lundi, 31 décembre 2012
un beau pavé dans mon sabot
Dans la première note de ce blogue, le 10 octobre 2004, je saluais ainsi Jacques Derrida :
« Sommes-nous des Juifs ? Sommes-nous des Grecs ? Nous vivons dans la différence entre le Juif et le Grec, qui est peut être l’unité de ce qu’on appelle l’histoire. Nous vivons dans et de la différence, c’est-à-dire dans l’hypocrisie dont Lévinas dit si profondément qu’elle est “ non seulement un vilain défaut contingent de l’homme, mais le déchirement profond d’un monde attaché à la fois aux philosophes et aux prophètes ”.
Sommes-nous des Grecs ? Sommes-nous des Juifs ? Mais qui sommes-nous... d’abord des Juifs ou d’abord des Grecs ?... À l’horizon de quelle paix appartient le langage qui pose cette question ? Où puise-t-il l’énergie de sa question? Peut-il rendre compte de l’accouplement historique du judaïsme et de l’hellénisme ? Quelle est la légitimité, quel est le sens de la copule dans cette proposition du plus hégélien, peut-être, des romanciers modernes :“Jewgreek is Greekjew. Extremes meet”* ?
in L’écriture et la différence, p. 227-228
Quand ce beau pavé bleu de 1248 pages m'a été déposé dans mon sabot, près de la cheminée, après avoir consulté le sommaire, je me suis empressé d'aller lire "Hellénisme et Judaïsme". Ne fut-ce que pour simplifier par une approche historique la complexité des questions dérridiennes qui ne s'éclaircissent guère dans les arcanes des phénoménologies d'Husserl, d'Heidegger et de Lévinas.
Peut-on être fasciné par Héraclite et ses aphorismes et subjugé par les proférations d'Isaïe ?
J'ai vécu l'enfance et l'adolescence dans le voisinage d'Abram, l'homme qui part sans volonté de retour, puis les ans de maturité et l'entrée dans les parages du grand âge, embarqué sur les mers d'Odysseus, l'homme qui erre dans la nostalgie de la terre natale.
Accouplement et déchirement.
Un dieu en qui il faut croire et des dieux qui n'existent pas ?
Les tables de la Loi d'un illuminé sur un mont et des lois que ratifie l'assemblée du peuple sur la place du marché.
Voilà les deux extrémités d'un arc. D'ailleurs à l'arc, je substiturais bien le trépied, car au GrecJuif, je souhaiterais bien ajouter le Celte, ce qui autoriserait une féminisation de cette différence et une ouverture marine sur des horizons océaniques plus vastes.
Lire Isaïe et le Livre de Ruth.
Ouvrir Homère et plonger dans les obscurités d'Héraclite.
Célébrer la maison de l'air de Viviane** et embarquer avec Brendan.
Loin, loin de la Loi et des lois, accouplement et déchirement.
Oui, vraiment à penser qu'à trente siècles près, tout se tient.
* James Joyce, Ulysse.
** Pour se remettre en mémoire quelques "savoirs" celtes.
10:46 Publié dans Les antiques, les lectures, petite Odyssée portative | Lien permanent | Commentaires (0)
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