dimanche, 05 août 2018
sur le quai
Une fois, une fois encore, repousser du pied le quai !
14:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 16 juin 2018
de retour en librairie
Rien de bien neuf depuis dix-huit ans, des images, une belle mise en page à l'italienne, l'ajout des cent années de la coopérative des Pêcheurs, mais surtout grâce au labeur des "scribes" du Centre de l'histoire du travail de Nantes :
les travailleurs du lac ont rejoint les travailleurs des Chantiers et les paysans.
18:41 | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 29 novembre 2017
rencontrer les Néréides nues ? possible même en navigation virtuelle
Ne suffit point de lire les Modernes et les Antiques, encore nous faut-il naviguer !
la Moderne
Yourcenar
……il retournait inlassablement à l'endroit où s'était passée l'apparition : il y a là une source où les pêcheurs viennent quelquefois se fournir d'eau douce, un vallon creux, un champ de figuiers d'où un sentier descend vers la mer. Les gens ont cru relever dans l'herbe maigre des traces légères de pieds féminins, des places foulées par le poids des corps. On imagine la scène : les trouées de soie dans l'ombre des figuiers, qui n'est pas une ombre mais une forme plus verte et plus douce de la lumière ; le jeune villageois alerté par des rires et des cris de femmes comme un chasseur par des bruits de coups d'ailes ; les divines jeunes filles levant leurs bras blancs où des poils blonds interceptent le soleil ; l'ombre d'une feuille se déplaçant sur un ventre nu ; un sein clair, dont la pointe se révèle rose et non pas violette ; les baisers de Panégyotis dévorant ces chevelures qui lui donnent l'impression de mâchonner du miel ; son désir se perdant entre ces jambes blondes. De même qu'il n'y a pas d'amour sans éblouissement du cœur, il n'y a guère de volupté véritable sans émerveillement de la beauté.
Marguerite Yourcenar
L'homme qui aima les Néréides
Nouvelles Orientales
L'Imaginaire, Gallimard, 1963.
Et parmi ces cinquante filles de Dôris aux beaux cheveux et de Nérée dit le Vieillard parce qu'il est véridique et bienveillant, j'en ai élu plus de vingt
L'Antique,
Hésiode
Εὐδώρη - Eudôrè - La Généreuse
Γαλήνη - Galènè - La Paisible
Γλαύκη - Glaukè - L'Étincelante
Κυμοθόη - Kymothoè - La Tumultueuse
Εὐνίκη - Eunikè - L'Apaisante
Μελίτη - Mélite - La Miellée
Εὐλιμένη - Euliménè - L'Accueillante
Νησαίη - Nèsaïe - L'Insulaire
Ἀκταίη - Achtaïè - La Riveraine
Κυμοδόκη - Kymodèkè - La Bienveillante (la Brumeuse)
Κυματολήγη - Kymatolègè - L'Apaisante
Κυμώ - Kymô - La Houleuse
Ἠιόνη - Hèïonè -L'Attentive
Ἁλιμήδη - Halimède - La Rêveuse
Γλαυκονόμη - Glaukovomoè - La Lumineuse (l'Irradiante)
Ποντοπόρεια - Pontoporèïa - La Marine
Λειαγόρη - Léïagorè - La Calme (La Paisible Diseuse)
Αὐτονόη - Autonoè - L'Opinâtre
Λυσιάνασσα - Lysianassa - La Déliante (La Libératrice)
Ψαμάθη - Psamathè - La Sableuse Infinie
Νησώ - Nèsô - L'Ilienne
Νημερτής - Nèmertès -L'Infaillible (La Véridique)
18:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 11 janvier 2017
le "Vendée Globe" n'est plus ce qu'il fut ?
Mais si, tant que l'homme, sur une coque, des voiles, une barre et sa jugeotte, le soleil et les étoiles, circumnaviguera !
Pendant notre séjour à l'embouchure du fleuve, nous ne vîmes qu'une fois la tramontane, qui nous parut très basse à l'horizon ; aussi nous ne pûmes la voir que par temps clair et serein et encore nous apparut-elle à la hauteur d'une lance au-dessus de la mer. Nous vîmes également six étoiles basses sur la mer, grandes, lumineuses et brillantes, qui nous servirent de repères. Il nous sembla reconnaître le chariot austral, mais nous ne pûmes apercevoir l'étoile principale, ce qui ne se pouvait raisonnablement, sans perdre la tramontane.
Alvise Ca'da Mosto
Voyages en Afrique Noire
Première navigation 1455
Éditions Chandeigne
Lundi 3 octobre audit an, à l’heure de minuit, nous fîmes voile en tirant à la volte d’auster, que les mariniers de Levant appellent siroc, nous engoulfant en la mer océane. Nous passâmes le cap Vert et les îles circonvoisines de 14°30’...
En cette manière, nous naviguâmes pleuvant l’espace de soixante jours jusqu’à la ligne équinoxiale, qui fut chose fort étrange et non accoutumée de voir, selon le dit des vielles gens et de ceux qui y avaient navigué plusieurs fois. Toutefois, avant de joindre à cette ligne équinoxiale, en 14° nous eûmes diversité et mauvais temps, tant pour les groupades que par le vent et les courants d’eau qui nous vinrent par devant, en telle manière que nous ne pouvions aller plus avant.
Durant ces fortunes, le corps de saint Anselme s’apparut à nous plusieurs fois ; et entre les autres, une nuit qui était fort obscure à l’occasion du mauvais temps, ledit saint s’apparut en forme de feu allumé au plus haut de la grande gabbe, et demeura là plus de deux heures et demie, ce qui nous réconforta tous.
Antonio Pigafetta,
Le voyage de Magellan (1519-1522),
Navigation & découvrement de la Indie supérieure
Éditions Chandeigne
Ils quittèrent le Cap-Vert le 16 mars au matin. La chaleur était de plus en plus lourde et étouffante. Le vendredi-saint après-midi, le ciel devint tout noir et ils eurent un gros orage tropical avec des éclairs et du tonnerre.
Le 16 avril à midi, après avoir relevé la hauteur du soleil, le pilote arbora un large sourire et annonça que, si Éole ne les lâchait pas, ils passeraient la ligne le lendemain. Les anciens de cette route se lancèrent alors activement dans de mystérieux conciliabules et des préparatifs dont les néophytes du parcours étaient soigneusement écartés. Le lendemain, le vent les abandonna, d’après le pilote juste sur la ligne. C’est donc par une très forte chaleur sans un souffle d’air et sur une mer plate comme une crêpe de blé noir du Faouët que se déroula la cérémonie du baptême.
J.D. de Certaines,
Fricambault
Éditions Liv’édition
Jusqu’au 15 avril (1783), époque où nous coupâmes l’équateur par 17° de longitude, un beau ciel, une mer paisible, un temps serein, tout favorisa notre marche ; nous n’éprouvâmes même pas les calmes qui règnent ordinairement dans ces parages ; aussitôt nous eûmes dépassé la ligne, la fortune nous présagea ses rigueurs. »
Capitaine Péron
Mémoires,
Éditions La Découvrance
Dans la nuit du 14 au 15 novembre (1791), par 18°30’ de longitude à l’occident de Paris, l’effet en a été remarquable au moment où un orage qui paraissait devoir être très-violent, commença d’éclater. Toute la partie de la mer qui était agitée par le vent jetait une lumière resplendissante et formait une nappe de feu qui s’approcha du vaisseau avec l’orage, et qui bientôt l’environna de toutes parts. L’éclat de cette lumière ne fut pas de longue durée ; mais le sillage du vaisseau, ainsi que les traces des poissons qui nageaient le long du bord, furent très-brillants toute la nuit ; en général, son éclat m’a paru toujours plus vif par un temps orageux, lorsque l’atmosphère est chargée de fluide électrique, que dans les circonstances où elle en contient en moins grande quantité.
Éd. Goepp & E.-L. Cordier
Les grands hommes de la France, les Navigateurs
Journal de bord de Bruny d’Entrecasteaux
Éditions P. Ducrocq
Des vents favorables nous permirent de couper le tropique du Cancer le 25 brumaire, puis de doubler les îles du Cap-Vert le 28. Ensuite les calmes de l’équateur ralentirent notre course avec opiniâtreté. Nous fûmes immobilisés pendant d’interminables semaines, navires étales sur la surface lisse et argentée de la mer, attendant un souffle qui nous eût permis d’avancer en étarquant toutes les voiles. Mais rien. Rien qu’un balancement imperceptible, la voilure inerte le long des mâts et des matelots trébuchant sur les cordages comme des somnambules. Partout un bleu éblouissant qui semblait avoir absorbé pour toujours les nuages du ciel et la houle de l’océan. Comme d’Entrecasteaux neuf ans auparavant
Muriel Proust de la Gironière,
Nicolas Baudin,
marin et explorateur ou le mirage de l’Australie
Éditions du Gerfaud
Emprunt de quelques citations au site officiel du Vendée Globe
dans la rubrique Actualité, "Un jour, un livre",
présenté par un certain DBo,
amassant ainsi une fort belle bibliographie maritime,
rubrique quasi aussi passionnante à suivre
que la régate elle-même.
18:50 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 10 septembre 2016
Cendrars sur le Volturno
Quelle idée de s'embarquer un matin de septembre sur un joli petit "Fifty" de 30 pieds, baptisé VOLTURNO, pour le convoyer de Belle-Île en Vilaine quand on sait qu'un navire du même nom prit feu en pleine tempête en 1913 ? Mais ça, c'est une autre histoire... Et une histoire à la Cendrars !
Serais-je monté à bord, si j'avais su ce naufrage ? Les voileux ont réputation d'être superstitieux, : le louis d'or sous le pied de mât... le cousin du lièvre ou l'animal aux grandes oreilles... le refus des poulies-coupées (!) à bord...
D'un air amusé, un compagnon de convoyage me fit remarquer que le nom "Volturno" avait un rapport avec l'écrivain Cendrars. Je fus légèrement dépité de cette ignorance.
Oui, une histoire à la Cendrars, dans la vie même de Cendrars .
Il se nomme alors Frédéric Sauser. Le 11 décembre 1911, il débarque du Birma à Ellis Island, petite île près de New-York où sont parqués, triés, contrôlés, chaque jour, les milliers de migrants fascinés déjà par le "rêve américain". Il vient à l'invite d'une femme qui l'aime.
Nous arrivons par un beau clair de lune splendidement étoilé. Voici le premier phare...J'attends le point du jour, l'aube de ma vie... C'est une nouvelle naissance ! Je vois des feux briller, comme à travers l'épaisseur de la chair... Je me souviens, je me souviens des splendeurs apparues... Vais-je crier, ainsi qu'un nouveau-né ?
Ils vivront six mois d'amour et de misère. Il réembarquera pour l'Europe, seul, le 6 juin 1912*, sur le bateau des refoulés du Nouveau Monde, le VOLTURNO.
Je reviens d'Amérique à bord du Volturno, pour 35 francs de New-York à Rotterdam
écrit-il dans un poème ultérieur, « Le Panama ou les aventures de mes sept oncles ».
Il se nomme désormais Blaise Cendrars et le jour de Pâques, dans la solitude et la fièvre, il a écrit un texte qui va ébranler et la langue et la poésie françaises du siècle naissant.
« Je me suis réveillé en sursaut. Je me suis mis à écrire, à écrire. Je me suis rendormi. Je me suis réveillé une
deuxième fois en sursaut. J'ai écrit jusqu'au petit jour et je me suis recouché pour de bon. Je me suis réveillé à cinq heures du soir. J'ai relu la chose. J'avais pondu les Pâques à New York.»
Seigneur, c'est aujourd'hui le jour de votre Nom,
J'ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion,
Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles
Qui pleurent dans le livre, doucement monotones.
Un moine d'un vieux temps me parle de votre mort.
Il traçait votre histoire avec des lettres d'or
Dans un missel, posé sur ses genoux.
Il travaillait pieusement en s'inspirant de Vous.
A l'abri de l'autel, assis dans sa robe blanche,
Il travaillait lentement du lundi au dimanche.
Les heures s'arrêtaient au seuil de son retrait.
Lui, s'oubliait, penché sur votre portrait.
A vêpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour,
Le bon frère ne savait si c'était son amour
Ou si c'était le Vôtre, Seigneur, ou votre Père
Qui battait à grands coups les portes du monastère.
Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.
Dans la chambre à côté, un être triste et muet
Attend derrière la porte, attend que je l'appelle!
C'est Vous, c'est Dieu, c'est moi, — c'est l'Éternel.
.................................................................................
.................................................................................
Seigneur, l'aube a glissé froide comme un suaire
Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.
Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et dénient.
Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.
La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauquent comme des huées.
Une foule enfiévrée par les sueurs de l'or
Se bouscule et s'engouffre dans de longs corridors.
Trouble, dans le fouillis empanaché des toits,
Le soleil, c'est votre Face souillée par les crachats.
Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne..
Ma chambre est nue comme un tombeau...
Seigneur, je suis tout seul et j'ai la fièvre...
Mon lit est froid comme un cercueil...
Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents...
Je suis trop seul. J'ai froid. Je vous appelle...
Cent mille toupies tournoient devant mes yeux...
Non, cent mille femmes... Non, cent mille violoncelles.
Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses...
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées...
Je ne pense plus à Vous. Je ne pense plus à Vous.
Le VOLTURNO, sans doute à la mi-juillet 2012, touchera le port de Rotterdam. En débarque un Blaise Cendrars bien décidé à devenir écrivain et à "bourlinguer" : « On bourlingue sur les livres comme sur la mer ». Les paquebots seront pour lui des bibliothèques flottantes.
En octobre 1913, au milieu de l'Atlantique, en pleine tempête, un violent incendie qui ne pourra être maîtrisé se déclare à bord du VOLTURNO : une importante explosion secoue la soute à charbon et la salle des machines. Le paquebot coule ; il y aura 136 disparus sur plus de 650 passagers et membres d'équipage.
DONC, ayant eu connaissance de tout ce qui précède et ayant été un lecteur plus attentif de l'ami Blaise, aurais-je, ce samedi dernier 2 septembre 2016, accepter de monter à bord du petit "fifty" Volturno pour le convoyer en Vilaine ?
PAS SI SÛR !
Ce qui est certain, c'est que le seul nom de "Volturno" m'a fait replonger dans la belle bibliothèque flottante de Cendras, de Bourlinguer jusqu'Au cœur du Monde !
* Le 21 mai 1912, écrit sa fille Myriam Cendrars dans la très forte biographie qu'elle a consacrée à son père en 1984 (chez Balland, publiée par la suite en "Points Biographie" au Seuil, 1985).
18:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 21 juillet 2016
larguées les amarres
Quand s'éloignent Artaud et les grandes sécheresses de la folie et des souffrances.
Pour quelques nuits de mer .
Là nous allions, de houle en houle, sur les degrés de l'Ouest.
Et la nuit embaumait les sels noirs de la terre,
dès la sortie des Villes vers les pailles,
parmi la chair tavelée des femmes de plein air.
Et les femmes étaient grandes, au goût de seigles
et d'agrumes et de froment moulé à l'image de leur
corps.
Saint-John Perse,
Vents II
D'Artaud à Perse, la langue a-t-elle jamais fait un aussi grand écart ?
14:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 31 octobre 2015
quand Joachim peut initier à l'histoire maritime
Hors les tous derniers Regrets platoniquement — soi-disant ? — adressés à Marguerite, les sonnets — plus de cinquante — écrits, après le retour de Joachim en France, me semblaient être trop sonnets de courtisan, sans être de "lèche-bottes", pour m'inciter à une lecture autre que de survol.
Mais voilà que la règle du jeu que le curiste s'est imposée, a donné à lire, dès l'entrée au vestiaire, le CLXVI. Lu avec étonnement, une heure plus tard, entre illutation et douche pénétrante.
Combien que ta vertu, Polin, soit entendue
Partout où des Français le bruit est entendu,
Et combien que ton nom soit au large étendu
Autant que la grand’ mer est au large étendue :
Si faut-il toutefois que Bellay s’évertue,
Aussi bien que la mer, de bruire ta vertu,
Et qu’il sonne de toi avec l’airain tortu
Ce que sonne Triton de sa trompe tortue.
Je dirai que tu es le Tiphys du Jason
Qui doit par ton moyen conquérir la toison
Je dirai ta prudence et ta vertu notoire :
Je dirai ton pouvoir qui sur la mer s’étend,
Et que les dieux marins te favorisent tant,
Que les terrestres dieux sont jaloux de ta gloire.
Etonné oui, et ravi, parce que le poète courtisan qui n'est pas mon Joachim préféré me dévoile un pan totalement ignoré de l'histoire maritime de la France.
Qui donc est ce Polin ?
Une note de bas de page, s'ajoutant à quelques recherches : voici Antoine Escalin des Aimars, dit Polin, seigneur de Pierrelatte, Général des Galères du Roi de France, né et mort à La Garde-Adhémar (1498 ?-1578). Il fut l'envoyé de François Ier près de Soliman le Magnifique à Constantinople, s'allia à Kheireddine, le Barberousse algérois, pour contrer la flotte de Charles-Quint.
François Ier jusqu'à ce sonnet : c'était le vainqueur de Marignan, le prisonnier de Pavie, l'admiration pour le Grand Logis du Château des Ducs de Bretagne, l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts légiférant sur la langue française. J'ignorais tout de sa politique maritime.
Et Joachim de me faire réouvrir les Argonautiques d'Apollodore d'Athènes pour vérifier que nous avons bien, à cinq bons siècles d'écart, les mêmes sources grecques — à moins que ce ne soit celles de Diodore de Sicile ou d'Apollonios de Rhodes :
Τῖφυς Ἁγνίου, ὃς ἐκυβέρνα τὴν ναῦν,
Tiphys, fils d’Hagnius, qui tient le gouvernail du vaisseau
Tiphys est bien le skipper d'Argo, le vaisseau de Jason et sa cinquantaine de héros, Jason évoqué sans être nommé par le poète dans son plus célèbre sonnet, le XXXI :
pourquoi
Ou comme cestuy là qui conquit la toison.
Et non
Ou comme ce Jason qui conquit la toison
qui nous aurait valu deux beaux hémistiches.
Me faut-il réécrire Du Bellay ? J'y vas : par passion pour l'océan, la chute du fameux sonnet serait
Et plus que l'air romain la douceur angevine
J'aime trop le Joachim de mon adolescence pour ne pas lui être sacrilège. J'en veux sans doute au courtisan...
20:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 octobre 2015
quand Joachim a peut-être le mal de mer
à Roger Morel, celui des bords de Vilaine
qui est un Morel plus récent que celui des REGRETS,
pour cette belle passion partagée : la mer et le vent,
un même port nous ayant rapprochés.
Au mitan de cette cure aux Thermes de Barbotan, la numérotation de mes salles de soins me fait rejoindre un Du Bellay triste et mélancolique dont, depuis son fameux « Heureux qui comme Ulysse… » (XXXI), toujours de la maison le doux désir (le)point. (XXX).
Le secrétaire-intendant depuis le XVII accumule le lexique et les métaphores du voyage maritime et de ses aléas, de l’errance et de l’exil étranger :
erré sur le rivage — vers le Nautonier sourd — pour payer le naulage — tirant à la rame — la rive latine — hausser les voiles, dresser le gouvernail, épier les étoiles — être ancré désormais — le vent à gré — des flots marins, lourdement outragé — sauvé du naufrage — en cette mer, nagé — cette mer romaine, de dangereux écueils et de bancs toute pleine — si tu ne sais nagé d’une voile à tout vent — aller de port en port — et voyage toujours sans penser au retour — perdre en voyageant le meilleur de (son) âge.
Le poète parvient au seuil du XXXIV avec cette métaphore désabusée qui clôt le dernier tercet du XXXII :
Ainsi le marinier souvent pour tout trésor
Rapporte des harengs au lieu de lingots d’or,
Ayant fait, comme moi, un malheureux voyage
Ce sonnet XXXIV est entièrement marin et, curieusement d'actualité, quand on songe à ces voiliers de la Transat du Café (laidement dite transat Jacques-Vabre) lancés depuis Le Havre vers les Amériques et qui depuis ce matin affrontent, — non pas une tempête, les média, toujours, exagèrent pour entretenir le suspense — mais une belle dépression qui génère un avis de grand frais avec des vents Sud de 30 à 35 nœuds.
Ne pas oublier ce que sont ces textes : un projet d'écriture, un labeur sur la langue qui s'énonce et s'affine tout au long des trente premiers sonnets, selon les situations évoquées et la relation que le poète entretient avec ses interlocuteurs : les "copains" de la Pléiade — Ronsard, Peletier, Belleau...—, les amis — Morel, Magny, Gordes...
Ainsi, Joachim "touitte" à Magny dans le XII :
Vu le soing mesnager dont travaillé je suis,
Vu l’importun souci qui sans fin me tourmente,
Et vu tant de regrets desquels je me lamente,
Tu t’esbahis souvent comment chanter je puis.
Je ne chante, Magny, je pleure mes ennuis :
Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les chante,
Si bien qu’en les chantant, souvent je les enchante :
Voilà pourquoi, Magny, je chante jours et nuits.
Ainsi chante l’ouvrier en faisant son ouvrage,
Ainsi le laboureur faisant son labourage,
Ainsi le pèlerin regrettant sa maison,
Ainsi l’avanturier en songeant à sa dame,
Ainsi le marinier en tirant à la rame,
Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.
Dans le Sonnet XXIV, Joachim se retrouve donc comme "le marinier tirant à la rame", et pis même, comme l'énonce, avec une belle dose d'humour noir, la clôture dans le dernier vers du second tercet :
Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage,
Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
Des vagues ni des vents, les ondes écumer :
Et quelqu’autre bien loin, au danger d’abîmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage :
Ainsi, mon cher Morel, sur le port arrêté,
Tu regardes la mer, et vois en sûreté
De mille tourbillons son onde renversée :
Tu la vois jusqu’au ciel s’élever bien souvent,
Et vois ton Du Bellay à la merci du vent
Assis au gouvernail dans une nef percée.
18:12 | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 28 avril 2015
« ...n'étant de nul accrédités...»
Ce soir-là, je l'ai croisé dans l'ouvert de l'estuaire de Vilaine. Il allait toutes voiles offertes, vent arrière, cap sur la nuit.
©Nicléane
Dac'hlmat achevait sa première navigation de printemps. Nous rentrions à terre. J'étais paisible, mais las. Je l'enviais, ce partant. Mais,
De nul office n'avons-nous charge, n'étant de nul
accrédités — ni princes ni légats d'Empire,
à bout de péninsules, pour assister en mer l'Astre royal
à son coucher ; mais seuls et libres, sans caution ni gage,
et n'ayant part au témoignage... Une trirème d'or navigue,
chaque soir, vers cette fosse de splendeur où l'on verse à l'oubli
tout le bris de l'histoire et la vaisselle peinte des âges morts.
Les dieux vont nus à leur ouvrage.
La mer aux torches innombrables lève pour nous splendeur nouvelle,
comme de l'écaillé de poisson noir.
Saint-John Perse
Strophe, IX
Étroits sont les vaisseaux, VI
18:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 02 janvier 2015
pas de vœux, juste un encouragement
La tourelle des Perdrix, dans l'estuaire de la rivière de Pont-l'Abbé.
15:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 17 novembre 2014
un regard s'est éteint
Cet homme a encore les yeux ouverts sur les jaillissements d'écume que lui offraient à pleine vague les Néréides de ses rêves.
Qui était-elle, celle qui s'ouvre ainsi dans la jubilation des eaux ?
Εὐδώρη La Généreuse ?
Εὐλιμένη L'Accueillante ?
Κυμώ La Houleuse?
Γλαυκονόμη La Lumineuse ?
Et qu'est ce corps lui-même, qu'image et forme du navire ? Nacelle et nave, et nef votive, jusqu'en son ouverture médiane...
Saint-John Perse
Amers IX, II, 2
Pour un merci au regard de Lucien Clergue
19:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 17 août 2014
pour achever un périple de mer
Si haut que soit le site, une autre mer au loin s'élève, et qui nous suit, à hauteur du front d'homme : très haute masse et levée d'âge à l'horizon des terres...et très haut seuil de flamme à l'horizon des hommes de toujours, vivants et morts de même foule.
Saint John Perse Chronique, 1.Dac'hlmat, demain, embouque l'estuaire de Vilaine.
19:16 | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 29 juillet 2014
dans le théâtre des vents
Temps de demoiselle dans le nord des Glénan. Mais la noirceur des nuages s'épaissit à terre
Les vents sont forts ! Les vents sont forts ! Écoute encore l'orage labourer dans les marbres du soir.©Nicléane
Le vent s'accroisse sur nos grèves et sur la terre calcinée des songes !
Les hommes en foule sont passés sur la route des hommes,
Allant où vont les hommes, à leurs tombes. Et c'est au bruit
des hautes narrations du large, sur ce sillage de splendeur vers l'Ouest, parmi la feuille noire et les glaives du soir...
Et moi j'ai dit :« N'ouvre pas ton lit à la tristesse. Les dieux s'assemblent sur les sources,
Et c'est murmure encore de prodiges parmi les hautes narrations du large.
Saint-John Perse
Vents, VII.
22:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 24 juillet 2014
Dans un des vire-court de l'Odet
Lisant Montaigne dans l'un des vire-court de l'Odet,- le Saut de la Pucelle - amarré au corps-mort d'un bateau baptisé "Eol Song" - le Chant du Vent - l'homme qui déconseille de faire boire de l'eau à un Breton de soixante-dix ans et d'enfermer un marin dans une étuve, écrit fort justement sur le vent.
Quand je pense que je me suis inventé un pseudo tiré du grec ancien "ανεμολιος" qui peut se dire "proche du vent" ou plus près de Montaigne ,"vide de vent"- une outre vide, quoi ! On peut m'y écrire : anemolios@free.fr" Moy, qui me vente d'embrasser si curieusement les commoditez de la vie, et si particulierement : n'y trouve, quand j'y regarde ainsi finement, à peu pres que du vent. Mais quoy ? nous sommes par tout vent. Et le vent encore, plus sagement que nous s'ayme à bruire, à s'agiter : Et se contente en ses propres offices : sans desirer la stabilité, la solidité, qualitez non siennes. » Michel de Montaigne, Les Essais - Livre III, 13,1595.
L'outre se remplira peut-être un jour.Bon vent !
16:50 | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 22 juillet 2014
vieilles coques
aux vieux matelots du Marche-Avec
et aux quatre "poulies-coupées"
qui avaient embarqué.
Ce n'était point prévu quand ces jours, Dac'hlmat fit escale à Concarneau.
Fûmes invités par l'amitié sur le Marche-Avec, une belle "vieille coque" rapide et puissante qui jadis ramenait à la Criée la pêche des sardiniers qui chalutaient au large dans le Nord Gascogne.
©Bernavanax
Grand âge, nous voici. Rendez-vous pris, et de longtemps, avec cette heure de grand sens.
Le soir descend, et nous ramène avec nos prises de haute mer. Nulle dalle familiale où retentisse le pas d'homme. Nulle demeure à la ville ni cour pavée de roses de pierre sous les voûtes sonores.
Il est temps de brûler nos vieilles coques chargées d'algues. La Croix du Sud est sur la Douane ; la frégate-aigle a regagné les îles; l'aigle-harpie est dans la jungle avec le singe et le serpent-devin. Et l'estuaire est immense sous la charge du ciel.
Saint-John Perse
Chronique, V.
16:32 | Lien permanent | Commentaires (0)