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lundi, 21 décembre 2009

au solstice d'hiver

Publiée à l'heure du solstice d'hiver, quand Lucrèce écrit

"viennent en hiver les lenteurs de la nuit".

 



vendredi, 20 novembre 2009

il y a deux-cent-cinquante ans aux Cardinaux

 

Le même jour, à la même heure... en baie de Quiberon, où depuis plus de trente ans, je laisse s'effacer les sillages de Dac'hlmat, maintes fois recoupés.
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C'est la Guerre de Sept Ans. Toujours ces vieilles querelles franco-anglaises, et le Canada est, cette fois, au cœur du conflit.
Même jour, même heure, le 20 novembre 1759, vers 15 heures, fin du flot, le vent de Ouest-Nord-Ouest souffle à plus de 40 nœuds.
Ciel blafard.
À bord du Soleil-Royal — Bidé de Chézac, capitaine de pavillon — Du Dresnay des Roches, major de l'escadre —  80 canons, 950 hommes — Hubert de Brienne, comte de  Conflans, maréchal de France, amiral, double les rochers des Cardinaux dans leur suet et engage sa flotte de vingt-sept navires* en baie de Quiberon, pensant qu'il ne sera point poursuivi par l'escadre anglaise*, amiral Sir Edward Hawke à bord du Royal George — capitaine John Campbell — 100 canons, 880 hommes.
Mais Hawke choisira le risque et imposera le combat.
cardinaux.jpg
L'escadre française sera décimée : vaisseaux brûlés, échoués, arraisonnés, en fuite dans l'estuaire de la Vilaine — pour les moins vaillants ou... les plus faibles.
Déjà en août de la même année au large de Lagos (Portugal) la flotte anglaise — amiral Edward Boscanven — avait refoulé l'escadre française du Levant, partie de Toulon, sous les ordres de Jean-François de La Clue Sabrant, pour renforcer la flotte atlantique du maréchal de Conflans.
Quarante plus tard, ce sera Aboukir avec Nelson qui annéantira la flotte républicaine de François Paul de Brueys d'Aigalliers. Je n'ose parler de Trafalgar.
Nous n'aurons, tout au long de cette fin du XVIIIe siècle et ce début du XIXe, que nos corsaires pour ne pas amener le pavillon.
Pas facile de redorer nos identités maritimes !!!
à lire :
• de La Condamine (Pierre), Le combat des Cardinaux, éditions du bateau qui vire, Guérande, 1982.
• Le Moing (Guy), La bataille des Cardinaux, éditeur Économia, Paris 2002.
et paru récemment (j'en ai tiré, à titre d'exemple, l'aquarelle ci-dessus),
• Raffin-Caboisse (Pierre), La bataille des Cardinaux, 20 aquarelles, éditions Cheminements, décembre 2008.
(ce livre a reçu le Prix 2009 du Beau livre-Album, de l'Académie de Marine.)
* Il y aurait eu de belles listes dans l'énumération des noms de vaisseaux, de leur armement, de leurs équipages, des chefs d'escadres, des capitaines, des enseignes et seconds...
Ce soir encore, à la nuit tombante, au large de Piriac, le ciel est tout autant blafard que le 20 novembre 1759, la mer est grosse et le noroît hurle. L'homme légèrement titubant qui sort du bistrot du Vercoquin croit apercevoir de hautes vergues brisées qui surgissent, puis s'effacent dans la violence des grains.

 

lundi, 28 septembre 2009

Youenn a viré de bord

Dach'lmat à peine quai, une voix bien aimée m'a appris que  Youenn avait largué ses aussières pour jamais.

Il a dû virer. Cap à l'ouest. Il savait si bien les vents.

Certains, sur notre rive, ont vu sa voile s'effacer à l'horizon.

Déjà, de l'autre côté de la mer, des inconnus disent reconnaître cette voile.

 

Ainsi, dans le poème de William Blake, il est écrit :

 

Je suis debout au bord de la plage
un voilier passe dans la brise du matin
et part vers l'océan
il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse de l'horizon.

Quelqu'un à mon côté dit : "il est parti"
parti vers où ? Parti de mon regard, c'est tout !

Son mât est toujours aussi haut
la coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue
est en moi, pas en lui.

Et juste au moment où quelqu'un près de moi dit "il est parti",
il y en d'autres qui le voyant poindre à l'horizon et venir vers eux
s'exclament avec joie : "le voilà "

C'est çà la mort


De Youenn, je garde ce conseil :


« Vire de bord du côté où le vent va venir ! »


Pourquoi, lui, Youenn, a-t-il viré si tôt ?

vendredi, 04 septembre 2009

l'ile "à Dionysos"


Je retourne en mer.

 Dac'hlmat2 - copie.JPG


Mais l'écoute récente du Bon Plaisir de Marcel Détienne m'a remis dans la tête ce passage de Strabon qui peut concerner celles et ceux qui hantent les parages de cette mer que je ne traverse plus, quand je me contente de couper et recouper sans fin les sillages précédents de Dac'hlmat.

 

« Ἐν δὲ τῷ ὠκεανῷ φησιν εἶναι νῆσον μικρὰν οὐ πάνυ πελαγίαν, προκειμένην τῆς ἐκβολῆς τοῦ Λείγηρος ποταμοῦ· οἰκεῖν δὲ ταύτην τὰς τῶν Σαμνιτῶν γυναῖκας, Διονύσῳ κατεχομένας καὶ ἱλασκομένας τὸν θεὸν τοῦτον τελεταῖς τε καὶ ἄλλαις ἱεροποιίαις (ἐξηλλαγμέναις). Οὐκ ἐπιβαίνειν δὲ ἄνδρα τῆς νήσου... »

« Posidonius parle d'une petite île située dans l'Océan, non pas tout-à-fait en pleine mer, mais vis-à-vis de l'embouchure de la Loire : elle est habitée par les femmes des Samnites, qui sont possédées de Dionysos et qui cherchent à se rendre ce dieu propice par des cérémonies mystiques et autres pratiques sacrées singulières. Aucun homme n'aborde en cette île...»


Strabon, Géographica, Livre IV, 4, 6
.


Et lire Strabon est une bonne entrée en matière pour reprendre la rentrée des vieux héllénistes.


Cette petite ile ? Le Pilier dans le sud de l'estuaire ? Dumet au large de Piriac ? Houat ? Hoëdic ?
J'inclinerais pour cette dernière.
N'y a-t-il pas  les traces d'une maison que les Hoëdicais nomment la "Maison des Femmes perdues" !
Depuis quarante ans, je hante cette pointe, dite Beg Er Faût, dans le sud de l'ile.
Alors, une fois de plus laisser vagabonder la pensée des Grecs aux Celtes ?
En tout cas, je glisse Détienne dans la bibliothèque du bord.

* L'image fut prise par l'autre "vieux marin", AH, patron du Marche Avec.
** Je ne souhaite point effaroucher les puristes : la préposition "à" est souvent  dans le parler gallo substituée à "de" pour indiquer, sinon l'appartenance ou la possession, du moins le droit d'usage souvent reconnu par la coutume locale.

vendredi, 03 juillet 2009

blogue au gré des marées, des escales portuaires et...

... des bornes "wifi".

Nous larguons demain.

Intermittence estivale du blogue. Mais le MacBook embarqué pourra enfin nous connecter, dans nos ports de Bretagne.

J'embarque aussi mon vieux Rimbaud en Pléiade (acquis en 1958 et qui, glissé dans le sac du commando, crapahuta dans les djebels*) et d'Yves Bonnefoy, son Besoin de Rimbaud que m'a offert Babélio, ma préférée bibliothèque en ligne contre une critique du dit Bonnefoy.

 

Chose promise, chose due ; j'eusse préféré Enid Starkie, Henry Miller, Pierre Michon et même Philippe Sollers qui dissémine dans ses bouquins quelques pages fort pertinentes. À preuve, les six pages sur Isabelle R. dans Un vrai Roman. Mémoires.

Ou encore la lecture décalée de Jean-Luc Steinmetz, avec ses Femmes de Rimbaud.

Ou encore les quelques lignes de René Char dans Recherche de la base et du sommet.

 

Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.

La Fontaine narrative

 

De Bonnefoy, je crains une sorte d'évanescente spiritualité oscillant entre espoir et désespoir, bien et mal qu'il me faudrait écrire, ce à quoi, désormais, je répugne, avec un grand B et un grand M.

Du mouvement et de l'immobilité de Douve, lu à la fin des années 60, m'a souvent laissé dans une songeuse inertie.

De Rimbaud, dans Fleurs. Et ceci nous accompagnera, mes petites-filles et moi dans notre paisible errance de juillet.

 

Tels qu'un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses.


Je ne suis guère sérieux, mais j'y entends déjà du Saint-John Perse !

 

* Je tentais alors de "résister " avec les seuls appuis  dont je disposais.

 

vendredi, 12 juin 2009

Sant Gildas aurait accueilli le barde Taliésin 3

Myrddhin (Merlin) aurait demandé à sa sœur Gwendydd, qui devait aller en Petite Bretagne prononcer l'élogue funèbre de son époux Rodarcus, de revenir  avec Taliésin qui était parti étudier près de Gweltas — Saint Gildas —  en la presqu'île de Rhuys.

 

Je vais y penser cette nuit ou demain à l'aube en arrondissant la pointe de Grand'Mont, surplombée par si peu de vestiges de l'Abbaye de Saint-Gildas. Où d'ailleurs résida un autre amoureux— puis moine — célèbre, un certain Abélard natif du Pallet en Pays Nantais.

 

Mon petit imaginaire rêve plutôt d'un séjour de Taliésin invité par Gweltas en son ermitage de Houat, dans le vallon de Lenn Her Hoad, qui débouche à l'abri des vents dominants sur la grande grève de Tréac'h Gouret à l'est de l'ile.

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Ce soir, avec S, je largue.

Au retour, je publierai la rencontre de Viviane et de Merlin dans L'Enchanteur pourrissant, ou Merlin relu par Apollinaire.

mercredi, 13 mai 2009

une remontée fluviale et Pierre Michon


La flemme d'aller en mer dans les successions des grains !

On remonte la Vilaine de Foleux jusqu'à Redon, en lisant Pierre Michon.

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Et au retour dans le petit "jardin de curé de devant, la soie sensuelle offerte d'une énorme pivoine.
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Et Michon, et ses Onze, dans tout cela.
Relisant mes notes de remontée de Vilaine :
Acagnardé dans ma couchette de navigateur, je lis dans les sinuosités de Michon, dans ses invariables et ses adverbes, dans l'afflux de ses particules conjonctives, — ainsi, mes vieux" Grecs — je m'égare dans ses écarts.
J'ai musardé entre les quarante premières pages, si peu pressé de rencontrer les Onze. Il y a si longtemps que le liseur n'a point été interpellé si poliment « Puisque vous m'en priez, Monsieur...» à la page 17 jusqu'à cette dernère adresse « C'est Lascaux, Monsieur. Les forces. Les puissances. Les Commissaires. » à l'avant-dernier paragraphe de la dernière page.
Merci, monsieur Pierre, de tant d'égards.
Je continuais de lire et le plus grand des petits fleuves était paisible. Les grains point trop menaçants. La musique était de printemps : célébré dans les poèmes de Guardini sur des airs de Luzzasco Luzzaschi et de Claudio Monteverdi.

J'ai enfin rencontré les Onze à la page 43. Mais les effluves d'herbes fraîchement coupées dans les prairies d'amont m'ont troublé quand ceci était lu :

Voyez là-haut à deux pas la robe d'or, et au-dessus de la robe un regard posé sur vous. Et sous la robe d'or, avec plus de fulgurance, voyez le corps nu de la belle dame. Vous sentez dans vos braies l'émotion immédiate, la divine, l'intense, la seule ?
Imaginez ceci encore : quoique limousin vous avez vingt ans et la beauté d'un dieu, et dans les bras la vigueur qui vous a permis de respirer jour après jour dans des nuées de moustiques la carpe mûre et n'en pas mourir, comme sont morts la moitié de vos congénères, tombés d'une échelle, étouffés dans la boue, secoués par les fièvres, pas plus que vous n'êtes mort petit, à trois ans dans le puits, à huit ans sous la charrette, à quinze d'un couteau, comme sont morts vos dix frères et sœurs.
Sentez votre vigueur, votre beauté, votre chance d'une certaine façon.
Car ceci se passe : la belle dame privée d'homme longtemps vous regarde avec, dans le regard, l'aveu qu'elle a dans ses jupes l'émotion que vous avez dans vos braies. Mais soudain elle regarde ailleurs et ne vous regardera plus, parce que la loi est de fer et que le Père universel veille, et parce que Dieu est un chien.

Comme un rêve de toison odorante de fenaison à venir, quand fleuriront les châtaigniers au long des rives !

Cette note sera trop longue, mes Dames, mais Michon m'a presque réconcilié avec une profession — un métier, plutôt, non ? —

Il était, François Corentin, du nombre de ces écrivains qui commençaient à dire, et sûrement à penser, que l'écrivain servait à quelque chose, qu'il n'était pas ce que jusque-là on avait cru ; qu'il n'était pas cette exquise superfluité à l'usage des Grands, cette frivolité sonnante, galante, épique, à sortir de la manche d'un roi et à produire devant des jeunes filles plus ou moins vêtues dans Saint-Cyr ou dans le Parc-aux-Cerfs ; pas un castrat ni un jongleur; pas un bel objet plein d'éclat enchâssé dans la couronne des princes ; pas une maquerelle, pas un chambellan du verbe, pas un commis aux jouissances ; rien de tout cela mais un esprit - un fort conglomérat de sensibilité et de raison à jeter dans la pâte humaine universelle pour la faire lever, un multiplicateur de l'homme, -une puissance d'accroissement de l'homme comme les cornues le sont de l'or et les alambics du vin, une puissante machine à augmenter le bonheur des hommes. On appelle ce coup de pouce les écrivains des Lumières, vous l'avez dit. Monsieur. Et réellement ils étaient du côté de la lumière, même et surtout s'ils avaient la pénible certitude d'être une taupe sortant le nez d'une cour de cave : car quels que soient l'illusion ou l'imposture fondatrice, le truquage pour mettre Dieu dans le nid que lui préparaient leurs pages, l'appétit limousin qui les tenait debout, ils furent le sel de la terre à leur façon. À leur façon ils furent ce levain qu'ils voulaient être: parce que l'appétit limousin, ils avaient réussi à le transmuer au fond d'eux-mêmes, comme magiquement, mais très véridiquement, en générosité.

Vous l'avez dit, Monsieur Michon. Et bien dit.
Comme sont si bien écrits :

" Géricault l'a peint quand il avait la mort sur l'épaule. "

"Aussi soyons bas un instant : parlons politique."

"...tremblant de vin, de joie et de terreur..."

terrible phrase répétée en deux pages pour le plumet de Carrier à Nantes sur les rives de Loire et pour le plumet de Collot d'Herbois dans la plaine des Brotteaux à Lyon.

Mais ce Michon, est-ce un conteur ? Ou un peintre ?
Ne serait-il point ce Corentin, peintre sollicité pour ce tableau des Onze qui confond la grande table de chêne autour de laquelle se négocia l'œuvre des Onze en l'église Saint-Nicolas et la grande table de chêne et la lanterne de corne sur la table qui est celle de la cène où officient figés, les Onze. Je crois entendre toujours les chevaux dans leurs stalles de souffre, d'or et des basalte, pourtant je n'entends plus les cloches.
Est-ce Corentin de la Marche qui n'exista point ? Est-ce Jules Michelet qui certainement exista ? N'est-ce pas Pierre Michon qui existe sûrement ?

L'autre soir à la brune, rue de la Fosse, j'ai entrevu un homme qui s'éloignait vers la Loire, un homme au manteau couleur de fumée d'enfer.
Je vous l'écrit ainsi, Mes Dames, Messieurs et Pierre Michon grommellerait que Dieu est un chien.








mardi, 21 avril 2009

temps et espace immobiles

Vendredi dernier, vent de sud-sud-suroît modéré, un petit clapot désagréable et le flot sur le nez. Ciel laiteux.
Malgré la vague d'étrave, malgré le sillage à la poupe, cette sensation que plus rien ne s'écoule : les amers de Pénerf, immobiles, le temps même suspendu !
Figés sur l'eau.
Au près serré, les marins le savent, l'impatience du quai n'est point de mise. Mais quand même cette suspension irréelle ?

Les amarres de Dac'hlmat avaient été larguées dans la beauté de Foleux, notre petit port à la campagne.
Brume et toiles d'araignées printanières.

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Aller en mer est toujours un bonheur.

jeudi, 16 avril 2009

demain, en mer ?

M'en vas en mer.
Demain, l'estuaire du petit fleuve de mes aïeux et vers les Iles. L'aventure (!) commence entre Kervoyal et Pénestin. Sans souci de piraterie.
Mais quelle aventure ? Est-ce un mot que nos générations ont pu vivre ?
Je ne le pense point. Que nous nous imposions des défis, prenions des risques, que nous nous levions pour affronter d'autres horizons, soit ! Mais l'aventure ?

Il y a dix ans, nous étions dans les délices d'Acapulco après 50 jours de Pacifique. Le lendemain, nous levions l'ancre pour caboter le long des côtes d'Amérique Centrale jusqu'au canal de Panama. Mes deux coéquipiers parlaient entre eux deux de "challenge" ; moi, je me contentai d'avoir été heureux, cinquante matins, cinquante journées, cinquante nuits dans cette immensité. Ce fut beau, c'était bon ! Aucune aventure !

J'avoue ne pas avoir bien saisi le sens de la question que FB posait dans son billet du 11 de ce mois :
« En quoi cela doit-il nous alerter dans notre usage au quotidien de l’écriture blog, ce qu’elle reconstruit intérieurement du monde, qui la sépare du monde ? »

Une référence encore à cet homme qui écrivait sur ses lointains intérieurs. A-t-il écrit une fois le mot « aventure » ?

Avalez les rivets, le croiseur se désagrège et l’eau retrouve sa tranquillité.
Henri Michaux
TRANCHES DE SAVOIR
Face aux verrous


Les pirates n'y ont point encore songé !

Post-scriptum : Ah, si ! Je me suis offert, en poche..., le Bob Dylan de François Bon, car quoi qu'en médisent "certaines" chipies, je m'en fus parfois au-delà des Beatles

dimanche, 05 avril 2009

deux « semaines saintes » si étranges

Le Dimanche des Rameaux en 1999,
trente-neuvième jour de mer depuis Ua Huka.
Nous étions par 11°08'15 Nord et 109°18'44 Ouest. Depuis trois jours dans un vrai chaudron à grains.

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Nous réduisions, rehissions, réduisions la toile, ruisselants de pluie chaude.
Acapulco était encore à six cent cinquante milles.

Le Dimanche des Rameaux en 2002, à Ronda, les Pénitents noirs, les reins ceints de cordes de chanvre brut.

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Les stridences aigres des trompettes et les Vierges vacillantes sur les pasos. Une Semaine Sainte durant, dans les Andalousies Atlantiques.

mardi, 03 février 2009

Epaules nues et gueule burinée

à M et A H
pour ces jours dans la chaleur de l'amitié,
de la musique et de la mer.


Entre la Folle Journée — avec un pluriel —, de Heinrich Schütz à Jean-Sébastien Bach et le VendéeGlobe, le blogue s'est effacé devant les écoutes, les échanges, les balades et l'amitié.
Il y eut de belles épaules nues sous les projecteurs du palais des Congrès, et l'on peut soupçonner en écoutant le Magnificat en ré majeur de Bach que Gabriel, le visiteur de la future vierge-mère ait eu une archangélique érection spirituelle — il ne venait point pour lui, mais pour l'Esprit-Saint, et il avait annoncé, six mois auparavant, une nouvelle identique à la cousine âgée de :

Miriâm dit au messager :" Comment cela peut-il être
puisqu'aucun homme ne m'a pénétrée ?"
Le messager répond et lui dit :
"Le souffle sacré viendra sur toi, la puissance du Suprême t'obombrera.
Ainsi celui qui naîtra de toi, sacré, sera appelé Bèn ÉLohîm."

Et Miriâm visitant sa cousine, d'entonner le chant :
Oui, le Puissant a fait en moi de grandes choses et sacré est son nom.*

L'archange peut être satisfait de sa tâche de messager, et nous de la musique céleste de Bach qui soulève si allègrement les épaules nues des belles cantatrices.

La Passion selon Mathieu avec le grand vieillard qu'est désormais Michel Corboz fut une longue et paisible méditation nocturne ; je craignais l'ennui sinon l'endormissement, les trois heures furent de haute veille.
Le lendemain, une sonate de Dietrich Buxtehude — les concerts de Schütz et consorts avaient été dévorés par les grands matinaux de la première semaine de janvier qui avaient fait la queue aux portes du palais dès deux heures du matin — et la Cantate 150 de Bach par le Capriccio Stravagante de Skip Sempé et les Solistes de Pygmalion : une musique à pleurer de joie, interprétée dans l'airain des voix et la douceur des cordes.
Comment le père Bach, sur des textes aussi débiles, à en perdre la foi ...si vous l'avez encore, écrivait-il de pareilles compositions ?

Sur Arte, il y a encore de beaux restes à écouter et voir !
Pour la première fois sur ce blogue, je vous propose d'écouter les sons qui vont suivre ; c'était jeudi soir dans la Grande Halle ! La "négraille" d'Aimé Césaire, à sa façon, célèbre Bach et c'est tout aussi fascinant que le soulèvement des épaules blanches et nues des belles du Magnificat.




Non, nous ne sommes pas allé aux jetées des Sables d'Olonne. La foule de la Folle Journée nous suffisait et la bise de Nordé ne devait être guère accueillante. Mais, belle est la victoire du grand à la gueule burinée, grand parmi les marins de la vallée des Fous — ainsi nomme-t-on le vallon où s'ouvre Port-La Forêt.
Amants, nous ne sommes point gens de labour ni valets de moisson. Pour nous la haute et libre vague que nul n'attelle ni n'oblige. Et pour nous, sur l'eau neuve, toute la nouveauté de vivre, et toute la grande fraîcheur d'être...**


Après la musique, l'eau devait manquer aux vieux marins, point fous, que nous sommes devenus, le village de Passay nous accueillit et Grand'Lieu s'étendait comme le long recitativo secco d'une passion de Schütz !

Grand'Lieu - copie.jpg


Post-scriptum :
*Les brefs passages cités — Luc, I, 34-35 — sont extraits de la Bible traduite et présentée par André Chouraqui, chez Desclée de Brouwer, 1989.
** Saint-John Perse, Amers, Poésie/Gallimard, 1970.

L'image du lac est de Nicléane.

mercredi, 14 janvier 2009

la poulie coupée

Entre Apollonios de Rhodes, ses Argonautica et l'auteur breton de la chanson à virer "À Nantes vient d'arriver", plus de deux mille ans d'écart, mais le constant d'un machisme avéré : les marins redoutaient la présence féminine à bord.
Apollonios :

Jason prit ensuite un long javelot, gage d'hospitalité qu'Atalante lui avait donné sur le mont Ménale. La jeune héroïne voulait alors marcher elle-même à la conquête de la Toison d'or, mais Jason l'en détourna, craignant que sa beauté ne charmât les Argonautes et n'excitât parmi eux la discorde.
Livre I, 750.


La chanson à virer des marins nantais :
La Belle, sur les trois-mâts carrés
On n'embarque point d'poulies coupées.


Point n'est nécessaire de commenter longuement la "poulie coupée", qui, donc en argot marin, clairement métaphore allusive, nomme le sexe féminin et désigne la femme en général ; avec plus de précision, parfois, la femme "facile".
Curieusement dans son anthologie de La poésie érotique, Marcel Béalu ne mentionne pas le terme parmi les quelques deux cents qu'il recensa. Je ne le retrouve point non plus dans Les mots et la chose de Jean-Claude Carrière.
La courtoisie est pour le Grec, la trivialité chez le Nantais.

Mais cette hantise de la femme à bord n'était pas encore éteinte, il y a quelques années encore et un navigateur à la grande gueule ne se gênait guère pour clamer l'incompatible de la femme et de la mer.
Isabelle Autissier, Elen Mac Arthur, Samantha Davies, Dee Caffari, Anne Liardet sont des femmes de mer qui ont démenti l'affirmation de la "grande gueule". Mais ces femmes naviguent plus en solitaire et équipage féminin qu'en équipage mixte. Quoique...
Toujours rôde la crainte, que dans le grand large, " la beauté ne charme et n'excite la discorde".

Post-scriptum : Apollonios de Rhodes prend en défaut Wikipédia. Saississez Atalante ! Et lisez. À moins que pour le périple mythique, il y eût d'autres commentateurs...

lundi, 15 décembre 2008

lisant Mallarmé...

La mer dont mieux vaudrait se taire que de l'inscrire dans une parenthèse si, avec, n'y entre le firmament — de même se disjoint, proprement, de la nature. Quelque drame d'exception, entre eux, sévit qui a sa raison sans personne.
Grands faits divers,
Divagations

Poésie/Gallimard, p. 316.
brume2.jpg

Brume d'automne au large de Penerf.
...qui a sa raison sans personne ? Peut-être Mallarmé a-t-il oublié les oiseaux ?

lundi, 08 décembre 2008

un très grand marin

desjoyeaux.jpg


Michel Desjoyeaux, né en 1966,
vit à la Forêt-Fouesnant, Finistère,
se balade actuellement dans l'hémisphère sud, du côté du 40° Est/48° Sud.

V. Curutchet/VendéeGlobe)

samedi, 08 novembre 2008

prière d'insérer

insérer001.jpg


Voilà que ces jours derniers, dans la tête du blogueur, se mêlent et l'atelier de Grec ancien et le VendéeGlobe et la littérature. Ce ne sont qu'histoires de mer !

Tout a commencé jeudi matin avec un travail de reprise en douceur sur le texte rebattu de l'Anabase de Xénophon : Thalassa ! Thalassa !
Je passe, rue de la Fosse, chez Coiffard, je dois y retirer Les quatre saisons de Ronsard, et de Mallarmé, Divagations, en Poésie/Gallimard, je cherche en vain les Carnets d'un vieil amoureux, je tombe sur Boutès, déjà feuilleté en octobre et qui m'avait frappé par un pré-texte que je pensais être une introduction ou un exergue, qui s'avère être un prière d'insérer, un vrai, feuillet encarté — ainsi jadis adresse de l'éditeur au critique —, Boutès narré par Pascal Quignard, ce lecteur fasciné et fascinant des Latins et des Grecs — je me demande si ce n'est pas sous l'influence de mes lectures de Quignard que j'ai repris l'étude du Grec ancien.
Un prière d'insérer qui concentre en quinze lignes le mythe des Sirènes, les Argonautes et Ulysse et qui s'achève dans la concision d'une chute :
« Seul Boutès sauta.»
chute paradoxale qui ne ferme pas, mais ouvre en surprenant le lecteur ignorant. Ce prière d'insérer comme une vie pré-natale du texte qui nous est offert dans les pages suivantes — Quignard explorateur de notre vie "ante". N'en déplaise à Gérard Genette*, cette page est bien adresse non au critique, mais au lecteur;

Boutès**, l'un des cinquante Argonautes, me relance vers ces trente Argonautes contemporains qu'entre deux phrases de version grecque, quelques poèmes de Mallarmé et les dix chapitres du Boutès de Quignard, je vais suivre passionnément, trois mois durant.

* Gérard Genette, Seuils, coll. Poétique, au Seuil, 1987 : un merveilleux bouquin sur l'alentour du livre, le "paratexte", tout ce qui enserre le texte et lui fait référence, mais qui n'est pas le texte?
** Apollodore dans La Bibliothèque, I, 9, 25.