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jeudi, 15 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes X

Des origines à la fin du Moyen-Âge


1413. — PREMIERS REGISTRES D’ARMEMENT

De tous les registres et documents relatifs au commerce de Nantes au XV* siècle, nous ne possédons qu'une seule feuille de parchemin arrachée à un registre d'armement. Elle fut trouvée dans les Archives de la Besnate (Loire-Inférieure), où elle servait de couverture au registre des décès de l’an XI. Ce document constate, en janvier 1413, l'armement des navires suivants :
« Le vessel la Notre-Dame, de Nantes, allant en Flandres ;
« le vessel le Sainct-Nicholas, de Nantes, allant hors Bretagne ;
« et la nef la Notre-Dame, de Nantes, chargée de vins d'amont, c'est-à-dire d'Anjou, pour le compte de Rohan, et qui eut à payer pour briefs et conduit cent cinq sols » (1).



1417. — TRANSPORT D’ "ARTILLERIES"

Le dépôt des Cartes et Plans de la Marine possède deux quittances curieuses relatives à Nantes.
L'une, datée de Nantes, le 17 octobre 1417,est une quittance de 21 livres du marinier Jehan Guischard, de Nantes, pour le transport a Brest, de » plusieurs artilleries».
L'autre, datée de Nantes, le 17 octobre 1417, est une quittance de 38 livres, du marinier Jehan Portier, pour le transport du Conc à Nantes de : « grant quantité de artilleries ».
À la suite de ces pièces est la note : « est assavoir que ces quittances ont esté descellées par cas de fortune, par le singe qui entra au comptoir» (2).


1430. — ACCORD DE NANTES AVEC L'ESPAGNE.

Le commerce de Nantes avec l'Espagne était alors très florissant ; un traité commercial fut même le 28 avril 1430, entre Alphonse, Roi de Castille, et Jean V, Duc de Bretagne. L'évêque de Nantes était nomme juge et arbitre pour les Espagnols commerçant en Bretagne ; et Sanche Estane pour les Bretons commerçant en Espagne. Ce fut l'origine de la fameuse association de la Contractation (3).

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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Marine Bretonne aux XV- et XVI' siècles, p. 76
(2) DE LA RONCIÈRE, Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques publiques de France. — Bibliothèque de la Marine, p. 153.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I p. 527. MEURET, Annales de Nantes, t. I, p. 252. (LE BŒUF, Du Commerce de Nantes, p. 25, et E. GABORY, La Marine et le Commerce de Nantes au XVIIe siècle, donnent la date de 1428.)

jeudi, 08 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes IX

Des origines à la fin du Moyen-Âge



1343.— INCENDIE DES GALÈRES DE GRIMALDI.

En dépit de la trêve conclue entre Jeanne de Penthièvre et Jean de Montfort, le 19 janvier 1343. Olivier de Clisson, tenant de Montfort et des Anglais, incendia à Nantes plusieurs galères françaises de l'amiral Grimaldi. Arrêté et conduit à Paris, il fut décapité le 2 août comme fauteur des Anglais.
Sa veuve, Jeanne de Belleville* vendit alors ses terres et ses bijoux, et armant trois vaisseaux de guerre, vint ravager les côtes de France pour venger la mort de son époux. Elle était accompagnée de ses trois fils ; dont l'un, le futur connétable de Clisson, faisait ainsi sur mer ses premières armes (1).


1388. — GALÈRES NANTAISES.

Invité par le roi Charles VI à venir le retrouver à Tours, pour tenter sa réconciliation avec le Connétable de Clisson, le Duc Jean IV de Bretagne fit armer à Nantes six grandes galères. Elles comprenaient outre la chiourme des rameurs, un grand nombre d'arbalétriers et étaient garnies de machines à lancer les pierres et les traits appelées tormentum.
En janvier 1391, le Duc Jean IV se rendît de nouveau auprès du roi, avec cinq galères nantaises armées et équipées de la même manière (2).

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(1) DE LA RONCIÈRE, Histoire de la Marine Française, t.1, p. 470.
(2) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. 1, p. 453.


Post-scriptum :
* Jeanne de Belleville était si belle que sa réputation s'étendait à tout le royaume de France. Son mari, le seigneur de Clisson, chevalier de Nantes, fut accusé d'intelligence avec les Anglais et décapité le 2 août 1343. Mme de Clisson, furieuse, vend ses meubles et ses bijoux. Elle achète trois navires. Sa vie tourne. Elle oublie sa beauté et se consacre à son insatiable vengeance. Bien des marins du roi de France paieront de leur vie l'offense faite par leur maître à la femme d'un chevalier breton. La dame de Clisson, qui emmène ses deux fils dans ses courses, atteint dans son métier un art consommé et laisse le souvenir d'une extrême cruauté.

Gilles LAPOUGE, Les pirates, p. 87, Balland, 1976


Je ne sais si Gilles Lapouge fut un grand voyageur ; il est certainement un étonnant voyageur sur les littératures de l'utopie et sur les ondes - son émission est "En étrange pays" sur France Cul.

Deux exergues qu'il mit en ouverture de chapitres de son livre Les Pirates

Étonnants voyageurs ! Quelles nobles histoires !
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !

Charles Baudelaire


C'est bien la difficulté, cette profondeur des yeux pour des voyageurs actuels désireux de nous émerveiller.

Et moi, je me suis contenté de l'Équateur.

Henri Michaux

Pas tendre, cette humilité, pour nos stressés des tarmacqs !

jeudi, 01 juin 2006

Chronique portuaire de Nantes VIII

Des origines à la fin du Moyen-Âge


1249.
— LA NEF NANTAISE " LA PÉNITENCE-DE- DIEU " ET LE MARINIER HERVÉ À LA VIIe CROISADE

Parmi les innombrables nefs qui transportèrent en Egypte le roi saint Louis et la Septième Croisade, on voit figurer la nef nantaise La Pénitence-de-Dieu, sous la conduite du marinier Hervé. Elle avait à bord les Croisés Bretons et Nantais et accomplit plusieurs fois le voyage de la Loire en Egypte pendant la durée de cette Croisade (1248-1254) (1).

De tous les marins des Croisades, Hervé fut le plus célèbre, et le seul dont le nom soit parvenu jusqu'à nous. Il figure dans plusieurs titres relatifs au passage des Croisés de Limisso à Damiette en 1249,et : « à en juger par les services qu'il rendit alors aux Bretons, ses compatriotes, était, sinon le Jacques Cœur de la France, du moins celui des Provinces de l'Ouest » (2).

Pierre Mauclerc, Duc de Bretagne, par une procuration spéciale, le chargea de son transport en Égypte, et de celui de ses compagnons. « Qu'il soit connu de tous ceux qui ces présentes verront, que moi, Pierre de Braine, chevalier, ayant pleine confiance dans la prudence d'Hervé, marinier de Nantes et propriétaire du navire La Pénitence-de-Dieu, je donne au dit Hervé plein pouvoir de traiter, de convenir pour moi, en mon nom, avec certains maîtres de navires, du prix de mon passage à Damiette, promettant de ratifier sur tous les points tout ce qui aura été fait sur cette affaire, tant pour moi-même et ma famille que pour tous les chevaliers et écuyers de Bretagne qui voyagent avec moi, et dont les conventions sont, sans exceptions, placées sous la sauvegarde de ma foi, — En foi de quoi j'ai corroboré les présentes lettres de mon sceau. Fait à Limisso, l’an de Notre-Seigneur
1249, au mois d'avril » (3).
On voit par cet acte qu'Hervé était non seulement capitaine, mais encore armateur de plusieurs autres navires.

Un grand nombre de Croisés Bretons se confièrent de la même manière à Hervé ; et la Charte de Limisso contient, entre autres, les procurations de Guillaume Hersart ; Robert de Kergoët ; Thomas de Treziquidic ; Geoffroy du Plessis ; Guillaume du Chatellier ; Macé de Çuédillac ; Hervé de Sesmaisons ; Jean de Guébriac ; Pngent de Rochejagu ; Eudes de Çuélen ; Hervé de Saint-Pern ; Geoffroy de Goulaine ; Guillaume de Bruc, etc., données en faveur du marinier nantais (4).

Ces nefs des Croisés étaient de lourds et massifs vaisseaux, à peine deux fois plus longs que larges, et portant seulement deux mâts très courts et deux voiles latines ; leur gouvernail, au lieu d'être fixé à l'étambot, consistait en deux fortes rames placées à droite et à gauche de la poupe. Ils devaient être d'ailleurs d'un tonnage relativement élevé, si l'on considère le grand nombre de Croisés qu'ils avaient à leur bord, chacun d'eux accompagné de ses valets d'armes, de ses chevaux, de ses bagages et de ses provisions.

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(1) ROGER, La France aux Croisades.
(2) H. DE FOURMONT, L'Ouesf aux Croisades, t. I, pp. 244-5.
(3) Charte de Limisso, de 1249.
(4) H. D£ FOURMONT, L'Ouest aux Croisades, t. I, pp. 244-45.

jeudi, 25 mai 2006

Chronique portuaire de Nantes VII

Des origines à la fin du Moyen-Âge


1127.— CONCILE DE NANTES CONDAMNANT LES NAUFRAGEURS.

Les côtes de Bretagne étaient alors infestées de Naufrageurs, qui ne vivaient que des épaves des naufrages, et attiraient même les navires dans les passes dangereuses pour les faire échouer et s'approprier leurs richesses. Un concile tenu à Nantes en 1127, lança l'anathème contre les pillards d'épaves, et ceux
qui s'appropriaient le bris des vaisseaux et les dépouilles des naufrages (1).

1150.— LE PORT DE NANTES AU XIIe SIÈCLE.

Le géographe arabe Edisi, attaché au roi de Sicile Roger II, dans son Manuel Géographique : « Délassement de l'homme désireux de connaître à fond les diverses parties de ce monde, publié vers 1150, écrit de Nantes ; « Ville grande, bien bâtie, bien peuplée ; les navires y abordent et en sortent ; elle est très forte et son territoire est fertile » (2).

1203. — PÊCHEUR DE NANTES À LA POURSUITE D'UNE FLOTTE ANGLAISE.

L'amiral de Richard Cœur-de-Lion, Alain Tranchemer, entré en Seine avec une flotte de soixante-dix galères, avait dû se retirer devant une flotte française soutenue par les troupes de terre. Il fut aperçu en Manche par un pêcheur de Nantes, Gaubert, qui, le voyant en fuite, se jeta résolument sur ses traces et parvint à s'emparer de deux vaisseaux chargés de vivres, trop lourds pour suivre les galères (3).

1218. — CRÉATION DE DEUX PORTS.

Le Duc Pierre de Dreux bâtit deux ports sur la Loire dans sa traversée de Nantes ; l'un, le Port-de-France, fut démoli pour agrandir le château, l'autre, le Port-Maillard, du nom du prévôt de Nantes, Brient Maillard, subsiste encore (4). Ces petits ports,
qui bientôt se succédèrent sans interruption sur chacune des rives de la Loire, depuis le Château jusqu'à la Bourse, étaient alors très fréquentés, tant par les vaisseaux venant de la mer que par les barques descendant le fleuve. Ce ne fut que bien plus tard, à mesure que le fleuve s'ensablait et que le tonnage des navires augmentait, qu'on dut les abandonner et que le mouvement maritime du port se fixa d'abord au Port-au-Vin (place du Commerce), puis à la Fosse, pour émigrer même pendant un temps jusqu'à Paimbœuf, et enfin à Saint-Nazaire.

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(1) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 15.
(2) A, DE LA BORDERIE, La Bretagne aux grands siècles du Moyen-Age, p. 113.
(3) DE LA RONCIÈRE, Histoire de la Marine Française, t. I, p. 301.
(4) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 345.
MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes,
donne la date 1213 pour la construction du Port Pierre-de-France, 1.1, p. 250.

vendredi, 19 mai 2006

Chronique portuaire de Nantes VI

Des origines à la fin du Moyen-Âge


919. — ATTAQUE DES NORMANDS.

En l'an 919, les flottes normandes : « faisant grand tapage de nefs », envahirent le port de Nantes et mirent le siège devant le château où, au dire de Lebaud, « il n'y avait nul défenseur, c'est-à-dire nul seigneur, « sinon petits hommes demeurés des premières pestilences ».

Les « petits hommes » cependant se défendirent si « vertueusement » que : « s'en retournèrent les Normans grandement las à leurs navires quand le soleil fut couché, afin qu'ils mangeassent et se recréassent, espérant le lendemain ledict château prendre avec ses deffendants. Mais les Nantais, épouvantez par la grand multitude d'eulx, prindrent les ornements de l'église et toutes les choses qu'ils purent emporter, et s'enfuirent chacun où il put... et les Normans au matin descendirent de leurs nefs armés, et retournèrent au chasteau, mais ils n'y trouvèrent rien. Si entrèrent en l'église et emportèrent à leurs nefs les dépouilles et les ornements qui y estoient demeurés, puis mirent le feu à la couverture de l'église et la brûlèrent, et aussi dérompirent les murs du chasteau ; en après montèrent ces Normans par Loire » (1).

Durant toutes les années suivantes, les Normands ravagèrent incessamment la I.oire, et jusqu'à ce que Alain Barbe-Torte les ait complètement battus en 936, dans le Pré-Nian.

960.— SIÈGE DE NANTES PAR LA FLOTTE D'HASTINGS.

La Chronique de Saint-Florent rapporte qu'en l'an 960, une flotte normande, sous le commandement d'un chef qu'elle appelle Hastense, et qui n'est autre que le fameux Hastingue, ou Hastings, vint assiéger Nantes. Le moine Gallo, le restaurateur de Saint-Florent-le-Vieux, eut dans cette ville une entrevue avec le redoutable pirate, et obtint de lui un cor d'ivoire au son duquel les gens d'Hastings devaient cesser tout pillage sur les rives de la Loire (2).


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1) DE LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, t. 2, pp. 394-421.
LEBAUD, Chronique de Nantes, ch. 18, p. 128.
(2) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 173.

jeudi, 11 mai 2006

Chronique portuaire de Nantes VI

Le jeudi est devenu le jour des chroniques portuaires. Elles ne suscitent pas l'intérêt de tous. Mais je persisterai et, ce soir, je m'autorise à sauter quelques siècles. Huit siècles pour cause d'esclavage.
Paul Legrand, mon chroniqueur, ne cherche pas à éviter la honte nantaise ; nous sommes en 1908. Il consacre deux bonnes pages de son introduction à la Traite.
À ce propos, nous étions bien peu sur le quai de la Fosse pour commémorer l'Abolition. Toutes les mères des petits Nantais n'ont pas dû leur raconter ce que la mienne me disait. Il est vrai que nous y étions, Nicléane et moi, parce qu'il y a, derrière nous, toutes ces amitiés africaines que nous portons depuis tant d'années. J'y ai retrouvé Brahim et Reddah, mes copains algériens ; nous avons évoqué le mai 45 de "Sétif" et de "Guelma". La colonisation avait succédé à l'esclavage. Autres temps, autres mœurs. Même ignominie !
En effeuillant les années, Legrand mentionne quelques faits qui se passent de commentaires
.


Au XVIIIe siècle


1762. — LES NOIRS À NANTES EN 1762.

L'Amirauté de Nantes était saisie le 22 juin 1762 d'une plainte des officiers de police, relative au grand nombre de Noirs esclaves que les capitaines et négociants introduisaient dans la ville au mépris des Règlements. Au dire de ces officiers, Nantes était envahie par une population de Nègres qui la faisaient ressembler à une ville tropicale bien plus qu'européenne. Ces esclaves, aussi inutiles que dangereux, s'assemblaient en bandes nombreuses sur les places publiques et les quais, et poussaient l'insolence jusqu'à insulter les habitants le jour, et à troubler leur sommeil la nuit par leurs querelles et leurs cris.

L'Amirauté fit droit à cette requête, et fit afficher les Règlements relatifs à l'Introduction des Noirs esclaves en France (1).
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(1) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. III, p.225


Période Révolutionnaire



1789. — PROTESTATIONS CONTRE LE PROJET DE SUPPRESSION DE LA TRAITE

Pour répondre aux bruits qui commençaient à circuler, d'une abolition prochaine de la Traite, les Députés de Nantes, Blin et Baco, protestaient énergiquement contre ce qu'ils appelaient l'anéantissement du commerce nantais ».
« II est indécent, — écrivait Baco, le 23 novembre, — il est odieux d'alarmer ainsi les esprits ; cette conduite mérite le blâme. Il importe à la prospérité de la France que ce commerce se soutienne et s'étende. »

De son côté, Blin écrivait aux officiers municipaux de Nantes :
« J'ai interrogé beaucoup de personnes dans l'Assemblée sur cette motion. Tous l'ont traitée d'extravagante ; je puis donc vous affirmer que personne n'extravague au point de vouloir mettre sur les grands chemins six millions d'âmes que l'abolition de la Traite en France réduiraient au désespoir » (1).

Notons que les cahiers de Doléances et Remontrances du Commerce Nantais portaient au nombre de leurs vœux celui : « Qu'il plaise également à Sa Majesté d'accorder protection pour les navires négriers pendant le temps de leur Traite à la côte d'Afrique »(2).
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(1) L. BRUNSCH'WIG, Éphémérides Nantaises du Centenaire de la Révolution.
VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. IV, p. 214.
(2) TREILLE, Le Commerce de Nantes et la Révolution, page 60.

jeudi, 04 mai 2006

Chronique portuaire de Nantes V

Des origines à la fin du Moyen-Âge


853. — NOUVELLE ATTAQUE DES FLOTTES NORMANDES.

Dix ans après le premier siège de Nantes par les Normands, leur flotte, cantonnée au Croisic, envahit de nouveau la Loire et vint piller Nantes. Les pirates se jetèrent sur la ville, massacrèrent une grande partie des habitants, et se retirèrent dans l'île de Biesse avec leur butin et leurs prisonniers. Parmi eux, se trouvait l'évêque de Nantes, Actard, qui parvint à leur échapper (1).

Pendant qu'ils étaient retranchés dans l'île de Biesse : « survindrent autres Normans avecques grand abondance de nefs, qui leur demandèrent la moitié de toute la rapine leur être distribuée, autrement ils feraient bataille contre eux ; ausquels les premiers moult centristes, respondirent qu'ils ne leur en bailleraient nulles, ains se deffendraient « d'eux, et adonc prindrent les nefs et les despoilles, et par le fleuve de Loire s'en allèrent en Basse-Bretagne, et ainsi demeura la cité de Nantes vuide et sans habitants... » (2).


874. — CONSTRUCTION DU PONT DE NANTES.

C'est à cette date que remonte la première mention de pont à Nantes. Il fut construit par ordre de Charles le Chauve pour empêcher les flottes normandes de remonter la Loire et de piller les riches cités du Centre. C'était d'ailleurs un simple pont de bois, et il semble qu'il n'empêcha nullement les pirates de continuer leurs incursions vers Tours et Angers (3).

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(1) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 135.
(2) LEBAUD, Chronique de Nantes, chap. 18, p. 128.
MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, donne la date 877, t. I, p. 246.
(3) TRAVERS, Histoire de Nantes, t. I, p. 244.

mercredi, 26 avril 2006

Chronique portuaire de Nantes IV

Des origines à la fin du Moyen-Âge

610. — COMMERCE DE NANTES AVEC LES SCOTS.

Dès le VIIe siècle, Nantes commerçait avec les Iles Britanniques. Nous savons, en effet, qu'en 610, le saint Irlandais Colomban s'embarqua à Nantes avec ses moines sur un navire qui, après avoir déchargé des marchandises du pays des Scots, y retournait : reperfa ergo navi quœ Scottorum commercial vexerat (1).
Ce pays des Scots, ou Scotia, était alors l'Irlande ; dans la suite, les Scots occupèrent également l'Ecosse à laquelle ils donnèrent leur nom : Scofland.
Un auteur assure également : « que dès le VIIIe siècle, les marins nantais allaient chercher « au Sénégal de la poudre d'or, des dents d'éléphants, des plumes d'autruche, etc.., » (2).
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(1) A. DE LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, t. I, p. 540.
(2) Vita S. Colomb, ap. Mabill. Acta SS. Ordini S. Bened, t. I, p. 24. Capitul lib. V. cap. 10.



843. — PREMIÈRE ATTAQUE DE NANTES PAR LES FLOTTES NORMANDES.

Depuis plusieurs années,nous dit la Chronique de Nantes, « les pirates de « Norwèghe », hommes pervers, cruels et diaboliques, « avecques innumérable assemblée de nefs nageans » par la « mer Océane », infestaient les côtes de Bretagne et l'embouchure de la Loire.
En juin 843, ils remontèrent le fleuve avec une flotte de soixante-sept barques, bondées de guerriers ; envahirent le port ; escaladèrent les remparts ; et massacrèrent la population réunie dans la Cathédrale,
où l'évêque saint Gohard fut tué à l'autel.
La ville pillée, les Normands chargèrent leurs barques de butin et se retirèrent à Her (Noirmoutier) (1),

Les barques de ces pirates étaient faites de claies recouvertes de peaux ; elles étaient longues et étroites, avec un seul mât très court et une voile carrée. Les rameurs, à découvert sur le pont, n'étaient protégés que par leurs boucliers placés en rang serré sur le bord, et le chef était assis à l'arrière, sur un trône de bois sculpté,

Pendant plus de deux siècles, les flottes de ces terribles Normans, Hommes du Nord, Danois ou Vikings, parcoururent incessamment le fleuve, massacrant et brûlant tout sur leur passage.

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(1) A. DE LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, t. II, pp. 76-77.
RICHER, Histoire de Bretagne, p. 53.

vendredi, 21 avril 2006

à propos des chroniques portuaires de Nantes

Pas toujours d'une grande aisance de passer de la mer à la mort d'un ami et de revenir dans le quotidien et le variable des chroniques d'un blogue.
Je reviens brièvement sur le texte de Char pour le mettre en exergue ; celui-ci, plus que toute espérance, me tient en vigueur :

Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d’essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l’épaisseur d’une paupière tirée.


Je ne délaisse point les "Poètes d'aujourd'hui" ; je vais seulement sauter plus de quarante ans d'édition, mettant de côté Rainer Maria RILKE pour saisir la triste occasion qu'est la disparition - encore la Camarde, elle rôde partout et dans les proches amitiés et dans mes venelles de lecture - la disparition, donc, de Jean Grosjean et le soubresaut éditorial que fut, en 2005, la parution d'un J. G. par Jean-Luc Maxence, chez Seghers, "Poètes d'aujourd'hui", nouvelle moutûre.

Au début de ce mois, je me fais un petit plaisir de scanner aux fins de publication un vieux bouquin sur l'histoire portuaire de Nantes, Ma ville ; j'avoue que la découverte, récente, d'un logiciel de reconnaissance de caractères dans le paquet logiciel de mon imprimante me facilite le projet et je renoue, mais aisément, avec la tradition des pionniers de la Toile qui saisirent sur leur clavier, tels les copistes tenaces des scriptoria d'antan, les grandes œuvres que nous pouvons encore importer des sites de l'ABU ou d'Athena, quand la BNF n'en était encore qu'aux vagissements. Entre autres "copistes", merci, François - oui, celui de "mes journaux fréquentés", dans la colonne de gauche - pour les Poèmes en prose de Baudelaire.
Le premier œuvre importé, ce furent les Essais et j'étais fier d'avoir Montaigne dans tous ses états, numérique inclus.

Le projet des Chroniques Portuaires de Nantes est plus humble ; je pense qu'un historien maritime écrirait aujourd'hui une histoire du port plus argumentée, plus érudite. Mais j'ai un faible pour l'aspect "vieil amateur éclairé" de Paul Legrand.
C'est en fouillant dans le grenier de mon cousin JC, passage d'Orléans que nous découvrîmes ce vieux bouquin, de format 28x19, titré en première de couverture Marins et Corsaires Nantais, mais en page de titre Annales de la Marine Nantaise (Des Origines à 1830).
medium_maricorsa.jpgLe nom de l'auteur, Paul LEGRAND est sur la couverture, mais ne figure pas sur la page de titre.
En couverture, la maison d'édition est : Heron - J. Mesnier & Co, Editeurs, 7 rue de Strasbourg - Nantes.
En page de titre, V.-J. HERON, Editeur, 10 rue Dubois, 1908.

L'ouvrage est publié par le Pays d'Arvor", avec la haute approbation de la Ligue Maritime Française, sous le patronage : de la Société Académique, de la Société Archéologique et de la Société de Géographie de Nantes et de la Loire-Inférieure.
L'ouvrage est préfacé par René de LAUNAY, Secrétaire de rédaction du Pays d'Arvor. Paul LEGRAND rédige une postface de remerciements.
Il s'ouvre sur une introduction de 10 pages mentionnant : les Origines, les Chantiers de constructions navales, les Armateurs, les Négriers, les Corsaires.
Quelques gravures hors-texte, des culs-de-lampes et quelques lettrines soutenues par des cariatides minuscules, ponctuent le livre.
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jeudi, 20 avril 2006

Chronique portuaire de Nantes III

Des origines à la fin du Moyen-Âge


IV-Ve- VIe Siècles. — PIRATES SAXONS.

Durant les IVe, Ve et VIe siècles, les pirates Saxons, montés sur leurs longues barques appelées « chioules » ou « currachs », ravagèrent la Loire et pillèrent Nantes. Ils s'établirent même à demeure dans les îles du fleuve, et jusqu'au VIe siècle, époque à laquelle saint Félix évangélisa leurs dernières bandes et les baptisa (1).

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(1) A. de La Borderie, Histoire de Bretagne, t.I.



560. — TRAVAUX DE SAINT FÉLIX DANS LE PORT DE NANTES.

Au dire du chroniqueur Lebaud, l'évêque saint Félix : « fist fouyr un parfond et large fossé transversal de l'ancien cours de la Loire, qu'il fit courir jouxte les murs de la cité, afin d'eschiver le labeur des citoyens qui allaient quérir les marchandises jusques au fleuve... ». Il créa également : « le Bassin ou la Fosse... en coupant un peu au-dessus, vers Chézine, une chaîne de hautes roches en forme de collines, et ouvrit un grand passage au flux venant de la mer et aux vaisseaux (1) ».
Au moment, en effet, où saint Félix prit possession du siège épiscopal de Nantes, le port, déjà envahi par les sables, avait été abandonné pour son rival Ratiatium (Rezé), alors en pleine prospérité. Les travaux du saint Evêque à l'embouchure de la rivière du Seil (canal Saint-Félix) et à la Fosse ramenèrent la navigation à Nantes ; et depuis lors, Ratiatium, jadis ville importante et port des Pictons (Poitevins), ne fut plus qu'une simple bourgade de pêcheurs.

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(1) Meuret, Annales de Nantes, pp.422-423
Mellinet, La Commune et la Milice de Nantes, donne la date 565, t.1, p. 245.

mercredi, 12 avril 2006

Chronique portuaire de Nantes II

Des origines à la fin du Moyen-Âge

Ier-Ve siècles.LE PORT DE NANTES SOUS LA DOMINATION ROMAINE.

Les anciens semblaient hésiter sur le nom que portait la capitale des Namnètes. Ptolémée l'appelle Condevincum ou Condivicnum (1), tandis que la Table Théodosienne, ou carte de Peutinger, lanomme Portus Namnetum (2).
Cette divergence a fait naître, parmi les auteurs modernes, des discussions sans fin, sur le point de savoir si ces deux dénominations s'appliquent ou non à la même ville ; et, dans ce dernier cas, si le Portus Namnetum était réellement la capitale de la peuplade.
L'opinion la plus vraisemblable fait du Portus Namnetum un quartier de Condivicnum ; le quartier du Port, tout comme la Fosse actuelle n'est qu'un quartier de Nantes (3).
Ce Portus Namnetum devint d'ailleurs très important dès la domination Romaine en Gaule ; et il résulte d'inscriptions trouvées à différentes époques auprès de la Cathédrale, qu'il possédait déjà une Bourse et un Tribunal de Commerce. Ces inscriptions, actuellement placées dans la galerie basse de l'Hôtel-de-Ville, peuvent se traduire ainsi :
L. Mart. et L. Lucclius Genialis ont concédé aux habitants du port ce Portique avec sa salle, consacré au Dieu Vol (4).
Au Dieu Vol, pour le salut des habitants du port et des navigateurs de ta Loire (5).
Aux divinités des Augustes, au Dieu Voîkano, M.. Gemel. Secundus et C. Sedat. Florus, syndics des habitants du port ont, de l’argent contribué, bâti ce Tribunal et ses dépendances (6).

Enfin, à cette dernière inscription qui nous donne les noms des deux premiers syndics connus du port de Nantes, nous ajouterons la suivante, qui nous fournit celui du premier marin nantais dont il soit fait mention :
Aux Dieux Mânes et à la mémoire de Pessicinnus Sabinus, nautonnier, son affranchi, Picius (7).
Toutes ces découvertes ont été faites près de la porte de Saint-Pierre (rue de l'Évêché), où les fouilles ont permis de reconnaître les dimensions de cette Bourse et de ce Tribunal ; consistant en une salle voûtée de cinquante pieds de long sur vingt-cinq de large (8).

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(1) PTOLÉMÉE (Claude), astronome et géographe grec, du IIe s. après J.-C.
(2) Carte des voies Romaines, rédigée vers le IIIe siècle, mais qui n'est connue que par une copie de 1264, éditée par Peutinger, antiquaire allemand du XVe s.
(3) A. de La Borderie, Histoire de la Bretagne, t.1, pp.84, 85.
(4) Inscription découverte en 1850.
(5) Inscription découverte en 1850.
(6) Inscription découverte en 1850.
De nombreuses théories ont été émises au sujet du mot Vol, Volkano ou Voliano. Les uns lisent Vulcain, les autres Volente Jano, d’autres enfin Volianus qui, d’après eux, serait un dieu local.
(7) Stèle découverte le 10 janvier 1887.
(8) Voir A Legendre, Nantes à l’époque Gallo-Romaine.


Tirées de Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908.


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samedi, 01 avril 2006

Chronique portuaire de Nantes I

Des Origines à la fin du Moyen-Âge

Préhistoire.VESTIGES NANTAIS DE NAVIGATION PRÉHISTORIQUE.

Le Musée de Nantes possède, — sans parler de plusieurs pierres d'ancrage trouvées à Saint-Nazaire lors des travaux du bassin de Penhoët, — trois barques monoxyles qui constituent de curieux et vénérables vestiges de la navigation préhistorique.
Creusées chacune dans un seul chêne, au moyen, semble-t-il, de la pierre ou du feu, ce qui les fait remonter à une époque antérieure à l'âge de bronze dans notre région, c'est-à-dire vers le VIIe siècle avant l'ère chrétienne, elles furent draguées en Loire dans le courant du siècle dernier, et, à en juger par leur forme, servaient exclusivement à la navigation en eau paisible, tout au plus à la navigation fluviale.

Longues, effilées, à fond plat et à bordage à peine accusé, véritables périssoires, mais périssoires que seize hommes vigoureux parviennent à peine à porter, elles étaient, en effet, absolument impropres à la navigation maritime ; et l'on peut même douter qu'elles aient pu affronter sans danger un voyage un peu long en Basse-Loire. Elles servaient donc uniquement à la pêche le long des rives ou en marais, et aux communications entre les îles du fleuve et les cités lacustres des peuplades primitives.

Indépendamment de ces trois barques monoxyles, qui, incomplètes de la poupe, mesurent de 5 à 6 mètres de long sur 0 m.72 de large, un certain nombre d'embarcations semblables furent également draguées en Loire à différentes époques. (1)

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(1) Express de l’Ouest, n° des 16 et 23 juin 1908.



Époque gauloise.NANTES ET CORBILON

D'après Strabon, il existait sur la Loire, dès le IVe siècle avant J.C, un important « emporium » ou marché, comparable à celui de Marseille sur la Méditerranée ; et nous voyons que vers 250 avant l'ère chrétienne, Scipion, désireux de vérifier les assertions du voyageur Pythéas, fit interroger des marchands et navigateurs de Corbilon après avoir écouté ceux de Marseille et de Narbonne.

Au dire des anciens géographes, cet « emporium », qui disparut avant l'occupation romaine, était un port très important ; port d'embarquement pour la Grande-Bretagne, et port de relâche sur l'Océan pour les navigateurs de la Méditerranée. Toutefois, il est pour ainsi dire impossible de fixer sur l'embouchure de la Loire remplacement même approximatif de ce port gaulois. Tandis que les uns le reculent jusqu'à Blois, ce qui est sans doute un peu loin de la mer, d'autres le placent à Saint-Nazaire, ce qui, par contre, s'en rapproche peut-être un peu trop. Enfin, une opinion respectable, s'appuyant sur l'antiquité incontestable de Nantes, identifie notre port avec ce mystérieux « emporium » gaulois, comme étant le seul point du fleuve où les vaisseaux de mer pouvaient vraisemblablement trafiquer avec les barques de l'intérieur (1).

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(1) Annales de la Société Académique. 1890, pp. 363-4.


Tirées de Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908.