lundi, 22 juillet 2013
après un long sommeil de mer
Un blanc d'un mois dans le blogue. Un bleu serait plus juste. Le lecteur s'était évanoui dans la paisible et immense mer celtique quand entre deux îles se perd l'horizon. Ni rivage, ni voiles. Dans les équipets, quelques bons livres —le Bourlinguer de Cendrars, le Noé de Giono, La Barque silencieuse de Quignard, et l'inévitable Amers de Saint-John Perse — livres souvent délaissés pour cette rêverie à quoi invitent dans les brises légères le silence et la solitude.
Et puis surtout, cette "machine": enfin, cette tablette lorgnée depuis ses premières apparitions, il y a trois ans, à l'acquisition toujours différée.
Le dernier samedi de juin, brusquement, un premier achat, un iPad 16 Go Wifi, dont je mesure vite les limites "marines" ; le mardi qui suit, vite échangé pour l'iPad Rétina 64 Go Wifi Cellular, avec un étui, à la fois clavier externe et protection.
Plus besoin d'aller quémander un passe pour la borne "ouifi" du port. Météo, mes musiques, mes images — mon musée imaginaire, et ces livres numériques qui s'ajoutent sans concurrence, mais avec moins de poids et de place aux susnommés "papiers" — Les poèmes d'Ossian de Chateaubriand, Un été au Sahara de Fromentin, Les Regrets de Du Bellay, Les Lunettes de princes de Meschinot, les Satires d'Horace et les ...Essais de Montaigne. Plus quelques "Publie.net" : deux de Rimbaud, trois de François Bon lui-même et pour être accordé à la "tablette", de Milad Doueihi, pour un Humanisme Numérique. Un jouet superbe acquis aux approches de mes octantes. Le rêve Nomade : au large — d'eau ou de sable et pierre — seul et selon, relié à tous.
L'ordi dans la "librairie, c'était déjà le pupitre du scriptorium. Voilà, régressant positivement de près de trois millénaires, la tablette du Scribe, à rendre jaloux sur l'étagère qui surplombe l'ordinateur de bureau la statuette du scribe accroupi qui rédige — depuis quand ? —entre des disques compacts qui accumulent des "podcasts" et un encrier à plume d'oie, un texte infini.
Ouais ! mais ce n'est pas si simple, ce principe des "Applis" me tourneboule mes logiques informatiques anciennes et j'ai souvent délaissé la rêverie de l'horizon et les pages de ces bons vieux "poches" pour m'égarer dans ces "applis" qui ne me donnent point place pour y serrer mes fichiers.
Voilà à quoi doit ressembler dans la bonne chaleur de juillet ce bonhomme qui est la rencontre fortuite d'un paragraphe de Quignard et d'une encre à main levée de Nicléane.
...Bâtissez une tête. Dessinez les yeux d'une encre très âcre et noire. Mêlez d'eau l'encre et peignez faiblement des lèvres entrouvertes comme dénuées de souffle et assez incolores. Refermez sur cette tête chimérique un vieux et grand livre relié dépourvu d'ors. Plongez le tout dans une petite chambre froide et sombre. Vous obtenez de lui une image plus vraie, plus vive même que la réalité de son visage vivant. Vous obtenez de moi une métaphore qui est, de façon excessive, filée.
Pascal Quignard,
Le Lecteur, récit
I, p.16
Post-scriptum : Deux ou trois images étaient prévues, de mer et d'écran : l'intégration des images est en grève sur la plate-forme de Hautetfort. "Veuillez patienter" est l'interminable fenêtre qui s'affiche. Je n'ai plus la patience de qui attend la brise de mer.
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dimanche, 02 juin 2013
Pascal Quignard blessé, aigre mais heureusement "pédant"
C'est méchanceté pour Pascal Quignard, mais son dernier opuscule, Leçons de solfège et de piano, est un règlement de compte entre bourgeoisie lettrée appauvrie et bourgeoisie commerçante nouvellement enrichie.
Que Louis Poirier dit "Julien Gracq" n'ait point été tendre avec les tantes de Quignard, et ce, soixante-sept après, avoir suivi des leçons de piano chez les dites tantes
« mortellement impécunieuses et solitaires, petits fantômes noirs et muets, la guimpe haute autour du cou... gardant jusqu'à la fin une dernière apparence de rang : des demoiselles toujours... un couple de vieilles filles ruinées au fond d'une ruelle de sous-préfecture », fait comprendre la blessure de la famille de Quignard.
Qui ajoute « Cela révolta même un certain nombre d'habitants d'Ancenis ».
Cette phrase me laisse songeur ; j'aimerais savoir combien de lecteurs lettrés anceniens lurent, en 1974, Lettrines 2 de Julien Gracq.
En mon adolescence, j'ai côtoyé de près, par filles et fils interposés, cette bourgeoisie ancenienne, redoutablement hiérachisée en haute bourgeoisie d'industrie — les cartonnages G., la briquetterie A. la fonderie B.,— en moyenne bourgeoisie — les médecins, les pharmaciens, les notaires, — en petite bourgeoisie commerçante — transports L., Bois, bières et charbons B., vaisselle et porcelaine M. — en bourgeoisie vieillissante et déclinante, mais portant guimpe et dentelles aux messes de dix heures et de onze heures, dites "messes des riches".
C'était très catholique d'apparence, dans le dédain, la sournoiserie et le qu'en dira-t-on.
J'ai donc côtoyé, comme les rares fils d'ouvriers et de laboureurs d'alors qui s'insinuaient dans les Humanités classiques et les classes de Réthorique par le biais des écoles normales, des cours complémentaires, des petits séminaires et des bourses d'État, les jeunes gens de cette classe sociale très diversifiée.
Moins, ses jeunes filles : elles ne se haussaient plus le col avec des guimpes, elles excellaient dans la plus haute suffisance. Pas toutes. Certaines, clandestinement, ne détestaient point faire ôter le "bleu" de l'ouvrier ou dégrafer la "blouse" du paysan.
Ce qui me navre c'est que dans Leçons de solfège et de piano, le Quignard douloureux, déboulonnant la statue de Julien Gracq en un Louis Poirier, fils de merciers à Saint-Florent-le-Vieil, se rehausse dans les draperies fanées d'un jeune et pauvre "lettré", "appelé" convoqué au Cercle militaire de Paris par un, le Poirier, qui « portait monocle et se prenait pour un aristocrate, un Germain, un Celte, un Wagnérien, un dandy ».
Le fils d'ouvrier, modeste liseur de Gracq et de Quignard, sourit de l'une — Quignard — et l'autre — Gracq — de ces bourgeoises diatribes. Querelles de bourgeois ne font guère avancer la langue !
J'ai une nette préférence, mais cette inclination doit tenir de mes Humanités chez les Bons Pères, pour le Pascal Quignard qui revendique, haut et fort, dans le troisième texte de cet opuscule, qui est hommage à Paul Celan, :
« Je vais encore faire le pédant. Tout le monde sait que je suis profondément pédant. Et c'est très bien ainsi. Personne ne l'est jamais assez dès l'instant où il s'agit de sonder le mur, afin de pouvoir le renverser. »
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mercredi, 27 mars 2013
enfin passé l'âge
L'âge de céder à cette consigne tintinophile "À lire de 7 à 77 ans". Adieu à Hergé, aux pantalons de golf, au caniche, aux vocalises et aux vignettes injurieuses et pseudo-blasphématoires.
Libre de lire, sans adjuration aucune,
Pichard et son Ulysse,
Crépax et son Anita,
Fred et son Philémon,
Hugo Pratt et son Corto Maltese.
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mardi, 12 mars 2013
s'en aille l'hiver
À peine la descendance de la "fileuse" et du "laboureur" établie*, voici qu'a surgi le "gentilhomme". Du moins quelque bâtard du dit. Dans la lignée des Mérand-Bretaudeau, celle d'Augustine Marie, ma grand-mère paternelle, l'héroïne de "La sciences des ânes"**.
Bâtard, on dira petit-bâtard comme on dit petit-fils, puisqu'il s'agit de Louis Meschinot marié à Jehanne Pélerin en 1685 à Boussay.
J'avais souvent, dans ma petite enfance, été intrigué en entendant ce nom des Meschinot, nom qui me rejoignit au temps de mon adolescence dans les pages du manuel de littérature du Chanoine Des Granges au chapitre des Grands Rhétoriqueurs.
Jean Meschinot, seigneur des Mortiers en Monnières, près de Clisson, maître de quelques modestes fiefs — terres arables et vignes — qui lui permirent vivre en portant le harnois pour les ducs de Bretagne; il détestait le roi de France, Louis XI et acheva sa carrière en qualité de "maître d'hôtel" de la duchesse Anne de Bretagne. Plus écrivassier que gentilhomme, il écrivit ces fameuses Lunettes des Princes, entre 1461 et 1465, qui furent le premier livre imprimé à Nantes en 1493 par Étienne Larchier. À lire pour paisiblement s'ensommeiller ! Mais en glanant, de fort beaux vers s'y donnent.
Fut-il le grand-père de mon ancêtre Louis ?
Cecy m'advint entre esté et autonne,
Ung peu avant que les vins on entonne,
Lors que tout fruict maturation prent;
L'ung jour faict chault, l'autre pleut, vent et tonne,
L'air fait tel bruyt que la teste en estonne.
A nous mûrir celuy temps nous aprent,
Car, qui des biens lors n'asserre, il mesprent,
Pource qu'après hyver froit nous sourprent.
Qui n'a du bled ou du vin en sa tonne,
Au long aller son deffault le reprent;
Aussi, enfin, qui bien cecy comprent,
Cil jeûnera qui n'a fait chose bonne.
Ceci m'advint entre été et automne,
Un peu avant que les vins on entonne,
Lors que tout fruit maturation prend;
L'un jour fait chaud, l'autre pleut, vent et tonne,
L'air fait tel bruit que la tête en étonne.
A nous mûrir ce temps-ci nous apprend,
Car qui des biens lors n'enserre, il méprend (commet une erreur),
Parce qu'après hiver froid nous surprend.
Qui n'a du blé ou du vin en sa tonne,
Au long aller son défaut le reprend;
Aussi, enfin, qui bien ceci comprend,
Celui-ci jeûnera qui n'a fait chose bonne.
Jean Meschinot
Les lunettes de Princes
Et tant qu'à ouvrir le dictionnaire de français ancien, autant remonter de deux siècles encore et de feuilleter le roman préféré de notre ancêtre, le bouquin de Jean de Meung, le Roman de la Rose. La taille des rosiers est achevée. La sève déjà pousse les premiers bourgeons. Je crains cette froidure de ces jours-ci qui tard nous vient, mais j'ai patience.
Un baisier douz et savoré
Pris de la rose erraument ;
Se j’oi joie, nus ne le demant,
Car une odor m’entra ou cors,
Qui en gita la dolor fors,
Et adouci les maus d’amer
Qui me soloient estre amer.
Un doux et savoureux baiser
Je pris aussitôt de la rose .
Si j’en eus de la joie ?
Que nul ne le demande !
Car un parfum m'entra au corps
et en jeta la douleur hors
et adoucit les maux d’amour
qui d’habitude m’étaient amères.
Jean de Meung
Le roman de la Rose
* Voir la note du 27 février à propos des laboureurs.
**"La sciences des ânes" est lisible à droite dans "pages". Un double clic suffit.
14:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 11 février 2013
lectures de salle d'attente
Michel Onfray est très méchant dans son pavé libertaire sur la vie philosophique d'Albert Camus ; il y parle de ce qui "traîne dans les revues crasseuses accumulées sur les tables des dentistes et des coiffeurs", page 17.
Samedi, chez mon médecin de famille qui est aussi mon voisin, les séquelles trop durables d'une complexité rhume-grippe-bronchite — ou l'inverse — m'ont obligé à une assez longue attente, n'étant qu'un parmi mes nombreux concitoyens qui éternuent, éructent, toussent, mouchent et crachent sous les pluies qui inondent nos vallées.
J'y ai donc lu passionnément dans un vieux GÉO non crasseux de 1999, retrouvant ou découvrant :
• la vallée du Dadès quelque part dans le Haut-atlas marocain — mon benjamin y fut vers 2005 ;
• la remontée en 1805/1806 du Missouri et la descente de la Columbia par deux américains, Lewis et Clark, guidés par Sacajawéa, la compagne autochtone d'un trappeur canadien-français, Toussaint Charbonneau — j'ignorais ;
• La Nouvelle-Calédonie, la luxuriante forêt, les collines érodées par l'exploitation du nickel, l'île des Pins, le bagne des Communards et, à Nouméa, le labeur humaniste de Louise Michel, la grotte d'Ouvéa et les espoirs Canaques.
Mon attente s'acheva sur le feuilletage d'un tout aussi ancien Sciences et Avenir fin 2000 qui évoquait la vie et la mort d'un vieux maître du Désert qui enchanta en mon adolescence rêveuse mes soirées hivernales dans la salle d'étude tiède de l'internat à un point tel que je l'inventai pour de vrai cet "oncle saharien" à l'instar des oncles de Blaise Cendrars.
Quelles Méharées en ces jours de rapines, de narco-trafic, de violences, mais d'aussi douteuse "libération", écrirait Théodore Monod ?
16:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 04 février 2013
Tombouctou, un mythe ?
J'ai failli, il y a quelques jours, titrer cette note ainsi "l'interminable livre de Livres en feu". Car dès qu'il y a la moindre explosion ou la plus grosse déflagration sur la rive droite du Niger, il est sûr que l'on brûle les précieux — toujours — manuscrits de Tombouctou. Un écran de télévision nous avait montré quelques rayons métalliques qui paraissaient avoir été ébranlés et des casiers de même matière, vides. Mais nulles cendres !
Et les commentaires, après l'alarme, étaient du genre :
d'un côté : « Le pire n'est pas sûr.... Ce qui est parti en fumée n'est pas l'essentiel... information à mettre sur le compte de la propagande...»
d'un autre côté : « Les manuscrits les plus importants mis à l'abri… une bonne partie de ces documents est sauvée pour avoir été soigneusement numérisée... il y a quelques mois l’essentiel des trésors évacué vers Bamako, où ils sont désormais sous protection...
On apprend que l'Université de Lyon, des chercheurs Sud-Africains, d'autres du Grand Duché du Luxembourg (!) ont scanné et numérisé.
La communauté internationale s'émeut, tremble, se révolte.
Les groupes armés qui ont terrorisés six mois durant les rives du Niger, tout autant pillards et iconoclastes, narco-trafiquants et preneurs d'otages, n'ont pas manqué de se dire qu'après tout, il valait mieux "faucher" que brûler. Dans quelque temps, sûr, des officines à l'usage de bibliophiles peu scrupuleux, écouleront bien quelques manuscrits certifiés "Tombouctou".
René Caillé, dans les cinquante pages de son séjour d'un peu plus de quinze jours ne mentionne l'existence d'aucune bibliothèque.
René Caillé, la lecture d'enfance. Et donc mon mythe du Voyage à Tombouctou. Je ne rêvais pas de bibliothèques.
Les bibliothèques, elles me sont venues à l'adolescence avec Théodore Monod, Méharées et Chinguetti.
Pour Tombouctou, je ne me suis pas aventuré plus au nord des falaises de Bandiagara et le rêve de Chinguetti s'est arrêté à Bakel sur la rive gauche du fleuve Sénégal. Là où le héros de mon enfance avait interrompu une première fois sa tentative.
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lundi, 07 janvier 2013
feuilletant le Cinquième Livre
L'an 2013 n'a pas trop mal commencé en s'ouvrant sur le Cinquième Livre de Rabelais — est-il de lui ? — avec quelques égarements bienheureux dans l'excès d'une liste en trois services quand aux sons des "veuzes, bouzines et cornemuses" me furent apportés six pages — en Livre de Poche — de mets de forte incohérence culinaire mais de belle sonorité — je ne cite que les deux dernières pages :
Des Hurtalis.
De la patissandrie.
Des aucrastabots.
Des babillebabous.
De la marabire.
Des sinsanbrebleus.
Des quaisse quesse.
Des coquelicous.
Des maralipes.
Du brocancultis.
Des hoppelats.
De la mimitaudaille avec beau pissefort.
Du merdiguon.
Des croquinpedaigues.
Des tintaloies.
Des pieds à boule.
Des chinfrenaux.
Des nez d'as de trèfles en pâte.
Des pâques d'œufs.
Des estafilades.
Du guyacoux
Des drogues sernogues.
Des triquedondaines.
Des gringuenaudes à la jonchée.
Des brededins brededas.
De la galimafrée à l'escafignade.
Des barabin barabas.
Des moquecroquettes.
De la huquemâche.
De la tirelitontaine.
Des neiges d'antan qu'ils ont en abondance en Lanternois.
Des gringalets.
Du salehort.
Des mirelaridaines.
Des mizenas.
Des gresamines, fruits délicieux.
Des mariolets.
Des friquenelles.
De la piedebillorie.
De la mouchenculade.
Du souffle à mon cul.
De la manigance.
Des titrepolus.
Des besaibenis.
Des aliborrins.
Des tirepétadants.
Du coquerin.
Des coquilles betissons.
Du croquignolage.
Des tintamarres.*
Pour le dessert, apportèrent un plat plein de m....
Je souhaite citer encore certaines dernières lignes du Prologue de ce Cinquième Livre, quand après avoir envoyer se faire pendre faiseurs de centons, botteleurs de matières cent et cent fois ressassées, rapetasseurs de vieilles ferrailles latines, revendeurs de vieux mots latins tout moisis et incertains, Rabelais — ou son plagiaire ? — affirme que notre langue vulgaire n'est pas aussi vile, aussi inepte, aussi indigente et méprisable qu'ils l'estiment** et nous encourage au lire, nous, les blogueurs, liseurs, lisards et...buveurs — et féminisons, que diable ! Blogueuses, liseuses, lisardes et...buveuses :
C'est pourquoi, buveurs, je vous avertis en temps opportun, faites-en une bonne provision aussitôt que vous les trouverez dans les boutiques des libraires, et il vous faudra non seulement les égousser mais encore les dévorer comme un opiacé pour le cœur et les incorporer en vous-mêmes; c'est alors que vous découvrirez le bien qu'ils réservent à tous les gentils égousseurs de fèves. A présent je vous en offre une bonne et belle panerée cueillie dans le même jardin que les précédentes, vous suppliant très respectueusement de vous contenter du présent, en attendant mieux à la prochaine venue des hirondelles.
* Notre souper du passage à l'an 2013 fut plus simple, mais de paroles tout aussi abondantes, illustrées de quelques airs en chant-contrechant, Bretagne oblige, de vielle et de clarinette.
** Beau soutien à Joachim et à sa Deffence et Illustration de la Langue Francoyse.
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lundi, 31 décembre 2012
un beau pavé dans mon sabot
Dans la première note de ce blogue, le 10 octobre 2004, je saluais ainsi Jacques Derrida :
« Sommes-nous des Juifs ? Sommes-nous des Grecs ? Nous vivons dans la différence entre le Juif et le Grec, qui est peut être l’unité de ce qu’on appelle l’histoire. Nous vivons dans et de la différence, c’est-à-dire dans l’hypocrisie dont Lévinas dit si profondément qu’elle est “ non seulement un vilain défaut contingent de l’homme, mais le déchirement profond d’un monde attaché à la fois aux philosophes et aux prophètes ”.
Sommes-nous des Grecs ? Sommes-nous des Juifs ? Mais qui sommes-nous... d’abord des Juifs ou d’abord des Grecs ?... À l’horizon de quelle paix appartient le langage qui pose cette question ? Où puise-t-il l’énergie de sa question? Peut-il rendre compte de l’accouplement historique du judaïsme et de l’hellénisme ? Quelle est la légitimité, quel est le sens de la copule dans cette proposition du plus hégélien, peut-être, des romanciers modernes :“Jewgreek is Greekjew. Extremes meet”* ?
in L’écriture et la différence, p. 227-228
Quand ce beau pavé bleu de 1248 pages m'a été déposé dans mon sabot, près de la cheminée, après avoir consulté le sommaire, je me suis empressé d'aller lire "Hellénisme et Judaïsme". Ne fut-ce que pour simplifier par une approche historique la complexité des questions dérridiennes qui ne s'éclaircissent guère dans les arcanes des phénoménologies d'Husserl, d'Heidegger et de Lévinas.
Peut-on être fasciné par Héraclite et ses aphorismes et subjugé par les proférations d'Isaïe ?
J'ai vécu l'enfance et l'adolescence dans le voisinage d'Abram, l'homme qui part sans volonté de retour, puis les ans de maturité et l'entrée dans les parages du grand âge, embarqué sur les mers d'Odysseus, l'homme qui erre dans la nostalgie de la terre natale.
Accouplement et déchirement.
Un dieu en qui il faut croire et des dieux qui n'existent pas ?
Les tables de la Loi d'un illuminé sur un mont et des lois que ratifie l'assemblée du peuple sur la place du marché.
Voilà les deux extrémités d'un arc. D'ailleurs à l'arc, je substiturais bien le trépied, car au GrecJuif, je souhaiterais bien ajouter le Celte, ce qui autoriserait une féminisation de cette différence et une ouverture marine sur des horizons océaniques plus vastes.
Lire Isaïe et le Livre de Ruth.
Ouvrir Homère et plonger dans les obscurités d'Héraclite.
Célébrer la maison de l'air de Viviane** et embarquer avec Brendan.
Loin, loin de la Loi et des lois, accouplement et déchirement.
Oui, vraiment à penser qu'à trente siècles près, tout se tient.
* James Joyce, Ulysse.
** Pour se remettre en mémoire quelques "savoirs" celtes.
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samedi, 20 octobre 2012
orphique, biblique
Une nuit de la semaine qui s'achève. Un mitan de cette nuit, une voix qui avoue "son livre de chevet", la Bible, mais reconnait modestement qu'il ne peut écrire ni "orphique"ni "biblique"; et la voix, devinée admirative, de nommer Pierre Emmanuel, Jean-Claude Renard, Jean Grosjean. C'est la voix de Robert Sabatier dont je n'ai jamais lu une seule page et dont sans doute je ne lirai pas, non plus, une seule phrase. Mais les trois cités, je les ai fréquentés dans un temps où je ne m'interrogeais guère sur les dieux — ils avaient été ! — et sur dieu — il était encore !
Au matin je les ai, tous trois réouverts.
Emmanuel et son Tombeau d'Orphée, Renard et sa litanique incantation de Père voici que l'homme, lus dans l'intensité de la douleur, de l'absence irréversible pour l'un, dans la foi fissurée et le doute s'insinuant, pour le second. Toujours en quelque étagère à portée de la main, mais trop peu fréquemment ouverts.
Jean Grosjean, lui, avec son Apocalypse, ses Élégies, son Hiver, ses Parvis, ne m'a plus quitté.
L'eau qui affleure entre les saules invente un abîme d'étoiles. L'espace à y rêver je le déploie et il m'obsède.
Peut-être me parle-t-il à travers ce grand charroi de terre, d'arbres, de fleurs et de fruits, de ces dieux ou de ce dieu qui s'inventeront dans ce chaos où s'enchevêtrent ses mots et ses silences, la chevelure de la femme et l'abondance des pluies.
Orages qui passâtes au loin la nuit sur vos chars de ferraille, vous dispensez après vous des jours d'infinie bruine, et les toits luisants de larmes s'accoudent contre le ciel aveugle.
Un coquelicot crie dans l'orge bleue. Les bourdons, ci et là, plus lourds d'humidité que de pollen. De jeunes pommes ont le ventre qui gonfle. Comme tu te voiles le visage!
Et tout le jour procédèrent de grandes averses, défaisant les gloires d'églantiers, couchant sur le talus la sauge, échevelant les saules du ru. A peine entre le bruissement des robes si le soleil montra son égide.
Dans le soir calmé l'ombre des arbres s'égoutte sur les prêles, un rossignol mouillé bégaie, la plus haute feuille du tremble chuchote. Salut pâles jambes des avoines comme à l'heure où le faucheur affûte.
Marbrures des nuées dans le ciel. La roue montre un instant sur les forêts sa jante rouge. Les majestés égalitaires n'ont plus part qu'à l'étoile trifide.
Ma vue baisse n'était encore quelque ardente onde sous les aulnes. Au loin dialoguent avec la brise voix céleste et cor anglais. Déjà la lune hausse sur le toit sa face balafrée de vapeurs.
La pleine lune sur les arbres, son lait sur la noire giroflée dans une conspiration d'arômes. Telle est la paix exaspérée des rôles, un bonheur hanté par la voyelle de la hulotte.
Ta hanche je la sens nue, prête à tourner, m'appuyant la drupe de ton sein. Derrière tes yeux effrayants l'âme en extase, l'âme qu'on ne détourne plus. Les dieux qui ne sont pas toi passaient.
La Vehme à l'œuvre, Apocalypse
De Jean Grosjean, je maintiens au creux du corps vieillissant comme une incision douce et cruelle :
J'aurais aimé avoir longtemps vingt ans comme un busard qui plane.
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vendredi, 12 octobre 2012
de retour
Les contreforts du Mondarrain et de l'Artzamendi qui dominent Itxassu sont plutôt démunis en wifi.
La lassitude d'une cure trop matinale et la paresse aidant, voilà pourquoi même le huitième anniversaire du blogue de "grapheus tis" n'a pas vu la trace de la moindre note et un silence débordant largement la durée du mois.
Mais en Pays Basque, les lectures y furent, cependant, rares et fécondes.
Quelques vers de Francis Jammes :
Le coteau est comme un sang noir et, du haut,
les montagnes nagent au ciel doux, simple et beau.
De l'autre côté des coteaux sont les villages
doux qui dorment au soleil comme des haches.
Là, il y a des tonnelles tristes au vieux jardin
où les poules grattent près des buis, des ricins.
La tonnelle en lauriers luisants est verte et noire.
Il y a un banc, au fond, en bois couleur de soir,
et qui est un peu humide, à cause de l'ombre,
même l'été quand le soleil est en bleu plomb.
Viens-y ! L'après-midi sera luisant.
Caügt...1895
De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir
De François Bon, trois ou quatre autobiographies d'objets qui m'ont renvoyé avec délices et toute une cohorte d'humains côtoyés à quelques soixante années de moins : Le Toumelin, "mon" navigateur solitaire, la lessiveuse de ma grand'mère Gilais, "mon" Olympia, la première machine à écrire, mon premier Kodak Rétinette et ses diapos, le transistor d'Aïn N'Sour ! Déjà, quand l'homme du "tiers livre" rédigeait ses billets, il sollicitait les commentaires — et je ne m'en suis pas privé, — mais avec ce livre, l'invite à l'écriture se fait insistante.
« Comment croire que soi-même on provienne d'un tel monde ? »
Et puis, Pascale étant de passage, elle m'offre, sorti de la "librairie" de l'ami Étienne, un mince bouquin que je n'aurais jamais dû rater en 1984, tant j'étais en quête de ces informations et de cette analyse depuis mon retour en France, La guerre commence en Algérie de Mohammed Harbi.
Le mouvement de libération nationale n'était pas monolithique. A l'image des groupes sociaux, les familles politiques qui le composaient étaient dans des rapports conflictuels. Chacune d'elles, réformiste ou radicale, se présentait comme la détentrice par excellence de la vérité et recourait plus volontiers à l'exclusion qu'à la discussion. Toutes appartenaient cependant au camp anticolonialiste. Les affinités entre elles étaient nombreuses et le passage d'une organisation à l'autre courante... Les forces sociales emprisonnées ont été seulement contraintes de déguiser leurs actes.
...j'ai mis l'accent sur les données structurelles qui ont nourri les aspirations et façonné les mentalités. Sans une telle optique, il serait difficile de saisir pourquoi des hommes dont la résistance force l'admiration n'ont pas su devenir des hommes libres.
Les écritures ne furent que le laborieux et quasi monastique travail de remise du "blogue à l'endroit". J'achève à peine l'an 2006. Je ne cache point un certain plaisir à la relecture qu'oblige ce retour : ne fut-ce que parce, très involontairement, au fil de ces huit ans, c'est le projet de mon autobiographie de lecteur — modeste — qui s'écrit.
Vains dieux, au delà de ce mois de silence, je persiste en ce sillon en m'imposant plus grande assiduité.
À propos de dieux, parmi les recensions du Monde des Livres, un bouquin rare, bref, que je ressens hors-frontières : Il y a des dieux* de Frédérique Ildefonse.
Le philosophe chroniqueur du Monde, R.P. Droit, joue au chroniqueur philosophe de Libération avec un titre à la "Libé" : Trop poly pour être mono. Mais, c'est vrai où sont-ils donc passés, ces dieux.
Sans doute y en a-t-il encore dans les latrines d'Héraclite** ?
Voilà où mènent huit ans de brinquebales à travers les écrans et le papier. Aux dieux qui, c'est une évidence, n'existent pas, aux "chiottes" d'un Grec obscur, à une vieille lessiveuse et encore, et encore, à des mots, des mots, des mots.
* Aux Presses Universitaires de France, octobre 2012.
** Possible de relire ma note du 8 février 2008 sur les visiteurs d'Héraclite
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lundi, 10 septembre 2012
en vrac pour une fin d'été
de sournoises tendinites,
des heureuses amitiés de passage,
un blogue du type "fosse à bitume" du temps écoulé — dixit l'homme du tiers livre — que le grapheus ne maîtrisant guère son logiciel "Pages" tente de remettre à l'endroit, la tendinite du coude s'insinue dans le poignet, le métacarpe et les quatre doigts qui enserrent la souris et ne s'arrangent point les copie/coller et le replacement des images, pour des années de blogue à publier en codex dans Calaméo ??? Manie de vieil archiviste !
un écrivain qui prétend à l'ironie pour le moins maladroite et titre son pamphlet Éloge littéraire de Anders Breivik (sic),le tueur dans l'île de Utøya, que je ne lirai pas parce que trop modeste blogueur lecteur je n'ai point de service de presse et que jamais je ne dépenserai le moindre sous pour le lire, ça cause beaucoup dans le landerneau des lettrés, La meillleure chose entendue : à la Grande Table du 7 septembre, je relis toujours dans de pareilles occasions le Rien n'est sacré, tout peut se dire de Raoul Vaneigem, si l'on estime ce qui est dit écrit infâmant, à nous de brandir les bonnes armes :
On ne combat pas et on ne décourage pas la bêtise et l'ignominie en leur interdisant de s'exprimer : la meilleure critique d'un état de fait déplorable consiste à créer la situation qui y remédie.
certains y remédient,
pour réanimer le passé et enrichir l'avenir : une belle Autobiographie des objets de François BON, il va me faire devenir "Proustien" , le diable d'homme,
et une belle devise renvendiquée par un autre de "mes" auteurs
Otium et libertas.
Les notes du blogue en cette fin d'été qui déjà est début d'automne sera au gré des wifi basques.
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samedi, 28 juillet 2012
lectures en mer et "petite poucette"
au port du Crouesty, à l'entrée du golfe du Morbihan, là, où sans doute, il y a plus de 2000 ans, les Vénètes et César se livrèrent une parmi les belles batailles navales de ce coin de mer*.
Toujours, dans la bibliothèque du bord, il y a à portée de langue un verset des Amers.
Guide-moi, plaisir, sur les chemins de toute mer; au frémissement de toute brise où s'alerte, l'instant comme l'oiseau vêtu de son vêtement d'ailes... Je vais, je vais un chemin d'ailes, où la tristesse elle-même n'est plus qu'aile...
Saint-John Perse, Amers
Mais il y a plus terrien. Comme L'art de vieillir de John Cowper Powys qui recommande, entre autres conseils de longévité, de traduire pour soi-même Homère et de se référer au dictionnaire grec, le Liddell-Scott, l'équivalent de notre Bailly, et plus souvent encore à la grammaire grecque :
cette "laisse de la marée, entre le rivage sablonneux et la mer infinie, éparpillée avec ses magiques trésors, coraux, étoiles de mer et toutes les coquilles de nacre possibles et imaginables... Et ces merveilles de la laisse de marée qui craquent ou se brisent sous des pas insouciants, qui gisent sur les strates des rivages de l'esprit des personnes âgées ne proviennent pas seulement d'événements extérieurs. Elles ont dérivé depuis ces mers paradisiaques que sont les livres".
Dac'hlmat a aussi embarqué un autre livre de terrien, d'un vrai "glaiseux" de Corrèze, le Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux, comme un contre-point aux "laisses de mer" d'Homère, de Perse et de Powys. J'en reparlerai.
Comme à bord, depuis une semaine, vit, manœuvre et barre quand elle ne dort point et que ses pouces ne s'agitent pas avec agilité sur les claviers, la seconde de mes "petites poucettes", j'ai glissé le mince mais fécond bouquin d'un qui fut jadis marin, de Michel Serres, Petite Poucette, au long mais explicite sous titre, le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer : une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître...
Bouquin qui m'a permis, tout vieux "geek" que je suis pourtant, de réaccorder mon mental à celui de mes deux "petites poucettes", Célia et Noémie.
Les sciences cognitives montrent que l'usage de la Toile, la lecture ou l'écriture au pouce des messages, la consultation de Wikipédia ou de Facebook n'excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l'usage du livre, de l'ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants. Ils n'ont plus la même tête.
Et ça n'empêche point de nous aimer !
Note-bene : la photo prise, hier matin, par Nicléane, dans le léger gris-bleu que nous accordait la Bretagne-Sud, est la Goué Vas Est, bouée rouge, latérale babord qui balise l'entrée du passage de la Teignouse quand nous venons du large.
* César, La guerre des Gaules, Livre III, 13 à 16. Sensible au trop grand effort exigé par le Grec, Cowper Powys déconseille la pratique du latin : « Le Latin s'arrogera bien entendu la deuxième place » même s'il estime que cette langue « ne saurait cependant jouer un dixième du rôle joué par le Grec losrqu'il s'agit d'apporter aux Occidentaux que nous sommes de l'eau au moulin de leurs sens et des leur esprit ».
12:02 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 14 juillet 2012
Le matin du 14 juillet
"Comme d'habitude",
"Et pendant ce temps-là".... Finkielkraut dans ses Répliques geint à propos de la Toile, des livres numériques et de ces écoles qui ont des micro-ordinateurs. Heureusement, son interlocuteur matinal, le "bonhomme" Chartier et ses adorables chuintements sur les labiales, quand il évoque les supports antiques, médiévaux, renaissants et actuels des écrits, quand il précise la Lecture et LES lectures, me met du baume au cœur !
10:39 | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 02 juillet 2012
« il lui suffira de couper le courant »
Je lis dans le bonheur "On achève bien d'imprimer", la chronique hebdomadaire d'Édouard Launet dans le LibéLivres du jeudi — le vendredi c'est le Monde des Livres — et ainsi depuis plus de trente ans, l'un et l'autre appréciés avec des plaisirs souvent et des fureurs parfois. Selon.
Mais Launet avec ses verdeurs, ses salacités, ses vitupérations, ses acidités et son ample érudition — deux titres parmi les derniers : comme un cochon, la branlette à Josette — n'oublie jamais qu'il se doit de traiter de littérature, d'édition, de langue. J'y perfectionne mon vocabulaire : par exemple "autoniépophilie" et "dystopie" que j'ai d'ailleurs estimé être une coquille, ma dyslexie me faisant lire "dystrophie".
Cette fois, dans l'autodafé du logis, évoquant Ray Bradbury qui, début juin, s'en est allé avec son Fahrenheit 451 sous le bras — ou dans son iPad ! — il évoque ces impasses de la Toile que sont Error 404 File not found et Error 403 Forbidden qui me sont désolation : où "ça" n'existe plus, ou "ça" m'est interdit.
Et Launet de pousser jusqu'au noir complet mon désespoir numérique qui ne serait plus le fait des pompiers pyromanes mais le geste d'un régime totalitaire. Cette phrase radicale, immense d'un possible néant écranique :
« il lui suffira de couper le courant ».
Certains diront, et j'en serai, : « Rallumons la bougie et reprenons nos bouquins. » Mais est-il besoin d'un dictateur imbécile ? Et si, à l'échelle du monde, survenait une tout banale panne d'électricité ?
Toujours la bougie, le coin de l'âtre dans la nuit, et, de jour, l'angle d'une fenêtre ensoleillée.
19:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 30 juin 2012
...du temps perdu...
De Proust, c'est bien le seul bouquin que je réussis à lire. Il avait écrit ce texte comme préface à une traduction d'un écrivain britannique, John Ruskin.
J'étais censé me préparer ainsi à lire "avec bonheur" — ce que promettait la quatrème de couverture — À la recherche du temps perdu. Ou tout au moins son premier tome Du côté de chez Swann que j'avais acheté, le 22 mai 1960 dans la seule librairie de Miliana, la petite cité algérienne, pour quelque temps encore française, sur les flancs sud-est du Zaccar. Nous allions partir en "nomadisation" pour un long mois dans le djebel et comme par provocation, j'avais glissé le bouquin dans mon sac — cette guerre n'était-elle point la recherche d'un temps perdu ! — pensant occuper ainsi les temps immobiles et les attentes silencieuces du "chouff" et de l'embuscade.
Je ne pus jamais en ces heures guerrières poursuivre au delà du premier point-virgule de la troisième ligne :
Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » Et, une demi-heure après la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil;
Mais voilà qu'hier au soir, une vieille maligne petite... et grande dame de télévision, Nina Companeez, a peut-être réalisé partie infime de son ambition — moins par ses images, que par le choix et la diction du texte — me donnant envie de dépasser ce point-virgule de la troisième ligne. J'étais devant l'écran d'Arte par hasard après avoir erré dans les images stambouliotes, anatoliennes, cappadociennes, saturées de miel, d'huile et d'or de Faut pas rêver*.
Companeez ne conclut-elle point son adaptation par cette courte phrase de Proust : « Il est temps de commencer. »
À lire bien sûr !
* Un titre horrible de vulgarité : le bref de l'oral ne sied pas toujours à l'écrit.
17:28 | Lien permanent | Commentaires (0)