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jeudi, 07 décembre 2006

colloque sur un "marin" disparu

Aujourd'hui, entorse à la publication des Chroniques portuaires de Nantes. Il y sera question cependant d'un "marin" — il embarqua à bord de cargos qui l'emmenèrent sur l'Atlantique.
Manière de refuser le terrestre, de voyager contre lui-même :
«Ce que je sais, ce qui est mien, c'est la mer indéfinie.»

Ce jour, se déroule à l'Iut de La Roche-sur-Yon un colloque à propos d'Henri Michaux au titre d'une densité certaine : Henri Michaux et la peinture, le franchissement du détroit.
Je ne peux y assister que ce soir lors d'un prolongement assuré par une lecture de François Bon à la Maison Gueffier.
Peu me chaut de rater le colloque : je redoute ce genre de manifestation autour de "mes auteurs" ; sans doute le côté "grognon envieux, mauvais coucheur" du lecteur autodidacte qui s'est creusé ses "sens" dans la solitude, aidé du peu de livres disponibles alors. Je me suis fait ainsi "abimer" mes lectures dans des colloques sur Cadou et Char.
Sans le flatter, je me fais grand bonheur d'aller écouter et... rencontrer FB.
Que lira-t-il du "marin" disparu — le colloque mentionne dans les marges de la présentation un sous-titre à la terrible responsabilité Conversation avec les morts ?

Ce que j'aimerais lire pour François Bon :


Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire
dans ce qui souffre, dans ce qui suinte
dans ce qui cherche et ne trouve pas
dans le chaland de débarquement qui crève sur la grève
dans le départ sifflant de la balle traceuse
dans l'île de soufre sera sa mémoire.

Dans celui qui a sa fièvre en soi à qui n'importent les murs
dans celui qui s'élance et n’a de tête que contre les murs
dans le larron non repentant
dans le faible à jamais récalcitrant
dans le porche éventré sera sa mémoire.

Dans la route qui obsède
dans le cœur qui cherche sa plage
dans l'amant que son corps fuit
dans le voyageur que l'espace ronge.

Dans le tunnel
dans le tourment tournant sur lui-même
dans celui qui ose froisser les cimetières.

Dans l'orbite enflammée des astres qui se heurtent en éclatant
dans le vaisseau fantôme, dans la fiancée flétrie
dans la chanson crépusculaire sera sa mémoire.

Dans la présence de la mer
dans la distance du juge
dans la cécité
dans la tasse à poison.

Dans le capitaine des sept mers
dans l'âme de celui qui lave la dague
dans l'orgue en roseau qui pleure pour tout un peuple
dans le jour du crachat sur l’offrande.

Dans le fruit d'hiver
dans le poumon des batailles qui reprennent
dans le fou dans la chaloupe.

Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvis
sera sa mémoire.


Qu'il repose en révolte
(Inédit -1945)
in Henri Michaux, par René Bertelé, Collection Poètes d’aujourd’hui, éditions Seghers, 1957

Commentaires

j'ai les mêmes préventions que toi à ces messes universitaires, mais après tout c'est leur gagne-pain

mais je m'inscris en faux pour cette journée : l'ambiance à l'iut "métiers du livree" de LRY c'était pas du tout ce que tu exprimes : d'abord parce que beaucoup d'étudiants, et ensuite parce que les intervenants, Pierre Vilar, Jérôme Roger, ou les jeunes artistes danse musique perf invités, étaient de notre même versant

en tout cas, je peux dire que maintenant je connais Grapheus avec visage! merci d'avoir fait le déplacement, et en partage

Écrit par : FB | vendredi, 08 décembre 2006

Le plaisir du déplacement, je l'avais.
J'en suis revenu heureux doublement : un FB en vrai corps, en vraie voix, en vrai sourire, un Michaux lu et relu mais entendu comme une première fois, ; j'ai beaucoup beaucoup aimé ce dire en transe, scandé par un souffle et, plus en arrière, par un rythme cardiaque. Adéquat à un Michaux qui écrivit aussi : «...comme on traîne un landau sous l'eau.»
Je prends acte pour ce que tu affirmes du colloque ; l'ambiance était chaleureuse après ta lecture, même si tous les participants ne s'y étaient pas transportés.
Mais les "vieilles barbes" ne sont point faciles à couper...

Écrit par : grapheus tis | vendredi, 08 décembre 2006

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