

journée de la FEMME

materdogon_.jpg

Salut aux Femmes qui de leur corps
donnent naissance à d'autres corps et bien au delà.
à Celles qui le voulurent,
à celles qui ne le purent,
à celles qui ne le voulurent.


Merci

à mes Poétesses
à mes Philosophes
à mes Ethnologues
à mes Compagnes de métiers
à mes Amies de la cité
à mes Amours, à mes Amantes,
à mes Aïeules et à ma Mère,
à l'Épouse,
à sa Fille
aux Filles de sa Fille.


À ces Femmes qui, ce jour, lisent ces quelques lignes.

Merci parce qu'elles me font Vivant !

vendredi, 06 mars 2009

à celui qui part

Hier, dans le lien de la "philia" grecque qui rassemble quelques-unes et quelques-uns de ma petite cité, j'ai reçu, en viatique, d'une amie très chère, cet écrit pour le voyage.
Elle ajoutait :
« Pour la route que tu prends et pour le retour... »

Lorsque tu te mettras en route pour Ithaque,
souhaite que long soit le chemin
et riche de péripéties, riche d'enseignements.
Quant aux Lestrygons, aux Cyclopes,
aux colères de Poséidon, ne les crains pas :
jamais tu ne trouveras rien de tel sur ta route
si reste haute ta pensée, si elles sont choisies
les émotions qui touchent ton esprit et ton corps.
Les Lestrygons ni les Cyclopes,
ni le farouche Poséidon ne surgiront à ta rencontre
si toi-même tu ne les portes en ton âme,
si ce n'est ton esprit qui les suscite devant toi.

Souhaite que long soit le chemin
et que nombreux soient les matins d'été
où — avec quelle délectation, avec quelle joie —
tu feras ton entrée dans un port nouveau pour tes yeux.
Touche à des comptoirs phéniciens
et acquiers de belles marchandises,
ambre et corail, nacre et ébène ;
des parfums capiteux aussi, de toute sorte,
autant de capiteux parfums que tu pourras.
Visite des villes égyptiennes en grand nombre,
apprends, apprends sans cesse auprès de ceux qui savent.

Que toujours Ithaque demeure en ta pensée :
y parvenir, voilà ta fin.
Mais à faire le voyage, n'apporte aucune hâte.
Mieux vaut qu'il dure de longues années
et qu'enfin, sur le tard, tu jettes l'ancre près de l'île,
riche de tout ce que tu as gagné en chemin,
n'attendant point d'Ithaque d'autres richesses.

Ithaque t'a donné le beau voyage,
tu n'aurais pas, sans elle, pris la route.
Maintenant, elle n'a plus rien à te donner.

Et si elle te paraît chétive, au moins elle ne t'a pas leurré.
Sage comme tu l'es, après tant d'expérience,
tu as déjà compris ce qu'elles signifient, les Ithaques.

Constantin Cavafis
Ithaque