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vendredi, 17 février 2012

lecture courante de belles proses I

Trois livres ouverts sur la table depuis plus d'un mois, depuis une semaine, depuis quelques heures. Lectures de l'un à l'autre : lectures intégrales et lentes — denses, écrirait François Bon — pour me lover dans les méandres, me glisser dans les sinuosités, me heurter aux brinquebales.

Au premier de ces bouquins : j'ai attendu des années pour le lire* : c'est Saint-Simon. Cela fait un mois, que, page après page, deux ou trois quotidiennes, je m'ébroue, moins pour l'histoire — le XIVe n'a jamais été mon préféré chez les Louis —, que pour cette syntaxe hardie, emberlificotée mais avec grâce, qui s'affole dans les subordonnées au rythme des situations et de l'état des personnages :

 

 ... puis renouvelant de plus belle en sa colère, il dit
qu'il ne fallait pas que les femmes de la plus haute qualité
par leurs maris et par elles-mêmes prissent occasion de la
naissance de ces duchesses de leur rendre quoi que ce fût
moins qu'à celles dont la condition répondait à leur
dignité, laquelle méritait en toutes, qui qu'elles fussent par
elles-mêmes, le même respect, ce fut encore son terme,
puisque leur rang était le même, et que ce qui leur était dû
ne leur était dû que par leur dignité, qui ne pouvait être
avilie par leurs personnes, rien ne pouvait excuser aucun
manquement qu'on pouvait faire à leur égard ; et cela avec
des termes si forts et si injurieux qu'il semblait que le Roi
ne fût pas le même, et encore par la véhémence dont il
parlait.

Saint-Simon
Colère du Roi sur Mme de Torcy
Année 1707

 

Des suspensions, des incises comme haï-ku, des participes à l'auxiliaire perdu en chemin, ça halète, ça tourbillonne, ça s'oublie en chemin, ça s'accélère en reprenant de plus belle.

Excellent à découvrir, même très très tard.

Et s'ajoute à ce plaisir d'une lecture murmurée, — car il faut se le mettre en bouche, ce duc, si l'on souhaite découvrir tous écarts et torsions qu'il imprime à la langue et à sa syntaxe — le plaisir donc, — et il est lié pour moi au sentiment "géographique", d'avoir résidé quelques temps à Ginsheim sur la rive droite du Rhin, à quelques coups de rames de Mayence, — de savoir que c'est dans ce joli bourg qu'il commença donc à 19 ans, l'écriture de ses Mémoires :

Je les commençai donc en juillet 1694, étant mestre de camp d'un régiment de cavalerie de mon nom, dans le camp de Ginsheim sur le Vieux-Rhin en l'armée commandée par le maréchal duc de Lorges.

 

 

* Je fus très prudent. Après quelques efforts de lecture numérisée, — mais j'admets mon inaptitude à une lecture intégrale sur écran — je me procurai une petite anthologie des Mémoires titrée savoureusement : 

« Cette pute me fera mourir ...» Mémoires du duc de Saint-Simon, Intrigues et passions à la cour de Louis XIV, La Lettre et La Plume, Le Livre de Poche n°31928, mai 2011.


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