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vendredi, 03 septembre 2010

à hisser ! à border !

 

Les vents de Nordé à Suet, d'un port du Ponant, sont favorables pour mettre le cap au large et saluer les marées d'Équinoxe.

D'où le très misogyne dicton :

 

Temps de mirage : vent d'amont

Pour fuir la fille sera bon.

 

Avec plus d'élégance, nos Dames reprennent leur liberté, pour quelques jours de vent d'amont.

mardi, 31 août 2010

Au trente et un du mois d'août*

à A Hé

patron du Marche Avec qui n'a pas encore vendu son âme au diable et qui sait mieux que tout autre envoyer chansons à hisser et chansons à virer

 

Aujourd'hui, c'est le temps d'une chanson bien connue du gaillard d'avant, quand le trois-mâts, toutes voiles hautes, file ses dix nœuds dans l'alizé de Nordé et qu'un Malouin envoie la chanson des gars de Surcouf !

 

Et deux couplets pour étancher la soif :

 

Au trente et un du mois d'août
Au trente et un du mois d'août
On vit venir sous vent à nous
On vit venir sous vent à nous
Une frégate d'Angleterre
Qui fendait la mer z'et les flots :
C'était pour attaquer Bordeaux!


Buvons un coup là là
Buvons-en deux
A la santé des amoureux
A la santé du Roi de France
Et merde pour le Roi d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre!


 

Vir' lof pour lof en arrivant
Vir' lof pour lof en arrivant
Je l'abordions par son avant
Je l'abordions par son avant
A coups de haches et de grenades
De piq's, de sabres, de mousquetons
En trois-cinq sec je l'arrimions!


Buvons un coup là là
Buvons-en deux
A la santé des amoureux
A la santé du Roi de France
Et merde pour le Roi d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre!


***

 

Siffle, gabier, siffle doucement,

Pour appeler le vent.
Mais sitôt la brise venue,

Gabier, ne siffle plus.

 

* Armand HAYET, capitaine au long cours - Dictons, tirades et chansons des anciens de la Voile, Éditions Denoêl, 1971.


vendredi, 27 août 2010

« égaré » par mer calme

 

La semaine passée, trois jours de mer sans une ride... encalminés... à peine l'imperceptible balancement d'une lointaine houle,

j'ai ouvert Vents  et ce fut comme si je lisais pour la première fois la violence et la colère dans les majestés fort convenues de Saint-John Perse.

Fracas des forces, ébranlement des balises.

Lecture d'un égaré.

Est-ce si sûr, cette venue des écritures nouvelles ?

 

........................................................................

Elles épousaient toute colère de la pierre et
toute querelle de la flamme; avec la foule s'engouffraient
dans les grands songes bénévoles, et jusqu'aux
Cirques des faubourgs, pour l'explosion de la plus haute tente
et son échevèlement de fille, de Ménade,
dans un envol de toiles et d'agrès...

Elles s'en allaient où vont les hommes sans naissance
et les cadets sans majorât, avec les filles de licence
et les filles d'Église, sur les Mers catholiques
couleur de casques, de rapières et de vieilles châsses à reliques,

Et s'attachant aux pas du Pâtre, du Poète,
elles s'annexaient en cours de route la mouette mauve
du Mormon, l'abeille sauvage du désert et les migrations
d'insectes sur les mers, comme fumées de choses errantes
prêtant visière et ciel de lit aux songeries des femmes sur la côte.

Ainsi croissantes et sifflantes au tournant de notre âge,
elles descendaient des hautes passes
avec ce sifflement nouveau où nul n'a reconnu sa race,

Et dispersant au lit des peuples, ha ! dispersant
— qu'elles dispersent ! disions-nous — ha ! dispersant

Balises et corps-morts, bornes militaires et stèles votives,
les casemates aux frontières et les lanternes aux récifs;
les casemates aux frontières, bassescomme des porcheries,
et les douanes plus basses aupenchant de la terre;
les batteries désuètes sous les palmes, aux îles de corail blanc
avilies de volaille; les édicules sur les caps et les croix aux carrefours;
tripodes et postes de vigie, gabions, granges et resserres,
oratoire en forêt et refuge, en montagne; les palissades d'affichage
et les Calvaires aux détritus; les tables d'orientation du géographe
et le cartouche de l'explorateur ; l'amas de pierres plates
du caravanier et du géodésien; du muletier peut-être ou
suiveur de lamas ? et la ronce de fer aux abords des corrals,
et la forge de plein air des marqueurs de bétail,
la pierre levée du sectateur et le cairn du landlord,
et vous, haute grille d'or de l'Usinier, et le vantail ouvragé
d'aigles des grandes firmes familiales...

Ha ! dispersant — qu'elles dispersent ! disions-
nous — toute pierre jubilaire et toute stèle fautive,

Elles nous restituaient au soir la face brève
de la terre, où susciter un cent de vierges et d'aurochs
parmi l'hysope et la gentiane.

Ainsi croissantes et sifflantes, elles tenaient
ce chant très pur où nul n'a connaissance.
Et quand elles eurent démêlé des œuvres mortes
les vivantes, et du meilleur l'insigne,

Voici qu'elles nous rafraîchissaient d'un songe
de promesses, et qu'elles éveillaient pour nous,
sur leurs couches soyeuses,

Comme prêtresses au sommeil et filles d'ailes
dans leur mue, ah! comme nymphes en nymphoses
parmi les rites d'abeillage — lingeries d'ailes dans
leur gaine et faisceaux d'ailes au carquois —

Les écritures nouvelles encloses dans les grands
schistes à venir...



Vents, I, 3.

 

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©Nicléane

Trois jours, et la brise ne se levait point, et nous étions plongés dans les beautés indicibles des horizons bleus et gris de l'ouest.

Heureux !

lundi, 09 août 2010

remontant le golfe vers Vannes — rivage érudit (suite)

Après les Logoden, arrondie la tourelle de Loqueltas, on embouque le resserrement de Conleau et sa fameuse maison rose, couleur fréquente sur les maisons utilisées comme amers remarquables en Bretagne Sud.

 

 

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Au sortir, le plan d'eau s'élargit jusqu'au clocher lointain de Séné ; le chenal est sinueux.

Sur babord, la pointe des Émigrés et ses bosquets de pins : ici furent fusillés, le 10 thermidor an III — 28 juillet 1795 — malgré la promesse que Hoche aurait faite à Sombreuil, le chef des émigrés, de leur laisser la vie sauve, dix-neuf  parmi les 748 dont il fut fait mention dans la note précédente.

 

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D'aucuns penseront : ce n'était que des "Blancs", des Chouans pour leur dieu et leur roi !

 

Certes. Mais cruelle et souvent odieuse jeune République : il ne faut point oublier que le soulèvement de 1793 dans l'Ouest poitevin et breton fut d'abord une révolte paysanne contre les bourgeois. Les nobliaux émigrés et leur clergé n'en seront que les futurs manipulateurs.

dimanche, 01 août 2010

rivage érudit : Port Haliguen en trois dates

Il n'a l'air de rien, ce second port de Quiberon bien abrité dans l'est de la presqu'île. La ville est plus connue par Port-Maria, qui embarque les estivants pour Belle-Isle, sa plage, ses galeries d'art (?), ses boutiques de fringues et sa thalassothérapie.

J'aime bien ce Port-Haliguen pour sa "modestie" historique.

Comme sa darse Est, moins "plaisancière", plus fréquentée par les "pratiques" du coin et où — cela devient si rare — mouillent encore quelques bateaux de pêche et le "Roi Gradlon" du service des Phares et Balises.

 

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©Nicléane

le 14 Février 1778

Les États-Unies indépendants reconnus

« Croisant dans la baie de Quiberon, le vaisseau le"Robuste" de La Motte-Picquet rendit les honneurs au bateau le "Ranger" commandé par John Paul Jones. Ce faisant il le reconnaissait comme "navire amiral" et non comme un navire secondaire d'une colonie anglaise. »


 

1795

L'affaire de Quiberon

« En septembre 1794, le Comte de Puisaye, véritable penseur du débarquement de Quiberon, gagne l'Angleterre pour solliciter l'aide des insulaires. Fort du soutien du comte d'Artois, frère du défunt Louis XVI, il persuade le gouvernement anglais du possible renversement de la République par le soulèvement de la Bretagne rejointe par les royalistes émigrés.
Avec le concours financier et matériel du premier ministre William Pitt, la flotte anglaise s'apprête à débarquer 5.400 hommes armés avec, à leur tête, le comte d'Hervilly secondé de Rotalier. Puisaye, lui, est nommé général en chef de l'armée catholique et royale de Bretagne, par le comte d'Artois. Profitant de l'offre de paix du général Hoche, le chef chouan des Côtes du Nord rend les armes en décembre 1794.
La reddition du chef chouan modifie alors la destination du débarquement : il aura lieu en baie de Quiberon. Face à la réactivité et à l'organisation de l'armée républicaine, les Blancs se retranchent rapidement sur la presqu'île de Quiberon après avoir conquis Landévant et Auray. Pris au piège, les Emigrés se déchirent, à l'image de leur commandement. Le courage de quelques chefs chouans ne suffit pas à sauver de la répression de nombreux royalistes. Sur les 6.262 personnes arrêtées, 748 sont fusillées. Trois semaines auront suffi à l'armée du général Hoche pour réduire le dessein royaliste en cauchemar. »

 

 

1899

Le retour du capitaine Dreyfus

« Le 30 juin 1899, une petite unité de la Marine Nationale, le "SFAX", jette l'ancre au large de Port Haliguen par une nuit de tempête.
A 2h15 du matin le 1er juillet, débarque le Capitaine Dreyfus, de retour de l'Ile du Diable en Guyane où il purgeait une condamnation à perpétuité. La Cour de Cassation venait de décider le renvoi du Capitaine Dreyfus devant une nouvelle juridiction à cause des réactions de l'opinion publique déchirée en deux camps et des écrits d'Emile Zola (entre autre le célèbre article "J'accuse ").
Sur le quai de Port Haliguen un Capitaine de Gendarmerie attend avec deux gendarmes et des militaires. Le Capitaine Dreyfus dégradé, passera entre deux haies de soldats qui lui tournent le dos pour n'avoir pas à lui rendre les honneurs. Il lui faudra attendre jusqu'en 1906 pour que son innocence soit reconnue, proclamée et le vrai coupable (Esterhazy) dénoncé. »

 

extraits du site du Musée du Patrimoine sur l'histoire de Quiberon, fort bien documenté.

lundi, 26 juillet 2010

à nouveau, nous larguons

 

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« Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d'autres rives ! »

 

Saint-John Perse,

Oiseaux, I.

vendredi, 23 juillet 2010

quelques mots et des images


Quand je vas en mer, ma plus grande urgence est de rêver !

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« — Toutes choses dites dans le soir et dans l'adulation du soir

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« Et toi qui sais, Songe incréé, et moi créé, qui ne sais pas, que faisons-nous d'autre, sur ces bords, que disposer ensemble nos pièges pour la nuit ?

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« Et Celles qui baignent dans la nuit, au bout des îles à rotondes, leurs grandes urnes ceintes d'un bras nu,

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«  que font-elles d'autre, ô pieuses, que nous-mêmes ?...

Ils m'ont appelé l'Obsur et j'habitais l'éclat… »

Saint-John Perse,
Amers, II Du Maître d'Astres et de navigation.

©Images de Nicléane

jeudi, 15 juillet 2010

retour à terre

à MauMau vieux compagnon d'éduc pop et de mer qui fut de ce périple

 

Sur un ponton du Crouesty.

À hauteur de quai, aux aurores, j'ai dialogué avec une mésange charbonnière qui s'ébrouait de la petite pluie nocturne qui venait de tomber. Annonce du retour dans le "petit jardin".

 

...Nous reviendrons un soir d'Automne, avec ce goût de lierre sur nos lèvres ; avec ce goût de mangles et d'herbages et de limons au large des estuaires.


... Nous reviendrons avec le cours des choses réversibles, avec la marche errante des saisons, avec les astres se mouvant sur leurs routes usuelles.

 

Saint-John Perse,

Vents, IV,4

samedi, 10 juillet 2010

à Groix

à Colette et Jo

 

L'ile aux sources, fontaines et lavoirs nombreux et restaurés.

Île veilleuse aux approches des rades qui dans ses replis ombragés et frais pourrait bien abriter une femme qui donne sens à nos modestes errances marines.

 

Que si la source vient à manquer d'une plus haute connaissance,
L'on fasse coucher nue une femme seule sous les combles —
Là même où furent, par milliers les livres tristes sur leur claies comme servantes et filles de louage...
Là qu'il y ait un lit de fer pour une femme nue, toutes baies ouvertes sur la nuit.
Femme très belle et chaste, agréée entre toutes femmes de la Ville
Pour son mutisme et pour sa grâce et pour sa chair irréprochable, infusée d'ambre et d'or aux approches de l'aine,
Femme odorante et seule avec la Nuit, comme jadis, sous la tuile de bronze,
Avec la lourde bête noire au front bouclé de fer, pour l'accointement du dieu,
Femme loisible au flair du Ciel et pour lui seul mettant à vif l'intimité vivante de son être...
Là qu'elle soit favorisée du songe favorable comme flairée du dieu dont nous n'avons mémoire,
Et frappée de mutisme, au matin, qu'elle nous parle par signes et par intelligence du regard.
Et dans les signes du matin, à l'orient du ciel qu'il y ait aussi un sens et une insinuation.


Saint-John Perse,

Vents, V.

mercredi, 07 juillet 2010

long et paisible bord de près, babord amures

 

Dans l'anticyclone, les vents thermiques de noroît ont atténué leur agressivité qui bloquait Dac'hlmat dans la quiétude de la baie de Quiberon.

 

ce qui pourrait être extrait du livre de bord :


La Teignouse fut passée contre deux heures de flot, de manière chaotique. La navigation du jour s'est achevée sur un long bord de près, babord amures, dans une mer belle, à peine ridée, un temps de demoiselle. Un sentiment d'effleurer le monde.

 

Si vivre est tel, qu'on s'en saisisse ! Ah ! qu'on en pousse à sa limite,
D'une seule et même traite dans le vent, d'une seule et même vague sur sa course,

Le mouvement !...

 

Saint-John Perse,

Vents


Beau déboulé dans le goulet de la rade de Lorient entre la haute tour rouge de la Petite Jument et la tourelle verte de la Citadelle : Dac'hlmat, grand'largue, à plus de cinq nœuds contre deux heures de jusant !

 

Accueil à l'espagnol avec "marinero" qui vous prend les aussières, à Port-Louis, tout neuf de son port de plaisance.

 

Et dans le calme des escales quelques bouquins qui seront parfois ouverts, le regard se levant des pages pour accueillir les ciels.

 

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© Nicléane

 

Les bouquins ont été rangés dans le petit équipet qui fait usage de bibliothèque. Les uns pour combler les carences littéraires  — la censure était rude chez les Bons Pères — : Stendhal et son "De l'amour", Flaubert et son "Éducation sentimentale".

 

Les autres pour creuser et la philosophie avec "Le miel et l'absinthe " de Comte-Sponville sur Lucrèce, et le voyage lié au poème avec une biographie sur Nicolas Bouvier, sous-titrée L'œil qui écrit.

Bouvier, sur un chantier archéologique en Bactriane où se métissent des écritures grecques, karoshti indienne et chinoise, note : « Moi qui pensais être ici au bout du monde, j'étais en son centre. »

 

Moi, sur mon Dac'hlmat, glissant sur des eaux paisibles, quand s'effacent les rivages de Bretagne Sud, je pense être nulle part.

 

 

* François Laut, Nicolas Bouvier, l'œil qui écrit, Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, 2010.

lundi, 28 juin 2010

Toponymie d'Yeu en deux listes

Quelques rues de Port-Joinville

 

Rue du Secret

Rue Forcée

Rue de l'Abesse

Impasse des mariés

Impasse de la Borgne

Rue des Gats Prompts

Rue Gâte Bourse

 

Plus savoureuse encore, une petite circumnavigation islaise au large des anses, des plages et des pointes

 

Plage de la Pipe

Pointe du Pé-de-Coulon

Plage de la Raie Profonde

Plage de la Petite Conche

Plage des Ovaires

Plage de la Grande Conche

Anse de la Cœillerotte

Anse de la Marmouille

La Piatchette

Anse de la Cochenoille

Anse de la Belle Armande

Le Trou Pisset

Le Trou des Oreilles d'âne

Les Amporelles

La Raie Mauvaise

Le Chapornu

La plage de la Pulante

ET

La Plage des Roses.

 

 

 

 

dimanche, 27 juin 2010

à Yeu

Le 25 au soir, quand, au Foleux, nous larguons le ponton, un milan noir, haut dans le ciel.

 

Passée l'écluse d'Arzal, au mouillage de Tréhiguier, un couple de Tadornes de Belon surveille sa nichée dans la vasière de l'estuaire.

 

Le 26, par temps de demoiselle, longue descente ensoleillée sur l'île d'Yeu. Mau et moi retrouvons des étendues marines et des amers naguère familiers, la Banche et sa cardinale ouest qui balise le plateau, le Pilier, la Petite Foule, les Chiens Perrins.

Et entre les digues de Port-Joinville, la si belle passerelle de la Galiote d'où les Islaises hâlaient les thoniers, retour de la Biscaye.

 

 

Pêcheur qui t'es levé de bon matin,

Regarde à terre les Chiens Perrins :

Si malgré l'beau temps, la passe brise

Le suroît t'réserve une surprise.

Quand brise par calme la Sablaire

T'auras sal'temps d'ouest et misère


tiré de l'Almanach du Marin Breton 1906.


vendredi, 25 juin 2010

Ce soir, nous larguons

Après quatre jours de silence pour cause de livebox épuisée, Dac'hlmat largue les amarres pour trois semaines entre Yeu et Penmarc'h.

 

Là nous allions, la face en Ouest, au grondement des eaux nouvelles. Et c'est naissance encore
de prodiges sur la terre des hommes. Et ce n'est pas assez de toutes vos bêles peintes, Audubon! qu 'il ne m'y faille encore mêler quelques espèces disparues : le Ramier migrateur, le Courlis boréal et le Grand Auk...

Là nous allions, de houle en houle, sur les degrés de l'Ouest. Et la nuit embaumait les sels noirs de la terre, dès la sortie des Villes vers les pailles, parmi la chair tavelée des femmes de plein air. Et les femmes étaient grandes, au goût de seigles et d'agrumes et de froment moulé à l'image de leur corps.

 

Saint-John Perse

Vents.


 

À toutes et tous, aux prochaines bornes des ports.

vendredi, 21 mai 2010

deux ou trois jours à Foleux

Flageolantes, les jambes et le souffle, court..

Nous n'irons point en mer belle ; plus calmes encore seront les rives de Vilaine.

 

Je n'emporte qu'une "grosse" lecture : La Guerre d'Algérie sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora*, manière de relancer l'écriture d'Algériennes.

 

Quand de vieux nostalgiques protestent contre Hors-la-loi, le film de Rachid Bouchareb, il est bon de réajuster ses pensers en lisant "Rétablir et maintenir l'ordre colonial", pp. 107-112, dans le bouquin ci-desssus cité.

 

Extrait :

 

La loi était suspendue. La nécessité - c'est-à-dire faire face à la menace à Guelma - fit loi, selon la formule. Entre la loi et la nécessité, il y a un rapport ambigu qui justement fonde l'état d'exception.

Jean-Jacques Rousseau considérait que « l'inflexibilité des lois, qui les empêche de se plier aux événements, peut en certains cas les rendre pernicieuses et causer par elles la perte de l'État dans sa crise ».
En affirmant «
la répresson sur mon ordre a été brutale et rapide », en appelant « comité de salut public » ce tribunal expéditif chargé d'envoyer à la mort souvent des innocents, Achiary encouragea l'exception pour conserver l'ordre.



Guelma 1945 n'était pas 1793-1794.
Achiary pensait se placer du côté de la violence comme «
conservatrice du droit » pour reprendre ici l'expression de Walter Benjamin, quitte à se mettre en dehors de la loi en n'exigeant plus par exemple de levée d'écrou écrite à la prison. En réalité, il instaurait comme norme le désordre.
Guelma se trouvait donc bien au paroxisme d'un état d'exception colonial, qui était dans les faits permanent, où la nécessité fondait la loi, en mai-juin 1945 avec encore plus de gravité qu'en temps normal. À Guelma, le droit de la police indiquait «
le point où l'État, soit par impuissance, soit en vertu de tout ordre juridique — colonial — ne peut plus garantir par les moyens de cet ordre les fins empiriques qu'il désire obtenir à tout prix » : la paix dans l'ordre colonial.



Cet État dont Guelma représente l'acmé de l'exception était bâti sur une Union sacrée de tous les Européens face au péril « indigène ». La colonisation et la défense  des intérêts coloniaux dépassaient les différences politiques.
D'où le soutien apporté après les faits à André Achiary et aux forces de l'ordre par tous, des communistes à la droite républicaine.



Jean Pierre Peyroulou, p. 112

 

 

Qui donc, en ce mai 1945, est vraiment HORS-LA-LOI ?

 

 

* La Guerre d'Algérie sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora, aux Éditions Robert Laffont, 2004.

Manière de rendre hommage au vieil éditeur qui vient de disparaître.

Relire aussi

Massacres coloniaux, Yves Benot, préface de François Maspéro, La Découverte/poche, 2001.

et

Les Massacres de Guelma, Marcel Reggui, La Découverte, 2006.

lundi, 22 février 2010

nostalgie, nostalgie...

Nostalgie : de Νὀστος — nostos —  le retour et de Ἂλγος — algos — la douleur.
« Aucun adieu n'abolit complètement la passion du passé.»
 
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En écoutant ce matin, les nouveaux chemins de la connaissance, — malgré les préciosités philosophico-syntaxiques de son animateur — me plongent à nouveau dans ce sentiment inextinguible qui me façonne au plus profond depuis l'enfance.
Depuis la contemplation de ce tableau de Poussin qui était un petit tableau noir et blanc dans un cadre argenté sur la tapisserie désuète du logis ouvrier de mes parents.
Depuis cette fréquentation adolescente, amoureuse, des grèves, prairies et vallons de Loire que jadis arpenta Joachim Du Bellay.
 
Et les départs pour d'autres rives, d'autres vents, et les années dans la luxuriante forêt tropicale, dans l'aridité pétrifiée des Aurès, dans les dunes mouvantes du grand Erg oriental, dans les solitudes houleuses des traversées océanes, furent des exils désirés, vécus certains moments en des larmes heureuses d'être en si lointains pays. Car la nostalgie n'est pas mélancolie ni tristesse...
 
Dès lors, le retour ne fut pas déception dans les retrouvailles avec les grèves, les prairies, les vallons,, les rives et les vents d'Ouest ; s'y dessina alors, dans cette toujours si étonnante harmonie des contraires, la nostalgie des exils de naguère et cette fine émotion de l'irrévocable, manière de vivre les avenirs qui s'annoncent même s'ils s'amenuisent et n'ont plus l'étendue espérée de naguère.
 
Dans les brumes douces de ce qui ne sera plus, tant de visages amis qui ne seront plus convoqués, mais qui sont dans l'inoubliable.
 
Relire et réécouter
 
Orphée et son Eurydice
Homère et son Ulysse,
Joachim et son Loyr gaulois,
Baudelaire et sa Vie antérieure,
Brassens, ses amis, sa liberté, son soleil.
 
" Et moi aussi j'ai vécu en Arcadie"
 

Note-bene : Désolé, je ne suis pas proustien.