vendredi, 18 mai 2012
retour à terre, depuis quelques jours
Dans le couchant, saluée la bouée des Mâts, la plage de la Mine d'Or, fine comme un verset de Perse. Les vents de terre s'étaient apaisés. Nous entrions par la passe de la Grande Accroche dans l'estuaire de ma belle Vilaine.
« Trouve ton or, Poète, pour l'anneau d'alliance; et tes alliages pour les cloches, aux avenues de pilotage...»
Car nous tenons tout à louage, et c'est assez d'emmailler l'heure aux mailles jaunes de nos darses...
La mer aux spasmes de méduse menait, menait ses répons d'or, par grandes phrases lumineuses et grandes affres de feu vert.
Saint-John Perse, Amers, I, 2
Nous étions revenus pour écouter le très sec terrien qu'est Pierre Bergounioux, au verbe plus haut tenu encore que ses écrits. Il devait nous entretenir du style, il s'égara dans le ressassement de ses questionnements sur l'origine du Grand Récit ; ce fut toujours grand plaisir à entendre cette voix de rocaille charruer l'histoire littéraire de Homère à Faulkner. Mais c'était déjà su.
Sur la table de presse, j'ai pris Jusqu'à Faulkner* dont le lecteur peut suivre l'écriture dans les premières pages du Carnet de notes 2001-2010. Je relève l'acuité du regard sur Stendhal entre les pages 26 et 38 quand il évoque "ce grand frisson" qui "parcourt la Chartreuse".
* Cependant, petite anicroche érudite, page 15 : ce n'est point Circé qui offre l'immortalité à Ulysse, mais au Chant V (208-209) de l'Odyssée, Calypso . On peut être agrégé et être troublé par la suprême beauté des Enchanteresses. Sachant que dans l'une et l'autre rencontre, le marin errant ne rechigne point à s'avancer au profond des grottes et à successivement "monter sur le lit très beau" et de Calypso et de Circé. N'y aurait-il que les marins pour ne pas confondre les féminines promesses des Iliennes divines ?
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dimanche, 06 mai 2012
largué pour quelques jours
Au loin l'averse traversée d'iris et da faucilles lumineuses s'ouvrait la charité des plaines.
Saint-John Perse,
Amers, I,4.
Ce soir Dac'hlmat largue les amarres pour une semaine et un jour en baie de Quiberon.
Météo d'un printemps aigre, mais entre deux grains, les lumières du Golfe seront belles.
Viatique un peu lourd dans le sac :
le Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux pour la rencontre de mardi en huit auquel s'ajoute, pour relecture, Le ruban au cou d'Olympia de Michel Leiris, qui m'a relancé sur le thème des listes. L'un et l'autre pour touiller, mixer journal, mémoires, carnets, autobiographie, autofiction et laisser décanter aux fins d'usage personnnel.
Et quand les yeux délaisseront l'encre du livre, nous irons arpenter les îles.
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lundi, 30 avril 2012
listes de Leiris
"Autofictions,etc.", cycle de conférences que donne ce printemps, Philippe Forest* à l'Université Permanente, relance mes intérêts... intermittents pour de vieilles lectures de Michel Leiris : L'âge d'homme et Le ruban au cou d'Olympia.
Et voilà que revient me titiller mon vieux démon pour l'amour des listes, ces litanies, ces catalogues, ces dénombrements, ces définitions, ces descriptions qui font de la seule énumération un écrit jamais anodin, mais situant dans le temps ou dans l'espace, mais classant ou même hiérachisant, mais mettant en problème, mais anarchique ou désordonné, valorisant ou destructeur, etc. Liste vertigineuse — selon Umberto Eco — même en sa brièveté.
Tirée du Ruban, voici une litanie amoureuse :
Mon amante,
mon amie,
ma mascotte,
mon totem,
mon talisman,
ma manne,
mon chanvre indien,
ma mie,
ma mère,
ma mare aux fées,
mon murmure,
ma musique,
ma mire,
ma vigie,
ma terre,
mon rubis,
mon ruban,
ma rebelle,
ma lumineuse,
mon éclaircie,
mon embellie,
ma ribambelle,
ma moitié,
mon unique,
mon immédiate,
ma millénaire!
p.44
Voici encore descriptions, teintées de pessimisme, du jeu d'échecs et du jeu de cartes :
Roi sans arroi,
reine sans arène,
tour trouée,
fou à lier,
cavalier seul.
p.83
Cœur aux deux anses jumelées, qu'on ne sait de quel côté prendre.
Carreau ni stable ni carré, debout sur l'une de ses pointes.
Trèfle sorti des mains d'un habile ferronnier.
Pique qui saigne noir.
p.124
Voilà une anthologie littéraire, rigoureuse en sa chronologie, avec accessoires, costumes et mobiliers, colorée d'un soupçon d'humeur critique :
Orphée et sa lyre.
Homère et sa canne blanche.
Dante et le chaperon qui le distingue de Virgile.
Ronsard au front lauré.
Cyrano et son nez légendaire.
Racine et sa perruque bouclée.
Buffon et ses manchettes de dentelle.
Voltaire dans son fauteuil Voltaire.
Mirabeau à la face grêlée.
Balzac et sa robe de chambre.
Gautier et son gilet rouge.
Mallarmé sous son plaid.
Rimbaud en costume de bagnard plus que de trafiquant.
Tolstoï en blouse de moujik.
Wilde aux lys bientôt changés en orties,
Jarry en culotte cycliste.
Max Jacob porteur de l'étoile jaune.
Roussel à bord de sa roulotte.
Apollinaire à la tête bandée.
Joyce et ses grosses lunettes.
Kafka coiffé d'un melon magrittien.
p.158
* Interventions de Philippe Forest, professeur de littérature comparée à l'Université de Nantes, chez les "vieux" de l'Université Permanente, au printemps 2012, sur le thème qu'il intitula : Autofictions, etc.
• La faute à Rousseau
• Fiction et vérité
• Quand l'auteur était mort
• Sur Michel Leiris ou "le taureau et l'ombre de sa corne
• Témoigner
La conférence sur "le taureau et l'ombre de sa corne" est audible en cliquant ci-dessous :
Il est possible d'accéder aux conférences de l'Université permanente en cliquant sur le lien de son site. Forest, c'est le mardi !
11:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 17 avril 2012
écrasé par l'érudition et redressé par la Toile
J'ai longtemps été abasourdi, ahuri, baba, ébahi, ébaubi, éberlué, épaté, estomaqué, interloqué, médusé, pantois, sidéré par les accumulations érudites de Borgès.
Bon ! Quand il ne voyageait pas, il était bibliothécaire et avait accès à tout moment à toute œuvre. N'a-t-il pas écrit qu'il s'imaginait le Paradis sous l'espèce d'une Bibliothèque, l'Univers lui étant aussi bien le Livre.
Relisant, avant-hier Funès ou la mémoire, ma stupéfaction ne s'est point dégonflée ; assainie plutôt. Le narrateur de cette Fiction rencontre donc cet Irénée Funès au visage taciturne d'indien, singulièrement lointain derrière sa cigarette. Notre narrateur, qui souhaite étudier le Latin, a dans sa valise quatre bouquins — des livres anormaux, avouera-t-il — le De viris illustribus de Lhomond, le Thesaurus de Quicherat, les Commentaires de Jules César et un volume dépareillé de la Naturalis Historia de Pline. Il laissera ce dernier volume à Irénée et quelques jours plus tard, souhaitant récupérer son bouquin, il aura... mais je laisse la suite du texte au narrateur, ou plutôt à Borgès lui-même :
La mère de Funes me reçut dans le ranch bien entretenu. Elle me dit qu'Irénée était dans la pièce de fond, et de ne pas être surpris si je le trouvais dans l'obscurité, car Irénée passait habituellement les heures mortes sans allumer la bougie. Je traversai le patio dallé, le petit couloir, j'arrivai dans le deuxième patio. Il y avait une treille ; l'obscurité put me paraître totale. J'entendis soudain la voix haute et moqueuse d'Irénée. Cette voix parlait en latin ; cette voix (qui venait des ténèbres) articulait avec une traînante délectation un discours, une prière ou une incantation. Les syllabes romaines résonnèrent dans le patio de terre ; mon effroi les croyait indéchiffrables, interminables ; puis, dans l'extraordinaire dialogue de cette nuit, je sus qu'elles constituaient le premier paragraphe du vingt-quatrième chapitre du livre VII de la Naturalis Historia. Le sujet de ce chapitre est la mémoire ; les derniers mots furent : ut nihil non iisdem verbis redderetur auditum.
Eh oui ! naguère, j'en serais demeuré pantois. Comme bluffé.
Aujourd'hui, je puis accéder de ma modeste "librairie" en quelques clics de souris à Pline l'Ancien, à son Histoire Naturelle, au Livre VII, au chapitre XXIV. Et je puis même affirmer que les derniers mots de ce chapitre sont ceux-ci : Somno quoque serpente amputatur, ut inanis mens quaerat ubi sit loci.
Il suffit de cliquer sur ce chapitre XXIV ; latiniste ou non, Pline l'Ancien vient à vous.
Post-scriptum : Et pas seulement Pline l'Ancien, mais quasiment toute l'Antiquité Grecque et Latine. Je suppose que les Anglophiles, les Germanophiles, les Slavophiles, les Arabophiles, les Sinophiles, les....., les... peuvent s'ébattre dans de tels Paradis littéraires. La double interrogation demeurant toujours :
qu'est-ce que je cherche ? pourquoi je cherche ?
• Deux sources : l'Itinera Bibliotheca de l'UC de Louvains et le site de l'Antiquité grecque et latine créé par Philippe Remacle. Cliquez, vous-dis-je !
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dimanche, 15 avril 2012
le plus terrible de la mémoire
Cest de Borgès, dans Fictions qui enferme le récit de Funes ou la mémoire.
C'est Avant de Pontalis qui m'a fait réouvrir ces Fictions. Je demeure dans le froid venteux de ce dimanche avec deux phrases :
... de même Irénée percevait les crins embroussaillés d'un poulain, quelques têtes de bétail sur un coteau, le feu changeant et la cendre innombrable, les multiples visages d'un mort au cours d'une longue veillée.
Plus loin,
Il pensa qu'à l'heure de sa mort il n'aurait pas fini de classer tous ses souvenirs d'enfance.
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samedi, 07 avril 2012
Thoreau puis Fourier par Breton
Ce fut une semaine "sainte" riche en promesses de lectures à venir. Un LibéLivres qui publie quelques recensions sur quelques livres qu'il faudra bien dévorer un jour — la semaine précedente, il y eut double page à propos du poète russe Ossip Mandelstam à travers les enfers staliniens :
• d'un certain Edward Berenson,"Les Héros de l'Empire. Brazza, Marchand, Lyautey, Gordon et Stanley à la conquête de l'Afrique". Voici pour assouvir les rêves d'une enfance coloniale et missionnaire que je ne renie point.
• De Simon Leys, "Le studio de l'inutilité", qui me semble un vrai livre de vrai lecteur — Michaux, Conrad, Orwell et... Segalen. Voilà pour concrétiser allègrement les sécheresses, théoriques et quelque peu délayées, mais certes intéressantes de Marielle Macé et de ses "Façons de lire, manières d'être".
• De Henry David Thoreau, la parution du premier tome de son Journal — quinze sont annoncés. Je n'ai qu'une mince anthologie par Kenneth White ; j'en tire ceci :
Que le flot de chaque jour laisse un dépôt sur mes pages, comme il laisse du sable et des coquillages sur le rivage. Autant de terre ferme de plus. Ceci pourrait être le calendrier des marées de l'âme; et, sur ces pages, comme sur une grève, que les vagues jettent leurs perles et leurs algues.
.............................................................................................................................................
Que notre vertu ne soit pas nettoyée, comme le faisaient les hommes il y a bien longtemps avec tout un apparat de lin propre, mais qu'elle reste en l'état, sans être lavée, comme une fleur fraîche. Qu'elle ne soit pas un vêtement du dimanche bien propre, mais plutôt une tenue de travail usagée.
Henry David Thoreau
Journal, 1840.
Et ce matin, sur France Cul, pour remonter en deçà de Jaurès, Proudhon, Marx, et — prendre ici quelque distance par rapport aux résonances historiques de nos émotions électorales, dixit J.N. Jeanneney — une heure autour du grand Charles Fourier, dans Concordance des temps.
Donc relire l'Ode à Fourier d'André Breton — certains citent bien Victor Hugo à tours de bras, fort sympathiques d'ailleurs — :
Je te salue...
Des plus lointaines ondes de l'écho
qu'éveille le pied frappant impérieusement
le sol pour sceller l'alliance avec les puissances qui font lever la graine
Fourier tranchant sur la grisaille des idées
et des aspirations d'aujourd'hui
ta lumière
Filtrant la soif de mieux-être et la maintenant
à l'abri de tout ce qui pourrait la rendre moins pure
quand bien même et c'est le cas je tiendrais pour avéré
que l'amélioration du sort humain ne s'opère
que très lentement par à coups au prix de revendications
terre à terre et de froids calculs
le vrai levier n'en demeure pas moins la croyance irraisonnée
à l'acheminement vers un futur édénique
et après tout c'est elle aussi le seul levain des générations
ta jeunesse
Bref ! une "semaine sainte" comme désormais je les aime.
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dimanche, 26 février 2012
le vieil homme, la mer et nos droits de traduire
Monsieur Assouline, d'évidence, dans le Monde des Livres du 24 février, y va de sa chronique, un tantinet emphatique : bronca, tweetosphère, blogosphère, stratosphère, feux aux poudres, boulevard à ragots. Ici donc nous sommes quelques-unes et quelques-uns à être visé(e)s. Je n'en maintiens pas moins un crêpe noir sur mon exemplaire du bouquin traduit par Dutourd.
Ailleurs, d'autres gros mots : invocation légitime des droits, ouverture de la boite de Pandore, soudaine névrose d'altruisme.
Il conclut citant un colloque à venir —vu le ton de la citation, monsieur Assouline ne doit pas y être invité — sur la "copie mode d'emploi": « On y verra le nouveau monde faire le départ de ce qui doit mourir et de ce qui doit survivre de l'ancien monde. Le droit d'auteur, par exemple ? »
À propos du Vieil homme et la mer, je ne souhaite glisser qu'une remarque : Hemingway lui-même aurait-il fauté en matière halieutique : de la page 84 à la 86, le traducteur français écrit "daurade" ; le texte anglais mentionne "dolphin". Et la méditation rêveuse du vieux pêcheur va s'épancher sur "le poisson d'or bruni tacheté de rouge".*
Que je sache, le dauphin (dolphin) n'est pas un poisson, mais un mammifère marin. Le texte est, quelques lignes plus loin, tout aussi ambigu : « Tomorrow I will eat the dolphin. He called it dorado » (Demain, je mangerai le dauphin. Il l'appelait dorado)
Sénescence d'Hemingway ? Erreur du typographe ? Interprétation du correcteur ?
Addendum :
La même affaire — celle du bouquin, pas celle du dauphin — a agité aussi la Place de la Toile de Xavier de Laporte, élargissant les problèmes des droits d’auteur, au copyright et à la propriété intellectuelle.
Un autre conflit, moins public, montre bien les luttes sournoises qui agitent la Toile.
En novembre 2011, l'Université de Louvain a été menacée d'une plainte émanant de l'Université de Californie, pour "copillage" de textes "Grec ancien" et de leurs traductions.
À lire en cliquant sur le lien ci-dessus.
* Ne serait-ce pas une daurade coryphène ?
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jeudi, 23 février 2012
La première radio à lire
Elle est sur la table. J'étais passé hier chez ma marchande de journaux, lui demandant à tout hasard de me mettre cette revue de côté. Elle ignorait le titre, elle ne savait si on lui livrerait, elle m'a assuré qu'elle me la réserverait.
Ce matin, France Culture papiers était là. En trois exemplaires. Jusqu'en mon modeste Tabac-Presse d'une petite ville de la banlieue nantaise.
Bon ! le sommaire n'est pas ma "tasse de thé". Mais un premier numéro "papier", — naguère, il eût été un numéro 0 —, aussi incongru en ces temps d'écrits qu'il nous faut numérisés, on prend. Les suivants, trimestriels, seront acquis selon la densité de mes centres d'intérêt ; le coût est celui de deux livres de poche de moyenne épaisseur.
Ma première lecture, liée à l'incongruité de la parution : Contre le total recall de Milad Douelhi sur la nécessité actuelle que nous ressentons de nous souvenir de tout.
Archiver contre Oublier ?
Qui va choisir ce qu'il faut oublier ?
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mercredi, 22 février 2012
lecture courante de grandes proses III
C'est la troisième grande prose — enfin, grande ? pour mon goût —. J'aurais souhaité un plus long commentaire. Mais je me suis embarqué dans l'histoire de ma relation de lecteur avec les écrits de Sollers. Trop long à achever pour ces jours-ci quand Noémie et Célia sont arrivées de Gascogne.
Le texte qui suit est une de ces chroniques qui se situent au mitan du Discours parfait et qui s'offre donc de manière fortuite, — qui paraît fortuite, écrirait Borgès —, entre un Mauriac grand cru et un Breton magique ! Est-ce une anaphore en son commencement et une liste en sa fin ? Un simple parallélisme ? Une reprise banale ? J'hésite ; ces interrogations répétitives me paraissent plus que simple liste. Les férus de procédés littéraires jugeront.
Un poète ? Oui, très grand, mais ce mot couvre trop
de petits commerces. Un penseur ? Oui, fondamental,
mais qu'aucun philosophe ne saurait mesurer
(et encore moins le discours universitaire). Un théologien
négatif ? C'est peu dire, puisque, chez lui, rien n'est
idéal ni abstrait. Un spécialiste des mythes et des rituels
chamaniques ? Son expérience personnelle (notamment
au Mexique) le prouve. Un drogué ? Il n'en finit pas
d'avoir besoin de l'opium pour atténuer ses souffrances.
Un fou ? Si cela peut vous rassurer. Un prophète ?
Il est au cœur de la barbarie du XXe siècle,
captant son énergie noire comme personne du fond des
asiles d'aliénés (40 000 morts, très oubliés, en France,
pendant l'Occupation, famine et électrochocs). Mais
avant tout : un rythme, un choc, une pulsation, une
voix, une profondeur affirmative graphique qui ne vous
quittent plus une fois que vous les avez rencontrés, et
vraiment éprouvés. 1 769 pages, des cahiers noircis,
des portraits et des autoportraits admirables, des lettres,
des improvisations en tous sens, c'est la guerre, la torture
la protestation, le témoignage brûlant, le courage
de tous les instants.
Philippe Sollers
Saint Artaud
in Discours parfait
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lundi, 20 février 2012
« aujourd'hui, ce sera hier, demain »
Il faut être veilleur d'aube pour écouter le Carnet Nomade* de Colette Fellous. Samedi matin, c'était J.-B. Pontalis pour son écrit AVANT. Une méditation sur le temps : ce qui était "avant, mais aussi ce qui est "devant". Une amie très chère m'avait offert son précédent bouquin, EN MARGE DES NUITS, dont je retiens, curieusement, une citation que Pontalis fait de Richard Millet, qui interroge et l'écrivant et le liseur :
Je n'écris pas pour quelqu'un ni pour une cause, encore moins pour un "lectorat", mais pour un proche qui est lointain, cet inconnu qui a la grâce frémissante d'être proche de moi tout en n'étant pas moi : le témoin invisible qui justifiera l'invisible.
La quatrième de couverture, rédigée par l'auteur lui-même, indique et la mort et la naissance, présageant l'AVANT.
La présence de la mort à venir va de pair avec l'attrait pour la vie, avec l'inlassable curiosité qui anime l'enfant avide d'explorer ce qui l'entoure.
* Au lever du jour, témoignaient aussi un "petit" éditeur, Paul Fournel pour La liseuse, une belle et redoutable guerrière, Chloé Delaume, pour Une femme avec personne dedans, et Claude Chambard, un des quatre qui ont rédigé quatre carnets : Des trains à travers la plaine, voyages dans l'univers de Bashung. Que je sois juste, celles et ceux qui s'éternisent sous la couette peuvent écouter Carnet Nomade le même jour à 19 h 30. C'est aussi "podcastable" !
Je reviendrai sur la guerrière.
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dimanche, 19 février 2012
lecture courante de grandes proses II
Seconde lecture : Julien Gracq.
Elle s'enchaîne aux livres réouverts pour le débat de la semaine dernière sur La Forme d'une ville, qui m'avait fait replonger dans La Presqu'île, cette errance géographique et amoureuse, dont certains passages d'attente et de désir m'ont amené enfin à lire ce que dans ma dyslexie je me suis toujours obstiné à nommer Poème à l'Étrangère — confondant le texte de Saint-John Perse et l'écrit gracquien — et qui est Prose pour l'étrangère lisible en seule Pléiade :
Quelquefois le printemps mouillé la jetait à moi comme
un bouquet de pluie fraîche, et ma bouche s'attardait
longuement à mordre à même ses cheveux de prairie avant
de hausser vers moi sa bouche et ses yeux, le tendre cœur
de la fleur préservée qui faisait perler ses gouttelettes
comme l'innocent et tendre cœur du chou. Sur ses pieds
nus de laveuse haut troussée, elle s'éparpillait soudain
autour de moi comme une blonde meule sous les coups de
fourche — comme une souveraine qui dans le génie du
cœur improvise une décoration tendre cravatant tour à tour
chaque meuble de sa guirlande singulière de lingerie
naïve — et, toute souriante au dégel tiède de la pièce
soudain infailliblement habitée, mes bras la recueillaient
nue et tremblante, comme une reine au milieu de ses dons.
Julien Gracq
Prose pour l'étrangère
La connotation triviale avec le chou vert, qualifié en parler gallo de "chou à vache", que suggère l'innocent et tendre cœur du chou est vite effacée par les pieds nus de la laveuse haut troussée.
C'est la "ténèbre chaude" du corps féminin, rêvée, vécue (?) par Gracq qui surgit. Proche encore des premiers troubles du jeune lycéen entrevoyant les ouvrières nantaises, déjupées, fêtant le Carnaval et déjà dans l'accomplissement attendu et redouté de la possession, du saccage et de la fuite.
Vient aux lèvres du liseur la litanie des pré-noms féminins :
celles qui précédèrent,
l'Heide du Château d'Argol
la Vanessa du Rivage des Syrtes
la Kundry du Roi pêcheur
celles qui suivirent,
l'Irmgard de la Presqu'île,
et les innommées
la servante et maîtresse du Roi Cophetua
les cavalières et les piétonnes de la Route.
Cette note adressée à François Bon pour qu'il récupère au plus vite... avant le passage des boueux, son exemplaire du tome I des œuvres complètes de Gracq dans la Pléiade. C'est le seul "lieu", je le répète, où la Prose pour l'Étrangère est lisible. Il est vrai que je peux lui en scanner les six pages — il s'agirait bien alors d'un usage privé.
Addendum : le geste rageur a épargné la poubelle aux deux tomes des Œuvres qui sont en bonnes et filiales mains aux Indes.
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vendredi, 17 février 2012
lecture courante de belles proses I
Trois livres ouverts sur la table depuis plus d'un mois, depuis une semaine, depuis quelques heures. Lectures de l'un à l'autre : lectures intégrales et lentes — denses, écrirait François Bon — pour me lover dans les méandres, me glisser dans les sinuosités, me heurter aux brinquebales.
Au premier de ces bouquins : j'ai attendu des années pour le lire* : c'est Saint-Simon. Cela fait un mois, que, page après page, deux ou trois quotidiennes, je m'ébroue, moins pour l'histoire — le XIVe n'a jamais été mon préféré chez les Louis —, que pour cette syntaxe hardie, emberlificotée mais avec grâce, qui s'affole dans les subordonnées au rythme des situations et de l'état des personnages :
... puis renouvelant de plus belle en sa colère, il dit
qu'il ne fallait pas que les femmes de la plus haute qualité
par leurs maris et par elles-mêmes prissent occasion de la
naissance de ces duchesses de leur rendre quoi que ce fût
moins qu'à celles dont la condition répondait à leur
dignité, laquelle méritait en toutes, qui qu'elles fussent par
elles-mêmes, le même respect, ce fut encore son terme,
puisque leur rang était le même, et que ce qui leur était dû
ne leur était dû que par leur dignité, qui ne pouvait être
avilie par leurs personnes, rien ne pouvait excuser aucun
manquement qu'on pouvait faire à leur égard ; et cela avec
des termes si forts et si injurieux qu'il semblait que le Roi
ne fût pas le même, et encore par la véhémence dont il
parlait.
Saint-Simon
Colère du Roi sur Mme de Torcy
Année 1707
Des suspensions, des incises comme haï-ku, des participes à l'auxiliaire perdu en chemin, ça halète, ça tourbillonne, ça s'oublie en chemin, ça s'accélère en reprenant de plus belle.
Excellent à découvrir, même très très tard.
Et s'ajoute à ce plaisir d'une lecture murmurée, — car il faut se le mettre en bouche, ce duc, si l'on souhaite découvrir tous écarts et torsions qu'il imprime à la langue et à sa syntaxe — le plaisir donc, — et il est lié pour moi au sentiment "géographique", d'avoir résidé quelques temps à Ginsheim sur la rive droite du Rhin, à quelques coups de rames de Mayence, — de savoir que c'est dans ce joli bourg qu'il commença donc à 19 ans, l'écriture de ses Mémoires :
Je les commençai donc en juillet 1694, étant mestre de camp d'un régiment de cavalerie de mon nom, dans le camp de Ginsheim sur le Vieux-Rhin en l'armée commandée par le maréchal duc de Lorges.
* Je fus très prudent. Après quelques efforts de lecture numérisée, — mais j'admets mon inaptitude à une lecture intégrale sur écran — je me procurai une petite anthologie des Mémoires titrée savoureusement :
« Cette pute me fera mourir ...» Mémoires du duc de Saint-Simon, Intrigues et passions à la cour de Louis XIV, La Lettre et La Plume, Le Livre de Poche n°31928, mai 2011.
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mardi, 14 février 2012
« discours de l'éloge de la guerre » ou « parfait infini du goût »
Ce qui est fort bien quand vous vous procurez un épais bouquin de plus de 900 pages c'est que quand vous le posez sur une table et que vous souhaitez le feuilleter, il s'ouvre généralement sur les pages centrales.
Voilà comment et pourquoi Le Discours Parfait de Philippe Sollers s'est ouvert de suite sur quelques pages qui revivifient les intérêts du liseur, plus encore aiguisés par les titres des chroniques — puisque ce livre dans la suite de La Guerre du Goût et d'Éloge de l'Infini est un recueil de chroniques sur la littérature, la philosophie, la musique, la peinture et "Dieu".
Donc trois ou quatre titres entre les pages 400 et 500 — le mitan du bouquin, vous dis-je : Claudel censuré — Claudel porc et père — Ivresse de Claudel — Mauriac le frondeur — Mauriac grand cru — Saint Artaud.
La messe est dite.
C'est allègre, paradoxal, provocant, acerbe, vachard. Pour les auteurs, pour leurs lecteurs, pour les critiques, les journalistes.
Du Sollers grand cru, un JE qui s'écrit sans retenue, tellement plus talentueux que dans ses petits romans "de gare" qui renferment en de pseudos scénarios d'espionnage, écrits dans une alacrité de style certes, quelques scènes de beau cul, mais entrelardé(e)s — les scénarios ou les scènes, selon — de multiples citations érudites qui donnent une nécessaire épaisseur éditoriale donc mercantile pour ces fictions à la Delly* ! Madré homme de l'écrit qui, dans la quatrième de couverture, lucide à propos de son inintéressant romanesque, promeut son avant-dernière production estimée méconnue : Les voyageurs du Temps. Le dernier produit étant L'Éclaircie — selon mon usage, j'attends avant achat la parution en poche, ce qui avec notre homme, écrivain de... et employé par... ne saurait tarder.
C'est clair : je déteste et j'aime Sollers. Me demande s'il ne cherche point et cette détestation et cet amour.
Post-scriptum : À propos de Delly, qui était éditée par Taillandier, quand j'étais enfant, ma grand'mère m'envoyait à la Bibliothèque parroissiale pour emprunter à son usage ses trois "Delly" hebdomadaires. Naturellement, je les lisais aussi. Plus tard dans les structuralistes annnées 70, j'eus le projet de pornographier cette douce prolifique sentimentale romancière à l'instar d'une certaine Julienne de Cherisy qui, pornographiant Balzac, publia en 1981 aux éditions de la Brigandine une Vie secrète d'Eugénie Grandet. Sic.
* Mais ce n'est ni chez "Taillandier", ni chez "Arlequin" qu'édite Sollers, c'est... chez "Gallimard" !
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vendredi, 10 février 2012
c'était plus qu'un folkloriste
C'est par L'Alamblog, grand veilleur de celles et de ceux qui s'en vont en douce, que j'ai appris la mort de Claude Gaignebet, "folkloriste certes, mais diable de Libertaire.
Paru en 1974, Le folklore obscène des enfants* est un plaidoyer pour la liberté qu'exercent les enfants, — les "Puers", — dans la clandestinité de leurs petites communautés hors de vue des adultes. Pratiques langagières, jeux et gestes de résistance qui refusent la norme de langue qu'on leur enseigne, la morale religieuse qu'on leur assène, l'éducation civique qu'on leur inculque.
Derniers rires libres avant aliénation.
Ne soyons ni leurs ethnologues, ni leurs colonisateurs. Psychologues, psychiatres et instituteurs « révolutionnaires » sont autant de missionnaires qui pénètrent, armés de leurs bonnes consciences idéologiques, chez les Puers. Comme toujours, la Paix et le Développement, la Liberté, sont aux bouts de leur fusils. One société traditionnelle close avec ses rites, ses mythes, ses jeux, ses techniques du corps, sa sexualité résistera-t-elle à cette Civilisation ? Faudra-t-il bientôt lancer une campagne de sauvegarde des derniers Puers décimés par « les libérateurs » de tout poils, retranchés dans les primaires inacessibles avec leurs derniers Instits Grands Castreurs ? Voici venir le Temps de la Paix Adulte.
L'ombre du grand Rabelais s'étend, réjouie, sur les obscénités enfantines. Mais comme l'écrit le Préfet Maritime — relire l'Alamblog, ci-dessus — ses mânes n'apprécient guère.
Je me souviens :
En r'venant de Pont Saint Martin
Rencontré trois petits lapins
Un qui pue, un qui pète,
Un qui joue de la clarinette
J'en mets un dans mon mouchoir
Il me dit qu'il fait trop noir
J'en mets un dans mon chapeau
Il me dit qu'il fait trop chaud
J'en mets un dans ma culotte
Il me mange ma petite carotte
Merci au Préfet maritime.
* Claude Gaignebet, Le folklore obscène des enfants, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1974 (2e édition, 1980).
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jeudi, 09 février 2012
quand Nantes s'écrivait
...contempler de cette hauteur le fleuve, là où il devient la porte du large et le chemin de l'aventure. Sur la gauche, la ville s'éclipse presque derrière la ligne des maisons du quai ; on n'aperçoit d'elle que l'emplacement des anciennes îles au-delà de leurs bras remblayés. Sous le ciel si souvent couvert de Nantes, le panorama du port et du fleuve est une vaste et pesante symphonie en gris, à peine nuancée des reflets bleutés de l'ardoise et de la tôle...
Julien Gracq
La Forme d'une ville
Hier au soir, au Lieu Unique, après les effervescences musicales, la littérature revenait en force dans le cadre du Labo Utile Littérature, sur le thème "Cités et Frontières, Parcs et Paysages". Thérèse Jolly proposait lectures et conversation littéraire autour de "La Forme d'une ville" de Gracq avec Pierre Michon, Bernard Bretonnière, Arno Bertina et Cathie Barreau qui a la charge du projet de la Maison Gracq. Le dessus du panier du lectorat nantais devait être là. Évidemment Gracq et Michon, ça ne se rate pas.
Belles lectures de Cathie. Quelques échanges sur l'absence de nostalgie dans un écrit où Gracq fait remonter de sa jeunesse lycéenne les souvenirs de ses promenades dans la ville, mais affirme aussi, n'en déplaise à Cathie, la raideur du géographe qu'il devint. Poliment, les intervenants mentionnèrent son objectivité. Je retiendrai l'intervention de Pierre Michon qui parla du Désir et de l'Ouverture, précisant qu'il n'y a point une page de La Forme d'une ville qui laisserait émerger un comportement passéiste : Gracq ne regrette pas, il constate et il ouvre sur le futur. Les dernières lignes de la dernière page sont claires :
Je croissais, et la ville avec moi changeait et se remodelait, creusait ses limites, approfondissait ses perspectives, et sur cette lancée — forme complaisante à toutes les poussées de l'avenir, seule façon qu'elle ait d'être en moi et d'être vraiment elle-même — elle n'en finit pas de changer.
Julien Gracq
La Forme d'une ville
Gracq attentif dans l'Attente. N'est-ce pas ce thème qui court dans toute l'œuvre ? Nul regard en arrière mais tension vers ce qui advient : Au château d'Argol, Le Rivage des Syrtes, la Presqu'île, qui, pour moi, est comme une esquisse de La Forme d'une ville, où, seule, la toponymie de ce pays entre Brière, Marais salants et Chantiers navals de Saint-Nazaire est masquée.
Quant au reste, la conversation fut très littéraire entre psychanalyse, stylistique, anecdotes et compte-rendu de visites au retraité de Saint-Florent qui appréciait si gentiment de recevoir. Qui n'a pas heurté le vantail de la maison au bas de la rue du Grenier-à-sel ?
Moi ! un après-midi d'été, j'ai soulevé le heurtoir de la porte, je ne l'ai jamais laissé retomber, je me suis enfui de l'autre côté de la Loire. J'étais très jeune et je n'ai que très rarement su dire mes bonheurs de lectures à celles et ceux qui les avaient écrits.
Hier au soir, quand même, j'ai dit mon regret qu'à aucun moment de la soirée ne furent évoqués les souvenirs d'un autre lycéen nantais qui erra dans les mêmes rues, sur les mêmes quais.
Ce sont toujours les mêmes carrioles qui brinqueballent sur le quai porteuses de lourdes caisses de biscuits, de pains de savon, de ferraille. Là-bas, vers l'Ouest, le Pont Transbordeur comme une balance de pharmacien sous le globe des nuages. Un ciel de crin s'abat sur les façades silencieuses de l'île Gloriette, s'égoutte le long des roues qui ne portent plus d'empreintes, qui ne connaissent plus le pas des promeneurs.
On pense à des chiens errants, à des poubelles renversées, à de vieilles coques de navires comme des malles odorantes, et ce n'est rien qu'une presqu'île morte une vieille limousine dans la nuit qui ne vit plus que des feux fixes d'un garage.
C'est le jour encore; les gratte-ciel de Sainte-Anne, le dôme de l'église Saint-Louis, et l'or de la coupole tombe par plaques, Fantômas remplit ses poches.
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Octobre est la meilleure saison. Précédés de bruyants remorqueurs, les lourds chalands remontent la Loire, chargés de sable. On entend la chanson du marinier, comme si le chaland en passant sous les ponts se resserrait soudain, soufflet d'un accordéon qui n'attend plus, dans l'étouffement de la poigne que l'allégresse subite du chanteur. Une femme se promène au-dessus de l'eau parmi des linges, une petite cheminée fume, un chien aboie et des baquets de fleurs dégringolent, le long du bord jusqu'à l'eau verte.
J'ai toujours eu envie de partir. Je rêve de canaux et d'écluses, de longs halages pleins de promesses qui mènent à des masures perdues dans le brouillard d'argent des peupliers.
Mais la cloche du beffroi, suspendue comme un œuf au-dessus de la ville, que les douze fusils de midi font tinter, me rappelle à moi-même, me rappelle à la rue.
Des hommes passent sur des vélos, des ouvrières pressées dévalisent les boutiques. En un instant, c'est le jour menacé qui rejoint son niveau, qui se déverse par mille portes ouvertes au milieu des odeurs de graisses et de vin bleu.
René Guy Cadou
Mon enfance est à tout le monde
Ce n'est plus la précision cadastrale du prosateur géographe. C'est la lourde et pénétrante sensualité d'un instituteur de campagne qui évoque, sans nostalgie aucune, lui aussi, ses années d'adolescence entre le Quai Hoche, les Cours et la Place Bretagne.
C'est ma ville. C'est mon Fleuve à son estuaire.
J'aime Nantes "dite" et par le professeur de géographie et par l'instituteur de campagne.
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