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jeudi, 01 février 2007

Chronique portuaire de Nantes XXXIX

Du commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1706. — CAMPAGNES DE JACQUES CASSARD EN 1706.

Durant toute l'année 1706, Jacques Cassard, toujours à bord du Saint-Guillaume, prit et rançonna un nombre incalculable de navires ; et très rapidement, le capitaine nantais, inconnu la veille, se plaça au premier rang des hardis marins de notre histoire.

Pendant ses différentes croisières en 1706, il amarinait ou rançonnait : la FLEUR-DE-MAY, le JAMES, I'EXPÉDITION, le DOUFF, le RECOVERY, la CATHERINE-ET-ÉLIZABETH, le FORT-DE-WICK, la CORONATION, le JEAN-DE-SALTES, le ROBERT-ET-JEAN-DE-SALIONS, l'ÉLIZABETH, la MARTHE, le GUILLAUME-BT-JEAN, un autre JAMES, le LIBAN, le JACQUES-ET-ARTHUR, et la MARIE-MARTHE (1).


LE CORSAIRE LE "COESARD".

Le corsaire nantais le Coesard, ou César, — pour employer une orthographe un peu moins archaïque, — frégate de 150 tx. et 164 h. armateur la Bouillère, cap. David Cazala, de Bayonne, sortait de la rivière de Nantes, le 29 novembre 1706, pour une campagne de Course.

Le 9 décembre, il amarinait I'ÉLISABETH, de Londres, sur les côtes d'Irlande ; puis la CATHERINE, également de Londres, qu'il ramenait dans le Morbihan. Le 7 février 1707, il faisait voile vers le Sud, amarinait un petit Anglais chargé d'oranges et de fruits confits ; et quelques jours après faisait la rencontre d'un riche galion espagnol désemparé et prêt à couler bas, l'équipage exténué ne pouvant suffire à manœuvrer les pompes. La France était alors en paix avec l'Espagne ; aussi le César s'empressa-t-il de porter secours au galion, mit son propre équipage aux pompes et l'escorta jusqu'à Cadix, où l'armateur espagnol témoigna sa reconnaissance en versant 70.000 francs au capitaine Cazala et 14.000 piastres à son équipage.

Le César s'apprêtait à quitter Cadix lorsque le roi Philippe V, menacé par les Anglais de Gibraltar, mit l'embargo sur les navires de son allié le roi de France et réquisitionna le capitaine et l'équipage du César pour la défense des forts de Cadix.

Après quelques mois de ce service abhorré de « terriens », contre lequel les braves marins nantais durent plus d'une fois tempêter, la liberté de partir leur fut enfin accordée, et le 3 novembre 1707, les matelots du César, virant joyeusement au cabestan, hissaient à poste les ancres de bossoir et déployaient les voiles depuis longtemps ferlées de leur frégate. Les grandes nappes blanches soudainement détachées des vergues ralinguèrent indécises le long des mâts, puis s'enflèrent nonchalamment, et le vaisseau, cédant à leur influence, fendit les vagues et mit le cap sur la rivière de Nantes. Les Nantais, heureux de sentir de nouveau chanter dans les agrès cette plainte de la brise si agréable aux oreilles des marins, comptaient bien d'ailleurs réparer en chemin le temps perdu ; ce fut vite fait.
Le 14, ils amarinaient la JULIENNE, d'Amsterdam : puis, la FEMME-DE-LONDRES, et la CATHERINE, de Londres, qu'ils enlevaient le 20 février 1708, En mars, le César s'emparait du DEKBY, de Dublin ; de l'Hollandais le SAINT-PAUL, et le 31, du CHERCHELL-GUELLY, de Jersey, et de la ZUZANNE, de Londres. Le 16 mai, le César prenait chasse devant un gros vaisseau anglais qui le poursuivit pendant toutes les journées du 16 et du 17, et auquel il n'échappa qu'en jetant par dessus bord vingt-neuf canons, ses ancres, deux mâts de hune, onze barriques et toute sa cuisine, fourneaux et marmites. Enfin, en juillet 1708, il rentrait en Loire, riche de marchandises, mais pauvre de matériel, après avoir fait neuf prises en cinq mois de campagne active.

Ses aventures n'étaient pas encore terminées, toutefois ; car, à peine ancré dans la rade de Paimbceuf, une révolte éclatait à bord au sujet du règlement des prises. Les soldats et flibustiers du corsaire, la plupart étrangers, tombèrent à coups de hache sur l'équipage et le capitaine, qui n'échappa à la mort que grâce à l'intervention et à la poigne de l'aumônier, le dominicain Jean Le Roy. A la suite de cette rixe, le capitaine et douze hommes furent obligés d'entrer à l'hôpital de Paimbceuf pour y faire soigner leurs blessures (2).


TEMPÊTE EN LOIRE.

Tous les chroniqueurs et annalistes de Nantes rapportent que, — en 1705 suivant les uns, en 1706 suivant les autres, — un épouvantable ouragan passa sur Nantes et la région. Sur la rade de Paimbœuf, avant-port de Nantes, tous les navires brisèrent leurs amarres et plus de quarante furent fracassés. L'un d'eux fut jeté par les vagues et le vent dans un jardin entouré de murs ; et un second fut poussé si avant dans les terres que l'on dut creuser un canal pour le ramener en Loire. Pendant un an la rivière fut à peu près impraticable, obstruée qu'elle était d'épaves et de débris ; et les pertes occasionnées par ce sinistre furent évaluées à plus de trois millions de francs (3).
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(1) S. DE LA NICOLLIERE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, pp. 15-17.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 78 et suiv.
(3) MACÉ DE LA VAUDORÉ, Dictionnaire de Nantes, p. 248,
GUÉPIN, Histoire de Nantes, p. 347.
GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 153.
MEURET, Annales de Nantes, t. II, p. 247.

jeudi, 25 janvier 2007

Chronique Portuaire de Nantes XXXVIII


Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution



1704. — CAMPAGNE DE JEAN VIÉ EN 1704.

Au début de 1704, le marin nantais Jean Vié, commandant la corvette de Saint-Malo le Beaulieu, de 500 tx,, 8 can., 6 pier. et 50 h., enlevait la frégate anglaise le LOUP, de 14 can. et 75 h., puis deux autres Anglais montés chacun par 100 h. ; et enfin amarinait, le 15 juillet, le THOMAS-ET-SUZANNE, de Yarmouth (1).

Avant de commander en Course, Jean Vie avait assisté au combat de la Hougue ; puis avait voyagé pour la Compagnie des Indes en Perse, à la Côte de Coromandel, en Chine, aux Philippines, et dans la mer du Sud, en qualité de pilote. Dans ses différentes campagnes de Course, il amarina plus de quatre-vingts prises (2).


IMPORTANCE DU PORT DE NANTES AU DÉBUT DU XVIIIe SIÈCLE.

À la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe, le port de Nantes était le premier de la France, et l'un des plus importants du monde.
Un état de 1704 constatait son écrasante supériorité sur ses rivaux, en ce qui concerne du moins le nombre de ses vaisseaux. Nous y voyons, en effet, que :

Nantes possédait .... 1.332 navires.
Brest » ..... 936
Bordeaux » ..... 644
Le Havre » ..... 570
Marennes » ..... 483
Toulon » ..... 472
Marseille » ..... 463 (3).


1705. — CAMPAGNES DE JACQUES CASSARD EN 1705.

Jacques Cassard avait été appelé, en juillet 1705, au commandement de la frégate du Roi le Saint-Guillaume, de Saint-Malo, équipée par un Nantais, J. Moreau. C'était une petite corvette armée de trois canons de 3 livres, quatre de 2, et quatre de 1 et montée par 78 h. d'équipage. Sur ce navire, nantais par son armateur et surtout son capitaine, Cassard amarinait, le 22 août, l'Anglais l’EXPÉDITION, de Corck, qu'il lâchait pour une rançon de 1.800 livres, monnaie de France. Ce fut là, croit-on généralement, le premier fait d'armes de Cassard, et le début de la glorieuse carrière du Corsaire nantais (4).


CORSAIRES NANTAIS EN 1705

En 1705, le Duc-de-Bretagne, frégate corsaire de 350 tx., 38 can. et 265 h., de Nantes, armateur René de Montaudouin, cap. Pierre Voisin-Lavigne, enlevait l’ÉLIZABETH de Corck, la JUNON et le SALABERY.

Le Patriarche, corsaire nantais de 220 tx. et 24 can. armateur et capitaine Descazeaux, second René Darquisade, s'emparait, la même année, de la BÉGUINE, de Boston (5).

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(1) S, DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 91.
(2) GUIMAR, Annales Nantaises, p. 679.
(3) GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes au XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe siècle, p. 75.
(4) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, pp. 13-14.
(5) A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 169.
S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 67.

vendredi, 19 janvier 2007

un additif aux Chroniques portuaires

Paul Legrand écrit son livre en 1908. Il note donc :« Que Nantes s'efforce de jeter un voile sur ses Négriers, faute de pouvoir les effacer de son histoire, c'est d'une très sage politique...» Les idées de crime contre l'Humanité, de repentance sont encore dans l'ordre de l'impensable.
Quelques quatre-vingt ans après, Nantes déchire le voile avec les Anneaux de la Mémoire*. Non sans quelques difficultés. Mais ma ville est l'une des premières parmi les ports européens à affronter ce sombre passé.
Je persiste à témoigner que, dans le petit peuple nantais, le désaveu de la Traite négrière n'était pas un vain mot. « À Nantes, il y a des maisons qui suintent le sang des Noirs. » C'est mon aïeule qui me le disait et redisait.

* Consulter le site Les Anneaux de la Mémoire.

jeudi, 18 janvier 2007

Chronique portuaire de Nantes XXXVII

Paul Legrand abordant Nantes au XVIIIe siècle, le siècle d'or de son port, siècle des Corsaires, mais aussi des Négriers, prend soin de préciser dans son introduction à propos des Négriers :
« Il faut bien l'avouer,— quelque pénible qu'en puisse être l'aveu,— c'est dans la Traite des Nègres, dans le Commerce du bois d'ébène, que Nantes a trouvé la source première de sa prospérité, a développé son esprit d'entreprise et d'initiative, et a puisé sa fortune et celle de ses habitants.
Nous n'avons nullement l'intention de défendre ce trafic, pas plus d'ailleurs que celle de l'attaquer ; la défense en est impossible, quant à l'attaque, elle a été trop copieusement faite pour que l'on puisse lui fournir des armes nouvelles.
»

Il ajoute à propos des Corsaires :
« Que Nantes s'efforce de jeter un voile sur ses Négriers, faute de pouvoir les effacer de son histoire, c'est d'une très sage politique ; mais qu'elle englobe ses corsaires dans la même réprobation et cherche à les noyer dans le même oubli, ce n'est plus que de l'ingratitude en même temps que de la maladresse,
Et l'on comprend d'autant moins le mépris affecté par certains Nantais pour nos corsaires, que ce sont précisément leurs faits d'armes qui remplissent les pages les plus belles de notre histoire ; celles qui, seules, peuvent faire oublier nos hontes en les couvrant du rejaillissement de leur gloire.
»
Dont acte.


Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution



1702. — CORSAIRES NANTAIS EN 1702.

Le 2 juin 1702, la Biche, fine frégate corsaire nantaise de 60 tx., 10 can.,6 pier., et 67 h. d'équipage, sortait de la Loire sous le commandement du capitaine Jean Saupin, ayant comme second René d'Arquisade, futur Maire de Nantes (1735-1740) (1).
Le 23 août, elle terminait une croisière des plus fructueuses en amarinant la MARIANNE, de Bristol, dont la vente produisit 16.084 livres 13 s. 2 d.

Le 7 juin de la même année, la frégate corsaire de Nantes, le Valincourt, de 80 tx. et 95 h., capitaine Jacques Hays, s'emparait de I'UNION, d'Amsterdam ; puis, le 14 juin, du vaisseau le MOUT, et enfin, le 18 juillet, de la TOURTERELLE, de Philadelphie,

Le 27 août, le Saint-Jean-Baptiste, cap. de Kersauson, reprenait sur un Flessinguois, le Saint-Pierre, de Nantes, capturé quelques jours auparavant ; et ce dernier navire, de 200 tx., 20 can. et 51 h., reprenait la mer sous pavillon français le 20 septembre.

Le 27 du même mois, le corsaire nantais la Bonne-Nouvelle tombait aux mains des Anglais à la sortie de la Loire, après un combat acharné dans lequel elle perdit son capitaine et presque tous ses officiers.

Enfin, la même année, le corsaire nantais le Duc-de-Bourgogne amarinait l'Anglais VITESSE (2).



1703. — LE CORSAIRE LE "DUC-DE-BOURGOGNE" ET LE CAPITAINE JEAN CRABOSSE.

Le 21 juillet 1703 sortait de la Loire, toutes voiles dehors, le corsaire le Duc-de-Bourgogne, rapide et élégant vaisseau « basty à Nantes », de 130 tx., 16 can., 4 pier., 80 mousquets et 128 h,, sous le commandement du capitaine Jean Crabosse.
Le 9 août il amarinait la MARIE-DE-BEDFORT, un Anglais de 100 tx., aux flancs bourrés de fin tabac de Virginie, Deux jours après, il croisait deux frégates de Nantes : la Dryade, cap. Graton, et la Nymphe, cap. du Goujon ; et prenait, de concert avec cette dernière, un bâtiment de 60 tx. dont ils se partageaient la cargaison. Le 17 août, le Duc-de-Bourgogne ayant continué seul sa route, tombait au milieu d'une flotte anglaise de onze vaisseaux, devant laquelle il prenait chasse ; un gros vaisseau de 20 can., I'ESPÉRANCE, de Londres, se détacha de la flotte et se lança à sa poursuite.

Le Nantais, excellent marcheur, déploya toutes ses voiles jusqu'aux bonnettes de brigantine et de sous-gui, pour attirer son adversaire loin des autres vaisseaux ; diminuant de toile lorsque la distance entre les deux navires devenait trop forte, repartant à toute allure lorsque l'Anglais se rapprochait davantage. Dès le début de cette chasse, le capitaine Jean Crabosse avait ordonné le branle-bas général de combat : les coffres d'armes ouverts et les bailles pleines d'eau s'alignaient sur le pont du corsaire ; les servants à leurs pièces dans la batterie allumaient les boute-feux ; les écoutes et les drisses avait été solidement bossées ; les hunes et vergues étaient garnies de leurs gabiers munis de grenadeet de grappins d'abordage ; puis, quand tout fut prêt, le Duc-de-Bourgogne, diminuant soudain de toile et carguant ses voiles, lofa par le travers des bossoirs de l'Anglais qu'il enfila de bout en bout. Bientôt, le nuage de fumée qui entourait les mâts des deux navires se fondit en un seul, et, après un épouvantable combat de trois heures, le Nantais aborda enfin son adversaire ; mais la mer était très dure, et avant que le Nantais ait pu lier son beaupré aux vergues de l'Anglais, une vague vint briser ses grappins et séparer les deux navires.

Un second abordage fut plus heureux, et l'Anglais, enlevé à l'arme blanche, dut amener pavillon.

Le 29 octobre, le Duc-de-Bourgogne amarinait la SAINTE-ÉLIZABETH, de Gênes ; puis le 8 novembre, l'anglais I'AVENTURE ; le 24, le brigantin le RETOUR-DE-BATON, de Londres ; et le 30, tout désemparé par une effroyable tempête, il rentrait à Vigo,

Ses prises liquidées, le corsaire nantais reprenait la mer le 16 décembre ; et s'emparait le 25 du SAINT-ANTOINE, de Londres, après une chasse de deux heures. Enfin, le 12 février 1704, faisant voile vers Nantes, il enlevait la CATHERINE-BUCK, d'Amsterdam ; amarinait quelques jours après un petit navire portugais près du Pilier ; et rentrait en Loire le 4 avril (3).

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(1) Nous adopterons désormais les abréviations suivantes : tx. pour tonneaux ; can. pour canons ; pier. pour pierriers ; h. pour hommes d'équipage ; et cap. pour capitaine,
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 66.
A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 168.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 76-78.



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mardi, 09 janvier 2007

Chronique portuaire de Nantes XXXVI

Au XVIIe Siècle (fin)


1696.— DUGUAY-TROUIN À NANTES.

En 1696, Duguay-Trouin, le fameux Corsaire malouin, vint relâcher à Nantes, avec la frégate la Coëtquen, et deux prises dont il s'était emparé dans les circonstances suivantes :
« J'avais, — dit-il dans ses mémoires, — croisé plus de deux mois, et je n'avais plus que pour quinze jours de provisions et de vivres...
... Quand je me vis pressé, j'assemblai tous mes gens et les ayant bien harangués, je les engageai, moitié par douceur, moitié par autorité, à consentir qu'on diminuât un peu leur ration, les assurant que, si nous faisions capture, je leur accorderais le pillage et les récompenserais amplement ; je ne disconviendrai pas que ce parti était un peu extravagant, et je ne comprends pas moi-même ce qui me portait à leur parler de la sorte et si affirmativement, mais j'étais poussé en cela par une voix inconnue à laquelle il m'était impossible de résister. Quoi qu'il en soit, le hasard voulut qu'au bout de ces huit jours je visse en songe deux gros vaisseaux venant à toutes voiles sur nous. Cette vision mit tous mes sens en agitation et me réveilla en sursaut. L'aube du jour commençait à paraître ; je me levai, et sortant en même temps sur le gaillard, je portai ma vue autour de l'horizon ; le premier objet qui la frappa fut deux vaisseaux réels, dans la même situation, et avec les mêmes voiles que j’avais cru les voir en dormant... Je m'en rendis maître après une résistance très vive... Je menai ces deux prises à Nantes où je fis caréner mon vaisseau » (1).

1697. — MATHURIN JOUBERT " MARCHAND À LA FOSSE".

Mathurin Joubert, Marchand à la Fosse, et capitaine de l'un de ses navires s'illustra pendant la campagne de 1688 à 1697 par son courage et les nombreuses prises qu'il amarina. En récompense de ses services, Louis XIV lui accorda une épée d'honneur qui lui fut solennellement remise en 1697, par le Duc de Chaumes, Gouverneur de Bretagne.
Mathurin Joubert fut Échevin de Nantes de 1711 à 1714 (2).

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(1) EUGÈNE SUE, Histoire de la Marine Française, t. IV, pp. 242-3.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 42-3.


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jeudi, 28 décembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXXV

Au XVIIe Siècle


1695. — CORSAIRES NANTAIS EN 1695.

Les armements en Course se multipliaient rapidement ; et cette année 1695 vit partir de Nantes les corsaires suivants :
• La Ville-de-Nantes, de 130 tonneaux ;
• Le Don-de-Dieu, de 10 tonneaux ;
• L'Espérance, de 18 tonneaux ;
• La Sainte-Anne, de 35 tonneaux ;
• L'Aigle-de-Nantes, de 180 tonneaux ;
• Le Valincourt, de 80 tonneaux ;
• La Proserpine ;
• Le Saint-Philippe, de 60 tonneaux ;
• La Royale, qui capturait I'ESPÉRANCE, de Londres ;
• La Courageuse, qui s'emparait de I'AIGLE-BLEU, d'Amsterdam ;
• La Ville-de-Namur, de 160 tonneaux, qui s'emparait, le 14 janvier, de la RECOUVRANCE, de Bristol, dans les parages du cap Finistère ;
Enfin le Saint-Esprit et le François-d'Assise, qui amarinaient de concert le VIOLLET ; la MARIE, de Londres ; la CONCORDE, de Flessingue ; et les Espagnols : la SEGRADA-FAMILIA, La NUESTRA-SENORA-DEL-ROSARIO, et LAS-ALMA-DE-SAN-SEBASTIAN (1).


CRÉATION D'UN HOPITAL DE LA MARINE À PAIMBŒUF.

Une Ordonnance de Louis XIV, en date du 20 décembre 1695, établissait un hôpital maritime : au lieu dit Paimbceuf.
« Ce n'était alors, — nous dit Expilly, — qu'un simple hameau de pêcheurs ; le commerce de Nantes augmentant et les grands navires ne pouvant monter charger, il fallut un endroit pour les désarmer et les réarmer. Le lieu de Paimbœuf fut choisi pour cet effet à cause de sa situation avantageuse. On y établit un hôpital. Bientôt on y compta cinq à six mille personnes et 1 208 ménages tant dans le Haut que dans le Bas-Paimbœuf » (2).

1696. — CORSAIRES NANTAIS EN 1696.

Les armements en Course de l'année 1696 furent loin d'être aussi nombreux, ni surtout aussi heureux que ceux de la précédente. Sur sept corsaires expédiés, en effet, trois furent capturés ;

• Le Duc-d'Anjou, de 45 tonneaux ;
• La Marie-de-Pontchartrain, de 50 tonneaux ;
• Le Valincourt, de 80 tonneaux.
Un quatrième, le Vauban, de 130 tonneaux, périt corps et biens sur la côte d'Irlande.
Parmi les autres corsaires en 1696, nous signalerons le Succès et le Duc-de-Bourgogne (3).

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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJERO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 41.
A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe" siècles, p. 168.
(2) EXPILLY, Dictionnaire des Gaules. Article Nantes.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEUEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 42.
A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 94.


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jeudi, 21 décembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXXIV

Au XVIIe Siècle


1692. — LE CORSAIRE "L'AIGLE-DE-NANTES" .

Le 18 septembre 1692, le corsaire nantais l'Aigle-de-Nantes, de 180 tonneaux, armé de 24 canons et 6 pierriers, ramenait à Paimbœuf la prise anglaise le PRINCE-DE-GALLES dont il s'était emparé.
Le PRINCE-DE-GALLES était un ancien corsaire français tombé aux mains des Anglais ; il fut incendié par mégarde en rade de Paimbœuf.
La même année l'Aigle-de-Nantes amarinait l'espagnol la NOTRE-DAME-DE-L'ASSOMPTION (1).

1693. — LES CORSAIRES : "L'OISEAU" ET LA "VILLE-DE-NAMUR" .

En 1693 le corsaire nantais la Ville-de-Namur, capitaine La Franquerie, rentrait au port horriblement endommagé. Il avait soutenu un combat de plus de deux heures avec un vaisseau anglais, qui, se voyant perdu, avait mis le feu à ses poudres et s'était fait sauter, emportant le gaillard arrière de son antagoniste,
La même année, le petit corsaire nantais l'Oiseau, armé seulement de 10 canons, rentrait en Loire avec deux prises, l'une hollandaise et l'autre portugaise ; chacune d'elles sensiblement plus grosse que lui (2),


1694. — CORSAIRES NANTAIS EN 1694 — LE " SAINT-PHILIPPE ".

C'est à la date de 1694 que remontent les registres d'armement du port de Nantes. Ils mentionnent pour cette année les armements de corsaires suivants :
• La Notre-Dame-de-Bon-Secours, de 6 tonneaux, montée de 21 hommes et armée de 2 pierriers ; expédiée le 21 mai ;
• La Fortune, de 8 tonneaux, 26 hommes et 6 pierriers ; expédiée le 6 juin ;
• La Friponne, de 30 tonneaux, 48 hommes, 7 canons et 6 pierriers ; expédiée le 2 juillet ;
• L'Aigle-de-Nantes, frégate de 180 tonneaux, 110 hommes, 24 canons et 6 pierriers, expédiée le 9 juillet
• La Ville-de-Namur, de 160 tonneaux, 151 hommes, 24 canons et 6 pierriers ; expédiée en septembre (3).

Le 8 juillet 1694, le capitaine de Nantes, Jean Crabosse, mettait à la voile avec la frégate le Saint-Philippe, de 60 tonneaux, armée de 12 canons, et montée de 74 hommes d'équipage. En une seule croisière de quelques jours, il amarinait le SANS-PAREIL, de Bristol, l'ESPÉRANCE et la FRIPONNE (4).

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(1) A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVII' et XVIII" siècles, p. 168.
GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes au XVII" et au commencement du XVIIIe siècle, p. 118.
(2) GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes, p. 118.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJERO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 41.
(4) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJERO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 74.

vendredi, 15 décembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXXIII

Au XVIIe Siècle
Enfin, Jacques Cassard !


1679. — NAISSANCE DE CASSARD — LA QUINTAINE EN LOIRE.

Jacques Cassard, le hardi Corsaire nantais, le digne émule des Duguay-Trouin, des Jean Bart et des Duquesne, naquit le 30 septembre 1679, et fut baptisé le 2 octobre suivant dans l'église Saint-Nicolas de Nantes ; il était le huitième enfant de Guillaume Cassard, Marchand à la Fosse, et de Jeanne Drouard, son épouse. Les Cassard habitaient, non loin de la rue actuelle de la Verrerie, « un logis situé au bas de la Fosse, sur le devant d'icelle, consistant en une chambre basse, deux chambres hautes, et grenier au-dessus, coupvert de pierres d'ardoises. »
Ils devaient fournir chaque année les accessoires de la quintaine du Roi, qui se tirait le premier dimanche d'août. Un poteau orné d'un écusson était placé dans la Loire, en face la maison des Tourelles ; et les mariés de l'année, montés dans un bateau conduit par vingt rameurs, venaient rompre une lance contre l'écusson. Ceux qui ne réussissaient pas à la briser étaient accueillis par les lazzis de la foule, car il était alors tenu pour certain « qu'ils n'avaient pas épousé des rosières ».
S'ils se dérobaient à cette épreuve, ils devaient payer une amende de soixante sols ; dans tout les cas, il leur fallait donner quatre deniers aux canotiers, et présenter un saumon frais à l'Evêque. Les Cassard étaient tenus de fournir pour cette quintaine, l'écusson armorié, les lances de fer et la barque montée de vingt rameurs (1).


1683. — PÊCHE DE LA BALEINE ET DE LA MORUE.

Les navires nantais se livraient alors activement à la pêche de la morue et de la baleine. Nous en trouvons la preuve dans un Mémoire adressé en 1683 par les Nantais à M. de Senancour, et dans lequel ils se plaignaient des incessantes vexations que leur faisaient subir les Anglais, leurs rivaux dans ces deux sortes de pêche (2),


1690. — PRISES AMENÉES EN LOIRE.

Le corsaire nantais le Saint-Anthoine amenait en Loire, en 1690, la prise hollandaise le JEUNE-THOBIE. La même année, un corsaire de Saint-Malo : la Joyeuse y faisait entrer deux prises ; le Jacques, de la Jamaïque, et la Diligence, de Limerick (3).


1691. — CRÉATION DE L'AMIRAUTÉ DE NANTES.

L'Amirauté de Nantes fut créée par un édit de Louis XIV, daté de juin 1691 et enregistré au Parlement le 5 juillet suivant (4). La juridiction de ce tribunal était ainsi composée : un Lieutenant général, un Lieutenant particulier et quatre Conseillers ; un avocat du roi, un greffier, un huissier visiteur et délesteur, et un huissier-audiencier. Un receveur des droits de l'Amiral ; trois interprètes des langues étrangères ; un officier lesteur et délesteur ; un maître de quai ; deux professeurs d’hydrographie, dont l'un au Croisic ; quatre courtiers français ; deux jaugeurs de vaisseaux ; deux chirurgiens et un apothicaire étaient également attachés au tribunal de l'Amirauté (5).

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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, p. 5, 6.
LESCADIEU et LAURANT, Histoire de la Ville de Nantes, t. 1, p. 290.
(2) LE BŒUF, Du Commerce de Nantes, pp. 117-8.
(3) A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p, 168.
GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes au XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe siècle, p. 117.
(4) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. III, p. 442.
(5) EXPILLY, Dictionnaire des Gaules, Article Nantes.

vendredi, 08 décembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXXII

Au XVIIe Siècle


1677. — NAISSANCE DU MARIN NANTAIS VIÉ.

Le 28 avril 1677 était baptisé en l'église de Notre-Dame de Nantes, Jean Vié, fils aîné de Georges Vié, tailleur, et de Roberte Sauzais, son épouse. Jean Vié devint l'un des plus célèbres marins de son temps, et l'une de nos plus belles gloires maritimes nantaises (1).
Il est pénible de constater que Nantes a trop souvent méconnu Jean Vié, comme un peu du reste tous ses héros et toutes ses illustrations. Rien dans nos monuments ou dans les dénominations de nos rues ne rappelle son souvenir ; et trop de Nantais ignorent totalement ce marin fameux, que la plupart de nos chroniqueurs et annalistes ont passé sous silence (2).

1678. — COMBAT DU " SAINT-FRANÇOIS-DE-PAULE ".

Le 3 avril 1678, le navire Saint-François-de-Paule, de 200 tonneaux, sorti de Nantes avec 35 hommes d'équipage et 17 passagers, était aperçu au large par un gros corsaire hollandais qui se lança à sa poursuite. Le Nantais, de beaucoup inférieur en forces, se couvrit de voile et prit chasse. Après trente-deux heures, le Hollandais était à sa hauteur et lui lâchait sa bordée à laquelle ce dernier riposta vivement. Le combat durait depuis une heure et demie, malgré l’énorme disproportion des forces des deux adversaires, lorsque le feu prit aux poudres du Saint-François-de-Paule ; en un instant, l'héroïque navire nantais disparut sous la vague, son pavillon battant toujours fièrement à la corne. Sur ses cinquante-deux hommes, dix-sept survivaient et furent emmenés prisonniers ; quant au Hollandais, sur un équipage de quatre-vingt-sept hommes, trente seulement, dont un grand nombre de blessés, étaient encore vivants à son bord (3).

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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 89.
(2) BARON G. DE WISMES, Les Personnages sculptés des monuments religieux et civils de Nantes, p. 100.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 59.

jeudi, 30 novembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXXI

Au XVIIe Siècle


1671. — LES JÉSUITES ET L’ÉCOLE D’HYDROGRAPHIE.

Dans ses Lettres-patentes de décembre 1671, Louis XIV mettait comme condition de l'autorisation de séjour des Jésuites à Nantes, qu'ils y enseigneraient l'hydrographie. En 1684, les Jésuites se plaignirent de ne pouvoir continuer cet enseignement sans une subvention ; et un arrêt du Roi, du 30 avril, leur accorda 1000 livres par an sur les États de Bretagne. En 1715, cette somme cessant de leur être versée, ils fermèrent l'École d'Hydrographie, pour la rouvrir quelques années après. Ils réclamèrent alors leur ancienne subvention ; mais, avant de statuer sur leur demande, le Conseil prit l'avis du Bureau de Ville et des Marchands à la Fosse qui tous furent d'avis que l'École était absolument inutile. Les Jésuites ne se tinrent pas pour battus, et répondirent que seul le défaut de subvention les avait empêchés de rendre leur établissement utile. Ils firent si bien que le Conseil, par arrêt du 23 juillet 1729, finit par leur accorder 1000 livres sur les deniers d'Octroi de la Ville (1).


1672. — LE PORT EN 1672.

Dans son ouvrage : « Le Voyageur d'Europe, où sont les Voyages de France, d'Italie, d'Espagne, etc... », Jouvin, de Rochefort, décrit ainsi Nantes :
« .... l'une des plus belles (villes) de la rivière de Loire, et des plus grosses de France....... Ce qu'il y a de divertissant à Nantes sont ses ponts de pierre, qui traversent plusieurs isles qui les rendent longs d'un demi quart de lieue, sur lesquels il fait beau se promener pour avoir la vue de sur cette belle rivière, d'un costé couverte de bateaux qui descendent des villes qu'elle arrose, et de l'autre des navires et des barques qui viennent de toutes les parties de l'Europe, chargés de diverses riches marchandises, qui de Nantes, par la commodité des rivières se transportent dans tout le royaume. Aussi ne faut-il pas s'étonner si nous la voyons si florissante que la ville, n'estant pas capable de loger tout le monde, les faubourgs se sont accrus jusqu'à ce point qu'ils surpassent mesme de beaucoup la ville ; quand il n'y aurait que ceux du Marchix et de la Fosse, où demeurent à présent les plus riches marchands de Nantes, à cause du voisinage du Port et de son immense quai, le long duquel on voit de grands magasins et de très belles maisons ; si bien qu'en s'y promenant, on dirait qu'on est sur le bord du Tajo, qui fait le port de la ville de Lisbonne, par la diversité des barques de toutes nations...... » (2),
Un autre voyageur avait déjà comparé Nantes à Constantinople, et donnait sans hésiter la préférence au panorama de la Loire sur celui de la Corne d'Or.


1674. — L'AMIRAL TROMP À L'EMBOUCHURE DE LA LOIRE.

On apprit à Nantes, vers la fin de juin 1674, que l'escadre hollandaise de l'amiral Tromp, ayant levé le siège de Belle-Ile, se dirigeait vers l'entrée de la Loire. Aussitôt le port fut mis en état de défense ; les vaisseaux sur rade rentrés en rivière, et des troupes envoyées en hâte sur les côtes pour repousser le débarquement.
Le 2 juillet, la flotte hollandaise mouillait dans la baie de Bourgneuf ; et le 4, Tromp débarquait avec ses troupes à Noirmoutier, et tandis que ses vaisseaux surveillaient le Gois, s'emparait du château où il arborait le pavillon du duc d'Orange.
Les Hollandais se rendirent maîtres de douze vaisseaux que leurs équipages avaient fait échouer pensant les sauver ainsi, et les désarmèrent ; ils prirent également plusieurs navires nantais se dirigeant vers la Loire ; deux brigantins venant de la Rochelle, et une galère de 40 canons.
Craignant de se voir attaqués par des forces supérieures, les Hollandais remirent à la voile et se dirigèrent vers l'Espagne (3).

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(1) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. III, p. 481.
(2) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays Nantais, pp. 173-4.
(3) A. RICHER, Vie des célèbres marins, t. II, p. 14.


RAPPEL

Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

jeudi, 23 novembre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXX

Au XVIIe Siècle


1667. — PIRATES BISCAYENS.

En 1667, le commerce nantais portait plainte à Colbert contre les pirateries des Biscayens qui troublaient la navigation à l'embouchure de la Loire, et s'étaient emparés de plusieurs navires de Nantes (1).

1668. — CONSTRUCTION DE NAVIRES.

On lit dans un procès-verbal du 11 juin 1668 : « Nous, Maires et Échevins de la ville de Nantes, savoir faisons qu'estant en notre Bureau en la Maison commune, Nobles Personnes Estienne Grilleau, soubz-maire dudit Nantes et André Boussineau, sieur de la Pâtissière, marchans à la Fosse de Nantes, traffiquans à la mer, nous auroient remontré avoir faict bastir et construire de neuf en l'Isle d'Indrette sur la rivière dudit Nantes, deux navires ;.... un grand navire nommé le Saint-Estienne, de 400 tonneaux, mesurant 82 pieds de quille portant sur terre, 27 pieds de baux, 16 pieds de varangue droite, 11 pieds sous son premier pont, et 5 pieds de hauteur entre les deux ponts, mis à l'eau en notre présence ; et l'autre, plus petit d'environ 100 tonneaux, qui doit être nommé le Français » (2).

1669. — CONSTRUCTION DE NAVIRES

Le 1er avril 1669, Gatien Lefeuvre, marchand d'Orléans, fit construire quatre navires de 106, 100, 75 et 50 tonneaux, aux chantiers de la Fosse, situés : « proche la maison de santé dudit Nantes », c'est-à-dire près du Sanitat (3).
Les chantiers de constructions navales, transférés en 1583 du Port-au-Vin sur la grève de l'Ile-Gloriette étaient en effet devenus insuffisants, et avaient été reportés près du Sanitat, à l'embouchure de la rivière de la Chézine.
Ils ne quittèrent définitivement cet emplacement qu'en 1780 pour être transférés à la Piperie, en Chantenay.


1670.
— LE PORT DE NANTES EN 1670.

Savinien d'Alquié, dans son ouvrage : « Les Délices de la France, où il est traité de l’estat présent de ce royaume, de son gouvernement, de ses officiers et de sa politique ; ensemble les raretez de ses provinces et tout ce qu'il y a déplus curieux dans chacune de ses villes », disait de Nantes : « Cette ville est considérable pour plusieurs choses ; 1° en ce qu'elle est riche et marchande ; car il y a des marchands qui trafiquent par tout le monde ; 2° et parce qu'elle a des églises superbes et des maisons magnifiques ; des habitants assez sociables, fins, agissants et attachés à leurs profits, mais un peu trop adonnés au vin » (4).

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(1) GUÉPIN, Histoire de Nantes, p. 325.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Les Chantiers de la Loire et la Fosse du Port de Nantes, p. 179.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Les Chantiers de la Loire et la Fosse du Port de Nantes, p. 179.
(4) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays Nantais, p. 166.

jeudi, 16 novembre 2006

Chroniques portuaires de Nantes XXIX


Au XVIIe Siècle


1663. — PROJET DE CANAL MARITIME.

On voit dans une lettre du 5 mai 1663, adressée par Louis XIV au Maréchal de la Meilleraye, Gouverneur de Bretagne, que les Hollandais proposaient dès cette époque la construction d'un canal maritime pour faire « monter à Nantes des vaisseaux de tout port chargés ». Ils demandaient, pour subvenir aux
dépenses, le droit de percevoir une taxe de 10 sols par tonneau (1).
Cette lettre était une réponse à une requête présentée par les commerçants de la ville, le 28 avril, et soumettant au Roi un projet de « nettoiement du fleuve », de Paimbœuf à Nantes, pour permettre aux navires de 4 à 500 tonneaux de remonter la Loire (2).
Ces deux projets demeurèrent d'ailleurs lettre morte,

1664. — LA COMPAGNIE DES INDES ORIENTALES.

Le 20 mai 1664, le Bureau de Ville donnait communication d'une lettre de Colbert, datée du 20 mars, et adressée au Maire et aux Échevins de Nantes, Elle annonçait la création de la Compagnie des Indes Orientales ou du Levant, et incitait les commerçants et armateurs à s'y intéresser. Cette lettre étant demeurée sans effet, le Roi, à la date du 13 juin, puis les Syndics de cette Compagnie, écrivirent de nouveau au Maire dans le même but. Enfin une deuxième lettre du Roi, en date du 26 août, enregistrée à Nantes le 14 septembre, fut imprimée et affichée dans tous les quartiers de la ville. Peu à peu, les commerçants et armateurs, alléchés par les privilèges dont jouissait la nouvelle Compagnie souscrirent des actions, et le 23 novembre, les actionnaires nantais commencèrent à se réunir, et élirent un Syndic pour gérer les affaires de leur Société (3).

1665. — CHAMBRE DE DIRECTION COMMERCIALE.

Les commerçants nantais intéressés dans la Compagnie des Indes Orientales devenant de plus en plus nombreux, députèrent, le 19 janvier 1665, le sieur la Haultière Ramée à l’assemblée générale de Paris, pour solliciter à Nantes une Chambre de Direction Commerciale en rapport avec la Compagnie.
Ils alléguaient entre autres raisons, les avantages que Nantes possédait pour « le bastiment des vaisseaux, armement, cargaisons, vente et transport de marchandises ».
Cette Chambre de Direction leur fut accordée par Colbert, et contribua encore à la prospérité commerciale du port (4).

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(1) Saint-Nazaire, son Port, son Commerce, p. 9.
(2) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. III, p. 377.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. III, pp. 386-8.
(4) HUET, Recherches Économiques, p. 188.


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jeudi, 09 novembre 2006

Chroniques portuaires de Nantes XXVIII

Au XVIIe Siècle



1654.
— DÉPART D'UN NAVIRE DE LA “COMPAGNIE DE TERRE FERME DE L’AMÉRIQUE”.

Attirée par le bon renom des chantiers de constructions nantais, la Compagnie de Terre ferme de l'Amérique, ou France équinoxiale, avait décidé d'y faire construire ses navires. Le 2 février 1654, la population de la ville se portait en foule à la Fosse pour assister au départ du premier de ces navires, armé de cinq canons, et monté d'environ trois cents hommes, sans compter un grand nombre de femmes et dix administrateurs de la Compagnie qui se disposaient à se fixer dans la France équinoxiale (1).
Les archives de la Chambre de Commerce possèdent un « Exposé du dessein de la Compagnie formée pour la terre ferme de l'Amérique ou France équinoxiale » daté de 1654 et attribué à l'abbé de Marivaux (2).

1660.
— DÉFENSE D’EMBARQUER LES CATHOLIQUES À DESTINATION DES PAYS PROTESTANTS.

L'armateur Henri Barclai, de nationalité anglaise, accomplissant régulièrement la traversée de Nantes au Canada, embarquait sans distinction sur son navire le Dauphin des émigrants catholiques et protestants. Le Bureau de Ville, craignant que les catholiques ainsi transportés en pays hérétiques n'y perdent leur foi, fit défense à Barclai de les embarquer, et délégua le sieur Martin Nicollon pour se rendre à bord du Dauphin, en rade de Bourgneuf, et s'assurer de l'exécution de ses ordres. Le 17 juin 1660, Martin Nicollon adressait au Bureau de Ville un rapport par lequel il affirmait, qu'après une visite minutieuse, il n'avait trouvé aucun catholique à bord du Dauphin, et qu'il en avait en conséquence autorisé le départ (3),

1662. — MESURE CONTRE LES NAVIRES CHARGÉS DE BLÉ.

Nantes était alors cruellement éprouvée par la famine ; et les souffrances des habitants étaient d'autant plus vives que chaque jour des navires chargés de blé remontaient la Loire à destination d'Angers ou d'Orléans. En présence de cette situation, le Bureau de Ville, assemblé le 18 avril 1662, décida de contraindre par la force ces navires à s'arrêter à Nantes, et résolut d'armer une galiote pour forcer les capitaines à faire planche à ses quais, et à n'en repartir que lorsque la Municipalité leur aurait acheté la quantité de blé suffisante pour subvenir aux besoins des habitants (4).

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(1) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. 4, p. 428.
(2) Archives de la Chambre de Commerce.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. III, p. 368.
GUIMAR, Annales nantaises, p. 448.
(4) MEURET, Annales de Nantes, t. II, p. 223.


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jeudi, 26 octobre 2006

Chroniques portuaires de Nantes XXVII

1646. — LE PORT DE NANTES EN 1646.

La « Description de la Ville de Nantes , où l'on fait voir ses commodités et ses avantages pour le commerce, par un habitant de cette ville », datée de 1646, décrit ainsi le port de Nantes :
« ..... Le Canal de la rivière de Loire, qu'on appelle communément la Fosse, à cause peut-être d'un beau quai élevé sur le long de ce canal vers le septentrion, qui d'un côté ayant les eaux coulantes de ce fleuve, de l'autre des maisons pour la plupart superbement bâties, et s'étendant jusques à plus qu'un quart de lieue, forme le lieu le plus agréable à la vue, et des plus commode au commerce de mer qui se puisse voir...
..... II est vraisemblable que la ville de Nantes porte ce nom et le navire pour son blason, pour dénoter la première et plus ordinaire proffession de ses peuples, qui a été de naviguer et exercer le commerce de mer ; et comme dans la langue latine on emploie souvent l'adjectif nantes pour signifier un navire qui vogue sur mer, comme même le poëte Virgile l'y emploie, il est probable que ce nom de Nantes a été imposé à cette contrée du pays, pour ce que le premier et le plus ordinaire exercice de ses peuples a été de naviguer et exercer le trafic sur les eaux....
... Aussi, qui considérera la situation de la ville de Nantes avouera facilement qu'elle a des commodités non pareilles pour exercer le commerce, tant au dedans que hors du royaume. Elle est placée non loin du grand Océan qui, par un flux et reflux quotidien envoie ses eaux jusques dans les fossés de ses murs, semblant se venir offrir au service de ses habitants, et les convier à bien user de cette commodité pour la navigation..... »


Cette description de la Ville de Nantes, constitue le Chapitre X de l'Ouvrage : « Le Commerce honorable, ou Considérations politiques contenant les motifs de nécessité, d'honneur, et de profit, qui se trouvent à former des compagnies de personnes de toutes conditions pour l'entretien du négoce de mer en France. Composé par un habitant de la ville de Nantes ». (Jean Éon, en religion Mathias de Saint-Jean, carme) (1).


COMPAGNIE DE COMMERCE ET DE NAVIGATION.

Par Lettres-patentes du 30 janvier 1646, Louis XIV autorisait le Maire et les Échevins de Nantes à créer une Compagnie de Commerce extérieur et de Navigation, Dans ces mêmes Lettres, il conviait les nobles à en faire partie ; et, en effet, depuis les Lettres-patentes du même Roi datant de 1645, les nobles et gens de Robe pouvaient, sans aucunement déroger, se livrer au commerce de mer (2).



1651. — BOURSE DES MARCHANDS.

La Bourse des Marchands était terminée depuis plusieurs années déjà, et cependant les commerçants négligeaient de s'y réunir ; aussi la ville l'afferma-t-elle en 1651 à des particuliers, pour la somme de 175 livres, à la seule condition de ne pas y vendre de vin. Du jour où ils en furent privés, les commerçants sentirent toute l'utilité de la Bourse ; ils rachetèrent en conséquence le bail, et prirent, à partir de cette année, l'habitude de s'y réunir (3).

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(1) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays Nantais, p. 166.
(2) Archives de la Chambre de Commerce de Nantes.
(3) MEURET, Annales de Nantes, t. II p. 210.

jeudi, 19 octobre 2006

Chronique portuaire de Nantes XXVI

Au XVIIe Siècle


1637. — RÉCOMPENSE À DEUX CAPITAINES

Le Bureau de Ville fit présent, en 1637, de cent livres de poudre à canon aux capitaines Lefauche et Berthelot, du Pouliguen, qui avaient arrêté plusieurs des pirates espagnols croisant à l'embouchure de la Loire ; et les exhortait à continuer de courir sus à ces écumeurs de mer (1),

1641. — CONSTRUCTION DE LA PREMIÈRE BOURSE DES MARCHANDS.

Le 9 juin 1641, le Bureau de Ville décidait la construction d'une Bourse où les marchands pourraient se réunir. L'adjudication en fut faite le 24 juillet, au sieur Élie Brosset, pour la somme de 8.300 livres (2).
Cette première Bourse des Marchands était située dans la rue de la Fosse, et près le passage du Commerce ; on en voit encore quelques restes dans une cour.

1644. — LE PORT DE NANTES EN 1644.

Louis Coulon décrit ainsi Nantes dans son ouvrage :
« Rivières de France ou Description Géographique et Historique du cours et débordement des fleuves, rivières, fontaines, lacs et estangs qui arrosent les provinces de France. Première partie, comprenant celles qui se jettent dans la mer Océane » :
« Nantes est une ville forte de grand trafic, à cause de la commodité de son port sur la rivière du Loire, où la mer reflue jusques à ses murailles » (3).


1645. — LE COMMERCE DES HUILES DE BALEINE.

Nantes recevait à cette époque de grandes quantités d'huile de baleine ; et ce commerce donna lieu en 1645 à une contestation entre les commerçants de la ville et un sieur Rouxeau, directeur d'une Compagnie du Nord, se disant privilégiée pour la vente des huiles de baleine, de chien de mer, lard et fanons, etc..,..
Rouxeau, en vertu de ce soi-disant privilège, avait prétendu mettre l'embargo sur les cargaisons d'huiles d'un navire espagnol et d'un navire de Hambourg ; et cette prétention avait suscité une plainte des commerçants de la ville.
Le Parlement défendit à Rouxeau de plaider et aux commerçants de se défendre, de sorte que tout demeura comme précédemment (4).
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(1) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. I p. 392.
(2) GUÉPIN, Histoire de Nantes, p. 315.
(3) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays Nantais, p. 153.
(4) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. I. p. 392.