Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 31 octobre 2015

quand Joachim peut initier à l'histoire maritime

Hors les tous derniers Regrets platoniquement — soi-disant ? — adressés à Marguerite, les sonnets — plus de cinquante — écrits, après le retour de Joachim en France, me semblaient être  trop sonnets de courtisan, sans être de "lèche-bottes", pour m'inciter à une lecture autre que de survol.
Mais voilà que la règle du jeu que le curiste s'est imposée, a donné à lire, dès l'entrée au vestiaire, le CLXVI. Lu avec étonnement, une heure plus tard, entre illutation et douche pénétrante.

Combien que ta vertu, Polin, soit entendue
Partout où des Français le bruit est entendu,
Et combien que ton nom soit au large étendu
Autant que la grand’ mer est au large étendue :

Si faut-il toutefois que Bellay s’évertue,
Aussi bien que la mer, de bruire ta vertu,
Et qu’il sonne de toi avec l’airain tortu
Ce que sonne Triton de sa trompe tortue.

Je dirai que tu es le Tiphys du Jason
Qui doit par ton moyen conquérir la toison
Je dirai ta prudence et ta vertu notoire :

Je dirai ton pouvoir qui sur la mer s’étend,
Et que les dieux marins te favorisent tant,
Que les terrestres dieux sont jaloux de ta gloire.

 Etonné oui, et ravi, parce que le poète courtisan qui n'est pas mon Joachim préféré me dévoile un pan totalement ignoré de l'histoire maritime de la France.
Qui donc est ce Polin ?
Une note de bas de page, s'ajoutant à quelques recherches : voici Antoine Escalin des Aimars, dit Polin, seigneur de Pierrelatte, Général des Galères du Roi de France, né et mort à La Garde-Adhémar (1498 ?-1578). Il fut l'envoyé de François Ier près de Soliman le Magnifique à Constantinople, s'allia à Kheireddine, le Barberousse algérois, pour contrer la flotte de Charles-Quint.

François Ier jusqu'à ce sonnet : c'était le vainqueur de Marignan, le prisonnier de Pavie, l'admiration pour le Grand Logis du Château des Ducs de Bretagne, l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts légiférant sur la langue française. J'ignorais tout de sa politique maritime.

Et Joachim de me faire réouvrir les Argonautiques d'Apollodore d'Athènes pour vérifier que nous avons bien, à cinq bons siècles d'écart, les mêmes sources grecques  — à moins que ce ne soit celles de Diodore de Sicile ou d'Apollonios de Rhodes :

Τῖφυς Ἁγνίου, ὃς ἐκυβέρνα τὴν ναῦν,
Tiphys, fils d’Hagnius, qui tient le gouvernail du vaisseau

Tiphys est bien le skipper d'Argo, le vaisseau de Jason et sa cinquantaine de héros, Jason évoqué sans être nommé par le poète dans son plus célèbre sonnet, le XXXI :
pourquoi

Ou comme cestuy là qui conquit la toison.

Et non 

Ou comme ce Jason qui conquit la toison

qui nous aurait valu deux beaux hémistiches.

Me faut-il réécrire Du Bellay ? J'y vas : par passion pour l'océan, la chute du fameux sonnet serait

Et plus que l'air romain la douceur angevine

J'aime trop le Joachim de mon adolescence pour ne pas lui être sacrilège. J'en veux sans doute au courtisan...

 

Les commentaires sont fermés.