dimanche, 23 juillet 2006
glanes au gré des estrans
Je suis parti en mer avec cette idée de vérifier le dit de Lie-Tseu, dans son Traité du Vide Parfait
"Je ne sais pas si c'est le vent qui me chevauche ou moi qui chevauche le vent."
Revenant, il me semble que les sages du Tao étaient plus piétons ou cavaliers des steppes orientales qu’hommes des mers occidentales.
Ni le vent ne m’a chevauché, ni je n’ai chevauché le vent.
Ici, l’on ruse ; rarement, l’affrontement, plus souvent la fuite !
J’ai glissé mon marque-page au hasard des Vents de Saint-John Perse et des mouillages. Les vents étaient célébrés et aussi, tel un rite archaïque, offerte/ouverte au ciel, une Femme nue !
Et pour m’alléger des somptuosités, j’alternai avec la lecture des Cygnes sauvages de Kenneth White, qui, en 1990 mettait ses pas et ses haïku dans ceux des grands maîtres japonais.
Le soir du 14 juillet, au mouillage de l'Île-aux-Moines, belle surprise d’un vol de cygnes : musique des battements puissants des ailes soutenue par le clairon de leurs “hough ! hough ! hough !”
Voici donc la glane :
sur la Vilaine
Le Vent frappe à ta porte comme un Maître de camp,
À ta porte timbrée du gantelet de fer.
Et toi, douceur qui va mourir, couvre-toi la face de ta toge
Et du parfum terrestre de nos mains... »
Le Vent s'accroisse sur nos grèves et sur la terre calcinée des songes!
Les hommes en foule sont passés sur la route
des hommes,
Allant où vont les hommes, à leurs tombes. Et c'est au bruit
Des hautes narrations du large, sur ce sillage
encore de splendeur vers l’Ouest, parmi la feuille
noire et les glaives du soir...
Et moi j’ai dit : « N’ouvre pas ton lit à la tristesse.
Les dieux s’assemblent sur les sources,
Et c'est murmure encore de prodiges
parmi les hautes narrations du large.
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Fretin !
J'ai secoué mon filet
Il n'y avait que la lune
Ootô
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au mouillage de Suscinio
Comme on buvait aux fleuves incessants
hommes et bêtes confondus à l’avant-garde
des convois,
Comme on tenait au feu des forges en plein air
le long cri du métal sur son lit de luxure,
Je mènerai au lit du vent l’hydre vivace de ma force,
je fréquenterai le lit du vent comme un vivier
de force et de croissance.
Les dieux qui marchent dans le vent susciteront
encore sur nos pas les accidents extraordinaires.
Et le poète encore est avec nous.
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Nettoyant une casserole
Rides sur l'eau
Un goéland solitaire
Buson
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en baie de Quiberon
Vous qui savez, rives futures, où résonneront nos pas,
Vous embaumez déjà la pierre nue et le varech
des fonts nouveaux.
Les livres au fleuve, les lampes aux rues,
j’ai mieux à faire sur nos toits de regarder monter l'orage.
Que si la source vient à manquer d'une plus haute connaissance,
L'on fasse coucher nue une femme seule sous
les combles —
Là même où furent, par milliers, les livres tristes
sur leurs claies comme servantes et filles de louage...
Là, qu'il y ait un lit de fer pour une femme nue,
toutes baies ouvertes sur la nuit.
Femme très belle et chaste, agréée entre toutes femmes de la Ville
Pour son mutisme et pour sa grâce et pour sa chair irréprochable,
infusée d’ambre et d'or aux approches de l’aine,
Femme odorante et seule avec la Nuit,
comme jadis, sous la tuile de bronze,
Avec la lourde bête noire au front bouclé de fer,
pour l'accointement du dieu,
Femme loisible au flair du Ciel et pour lui seul
mettant à vif l’intimité vivante de son être...
Là qu’elle soit favorisée du songe favorable,
comme flairée du dieu dont nous n'avons mémoire,
Et frappée de mutisme, au matin, qu’elle nous
parle par signes et par intelligences du regard.
Et dans les signes du matin, à l’orient du ciel,
qu'il y ait aussi un sens et une insinuation...
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Avec le cormoran
Mon âme dans l'eau
Plonge
Onitsura
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au mouillage de l’ïle-aux-Moines,
le soir
... De hautes pierres dans le vent occuperaient
encore mon silence. — Les migrations d’oiseaux
s'en sont allées par le travers du Siècle,
tirant à d’autres cycles leurs grands triangles disloqués.
Et c’est milliers de verstes à leur guise, dans la dérivation
du ciel en fuite comme une fonte de banquises.
Aller ! où vont toutes bêtes déliées,
dans un très grand tourment de l’aile et de la corne... Aller!
où vont les cygnes violents, aux yeux de femmes et
de murènes...
Plus bas, plus bas, où les vents tièdes essaiment,
à longues tresses, au fil des mousses aériennes...
Et l’aile en chasse par le monde fouette
une somme plus mobile dans de plus larges mailles,
et plus lâches...
Je te connais, ô Sud pareil au lit des fleuves
infatués, et l’impatience de ta vigne au flanc des
vierges cariées...
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La palourde a clos
Sa bouche
Quelle chaleur !
Bashô
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au mouillage d’Er-Salus, Houat,
crépuscule
Chante, douceur, à la dernière palpitation du soir
et de la brise, comme un apaisement de bêtes exaucées.
Et c'est la fin ce soir du très grand vent.
La nuit s'évente à d'autres cimes.
Et la terre au lointain nous raconte ses mers.
Les dieux, pris de boisson, s'égarent-ils encore
sur la terre des hommes ?
Et nos grands thèmes de nativité seront-ils discutés chez les doctes?
Des Messagers encore s'en iront aux filles de
la terre, et leur feront encore des filles à vêtir
pour le délice du poète.
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Sous le ciel en flammes
Lointaine une voile, dans mon âme
Une voile
Seishi
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Et toutes ces nuits chaudes, au zénith, ma belle constellation estivale, la Croix du Cygne qui s'appuie sur l'alignement de l'Aigle et de la Lyre : Déneb, Véga, Altaïr, oiseau immense qui descend vers le sud,
« ...jusqu'aux rives lointaines où déserte la mort !... »
17:15 Publié dans les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
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