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jeudi, 29 mai 2008

Chronique portuaire de Nantes XCVI

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830

1821. — CHEVAL OU VAPEUR, LE BATEAU ZOOLIQUE MÛ PAR DES CHEVAUX.

Que le cheval se soit trouvé en conflit avec la vapeur pour les transports terrestres, il n'est rien que de très naturel ; mais qu'il ait eu à lutter contre elle sur eau, pour mettre des navires en mouvement autrement qu'en les halant de la berge, c'est là un fait extrêmement curieux et susceptible peut-être de laisser le lecteur moderne sceptiques! l'on ne pouvait lui présenter des preuves certaines.

Le Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure du 3 novembre 1821 insérait en effet l’avis suivant :
« Bateau zoolique. — Le sieur P.-A. Guilland, breveté de S. M. pour l'invention des bateaux mis en mouvement par des animaux, prévient Messieurs les voyageurs qu'il vient d'établir sur l'Erdre un de ces bateaux pour servir de packet-boat entre Nantes et Nort, qui fera journellement le trajet d'aller et retour entre ces deux villes... » (1).
Et, dans le même numéro, le journal publiait en partie le rapport du secrétaire de la Société académique concernant cette curieuse invention. Un certain nombre de chevaux étaient enfermés dans la cale, et piétinant sur place sur un plancher mobile qui se dérobait sous leurs pieds, lui imprimaient un mouvement circulaire utilisé pour mettre en mouvement deux roues à aubes, analogues à celles déjà employées par les premiers vapeurs,

« Plusieurs expériences auxquelles ont assisté les membres de votre commission, — écrivait le rapporteur, — ont convaincu que le bateau, tel qu'il est à présent, et très susceptible de perfectionnements, refoulerait le courant avec une vitesse de 300 toises par heure et qu'il gouvernerait fort bien ».

La date de cette invention ajoute encore à son piquant. Elle était en effet une réponse aux premiers essais de navigation à vapeur, et son auteur, en présence des résultats alors peu satisfaisants de cette nouvelle force, estimait qu'après tout, une fois le principe des roues à aubes admis, le cheval était encore un moteur préférable à la vapeur. Tel était d'ailleurs, l'avis du rapporteur de la Société académique, qui concluait :
« Espérons beaucoup, Messieurs, des essais dont je viens de vous entretenir, et ne craignons pas d'encourager les capitalistes à les seconder, au moins comme tentative : car il doit en résulter la solution de celui des problèmes qui intéressent les fortunes de Nantes au plus haut degré » (2).

(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 3 novembre 1821.
(2) Journal de Nantes et de lu Loire-Inférieure, n° du 3 novembre 1821.
Séance publique de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, tenue le 3 septembre 1821, p. 53.
Séance publique de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, tenue le 19 décembre 1822, pp. 54-55.


RAPPEL
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Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

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jeudi, 22 mai 2008

Chronique portuaire de Nantes XCV

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1820. — LE BRICK NANTAIS LES " DEUX-SŒURS ".

Le baron de Vaux, vice-consul de S. M. Britannique à Nantes, adressait, en janvier 1820, au Préfet de la Loire-Inférieure, une lettre par laquelle il lui témoignait toute la satisfaction avec laquelle le gouvernement anglais se plaisait à reconnaître le dévouement du capitaine Lucet et des matelots du brick nantais les Deux-Sœurs, dans le sauvetage du brick anglais FRIENDS, chaviré en mer le 29 novembre 1819.
Il lui transmettait, pour l'équipage du navire nantais, une gratification de 1.247 fr, 50 provenant du Lloyd et des intéressés ; et le priait de lui faire connaître les noms des officiers et matelots les plus méritants, que S. M. Britannique désirait récompenser spécialement (1).


LE VAPEUR AMÉRICAIN LE " TRITON ".

Dans le courant de 1820, le bateau à vapeur américain le Triton, venu de Bordeaux, remonta la Loire et vint à Nantes où il fit une excursion à Paimbœuf à la vitesse alors considérable de près de deux lieues à l'heure.
Le Triton excita une admiration très grande en ville et un nombre considérable de curieux vinrent le visiter.
La même année, un membre de la Société académique, M. Testier, avait déjà présenté « un modèle de canot ou embarcation contenant un appareil de mouvement propre à lui faire remonter le courant des rivières, et qui pouvait être mis en jeu par une pompe à feu ou par quelqu'antre agent qu'on y adapterait. »
M. de Tollenare, un autre membre de la Société académique, profita de la présence du Triton à Nantes, pour réclamer rétablissement à brève échéance de bateaux à vapeur sur la Loire (2).
_______________________________________________________________________
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n°du 23 février 1820.
(2) Séance publique de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, tenue le 3 août 1820, pp. 79-83.
Annales de la Société académique, Année 1838, p. 90.

jeudi, 15 mai 2008

Chronique Portuaire de Nantes XCIV

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1819. — NAUFRAGE DE LA " SOPHIE ".

Parti de Nantes, le 14 mai 1819, pour Bahia, le brick la Sophie, de 131 tx., armateurs MM. Le Quen et Cie, capitaine Robert Séheult, faisait naufrage au commencement de juin dans les environs de Ouled-Limi, à dix ou douze journées de Mogador. Une partie de l'équipage s'embarqua dans une chaloupe, et fuyant la côte inhospitalière du Maroc, se dirigea vers le Sud, et fut assez heureux pour atterrir aux Canaries, après une longue et dangereuse traversée.
Le capitaine Séheult, un passager du nom de Clochelet, deux autres Français et deux Portugais, dont un prêtre, restèrent à bord du navire désemparé qui ne tarda pas à venir à la côte et s'échoua sur la plage africaine.
Une nuée d'Arabes l'entourèrent bientôt, le mirent complètement au pillage, et, s'emparant des six naufragés, les vendirent à un cheik du nom de Biruch, qui les emmena dans l'intérieur.

La peste faisait rage alors dans cette contrée, et le cheik, craignant de perdre ses prisonniers et de n'en tirer aucun profit, leur facilita les moyens de négocier leur rachat.
Ignorant la présence à Mogador d'un agent français, les naufragés de la Sophie firent parvenir au consul anglais de cette ville un exposé de leur situation, exprimant l'espoir d'être promptement arrachés à leur captivité. Ce fonctionnaire avisa son collègue français, et les deux gouvernements s'empressèrent de donner des ordres pour le rachat des captifs et entamèrent des négociations avec le cheik qui, indisposé contre ses prisonniers par suite de l'indélicatesse de l'un d’eux qui lui avait dérobé douze roublons, et averti, d'autre part, de leur état de fortune et de leur rang par leurs imprudentes paroles, exigeait pour leur rançon la somme énorme de 3.000 piastres fortes.

Pendant les pourparlers, le Roi de Maroc, instruit de l'événement par le pacha de Suz, mit tout en œuvre pour hâter la délivrance des captifs faits sur ses côtes, et voulut payer lui-même leur rançon. Il compta au cheik Biruch 500 piastres fortes par prisonnier, et le 13 novembre, les six naufragés de la Sophie entraient en rade de Tanger, d'où un navire de Marseille les ramena en Europe (1).
___________________________________________________________________________
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n°3 des 28 septembre, 9 et 11 octobre 1819, et 4 janvier 1820.

jeudi, 08 mai 2008

Chronique Portuaire de Nantes XCIII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1818.— LE PAQUEBOT NANTAIS L' " HYPPOMÈNE ".

En août 1818, le trois-mâts l’Hyppomène, de 400 tx., armateur Bryand, construit par Bonnissant et lancé le 20 juillet, quittait Nantes pour se rendre à Paimbœuf, où il devait terminer son armement et prendre ses derniers passagers. Il était commandé par le capitaine Ailliot, et devait se rendre à la Nouvelle-Orléans en touchant à la Havane.
« Ce paquebot,— écrivait la Feuille Commerciale de Nantes,— a des formes très agréables et paraît promettre une bonne marche ; il est orné en dehors, aux deux extrémités et dans l'intérieur, avec un goût infini. Les portes de la chambre dite du conseil sont en fer et en forme de flèches, et les trumeaux des fenêtres sont en glaces. Cette chambre est décorée en sculptures de pâte dorée ou peintes. Ce genre de décorations rappelle celles du navire la Loire, capitaine Gautreau. Un nombre infini de curieux ont été voir, avant son départ, l'Hyppomène, qui, distribué à la manière des paquebots anglais, peut contenir jusqu'à 80 passagers » (1).


SECOURS AUX NOYÉS ET ASPHYXIÉS EN 1818.

Le Joumal de Nantes et de la Loire-Inférieure des 12, 15 et 19 juillet 1818 contient une amusante polémique entre deux étudiants en médecine et le professeur Darbefeuille au sujet dutraitement applicable aux noyés et asphyxiés par immersion.
Tandis que les premiers, s'appuyant sur les autorités médicales alors en honneur à l'École et sur l’enseignement de leurs professeurs, préconisaient la saignée à la jugulaire et le lavage de l'intestin à l'essence de tabac, le second, au contraire, combattait ces deux médications ; la saignée comme n'ayant d'autre résultat que d'affaiblir encore plus le malade, et l'emploi du tabac comme capable tout au plus de l'empoisonner.
Sans doute on ne s'étonnera nullement de voir figurer la saignée dans le cas d'asphyxie, étant donné qu'elle figurait encore dans la plupart des traitements médicaux ; mais, en ce qui concerne l'emploi du tabac, soit en lavages, soit en fumigations, quelqu'étrange que cela puisse sembler, on lui reconnaissait alors une influence très salutaire en cas d'asphyxie par immersion ; des boîtes de fumigation contenant les préparations de tabac et les appareils destinés à les employer étaient même placées de distance en distance le long des quais, par ordre du gouvernement, et au même titre que les gaffes et ceintures de sauvetage.

Après de nombreuses discussions pour et contre, le journal terminait la polémique par une lettre humoristique d'un pseudo-malade ; ce dernier, forcé par son médecin à prendre de nombreux bains en rivière, et soucieux de sa conservation, avait toujours, expliquait-il, pris le soin de se baigner à proximité des boîtes de fumigation et en présence d'un médecin ; mais, — ajoutait-il, — la polémique récente lui ouvrant les yeux sur l'incapacité de la médecine, il se jurait bien, désormais, de ne se mettre à l'eau que le plus loin possible des docteurs et des « boëtes de fumigation », pour éviter qu'un médecin ne se crût obligé de le saigner à blanc pour le rappeler à la vie, ou ne l'empoisonna de gaieté de cœur en lui brûlant sous le nez des quintaux de tabac (2).
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(1) Feuille Commerciale de Nantes, n°du 17 août 1818.
Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 21 juillet et 18 août 1818.
(2) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 12, 15 et 19 juillet 1818.

jeudi, 01 mai 2008

Chronique Portuaire de Nantes XCII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1817. — LE DUC D'ANGOULÈME ET LE " FILS-DE-FRANCE ".

Les 3, 4 et 5 novembre 1817, Nantes recevait dans ses murs le Duc d'Angoulème, Grand Amiral de France. Après avoir visité la Bourse, où il reçut les compliments du Commerce nantais, le Prince suivit la Fosse et se rendit aux chantiers Jollet où, à la demande de la Chambre de Commerce, il devait poser la quille d'un navire de 7 à 800 tx., destiné au commerce des Indes Orientales, et construit pour le compte de l'armateur Dobrée, consul des Villes Hanséatiques.

Arrivé au chantier, le Prince descendit de cheval et prit place sur l'estrade placée sous une tente magnifique qui couvrait toute la longueur de la quille. Cent ouvriers « uniformément vêtus » vinrent soulever l'énorme assemblage de madriers et, tandis qu'ils la portaient, le Prince, descendu de son siège, posa la main sur la quille et l'y maintint jusqu'à ce que les ouvriers l'eussent placée sur les tins.

Dobrée lui présenta alors une masse d'argent et le supplia d'enfoncer les premiers clous ; le Prince s'exécuta de bonne grâce, et, faisant le tour de la quille, frappa de sa masse d'argent les huit clous d'écarves préparés à l'avance, et qu'un maître charpentier vint ensuite assujettir. À la demande de Dobrée, le Prince consentit à ce que ce navire portât le nom du Fils-de-France ; puis il quitta le chantier au milieu des acclamations, après avoir félicité Dobrée de l'initiative qu'il avait montrée en tentant de nouveau l'armement des baleiniers et exprimé les vœux qu'il faisait pour que le Nantais, alors en cours de campagne, répondît à ses légitimes espérances (1).

Le Fils-de-France partit de Nantes le 4 juin, sous le commandement du capitaine Collinet, à destination de la Chine ; en 1819, il était sous les ordres du comte de Saint-Belin(2).

Le Fils-de-France fut longtemps considéré comme le type le plus parfait des long-courriers destinés au commerce de Chine ; et en 1869, M. de Connink, négociant au Havre, le prenait encore comme modèle du genre, dans son ouvrage sur la Marine à voile. Comme tous les navires construits à Nantes, il était loin d'avoir le « chic » des Bordelais ; mais, par contre, il était sensiblement meilleur marcheur que les navires sortis des chantiers de la Gironde.
Le capitaine Dubois-Violette qui le commanda, et en était l'armateur avec Dobrée, fut le premier capitaine européen qui pénétra dans le port de Canton quand il fut ouvert de nouveau aux Européens ; ce fut également ce même capitaine qui rapporta en Europe les premières mandarines (3).
__________________________________________________________________________________
(1) Relation officielle de ce qui s'est passé à l’occasion du séjour de S. A. R. Monseigneur le Duc
d'Angoulême dans la ville de Nantes, les 3,4 et 5 novembre 1817.

(2) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 20 juin 1818.
(3) Communiqué par M. François Josso, petit-neveu du capitaine Dubois-Violette.

jeudi, 24 avril 2008

Chronique Portuaire de Nantes XCI

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1817. — ARMATEURS ET CAPITAINES BALEINIERS DU PORT DE NANTES.

Les traditions de la pêche de la baleine, jadis en honneur dans le port de Nantes, étaient complètement oubliées, lorsque l’armateur Dobrée résolut d'en tenter de nouveau la fortune. Il arma, en 1817, le trois-mâts le Nantais ; fit venir d'Angleterre des engins, un équipage et un capitaine nommé Winseloo ; et expédia ce navire vers les lieux de pêche. Quatorze mois après, le Nantais revenait avec le produit de vingt-sept baleines. Un seconde campagne, accomplie cette fois avec des engins fabriqués à Nantes, rapporta vingt-neuf baleines en quinze mois ; et une troisième, trente-trois baleines en dix-huit mois. Dobrée fit alors construire deux navires neufs de 300 tx., le Triton et l'Océan qui remplacèrent le Nantais.
Alléchés par les résultats obtenus, un grand nombre d'armateurs nantais s'adonnèrent bientôt à cette pêche : Louis Lévesque armait l'Amélie ; James Dupuis expédiait l'Océan, l'Éléphant-de-Mer et le Léandre, puis l’Adèle-et-Marie ; Maës et Cornau expédiaient la Comète ; enfin, Genevois expédiait l'Océanie ; et chacun de ces baleiniers accomplit des voyages très fructueux.

Parmi les capitaines baleiniers les plus habiles du port de Nantes, figuraient le capitaine Coste qui commanda l'Adèle-et-Marie, puis l'Océanie ; et le capitaine Thébaud. Ce dernier, qui commanda l'Amélie et le Léandre, fut le premier capitaine nantais qui forma un équipage baleinier exclusivement composé de marins français. Désireux de connaître à fond son métier, il se fit successivement timonier de pirogue, loveur de ligne, harponneur, etc., et acquit une telle réputation d'adresse qu'il ne fut plus connu que sous le nom de Thébaud-Baleine.

L'industrie de la pêche de la baleine introduisit à Nantes l'usage de doubler les navires de feutre, et l'emploi des câbles de fer substitués aux câbles de chanvre.

Depuis quelque temps déjà, les Anglais doublaient leurs navires d'un feutrage spécial, recouvert d'un soufflage de bois et de cuivre, et destiné à rendre la coque à la fois plus solide et plus imperméable, et plus souple aux chocs. L'armateur Dobrée parvint à créer un feutre susceptible de remplir cet usage, et cette coutume se répandit bientôt sur toutes nos côtes. Dobrée importa également d'Angleterre des modèles de câbles de fer, alors inconnus en France, et qui, dès ce moment, furent fabriqués dans les ateliers de nos constructeurs nantais (1).

_____________________________________________________________________________________________________
(1) Le Lycée Armoricain, 4e volume, 1824, pp. 92 et s.
Procés-verbaux des séances annuelles de la Société Académique de Nantes, Année 1823, pp. 43-45 & 60-64,
Année 1824, pp. 37-42, Année 1826, pp. 89-105.


RAPPEL

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Marins et Corsaires Nantais
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vendredi, 18 avril 2008

Chronique Portuaire de Nantes XC

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1815. — DÉLÉGATION ANGLAISE À NANTES.

Dès que le drapeau blanc fut officiellement arboré, l'Administration maritime du Port et de l'Arrondissement de Nantes, se mit en rapport le 19 juillet 1815, avec l'escadre anglaise stationnée à Quiberon, priant son chef, l'Amiral Hottam, de bien vouloir s'entendre avec elle pour assurer le rétablissement de la liberté de la navigation.
L'Amiral Hottam envoya alors à Nantes trois officiers, dont le fils d'un Amiral, le capitaine Mitchell.
Ce dernier fut tellement enchanté de la courtoisie des Nantais et de leurs Représentants, qu'il s'empressa, dès son retour en Angleterre, de faire exécuter un vase d'argent qu'une délégation vint solennellement remettre de sa part au Maire de Nantes (1).

1816. — LES BATEAUX " PROS ".

Le Précis analytique des travaux de la Société des Lettres, des Sciences et des Arts de la Loire-Inférieure pendant les années 1814 et 1815, imprimé en 1816, signalait « un Mémoire de M. Ducrest, ancien ingénieur de la Marine, sur une construction particulière de bâtimens auxquels il donne le nom de Pros. Ces bâtimens, — constatait le rapporteur, — sont une imitation des Caracores des isles Moluques. Se proposant d'intéresser quelques négocians de Nantes à ses constructions nouvelles, M. Ducrest a voulu consulter la Société, pensant que son approbation lui ferait facilement obtenir les fonds nécessaires pour une semblable entreprise. M. le Boyer, au nom d'une commission nommée pour examiner ce projet, y a trouvé les inconvénients suivants :
1° submersion facile ;
2° difficulté très grande pour virer de bord ;
3° construction qui n'offrirait d'avantage qu'en temps de guerre.
En conséquence, la commission n'a pu que se féliciter d'avoir détourné l'auteur de former une entreprise dans laquelle il aurait perdu
» (2).
____________________________________________________________________________________________________________________

(1) F. LIBAUDIERE, Précis des événements qui se sont passés à Nantes sous la seconde Restauration, (Annales de la Société Académique, Année 1905, p. 16).
(2) Précis analytique des travaux de la Société des Lettres, des Sciences et des Arts de la Loire-
Inférieure pendant les années
1814 et 1815, p. 8.

samedi, 12 avril 2008

où le sujet est encore une histoire de voiliers nantais

Quand on s'embarque dans des histoires de voiliers et de longs- courriers, on revient toujours à ce vieux cap-hornier Louis Lacroix, natif de la Bernerie-en-Retz et fils de notaire, qui gravit de novice à capitaine l'échelle de la hiérarchie de la "Marchande". Il termine sa carrière comme capitaine-visiteur du port de Nantes et trouve le temps de rédiger le livre des dernières heures de la marine à voile.
Tout môme, j'avais entendu parler de ce vieux marin. Peut-être l'ai-je croisé dans les années 46-47 quand je descendais, le jeudi matin de la rue Rosière d'Artois au quai de la Fosse rêver de grands départs ?
Mais c'est Cendrars qui me jeta dans l'épopée. L'été 1961, j'étais immergé dans les lectures de L'homme foudroyé et de Bourlinguer quand je tombai sur une des notes du chapitre VIII Gênes, certainement une des plus belles recensions écrites à propos des bouquins de Louis Lacroix :

Note 12.
Je profite de l'occasion pour rendre hommage aux bons, gros bouquins du capitaine Lacroix, cap-hornier, qui a bourlingué sur les sept mers du globe et qui a fourré dans ses livres, en plus des mirobolantes photographies et des documents que l'on ne trouve nulle part ailleurs, tout ce qu'il a pu apprendre et voir de ses yeux durant ses longues croisières et ses dures campagnes de mer, sans parler des aventures de mille navires et des mille et un secrets du métier dont les
marins ne sont jamais chiches. Ses livres constituent l'épopée de la marine à voile, et qu'importe son tour de plume puisque le vieux loup de mer a tant de choses à nous dire et à nous apprendre, et qu'il est profondément humain! Le capitaine Lacroix est en train d'écrire, sans s'en douter dans sa bonhomie, l'Histoire de la marine marchande française, la vraie, et dont tout le pays se désintéresse! C'est déjà un monument, et ce n'est pas fini...

Quel malheur qu'il n'y ait pas quelque part, perdu dans sa province natale, un retraité colonial qui ne soit en train d'en faire autant pour les Colonies, dont tout le pays se désintéresse également! Je pense à un trafiquant ou à un planteur, plein de verve, d'expérience, d'anecdotes vraies, de choses vues, d'aventures vécues pour nous donner une idée de conquête pacifique, de lente pénétration de la civilisation, et non à un militaire de plume.

Voici la liste des ouvrages du capitaine Louis Lacroix, tous sont copieusement illustrés et ont paru Aux Portes du Large, à Nantes, entre 1936 et 1946 : Les derniers Grands Voiliers ; Les Derniers Cap-Horniers ; Baye de Bretagne; Les Derniers voyages de Bois d’Ébène, de Coolies et de Merles du Pacifique ; Les Derniers Voyages de Forçats et de Voiliers en Guyane et les Derniers Voiliers Antillais; Les Écraseurs de Crabes sur les Derniers Voiliers caboteurs; Les Derniers Clippers (en préparation).
Blaise Cendrars
in Bourlinguer,
Gênes, l'épine d'Ispahan, pp. 268-269
Livre de poche, 1960, première édition chez Denoël en 1948


Post-scriptum : J'ai failli ne pas publier le second paragraphe de la note où Cendrars sollicite le retraité colonial qui pourrait entreprendre l'histoire des Colonies, conquête pacifique, lente pénétration de la civilisation (sic et re-sic)... me disant en mon for intérieur : « Même, soixante ans après, les lecteurs de 2008 vont prendre Cendrars pour un sacré ringard réactionnaire ! »
Puis, très vite, j'ai pensé que c'était une bonnne ruade dans toutes les idées, parfois très saines, qui sévissent dans les têtes des enfants et petits-enfants qui jugent sans nuances, ni égards, le passé obscur, trouble même, de leurs pères.

vendredi, 11 avril 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXIX

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1814.— LE DERNIER CORSAIRE NANTAIS.

Le 2 février 1814, le corsaire nantais la Cléopâtre, goëlette de 4 can., 6 pier. et 32 h., cap. Chaumont, rentrait en Loire avec quatre prises espagnoles. La Cléopâtre fut très probablement le dernier corsaire nantais (1).

ALLAGOUSSE ET L’ “ALERTE".

Si nos corsaires avaient cessé leurs croisières, les corsaires anglais continuaient toujours les leurs, et rendus audacieux par l'impunité dont ils jouissaient, venaient jusque sur nos côtes enlever les navires de commerce et les barques de pêche. Apprenant que l'un de ces corsaires, armé de 8 canons, croisait dans la baie de Quiberon, le capitaine nantais Allagousse, commandant le lougre de l'État l'Alerte, résolut de s'en emparer.
Arrivé dans les parages de l'Anglais, il amena pavillon, cacha ses hommes dans la batterie, fit fermer ses sabords, et prenant l'aspect inoffensif d'un paresseux caboteur, continua sa route à la recherche du corsaire. Il le rencontra à hauteur d'Hœdic et prit lourdement chasse devant lui ; puis, à bonne portée de fusil, démasqua sa batterie, fit parler ses canons, joyeux d'aboyer enfin contre l'Anglais, et après un combat très vif amarina son adversaire dont le capitaine avait été tué (2).
____________________________________________________________________
(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes,p. 264.
GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, p. 423.
(2) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, 42


Note du scanneur.
Nous quittons donc à regret les Corsaires Nantais.
Le Traité de Vienne apportera le calme
dans les turbulentes flottes européennes .
Paul Legrand poursuit, quinze pages durant,
sa chronique de la marine Nantaise
— demeurent encore à la Fosse quelques négriers —
jusqu'à l'apparition des bateaux à vapeurs.
L'épopée des grands voiliers, elle, s'achèvera
au début des années 1920.

À lire : un certain Louis Lacroix, capitaine au long-cours
et formidable historien de cette épopée,
édité aux Éditions Maritimes et d'Outre-mer.
Sa lecture en est recommandée par Blaise Cendrars.
C'est peu dire !

jeudi, 03 avril 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXVIII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1812. — LANCEMENT DE FRÉGATES

Deux frégates de l'Etat, l'Aréthuse et le Rubis, furent mises à l'eau et armées aux chantiers de Nantes en 1812 ; et le 26 septembre, le capitaine Denis Lagarde recevait du ministre l'ordre de faire célébrer à leur bord la victoire de la Moskowa ; « ces frégates pavoiseront, — écrivait-il, — et il se fera une salve de trente coups de canon qui sera répétée au coucher du soleil ».
Deux autres frégates : l'Étoile et la Sultane étaient encore sur cale. Elles furent lancées l'année suivante et armées sous les ordres des capitaines Philibert et Féretier (1).

La frégate représente incontestablement l'apogée de la marine à voile ; c'était un bâtiment très ras sur l'eau, percé d'une ceinture continue de sabords, et d'un gréement magnifique. Les chantiers nantais jouissaient d'une réputation méritée pour la construction de ces élégants et rapides navires de guerre ; tout comme ils se distinguent maintenant dans celle des modernes torpilleurs.


1813. — LOUIS DROUIN, ÉCUYER.

Le 29 mai 1813, s'éteignait doucement dans sa belle propriété de Gigant, un vieux capitaine et armateur nantais, Louis Drouin, âgé de 91 ans.
Second capitaine de la Bellone, à 22 ans, en 1745, il avait été blessé au cours de l'un des engagements que soutint ce corsaire durant sa belle campagne.
Second du Mercure en 1747, il le quitta pour se fixer à Saint-Marc dans l’île de Saint-Domingue et y fonder une importante maison de commerce. La prospérité de cette maison assurée, Louis Drouin revint à Nantes en 1763, et les vastes comptoirs et magasins qu’il y établit occupèrent jusqu’à 1.200 personnes.
Louis XVI lui avait accordé la noblesse et le titre d’Écuyer en 1777 ; et Napoléon l’avait décoré de sa main le 9 août 1808. (2)
__________________________________________________________________________
(1) S. DE LA NICOLLIÉRE-TEIJEIRO, Les Constructions navales de Nantes.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp.217-219.

jeudi, 27 mars 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXVII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830

1810. — LE CAPITAINE GATIEN LAFONT.
Par suite de la trahison d'un pilote du pays, la goélette nantaise la Jeune-Louise, armée par MM. Benjamin Coquebert et Cie, était soudainement attaquée et amarinée par une frégate anglaise, sur les côtes de Hollande, le 9 novembre 1810, et son capitaine Gatien Lafont, tué sur sa dunette.
Gatien Lafont, l'un de nos meilleurs capitaines Corsaires, était né le 13 février 1768 ; engagé comme mousse, puis second pilote sur l'aviso du Roi, l'Expédition, en 1788 ; premier lieutenant en second sur la Bonite, de Nantes, en 1791 ; puis capitaine de l'Actif de Nantes, de 12 can., 12 pier, et 96 h, ; il avait déjà, à l'âge de vingt-huit ans, accompli plusieurs croisières heureuses. En 1798, il prenait la mer sur le Papillon, de Nantes.
Enfin, le 8 avril 1807, alors qu'il commandait l'Austerlitz, de Nantes, il fut pris après une chasse de douze heures par la frégate anglaise, I'ÉMERAUDE, le 13 avril 1807, et conduit en Angleterre où il demeura dix-huit mois prisonnier (1).

1811. — LE CAPITAINE FRANÇOIS AREGNAUDEAU ET LE "DUC-DE-DANTZIG".

Le corsaire nantais le Duc-de-Dantzig, brick de 291 tx., construit à Nantes en 1803, armé de 14 can. et monté de 103 h., sortit de la Loire le 16 juin 1811, pour une campagne de Course.
Le 13 décembre, le capitaine du corsaire la Gabelle, débarquant à Morlaix, annonçait : « que le corsaire le Duc-de-Dantzig détruisait le commerce des Iles. Il change sa croisière à chaque instant et n'expédie aucun navire... On peut juger du dégât qu'il a fait par le chiffre des croiseurs anglais mis à sa poursuite et à sa recherche ; ils sont au nombre de treize, dont sept frégates ».
Ce furent les dernières nouvelles que Nantes reçut de l'un de ses meilleurs corsaires, qui se fit probablement couler à la suite d'un épouvantable combat, écrasé par le nombre des ennemis acharnés à sa poursuite.
Il était commandé par le brave capitaine François Aregnaudeau.
Né à Nantes le 22 août 1774, Aregnaudeau avait débuté, en 1793, avec le grade d'enseigne, sur le corsaire le Sans-Culotte-Nantais, dont il fut lui-même capitaine en 1799.
Après avoir commandé plusieurs navires étrangers à Nantes, il y revint pour s'embarquer sur le Duc-de-Dantzig, à bord duquel il fit d'heureuses campagnes avant son funeste départ du 16 juin 1811. Décoré de la Légion d'honneur en 1804, il avait reçu un sabre d'honneur des mains de l'Impératrice, lors de son passage à Nantes, en 1808 (2).
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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 328-340.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 409-420.
E. PIED, Notices sur les rues de Nantes, p. 10.

RAPPEL

Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

Pages scannées par grapheus tis

jeudi, 20 mars 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXVI

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1810. — LA FRÉGATE NANTAISE LA "MÉDUSE".

Dans les premiers jours de juin 1810, la trop célèbre frégate de l'Etat, la Méduse, était lancée aux chantiers nantais de Paimbœuf.
Le 3 juillet 1815, la Méduse était mise, ainsi que la frégate la Saale, à la disposition de Napoléon déchu, et l'attendait sous voiles dans la rade de Rochefort, pour lui permettre de quitter la France et d'échapper aux Anglais ; mais les hésitations de l'ex-empereur permirent à l’escadre anglaise de se rapprocher des côtes, et le Bellérophon vint fermer la passe par où la fuite était encore possible.
Malgré l'offre du capitaine de la Méduse, qui proposait d'attaquer le vaisseau anglais pendant que la Saale ferait force de voiles vers les États-Unis avec l'impérial proscrit, Napoléon, jugeant le sacrifice inutile, se rendit à bord du Bellérophon, et confia sa personne et sa liberté au capitaine Maitland (1).

Envoyée l'année suivante par le gouvernement, pour reprendre possession du Sénégal que les traités de 1815 nous restituaient, la Méduse s'échoua le 2 juillet sur le banc d'Arguin, à quarante lieues des côtes d'Afrique.

Cent-quarante-neuf hommes s'embarquèrent alors sur un radeau improvisé qui fut rencontré après douze jours d'agonie par le brick l'ARGUS ; mais, des cent-quarante-neuf naufragés, cent-trente-quatre malheureux étaient morts, tombés à la mer ou dévorés par les survivants.

On raconte qu'alors que la Méduse était encore en chantier, un des matelots qui devaient s'y embarquer avait prophétisé sa fin horrible ; et, voyant la hideuse tête de Méduse qui devait orner la poulaine de la frégate, s'était écrié : « Quelle sale tête ; elle nous portera sûrement malheur ! » Cette prévision ne devait que trop se réaliser (2).

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(1) L. GUÉRIN, Histoire maritime de la France, t. VI, p. 482.
(2) Naufrage de la Méduse..., par Henri Savigny, ex-chirurgien de la Marine, et Alexandre Corréard, ingénieur-géographe, tous deux naufragés du radeau, Paris, 1818.

jeudi, 13 mars 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXV


Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1808. — NAPOLÉON À NANTES.

Lors de son passage à Nantes, en août 1808, l'Empereur visita le port, monté sur un yacht magnifique, don du Commerce de Nantes, et qui fut ensuite transporté à grands frais à Fontainebleau.
Bien qu'une lettre du ministre Decrès, en date du 27 juin, eut prescrit la mise à l'eau des frégates en chantier sur les cales Crucy avant la venue de l'Empereur, seule la Clorinde avait été lancée ; et la Renommée, l'Ariane, la Nymphe et la Méduse étaient encore sur les tins.
Après avoir parcouru les chantiers et inspecté ces beaux navires, l'Empereur se rendit ensuite dans la Basse-Loire et visita l'avant-port de Paimbœuf et la fonderie, de canons d'Indret ; c'est pendant ce voyage que l'architecte Mathurin Crucy lui exposa le projet d'un bassin à flot à Saint-Nazaire, projet qu'il approuva complètement.
Avant de quitter Nantes, Napoléon offrit une bague de diamants à M, Roux, directeur des mouvements maritimes, et fit distribuer 3.000 francs de gratification aux rameurs du yacht (1).


1809. — PRISE DE LA “TOPAZE" PAR LA "LOIRE".

Le 20 janvier 1809, la frégate la LOIRE, construite à Nantes en 1796, et devenue anglaise à la suite de sa prise en 1798, capturait la frégate la Topaze, également construite à Nantes, et mise à l'eau le 6 août 1805,
Parmi les trop nombreux navires français que la LOIRE amarina pendant sa carrière sous pavillon anglais, nous signalerons la Blonde, de Bordeaux, commandée par l'un de nos meilleurs capitaines nantais, François Aregnaudeau, qui fut emmené en Angleterre, où il demeura plusieurs années prisonnier (2).
La prise de la Topaze fut d'ailleurs le dernier fait d'armes de l'ex-frégate nantaise qui termina, en 1809, sa courte mais glorieuse carrière (3).
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(1) LESCADIEU et LAURANT, Histoire de Nantes, t. II, p. 199.
RENOUL, Passage à Nantes de S. M. l'Empereur Napoléon Ier pp. 102 et suiv.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 409-20.
(3) VATTIER D'AMBROYSE, Le Littoral de la France, Côtes Vendéennes, p. 438.

jeudi, 06 mars 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXIV

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1806. — ALLAGOUSSE ET L' " AMI-NATIONAL ".

Le lougre de l'État l’Ami-National, commandé par le capitaine nantais Allagousse, en croisière sur les côtes de Bretagne rencontrait, en février 1806, le cutter anglais la VÉNUS, de 8 canons de fort calibre, commandé par un lieutenant de vaisseau. Les deux navires se joignirent dans la baie de Quiberon, et après un long et sanglant combat, l'Ami-National forçait la VÉNUS à amener pavillon (1).

1807.— ALEXIS GRASSIN ET LE " GÉNÉRAL-ERNOUF ".

Depuis plusieurs mois déjà, la corvette anglaise la BARBARA, de 10 can. et 49 h,, surveillait les Antilles françaises, bloquant leurs ports et empêchant tout commerce sur leurs côtes ; lorsque le capitaine Alexis Grassin, commandant le corsaire nantais le Général-Ernouf, résolut de mettre fin à cette surveillance trop active, et sachant ne pas pouvoir lutter à forces égales contre la corvette anglaise, se décida à user de ruse.
Le 15 septembre 1807, la BARBARA vit dériver dans ses eaux un lourd chaland du pays, chargé de fruits et de marchandises de pacotille, et manœuvré par quelques pêcheurs insouciants. Leur maladresse et leur gaucherie amusèrent fort les Anglais ; et lorsque les pêcheurs eurent obtenu l'autorisation de monter à bord pour proposer leurs victuailles, ils accostèrent au milieu des lazzis et se mirent en devoir de débiter leur cargaison. Tout-à-coup, et tandis que les matelots anglais se bousculaient autour des paniers d'ananas et d'oranges, cinquante gaillards sortaient des flancs du complaisant chaland, se hissaient en grappes forcenées sur les échelles, sautaient sur le pont, et courant directement aux coffres d'armes et aux râteliers de haches d'abordage, tombaient sur les Anglais et s'emparaient en quelques instants de la BARBARA. C'était l'équipage du Général-Ernouf, sous la conduite d'Alexis Grassin. Ce beau fait d'armes, ajouté à bien d'autres, valut la croix de la Légion d'Honneur au capitaine Grassin, qui mourut le 24 juin 1832 (2).

LE CAPITAINE TUILIER ET LE " NEPTUNE ".

Au moment où le Neptune, de Nantes, était enlevé par un corsaire anglais en face du Croisic, le 20 mai 1807, le capitaine Tuilier, sautant dans un canot avec deux hommes, faisait force de rames vers la côte.
Arrivé à terre il courut au fort et obtint par ses pressantes sollicitations deux soldats et des armes. Avec ses quatre hommes il reprit la mer, revint à son navire, et se précipita avec furie sur les Anglais occupés à inventorier leur prise. Ceux-ci, stupéfaits de cette attaque soudaine et croyant à un renfort sérieux de Français, s'enfuirent à la hâte, laissant le brave Tuilier reprendre possession du Neptune, qu'il ramena triomphalement à Nantes. (3)

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(1) Le Moniteur, n° du 28 février 1806.
(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 424-32.
(3) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, p. 422.



vendredi, 29 février 2008

Chronique Portuaire de Nantes LXXXIII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830



1803. — VAPEUR NANTAIS CONTEMPORAIN DE FULTON.

En 1803, c'est-à-dire l'année même où Fulton se livrait sur la Seine à des expériences de bateaux à vapeur, « M. Dubochet aîné fit construire à Nantes une machine à double effet avec un seul robinet ou tiroir et sans condensation... M. Dubochet appliqua cette machine à un grand bateau de la Loire, et l'essai en fut fait sur ce fleuve. » (1)
Dubochet était un médecin nantais très versé dans les sciences mécaniques, et qui fut l'auteur de nombreuses inventions trop méconnues peut-être. II est regrettable qu'aucun document ne soit venu, jusqu'ici du moins, préciser la nature de l'invention brièvement rappelée par les quelques lignes citées plus haut, et qui constatent la solution pratique de l'adaptation de la vapeur aux navires à une époque contemporaine, tout au moins, de celle où Fulton fit sur la Seine les expériences qui l'ont rendu célèbre.


LE CAPITAINE P.-F. LEVEILLEY.

Fils adoptif de Nantes, comme Moncousu, le capitaine P.-F. Leveilley mourait en son domicile de la Chézine, le 26 décembre 1803. Né à Cherbourg et surnommé le "Jean-Bart de Cherbourg", il avait quitté sa ville natale pour s'établir et se marier à Nantes où il fut capitaine de plusieurs de nos corsaires, entre autres de la Vengeance. C'est à bord de ce navire, qu'il commandait en 1796 avec le grade de « lieutenant de vaisseau » et la dénomination sur le rôle de « capitaine de la rivière de Nantes », qu'il amarina quarante-sept prises en trois croisières (2).

1805. — LE CORSAIRE LA " CONFIANCE ".

Mollement bercé par la vague, le corsaire nantais la Confiance était mouillé le 2 juin 1805 au fond d'une petite baie de la côte d'Espagne, lorsque la vigie signala une voile au large, puis une seconde, puis d'autres encore ; c'était une petite escadre anglaise de deux vaisseaux, une frégate et deux corvettes. En un clin d'œil, au coup de sifflet du maître d'équipage, les matelots paresseusement étendus sur les prélarts et les paquets de filin, bondissaient sur les coffres d'armes et prenaient leur poste, tandis que les canonniers athlétiques, le torse nu et le visage au niveau de leurs pièces étincelantes, attendaient, mèche allumée, le signal du combat. A portée de canon le roulement du tambour retentit à bord des Anglais, et leurs premiers boulets, ricochant de vague en vague, vinrent frapper les couples du corsaire et tomber lourdement à l’ eau.
La Confiance lâcha alors toute sa bordée et la canonnade s'engagea.
La baie où se trouvait ancrée la Confiance était défendue par un petit fortin espagnol gardant la passe ; le capitaine Papin, voyant le feu du fortin se ralentir, donna alors le commandement de son navire au second et se jeta à terre avec une partie de ses hommes pour renforcer la faible garnison espagnole. En dépit de la canonnade du fortin, auquel le corsaire joignait ses bordées, les Anglais forcèrent la passe, mirent à terre cinq-cents hommes, massacrèrent la garnison toute entière ainsi que les paisibles habitants d'un village voisin attirés par le bruit du canon, et se retirèrent après avoir mis le feu à la Confiance qui s'abîma bientôt dans les flots (1).
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(1) Annales du la Société Académique, Année 1838, p, 88.
LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 25.
On sait, d'ailleurs, que Fulton ne fit que s'approprier en les perfectionnant les inventions de ses devanciers. Et en effet, dès 1736, l'Anglais Jonathan Hull avait pris un brevet pour la construction d'un vapeur à aubes dont il présenta les plans, mais qui ne fut pas exécuté. En 1775, Perrier, membre de l'Académie française, construisait le premier bateau à vapeur, dont il faisait l'expérience sur la Seine ; toutefois, la machine d'une force de 1 cheval-vapeur n'ayant pas été assez forte pour remonter le courant, les expériences furent abandonnées. En 1781, le marquis de Jouffroy fit marcher sur la Saône un vapeur de 46 mètres de long ; des accidents survenus pendant les essais, puis la Révolution, l'empêchèrent d'achever ses expériences. En 1796, le Français Desblancs prit un brevet pour la construction d'un vapeur.
Enfin, de 1785 à1801, de nombreux essais furent tentés un peu partout. En 1803, Siwingston et Fulton faisaient des expériences sur la Seine (sur la Loire, dit Larousse?) et, en août 1807, ce dernier lançait sur l'Hudson le premier vapeur ayant à bord des passagers et des marchandises.

(2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 302-07.