dimanche, 23 juillet 2006
glanes au gré des estrans
Je suis parti en mer avec cette idée de vérifier le dit de Lie-Tseu, dans son Traité du Vide Parfait
"Je ne sais pas si c'est le vent qui me chevauche ou moi qui chevauche le vent."
Revenant, il me semble que les sages du Tao étaient plus piétons ou cavaliers des steppes orientales qu’hommes des mers occidentales.
Ni le vent ne m’a chevauché, ni je n’ai chevauché le vent.
Ici, l’on ruse ; rarement, l’affrontement, plus souvent la fuite !
J’ai glissé mon marque-page au hasard des Vents de Saint-John Perse et des mouillages. Les vents étaient célébrés et aussi, tel un rite archaïque, offerte/ouverte au ciel, une Femme nue !
Et pour m’alléger des somptuosités, j’alternai avec la lecture des Cygnes sauvages de Kenneth White, qui, en 1990 mettait ses pas et ses haïku dans ceux des grands maîtres japonais.
Le soir du 14 juillet, au mouillage de l'Île-aux-Moines, belle surprise d’un vol de cygnes : musique des battements puissants des ailes soutenue par le clairon de leurs “hough ! hough ! hough !”
Voici donc la glane :
sur la Vilaine
Le Vent frappe à ta porte comme un Maître de camp,
À ta porte timbrée du gantelet de fer.
Et toi, douceur qui va mourir, couvre-toi la face de ta toge
Et du parfum terrestre de nos mains... »
Le Vent s'accroisse sur nos grèves et sur la terre calcinée des songes!
Les hommes en foule sont passés sur la route
des hommes,
Allant où vont les hommes, à leurs tombes. Et c'est au bruit
Des hautes narrations du large, sur ce sillage
encore de splendeur vers l’Ouest, parmi la feuille
noire et les glaives du soir...
Et moi j’ai dit : « N’ouvre pas ton lit à la tristesse.
Les dieux s’assemblent sur les sources,
Et c'est murmure encore de prodiges
parmi les hautes narrations du large.
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Fretin !
J'ai secoué mon filet
Il n'y avait que la lune
Ootô
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au mouillage de Suscinio
Comme on buvait aux fleuves incessants
hommes et bêtes confondus à l’avant-garde
des convois,
Comme on tenait au feu des forges en plein air
le long cri du métal sur son lit de luxure,
Je mènerai au lit du vent l’hydre vivace de ma force,
je fréquenterai le lit du vent comme un vivier
de force et de croissance.
Les dieux qui marchent dans le vent susciteront
encore sur nos pas les accidents extraordinaires.
Et le poète encore est avec nous.
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Nettoyant une casserole
Rides sur l'eau
Un goéland solitaire
Buson
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en baie de Quiberon
Vous qui savez, rives futures, où résonneront nos pas,
Vous embaumez déjà la pierre nue et le varech
des fonts nouveaux.
Les livres au fleuve, les lampes aux rues,
j’ai mieux à faire sur nos toits de regarder monter l'orage.
Que si la source vient à manquer d'une plus haute connaissance,
L'on fasse coucher nue une femme seule sous
les combles —
Là même où furent, par milliers, les livres tristes
sur leurs claies comme servantes et filles de louage...
Là, qu'il y ait un lit de fer pour une femme nue,
toutes baies ouvertes sur la nuit.
Femme très belle et chaste, agréée entre toutes femmes de la Ville
Pour son mutisme et pour sa grâce et pour sa chair irréprochable,
infusée d’ambre et d'or aux approches de l’aine,
Femme odorante et seule avec la Nuit,
comme jadis, sous la tuile de bronze,
Avec la lourde bête noire au front bouclé de fer,
pour l'accointement du dieu,
Femme loisible au flair du Ciel et pour lui seul
mettant à vif l’intimité vivante de son être...
Là qu’elle soit favorisée du songe favorable,
comme flairée du dieu dont nous n'avons mémoire,
Et frappée de mutisme, au matin, qu’elle nous
parle par signes et par intelligences du regard.
Et dans les signes du matin, à l’orient du ciel,
qu'il y ait aussi un sens et une insinuation...
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Avec le cormoran
Mon âme dans l'eau
Plonge
Onitsura
............................................
au mouillage de l’ïle-aux-Moines,
le soir
... De hautes pierres dans le vent occuperaient
encore mon silence. — Les migrations d’oiseaux
s'en sont allées par le travers du Siècle,
tirant à d’autres cycles leurs grands triangles disloqués.
Et c’est milliers de verstes à leur guise, dans la dérivation
du ciel en fuite comme une fonte de banquises.
Aller ! où vont toutes bêtes déliées,
dans un très grand tourment de l’aile et de la corne... Aller!
où vont les cygnes violents, aux yeux de femmes et
de murènes...
Plus bas, plus bas, où les vents tièdes essaiment,
à longues tresses, au fil des mousses aériennes...
Et l’aile en chasse par le monde fouette
une somme plus mobile dans de plus larges mailles,
et plus lâches...
Je te connais, ô Sud pareil au lit des fleuves
infatués, et l’impatience de ta vigne au flanc des
vierges cariées...
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La palourde a clos
Sa bouche
Quelle chaleur !
Bashô
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au mouillage d’Er-Salus, Houat,
crépuscule
Chante, douceur, à la dernière palpitation du soir
et de la brise, comme un apaisement de bêtes exaucées.
Et c'est la fin ce soir du très grand vent.
La nuit s'évente à d'autres cimes.
Et la terre au lointain nous raconte ses mers.
Les dieux, pris de boisson, s'égarent-ils encore
sur la terre des hommes ?
Et nos grands thèmes de nativité seront-ils discutés chez les doctes?
Des Messagers encore s'en iront aux filles de
la terre, et leur feront encore des filles à vêtir
pour le délice du poète.
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Sous le ciel en flammes
Lointaine une voile, dans mon âme
Une voile
Seishi
.............................................................
Et toutes ces nuits chaudes, au zénith, ma belle constellation estivale, la Croix du Cygne qui s'appuie sur l'alignement de l'Aigle et de la Lyre : Déneb, Véga, Altaïr, oiseau immense qui descend vers le sud,
« ...jusqu'aux rives lointaines où déserte la mort !... »
17:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 08 juillet 2006
l'Internet, puis les vents
Fin d'après-midi dans la douceur à la Tête Noire, chez Sy et Fr.
En débats toujours passionnés, la coopération décentralisée et le réseau associatif, la création d'un site avec SPIP, le blogue "en cale sèche" de l'ABJC, la production des écrits chez les amis Baalinkés, leurs possibles connexions à l'Internet.
Me revenait en tête, le journal de Bé en Mauritanie - Les derniers jours - (ma note du 3 juillet) :
Notre conducteur de 4x4 est arrivé. Allongé sur le flanc, un pied relevé sur le genou de l'autre jambe, il discute avec Mohamed de connexion Internet haut débit, de téléphone portable (ils ont tous un portable), d'une caravane partie dans le désert pour tourner un film, avec un chameau portant la caméra, un autre les panneaux solaires pour charger les batteries, un chameau Internet... Ils sourient, secouent leur draâ bleu clair pour faire de l'aération, picorent des dattes sur le plateau. Télescopage entre deux mondes non contradictoires.
N'ont guère besoin de nous les copains Africains ; peut-être un peu de matériel ; et encore, pas de l'obsolète !
Je vais aller vérifier pendant quelques jours, en mer ce que dit Lie-Tseu sur le blogue de Cœur de Ptah
"Je ne sais pas si c'est le vent qui me chevauche ou moi qui chevauche le vent."
Lie-Tseu.(in " Traité du Vide Parfait")
Je suis totalement incertain de revenir, le 19 juillet, avec une réponse à l'alternative.
Me restera à écarter mon anémomètre et à aller saluer "l'Arbre Ancien".
À tout hasard, j'emporte Vents de St John Perse.
Je te licencierai, logique, où s'estropiaient nos bêtes à l'entrave.
14:50 | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 31 mai 2006
retour sevré ? Nenni !
Retour de mer !
Rompu !
Après les brumes, brouillards et bruines, cinq jours durant, sans soleil, sans étoiles. Quand on revient du sud, les vents de galerne, même ensoleillés, lèvent un méchant clapot pour embouquer l'estuaire de la Vilaine.
Peu ou trop à écrire et le retour au jardin, c'est pour désherber.
Pauvre marin !
Ça m'a revigoré de m'en aller visiter les sublimes lactations que nous découvre l'ami Bourdaily-on-the web.
Allez-y voir ! Allez-y lire !
Déesses et dieux ! Vierges et saints ! Quelles giclées de suavité lactée !
22:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 22 mai 2006
sur la Vilaine et peut-être en mer
Bulletin Iroise (réactualisé à 11h40 légales)
Bulletin émis le lundi 22 mai 2006 à 05h01
1/ Situation générale le lundi 22 mai 2006 à 00h UTC et évolution:
Dépression 979 hPa à 70 milles au sud-ouest de l'Irlande se décale vers le nord-est prévue 990 hPa au sud de la Norvège le 23 à 00UTC. Nouvelle dépression prévue 994 hPa à 350 milles à l'ouest de l'Ecosse le 23 à 00TC prévue 993 hPa à 100 milles à l'ouest de l'Ecosse le 23 à 12UTC.
2/ Prévisions par zones valables jusqu'au mardi 23 mai à 06h UTC:
IROISE, YEU, ROCHEBONNE, CANTABRICO
Sud-Ouest puis Ouest 6 à 8 mollissant 5 à 7 l'après-midi, puis 3 à 5 la nuit. Fortes rafales. Mer très forte à grosse devenant forte la nuit prochaine. Averses
Le contraste !
Espérant une accalmie et le renforcement de ce bon anticyclone des Açores, une petite semaine de "nave".
En viatique, Pierre Jean Jouve de chez Seghers, son Dom Juan de Mozart et ses notes En miroir - c'est le prochain Seghers à présenter.
Pour détendre les cervicales et goûter la langue, un bon Giono, Le voyage en Italie.
Et des bribes du Tumulte et du Tiers Livre pour un portrait de François Bon en intern@uteur.
Si les dieux "qui n'existent pas" sont favorables, qu'ils favorisent le retour !
20:35 | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 06 décembre 2005
Andalousie atlantique - Partie II
Décembre 2001
encore à Séville
Le lendemain, dès l’entrée dans l’Alcazar, à petits pas émerveillés, de patios en chambres, d’alcôves en salons.
Jeux des arcs et des colonnes dans l’enfilade des patios. Des plafonds aux sols : coupoles et caissons ornés des uns, céramiques et tomettes des autres. Frises et plinthes, stucs blancs ou polychromes, entrelacs abstraits, oiseaux, écritures, végétaux. S’emmêlent en l’œil, les arts successifs qui érigèrent cet Alcazar : le Mauresque, le Mudéjar, le Médiéval, le Renaissance...
Pourtant nulle discorde : une lente succession au fil des pas. Parfois, le besoin de vous asseoir et de ne lire qu’un entrelacs d’acanthes et de paons, de laisser votre esprit se glisser dans les volutes d’une écriture coufique, de fermer les yeux et de n’entendre que l’eau jaillie de la fontaine au cœur du patio où vous vous êtes arrêté...
.......Vous venez de rencontrer Abû-l-Walid Muhammad ben Ahmad Ibn Rushd dit “Averroès”. Peut-être vous êtes-vous entretenu avec lui de son dernier Grand Commentaire sur le Traité de l’âme d’Aristote à moins que vous ne l’ayez questionné sur ses critiques dans son Dévoilement des méthodes des preuves dans lequel il prend à partie vos amis soufis qui ont toute votre admiration... Ou peut-être, un siècle plus tard, avez-vous croisé Ibn Khaldûn venu à la cour de Pierre le Cruel en ambassadeur de l’émir de Béjaia : vous l’avez questionné sur son étonnante démarche d’un voyageur qui s’intéresse avec tant d’insistance aux groupes humains et à leur organisation sociale ; plus tard, les lettrés diront qu’avec sa Muqqadima, il fut le premier à jeter les jalons de la sociologie !
Coule la fontaine !
Vous sortez du rêve : une volée bruyante d’écoliers envahissant le patio... une escouade de “jubilatos” aux gutturaux accents teutons... une volubilité andalouse trop sonore... ont troublé le chuchotis de la fontaine !
En quittant le palais pour hanter les jardins qui seront la poursuite ensoleillée et tout autant émerveillée de notre visite, nous découvrirons l’envolée souterraine des voûtes de croisées d’ogives gothiques de ce qui fut, sous les Almohades, le Jardin du Croisement et qui devint les Bains de Doña Maria de Padilla, l’amante de Pierre le Cruel.
Et dans le jardin de la Grotte, une stèle récente, hommage de Séville à son Roi-poète, Almutamid Ibn Abbad, mort le 7 septembre 1091, mois de Rachab en l’an 384 de l’Égire. Il célébra aussi les recoins amoureux de la citadelle de Silvès.
Faudra-t-il évoquer les jardins ? Dommage que l’intervention des jardiniers qui binèrent et sarclèrent aux cours des siècles a modifié la première ordonnance des Almohades. Mais les nommer est tout aussi poétique que les arpenter : le jardin de la Danse, le jardin de la Galère, le jardin des Fleurs, le jardin du Prince, le jardin des Dames, le jardin du Labyrinthe, le verger de l’Alcôve, la porte du Privilège, le jardin des Poètes, le jardin du Chanvre peigné, le jardin des Cédratiers...
Vous quittez, plus rêveurs encore.
Que seront donc et Cordoue et Grenade ?
La bise vous enserre dans les rues de Séville et Nicléane décide d’un tour de calèche : une heure dans le parc Maria Luisa et sur la plazza d’España ; nous passons en revue les pavillons rococco de l’Exposition universelle de 1929 et tombons sur une “manif” d’étudiants sur laquelle flotte une marée de drapeaux rouges que ponctuent quelques flammes noires ; ô mânes d’André Breton dans Arcane 17 quand il évoque les grèves de 1936 !
Nous croyions à une manifestation contre la guerre en Afghanistan, ils ne réclamaient qu’une augmentation de leurs bourses ! Mais quelle habileté de la part des cochers sévillans et de leurs chevaux, se glissant sans peine dans la turbulence de la circulation automobile. C’est fort agréable sur certaines places de Séville d’oublier l’odeur des pots d’échappement et de humer le parfum du crottin !
Le matin de notre retour à Dac’hlmat, visite à notre voisin d’hôtel (!), le Musée des Beaux-Arts avec des Zurbaran et des Murillo immenses et beaux. Dommage que Murillo sacrifia trop aux poncifs du XVIIe avec sa multitude d’angelots joufflus et fessus, voletant alentour de Dieu, de la Vierge et de ses Saints.
Cette visite avait été précédée d’un savoureux “petit-déjeuner” dans un bar voisin avec un trio de québécois, une et des, qui fréquentaient le second étage de notre hôtel ; nous parlâmes de Bretagne, de leurs origines saintongeaise et périgourdine, du “bois”, de la jubilation d’être des “jubilatos” et des plumes des Hurons desquels descendait la maman de l’un d’entre eux... Belle bouffée de francophonie en Andalousie !
retour à Chipiona
À Chipiona, nous vivons notre dernière soirée autour d’un pot-au-feu avec Ja et Ro, l’équipage d’Athénaïs, un Bavaria de 38 pieds ; ils passent l’hiver ici avant d’appareiller au printemps pour les Baléares et la Tunisie. Nos sillages se recroiseront peut-être ; nous envions l’espace de leur voilier ; déjà s’insinue en nous l’idée que, pour un hiver dans un port d’Andalousie, qu’elle soit atlantique ou méditerranéenne, quand les températures extérieures s’affichent en baisse sensible, notre bien-aimé Dac’hlmat est un tantinet restreint quant à l’espace de vie. Nous n’avons guère écrit de notre vie quotidienne à bord, mais rien que d’évoquer le “transbahutage”, chaque soir, des sacs de la couchette-avant sur une des couchettes du carré, les courbatures surgissent. Et nous ne sommes que deux à bord !
Vers Cadix
Le 17 novembre, la météo andalouse prévoyant un vent “de composante” Sud, force 3, mer calme, nous estimons les conditions plutôt favorables et craignons même d’être obligés à la risée “diesel”.
À peine arrondi le brise-lames, le vent est Sud-est, 5 à 6 et la mer agitée. Et le Sud-est, c’est du 135/140°, droit sur notre route. À tirer des bords donc, au près serré, dans un clapot assez dur. Si Dac’hlmat n’est pas d’un très grand confort pour la vie quotidienne, il excelle, par contre, dans cet astreignant exercice du “près serré”. Le barreur râlera tout au long des six heures de route contre les prévisions ineptes des météorologues andalous, mais nous laisserons loin derrière nous un ketch espagnol qui eut quelque temps des prétentions à nous remonter...
Cadix ? La Belle, n’est-ce pas ! Mais ce fut une jolie Britannique qui nous accueillit au ponton de Puerto America ; elle convoyait un voilier de 36 pieds de Grèce au Portugal, quand elle a été prise, à la sortie de Gilbratar dans le coup de vent qui nous a secoué entre Mazagòn et Chipiona, mais elle, c’est du 50 nœuds de vent qu’elle s’est récolté. Moteur en panne, batteries à plat, barre bloquée, elle a lancé un “mayday”, le message ultime de détresse et les sauveteurs de Cadix sont allés la chercher à trente milles au large de Barbate.
C’est d’ailleurs la tempête d’est qui souffle ces derniers jours dans le voisinage du détroit, parce qu’une dépression maghrébine se heurte à l’anticyclone qui se maintient sur l’Europe. Nous avions décidé de quitter Cadix, mardi 20 novembre, pour attendre à Barbate la bonne “fenêtre météo”qui nous permettrait de passer allègrement ce fichu détroit. Les prévisions ne sont guère optimistes : dans le détroit et ses approches, c’est encore de l’est à force 8 ou 9. Ici, à Cadix, à 60 milles, c’est du 7 à 8 !
Alors, basta ! Entre les froidures - exceptionnelles, nous répète-t-on - les tempêtes du détroit et nos “vieux os”, nous venons de décider un petit “break” hivernal. Dac’hlmat va être sorti à Puerto Rota, au nord de la baie de Cadix.
Nous allons passer la Noël à la Basse Bouguinière et nous reviendrons pour vivre la Semaine Sainte à Jerez, passer une soirée “Flamenco”, visiter les “bodegas” de Jerez et de SanLucar de Barrameda, y déguster le manzanilla, le fino et l’amontillado, assister à une corrida (!), franchir le détroit et continuer le périple.
Nous profitons encore quelques jours des beautés gadésiennes : Nicléane hante les beaux parcs de la ville ; elle photographie, dessine, peint et se régale des "chocolate-con-churros".
Nous écrivons. Nous avons “découvert” le bonheur du lien par l’Internet. Entre conversation téléphonique, trop opérationnelle, et antique correspondance, trop lente : une avancée qui privilégie l’immédiateté de la communication et la distance de l’écriture !
Écrire et savoir que, quasiment, dans l’instant vous pouvez être lu : vieille utopie d’une littérature conviviale, hors des réseaux lettrés et mercantiles ! Nous ne rêvons plus !
De Cadix qui est sans doute une de ces villes
où, à peine débarqués,
vous avez désir d’habiter.
Voici une Île-ville !
La ville océane !
À Puerto-America, décembre 2001
22:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 05 décembre 2005
Andalousie atlantique - partie I
Quand les vents de galerne se déchaînent à ne pas mettre l'étrave d'un voilier dans le sas de sortie de l'écluse d'Arzal, il vaut mieux réouvrir les vieux livres de bord qui s'entassent, an après an, dans une encoignure de la "librairie" et rêver.
Andalousie Atlantique
Novembre-Décembre 2001
à Chipiona
Et le samedi 10, en l’absence de bulletin météo pour cause de fax en panne à la “capitaneira”, le baro étant remonté à 1017, le ciel étant clair et le vent léger, le cœur plus léger encore, les A. larguent les amarres de Mazagon pour Chipiona !
Parce que Chipiona sur la rive gauche de l’estuaire du Guadalquivir, c’est la “porte” pour Séville. Et Séville, n’est-ce pas, Lorca, c’est......
Le vent de nord a soufflé comme la veille à 30, 35 nœuds, rafales à 40, 45 ! Bon, nous étions vent portant et Dac’hlmat vêtu d’une toile réduite à l’avant nous a entraîné vers Chipiona entre 7 et 8 nœuds ; nous sommes entrés vent arrière entre les brise-lames, ce n’était guère large, 25, 30 mètres ; à 8 nœuds, “faut viser juste” ; ils étaient trois à nous attendre sur le ponton d’accueil pris bout au vent - ce jour-là, il n’y a pas eu besoin de “battre en arrière” pour arrêter le bateau ! Trois hommes vêtus de combinaisons orange ; plus tard nous apprîmes que c'était les professionnels de la société de sauvetage.
Nous l’aurons méritée la beauté sévillane !
Deux jours de repos dans la petite cité balnéaire. Et comme souvent dans les ports ibériques, un joli “paseo maritimo”, quasi désert, car la bise fait se calfeutrer les gens dans leurs “sweet home” aux beaux azulejos ; il n’y a que quelques fanatiques de surf et de planche à voile pour affronter les vents. C’est aussi la première fois que nous verrons l’adresse de ces drôles de planchistes qui se font tirer par un cerf-volant, les “fly-surfers”, m’a dit Er .
à Séville
Chaude, l’Andalousie, en cet automne 2001 ?
À 22 heures, les rues de Séville seront vides et les bars bondés, il est vrai ! Le guide du Routard nous conseillait un petit hôtel à patio, pas cher... mais le Routard s’adresse aux voyageurs de l’été, et guère aux “jubilatos” qui évitent les déferlantes touristiques, il ignore toute notion de chauffage... Nous avons sorti de l’armoire le stock de couvertures après avoir vainement marché tard dans le soir à la recherche du peuple sévillan nocturne... Parfois, les Sévillans se couchent aussi “avec les poules” !
Ne refroidissons point trop le panorama : doux et ensoleillés furent les jardins de l’Alcazar, arpentés à pas lents.
Comment, dans les rets de l’écriture, prendre Séville après l’immensité de Lisbonne ?
Les ruelles, les loggias et l’aperçu des patios au travers des fers forgés, allégés par la floraison végétale et les céramiques !
Les artères du commerce arpentées par une foule paisible !
Les appétissants bars à tapas ! Les suspensions de jambons, séchant à l’air libre au-dessus des comptoirs et des étals, les “serrano” des cochons roses et les “iberico” des porcs noirs !
Les églises et les chapelles - à croire que chaque rue possède la sienne, les cierges qui brûlent devant les icônes des saintes et saints, femmes et hommes, de tous âges, en prière à toutes heures du jour et cette fascinante statuaire de Vierges et de Christs, drapée dans les brocarts et les velours, aux visages de poupées surréalistes, suintant les larmes et le sang ! On devine ce que peut être le soulèvement extatique de la Semaine Sainte quand sortent de leurs sanctuaires ces ineffables saintetés ; je n’avais jusqu’alors que les “saétas” déchirantes de la trompette de Miles Davis pour imaginer cet ébranlement populaire de la foi.
Laissons donc les ruelles, les patios, les tapas, les jambons et les Saints.
Séville, c’est ce que déjà nous avions pressenti en visitant la forteresse maure de Silvès en Algarve, l’entrée dans la civilisation arabo-andalouse.
Comment faut-il en écrire et faut-il se perdre dans les nuances lexicales de l’art mauresque... morisque... mozarabe... mudéjar, s’achevant dans les termes burlesques du plateresque et du churrigueresque...?
À Silrvès, nous avions visité, implantée au beau milieu de la forteresse, une vraie tente de nomade saharien qui présentait tout un travail de recherche iconographique sur cette ville qui fut sans
Quand doute entre le VIIIe et Xe siècle la capitale de l’Algarve des Umayyades. De longues fresques à l’encre de trois à quatre mètres de long, au dessin minutieux, qui retraçaient la complexité déjà très moderne de l’organisation de cette cité et de son environnement rural - ce qui devait représenter un grand pas en avant après une occupation wisigoth sans doute plus rustique.
L’artisan de l’exposition était à l’entrée de la tente ; c’était un portugais de petite taille, il nous dit avoir passé une enfance d’émigré en France, il s’appelait - je ne l’invente point - Borgès ...! Nous avons échangé des points de vue très proches sur la “conquête” arabe - je pensais à ce que j’avais appris de l’islamisation de l’Empire du Ghana, où la conquête fut plus affaire de tractations diplomatiques et commerciales entre princes Soninkés et Almoravides que de lances, de cimeterres et de heaumes à pointe...
C’était le premier lieu où, malgré l’affirmation tonitruante de la “Reconquista”, “empierrée” dans une massive statue de Sancho Ier, l’un des premiers rois du Portugal, dressée à quelques pas de la tente et entre les jambes duquel les touristes femelles de toutes origines se font portraiturer,- Nicléane a refusé - s’énonçait dans un édifice à priori guerrier, l’apport bénéfique du califat arabe à des contrées qui avaient vu, en deux mille ans, passer Phéniciens, Carthaginois, Romains, Vandales, Alains, Suèves et Wisigoths.
Ouf ! Bienvenue, les Maures! Et pour au moins sept siècles ! Même s’ils ne furent point d’une candide paix, parce que, aux Umayyades succédèrent les Abbassydes, chassés par les Almoravides, dégommés par les Almohades jusqu’à cette “veille où Grenade fut prise” - à relire Aragon et son merveilleux Fou d’Elsa !
Donc de Silvès à Séville - la phonétique aurait-elle donc rapproché les deux cités ? - les A., fortement aidés par la lecture d’un bouquin sur Averroès*, allèrent, frigorifiés au sortir du dédale ombreux des ruelles sévillanes, se camper, admiratifs, au pied de la Gilrada.
Après les tours et détours sous les voûtes de l’immense cathédrale, les capillas Mayor et autres Capilla Réal,
Salut, L’Alphonse X Le Sage ! Toi seul voulus avoir l’audace de faire cohabiter le Juif, le Chrétien et le Musulman ! Et si belles sont tes Cantigas!
les Sacristies, les chœurs, stalles et rétables d’or, sans oublier l’inénarrable tombeau de notre inévitable Christophe Colomb qui serait enterré aussi à Saint-Domingue. Non seulement, de son vivant, il fut mégalo, mais son cadavre jouit du don d’ubiquité ! Aux quatre coins (air connu) quatre chevaliers aux gueules sinistres qui seraient les quatre grands royaumes d’Espagne ; l’un des quatre tient un aviron... Godilla-t-il à longueur d’océan pour ramener d’Amérique l’or et les pillages de son capitaine ?
Donc, les A. sont au pied de la rampe de la célèbre Giralda. J’écris bien rampe et non pas escalier ; c’est tellement plus simple une rampe, même si elle nécessite un certain effort cardio-vasculaire. Que n’a-t-on continué d’équiper nos altiers édifices de ce mode de montée ?
Quand elle était minaret, le muezzin ne devait point, en son sommet, arriver essoufflé. Les Chrétiens l’ont affublée à son extrême pointe du “Triomphe de la Foi”, une... girouette qui tourne à tous vents - Qu’en pensa la Papauté d’alors ?
La beauté de Séville nous donne rendez-vous là-haut : de la plazza de Toros à l’Alcazar qui sera notre découverte du lendemain, des barrio de Triana, de Santa-Cruz et de la Macarena au parc Maria-Luisa et au prado San Sebastian. Le Guadalquivir serpente dans la richesse de la plaine andalouse sous la lumière automnale plus froide sans doute que celle de l’intense été.
Au pied de la tour, la cour des Orangers, autre vestige de la mosquée almohade, quadrillée de rigoles où les pieux musulmans faisaient leurs ablutions. Assis sur les bancs de céramique qui entourent la cour, nous les imaginons, à croupetons, puisant l’eau au creux de leurs mains, enturbannés, dés-enturbanés, ré-enturbanés, se relevant dans l’envol des gandoura soyeuses et multicolores, répondant à l’appel de l’imam.
Ce sont souvenirs de nos séjours, jadis et naguère, qui affleurent à notre mémoire ; difficile de ne pas évoquer les mosquées algériennes de Sidi-Barkat et de Sidi-Okba, celles, sahéliennes, de Kounghani et de Baalu !
*URVOY, Dominique - Averroès, les ambitions d’un intellectuel musulman, Flammarion, Coll. Champs, janvier 2001.
(Tout n’y est pas d’une très grande lisibilité, mais on ressent bien les tensions que peuvent vivre encore aujourd’hui les intellectuels musulmans qui veulent faire avancer la pensée de l’Islam). Et c’est dans une collection de poche !
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dimanche, 30 octobre 2005
Un soir d'août 2005 en Galice
Au mouillage d'Espasante, dans la ria de Ortigueira.
Le jour s'efface sur la Serra da Capelada.
Irons-nous, pélerins, cueillir au sanctuaire de San Andrès de Teixido, les "namoradeiras", ces herbes qui devront séduire l'aimée ?
Nostalgie !
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samedi, 24 septembre 2005
à bientôt
Quelques jours de silence.
Je quitte la librairie et le jardin pour mes îles du Ponant.
Mais il y a à glaner chez les compagnons dans la rubrique adjacente des "journaux fréquentés".
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vendredi, 23 septembre 2005
Matin d'automne
Épais brouillard dans la vallée
corne de brume d'un cargo descendant l'estuaire
prairie roussie.
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dimanche, 28 août 2005
Erreur fatale
Que le service iconographique de l'Almanach du Marin breton ne fasse jamais appel au service iconographique du journal Le Monde !
Dans les pages "livres" du vendredi 26 août, illustrant "Les paysages immobiles" d'un dénommé Bayon, la légende indique "le phare du Créac'h, situé sur la pointe nord-ouest de l'île de Ouessant".
Le Créac'h, 2 éb, 10 s. On le dit le plus puissant du monde
Sur la page du journal,il ne s'agit point du Créac'h -ô combien plus majestueux et en terre - mais des pylones qui alimentaient naguère le phare de Nividic, en mer, proche, il est vrai, dans le sud-ouest de la dite pointe.
Nividic, 9 éb, 10 s
Mais pour des paysages immobiles, ça bouge un peu trop !
Ces temps de rentrée littéraire aux mille et un romans submergent les critiques et leurs iconographes. À lire la recension de Jean-Luc Douin, on peut comprendre cette erreur.
Fatale en d'autres situations. Maritimes, par exemple !
Post-scriptum :
Les images, prises en août 1997, sont de Patrik.
***
...Et l’homme chassé , de pierre en pierre, jusqu’au dernier éperon de schiste ou de basalte, se penche sur la mer antique, et voit, dans un éclat de siècles ardoisés, l’immense vulve convulsive aux milles crêtes ruisselantes, comme l’entraille divine elle-même un instant mise à nu.
Saint-John Perse
Amers
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vendredi, 26 août 2005
Sur la peau du diable
Retour de Galice.
À bord de Dac'hlmat, Pat, Xav et... Noémie, neuf ans et demi, qui veut voir des dauphins.
Ce fut un retour sur la “peau du diable".
Le front froid annoncé nous prit dès le début de la seconde nuit. Rafales à 45-50 nœuds. Nous avons pris la cape et au petit matin : deux ris dans la grand’voile et un petit foc, cap au 40°. Dac’hlmat a vaillamment taillé sa route au près bon plein, dans un noroît de 25 à 35 nœuds ; les rafales blanchissaient les crêtes de la grande houle.
Beauté sauvage et froide ! Longue patience !
Au seuil de la quatrième nuit, nous étions sous Belle-Ile. ”Dac’hlmat” retrouvait son jardin. Les feux familiers balisaient le paysage. Après Goulphar - 2 éb. 10 s - , puis Kerdonis - 3 ér. 15 s - le passage entre les Cardinaux - 4 éb. 15 s - et le plateau du Four - 1 éb. 5 s - s’ouvrait avec le flot et une jolie brise de 15 nœuds, de noroît, sur mer belle et pleine lune. Les occultations de Pen-Lan - 2 occ. 6 s - indiquaient l’estuaire de la Vilaine et, à l’étal de pleine mer, au lever du jour, nous étions dans le sas de l’écluse d’Arzal.
Épuisés et heureux !
Chaque jour, Noémie a vu des dauphins !
Le lecteur est à nouveau paisiblement dans son jardin.
***
Grand âge, nous voici. Rendez-vous pris, et de longtemps, avec cette heure de grand sens.
Le soir descend, et nous ramène, avec nos prises de haute mer...
Grand âge, voici nos prises : vaines sont-elles, et nos mains libres. La course est faite et n'est point faite ; la chose est dite et n'est point dite. Et nous rentrons chargés de nuit, sachant de naissance et de mort plus que n'enseigne le songe d'homme.
Saint-John Perse, Vents.
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mercredi, 27 juillet 2005
Aux rives de Galice
Blogue délaissé ! Les lectrices et lecteurs, point oubliés. Donc quelque sentiment de culpabilité !
Mais il y a de moins en moins de disponibilité - incompatibilité ? - entre pratique de l’art d’être grand-père, pratique de la voile, navigation point si paisible que cela entre les estuaires galiciens et fréquentation des écrits de la Toile.
Après la longue escale de Gijon où j’avais donc accueilli Nicléane, Noémie et Célia, il y eut Ribadéo - la rive du rio Éo - qui est frontière entre Asturies et Galice.
Depuis huit jours, nous sommes dans la ria de Viveiro, une des très belles Rias Altas. Celles d’avant ce "Cabo Finster" qui, cet an, n’en finit point d’offrir grand frais sur grand frais, aux plaisanciers qui espèrent les Rias Bayas - celles du sud de la Coruña - et le Portugal.
Une chaleureuse rencontre avec "Lucie-Maria", goélette menée par Yv et Na : lui, après avoir navigué au commerce, fut pilote du port de La Rochelle. Et ce me fut grand plaisir de les voir hisser les voiles, quittant la rade de Gijon. Depuis nous échangeons nos découvertes de randonnées et quelques “pots”.
L’équipage actuel n’ira sans doute pas plus vers l’ouest attendant dans le paisible port de Viveiro, la venue de Pat, puis de Xav pour le retour en Bretagne-sud.
Tâches de grand'paternité obligeant, les lectures sont donc d'aube : ardues avec "La parole muette" de Jacques Rancière et le "Tombeau de Du Bellay" de Michel Deguy, plus coulantes avec "Les écrivains voyageurs au XXe siècle" de Gérard Cogez et les "Lettres de Chine" de Victor Segalen. Je peine sur le Saint-John Perse de Bosquet et Cogez me donne envie furieuse d'en venir au "Victor Segalen" de chez Seghers. À l'automne, je plonge à nouveau dans les œuvres complètes, publiées dans la collection Bouquins.
J'aimerais bien être de retour à la mi-août . Me sera-t-il possible de suivre sur la Toile, le Colloque de Cerisy sur l’Internet et la littérature qu'organise Berlol ?
Baignades, longues promenades !
Hier à Celeiro, l’actif port de pêche de la ria, une fête de la mer dont la procession nocturne dans les ruelles qui descendent au port évoquent nos Fêtes-Dieu de naguère avec les tapis de fleurs et de sel coloré, mais dont l’accompagnement musical de la “Banda Naval do Casino de Viveiro” nous renvoie aux cuivres aigus et “comme” faux des petites trompettes de “Semana Santa”.
Et la “Virgen” chaloupe sur les épaules des pêcheurs !
Lisant Segalen, quel nouveau pas franchir - Cendrars, sans nul doute, son contemporain ; et Michaux encore ! Nicolas Bouvier, peut-être, dans nos ans? :
« L'imprévu complet n'existe plus en exotisme depuis le "perfectionnement" des voyages, et surtout des récits de voyage. »
Que dire des récits de mer ? Après Slocum et Gerbaud, même Moitessier s'exténue à faire sens !
Et qu'écrire donc de ce qui n'est que l'humble traversée d'un Golfe, aussi redouté et inconfortable soit-il ?
Je vous envoie le goût charnu et cerisé d'un "tempranillo", ce cépage qui fait le plaisir des vins d'Alicante et de Valdapeñas.
C'est moins que rien, mais tout autant !
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mercredi, 06 juillet 2005
Toujours au quai
Les Asturies sont plus bretonnes que la Bretagne !
Nicléane, Noémie et Célia sont à bord : l'une dessine, photographie ; les autres ont déjà des copines de ponton.
Ce matin, un voisin du Québec qui vient de ...Arzal, aprés les îles de la Madeleine, Terre-Neuve, Saint-Pierre-et-Miquelon et donc la Bretagne-Sud. Il nous a donné le bonjour de l'éclusier.
Le plus dur pour lui après tous ces jours de mer : ces trois nuits pour traverser le Golfe !
Décidémment, Biscaye serait-il un monstre ?
Les grandes strophes de Saint-John Perse se réassimillent lentement sous les pluies asturiennes.
Vendredi, nous larguons pour croiser dans les belles et vertes rias Galiciennes:
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dimanche, 03 juillet 2005
Encore à quai
Soleil et vent d’est en force revenus.
J’aime marcher au matin dans la fraîcheur des rues encore désertes. Il n’y a que les “jubilatos” qui déjà sont assis sur les bancs de la promenade du port. À l’instar des vieux pêcheurs bretons, calés contre les digues et qui ruminent dès le lever du soleil leurs départs de jadis.
Je ne sais l’origine espagnole du terme “jubilatos”, sans doute du mot “jubilé” comme en français ; mais à l’oreille, il m’évoque tellement la jubilation que je le fais volontiers mien pour affirmer mon statut social depuis bientôt dix ans.
Hier, j’étais très heureux d’avoir des commentaires de Ch, de F. Bon, d’Em et de Pi.
Je ne suis jamais écarté du quai pour “larguer”, quitter, oublier, partir sans idée de retour - en ceci, suis-je certainement un piètre voyageur ? Naguère, ni téléphone portable, ni Toile, ni cybercentre ! Des lettres au cheminement aléatoire qui parvenaient au hasard des escales. Et combien sont arrivées alors que déjà nous étions en mer pour d’autres rivages, nos envois parvenant à leurs destinataires, après notre retour.
Je n’ai nulle nostalgie de ces temps qui séparaient .
J’aime être relié.
C’est ce bonheur que j’ai ressenti en lisant, sur l’écran d’hier, les “voyageurs immobiles”, mon ami, le joueur de flûte à la “veuze” percée, la buveuse de jus de pomme et ses mangeuses de brioche, lectrices de “Bouguenais bouquine”. Les nostalgiques des temps anciens n’ont qu’à jeter à la mer téléphones, Gps et ordinateurs à la mer -pollueurs ! - Pourquoi les ont-ils alors embarqués ?
Ces odeurs, ces visages, ces parlers, ces vents, ces paysages, la paix ombreuse de ces chapelles, les soirs qui s’allongent tard dans les nuits bruyantes de jeunesse, ce goût du cidre asturien, un peu “qeu” - les gallos comprendront -, l’âpreté du poulpe à la galicienne, la saveur sucrée de la “bacalao” à l’asturienne, moi qui suis l’étranger, je puis les donner en échange aux miens qui me tiennent dans le lien à ma terre, à mon “jardin”.
Il y a si peu désormais à découvrir, il y a tant à partager. Je ne pense point que l’immédiateté, l’instantanéité abrègent fondamentalement la distance.
Il nous faut encore parcourir, franchir !
Et même quand on revient sur d’anciens sillages, il y a toujours nouveaux regards.
Cette Andalousie des années 2001/2002 qui me rattrape à Gijon : une exposition sur “la science dans le monde Andalou” - la Ciencia en el mundo Andalusi - et voici Séville, Cordoue, Grenade, et voilà Abul Kacim, Ibn Rushd, Maïmonide, Ibn Khaldoun, à travers la reconstitution d’un observatoire astronomique, d’un laboratoire alchimique, d’un jardin botanique jusqu’à la présentation de quelques rares manuscrits des X° et XI° siècles dans un coin de bibliothèque d’Al-Andalus.
Cette statuaire totalement surréelle qui me fascine tant et que jamais je n’avais remarquée aux Asturies avant la pérégrination andalouse - voici le double visage de la Vierge, noire et blanche, jeune mère et mater dolorosa dans la chapelle qui, à la pointe Atalaya, domine le phare de Luarca.
Luarca, ce petit port qui suit les sinuosités de son rio Negro et où les vieux mineurs n’oublient point leur viscéral esprit de résistance et leur anti-franquisme en se saluant du poing levé. Ceux-là, je puis dire qu’ils m’auront marqué !
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jeudi, 30 juin 2005
Sagesse du voyage ?
Gijon, le 30 juin 2005
Hl m’ayant laissé son “Colosse de Maroussi”, que je lui avais offert en guise de guide pour la Grèce en 1990, j’ai replongé dedans avec cette sorte d’ivresse que doit susciter le lyrisme de Miller.
Je ne l’avais rouvert partiellement qu’en 2000 pour préparer notre voyage en Crète où nous évitâmes Cnossos pour arpenter au petit matin Phæstos et nous perdre plus tard dans les confins de l’est du côte de Katos-Zacros pour admirer les oliviers quadricentenaires de Yannis, notre hôte du Ravin des Morts et boire chez “Zeus” un raki que les épiciers vendent au kilo dans des bouteilles de plastique, en croquant bâtonnets de carottes et de concombre que nous avait si gentiment préparés notre loueur de Hiérocampos, ce bout du monde d’occident qui s’affirme à l’est face à l’Asie, au sud confronté à l’Afrique.
La lecture de cet hymne à la lumière méditerranéenne est sans doute le contrepoint aux lumières asturiennes, belles mais tamisées par ces lourds nuages que génère la fameuse dépression relative qui se maintient tout l’été sur la péninsule ibérique et propulse, des rivages aquitains aux rivages bretons, de bienfaisants - ou malfaisants, selon - orages.
Seules quelques pages de méditation sur la paix et la guerre ne résistent guère. Par contre ses vitupérations sur la société américaine, sa richesse, ses pauvres, sont toujours d’une cinglante actualité. Il manque, Henry Miller, en ces temps de retour au conformisme. Et les Européens d’hier ne sont pas épargnés. Il n’eût pas plus épargné ceux d’aujourd’hui !
«... la civilisation...creuse dérision, fantôme verbeux suspendu comme un mirage au-dessus d’une énorme marée montante de carcasses et de carnages. »
Il y a du “Moravagine” chez cet homme-là ! Suffit de relire les trois pages sur sa vision de la planète Saturne ou son délire sur les deux fils d’Agamemnon, Épaminondas et Louis Amstrong, pour comprendre ce qu’il doit, sans que ce fut emprunt ou dette, à Blaise Cendrars.
Mais je suis dans les lumières asturiennes.
Et aux Asturies, terre de résistance aux conquêtes arabo-andalouses et autre dictature franquiste, terre de bergers qui jouent de la bombarde, sœur celte de la raïta berbère et des mineurs qui, discrètement, lèvent le poing pour se saluer en entrant dans les cafés, on arpente à longueur de soirées, les jetées des ports qui sont larges comme des avenues, car il faut bien résister encore aux puissantes houles de noroît qui lèvent du Golfe.
De retour des mystérieuses rives des pays de l’étain, Pythéas vint-il mouiller dans la “concha” de Gijon, entre cabo de Torrès et Cerro de Santa Catalina ? Toujours est-il que les Romains apprécièrent le calme du site et établirent leurs thermes au flanc est de la colline, quand s’évase, en bel arc de sable blond, la baie de San Lorenzo !
Hier, la Saint-Pierre semblait une fête chômée aux Asturies et la Principauté n’ayant point de problèmes majeurs avec la canicule et ses vieux, il n’y a nulle raison de rogner les fêtes votives.
Tous magasins fermés, hors les “sidrerias”, cafés, bars et...librairies (?), la ville bruissait en toutes ses places de cornemuses et de castagnettes.
Et, ici, les femmes “sonnent” tout autant que les hommes ; il est vrai que la cornemuse asturienne se rapproche plus de la “veuze”, le petit biniou du Pays Nantais, que de la grande cornemuse écossaise.
Le cidre pétillait à longs jets dans les grands verres collectifs !
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