lundi, 19 janvier 2009
Diversité ?
Nos belles et diverses stations de Radio-France, à l'occasion l'investiture de Barack OBAMA — ce qui au plus ras de la géographie, des continents, des ethnies et des cités, est sans doute une des rares bonnes choses, arrivées à notre Terre en ces temps derniers — consacrent cette journée de lundi à la DIVERSITÉ.
Je ne ferai pas la fine gueule, trop engagé que je fus — et suis peut-être encore — dans la grande aventure du métissage des corps, des pensers, des arts. Je serai attentif tout au long du jour, hors la parenthèse de deux heures, à l'atelier "Mallarmé", bien que celui-ci fut loin d'être étranger au désir de la diversité — lire le très symboliste et lisible Brise marine, qui le pourrait ranger dans la case des Exotes et non des pseudo-Exotes (cf. les dernières lignes du texte qui achève cette note).
Beaucoup de chausse-trappes dans cette notion. Dans l'après-midi venteuse d'hier, j'ai réouvert l'Essai sur l'Exotisme de Victor Segalen, moins pour résoudre que pour questionner et me questionner une fois encore autour de ce qui fut et est, pour moi, un vécu, un senti, un penser !
... la sensation d’Exotisme : qui n’est autre que la notion du différent ; la perception du Divers ; la connaissance que quelque chose n’est pas soi-même.
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Mot compromis et gonflé, abusé, prêt d'éclater, de crever, de se vider de tout. J'aurais été habile en évitant un mot si dangereux, si équivoque. En forger un autre ? ....J'ai préféré tenter l'aventure, et garder ce qui m'a paru bon, foncièrement, malgré ses galvaudages ; mais j'ai tenté, en l'épouillant d'abord, et le plus rudement possible, de lui rendre, avec sa valeur ancienne, toute la primauté de sa saveur. Ainsi rajeuni, j'ose croire qu'il aura la verdeur aguichante d'un néologisme, sans en accepter l'aigreur et l'acidité. Exotisme : qu'il soit bien dit que moi-même je n'entends par là qu'une chose, mais universelle : le sentiment que j'ai du Divers ; et, par esthétique, l'exercice de ce même sentiment ; sa poursuite, son jeu, sa plus grande liberté ; sa plus grande acuité ; enfin sa plus claire et profonde beauté.
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Ma faculté de sentir le Divers et d'en reconnaître la beauté me conduit à haïr tous ceux qui tentèrent de l'affaiblir (dans les idées ou les formes) ou le nièrent, en bâtissant d'ennuyeuses synthèses...
D'autres, pseudo-Exotes (les Loti, les touristes, ne furent pas moins désastreux. Je les nomme les Proxénètes de la Sensation du Divers).
Victor Segalen,
dans diverses pages d'Essai sur l'exotisme.
Marcel Mauss, Margaret Mead, Michel Leiris, Henri Michaux, Claude Lévy-Strauss, Jean Rouch vont bientôt surgir.
Et Aimé Césaire, pousser un grand cri !
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vendredi, 28 novembre 2008
pour saluer monsieur Lévy-Strauss
À chacun, ses Amazones !
Cette femme me fit signe sur les sentiers de la Pensée Sauvage, quand le "grand Vieux" centenaire qui est, aujourd'hui honoré, n'avait pas encore forgé la notion.
Dix ans plus tard, un peu à l'esbrouffe, dans un jury de diplôme d'État — le seul que je présentai dans mon parcours d'autodidaxie — j'employais la notion qui époustoufla les membres du dit jury.
Depuis cette femme première, il y avait eu d'autres rencontres et de femmes et d'hommes.
La Pensée Sauvage était parue depuis deux ans à peine ; je venais des Aurès, où j'achevais* de décrasser quelques-uns de mes oripeaux de jeune branleur occidental après avoir lu Le cru et le cuit, sans avoir jamais ouvert une page de La Pensée sauvage....
* Est-ce jamais achevé ?
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lundi, 23 octobre 2006
Layla-Al-Qadr ou la nuit du Destin
Pour saluer mes ami(e)s musulman(e)s qui, cette nuit, aiguisent leur regard pour percevoir le mince arrondi lunaire : je passai, plus de quinze ans durant, à la fois solidaire et distant, de longues veilles attentives, en leur compagnie chaleureuse. En ces temps d'imprécations, je veux témoigner de la douceur de cet Islam.
Les derniers jours du Ramadam furent passés à Yaféra ; à une certaine fébrilité dans les rues du village s'annonçait la préparation de la Korité. Mais quelle en serait la date ? La nouvelle lune était prévue, par les calculs astronomiques pour la nuit du 1er mars au 2 mars, nuit encore totalement obscure. Mais, en Islam, ce qui compte avant toute certitude scientifique, fut-elle tirée des tables astronomiques, c'est l'œil du croyant qui, le premier, verra apparaître – mais où, dans le ciel saharien ? – la première lueur du mince croissant. En Égypte ? Au Niger ? Plus au nord, dans le Maghreb ? Chez le voisin malien ?
L'écoute de tous les transistors de Yaféra est attentive.
Cette nuit-là, Gabriel, l'Archange, révéla pour la première fois à Mohamed, la parole divine. Cette nuit-là, nuit fondatrice de la foi musulmane dans tous les pays d'Islam, cette nuit-là est une longue nuit de prière : la communauté entière se rassemble dans et alentours de la mosquée. Au cœur de la nuit et jusqu'à l'aube, la psalmodie s'élève, humble et grave, plus riche que mille suppliques.
La célébration de la nuit du Destin, Layla-Al-Qadr, fut décidée par les anciens pour le 28 février. Ibrahima m'y invita. Je pris place tout au fond de la mosquée, au-delà du groupe des femmes.
Quand s'acheva la nuit, au sortir de la mosquée, beaucoup de gens vinrent m'étreindre les mains à l'africaine, la main gauche saississant l'avant-bras de la personne que l'on salue.
Le lendemain, dans la matinée, la radio sénégalaise nous apprenait que les gens de Yaféra avaient jeûné une journée de plus : la nuit du Destin étant le 27. La rupture du jeûne qui devait se fêter le soir, se fit à l'annonce même de la nouvelle, dans les rires et les plaisanteries à l'égard des anciens qui, une fois c'est excusable, n'avaient pas eu la vue très perçante.
Tard dans la nuit, tam-tam et danses : les danseuses soninkés, coiffées comme des reines, vinrent me toucher la main, façon de dédier à l'étranger la danse à venir. Au matin, c'était la Korité. Le pays entier bruissait du rire des enfants engoncés dans leurs vêtements neufs et chamarrés.
La nuit du destin à Yaféra - Février 1995
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samedi, 02 septembre 2006
lire Théo Lésoualc'h
En lisant la Vie vite
Libéré ou pas. Va savoir ! J'ai toujours cru,
moi, que je venais de me libérer de quelque chose...
De libération en libération ! Et chaque fois ça
recommençait en mieux ! Libéré de voyager. Tiens !
Ça fait plus de dix ans que je traîne et aujourd'hui
j'en suis encore à me demander si je ne passerai pas par le Mexique,
les îles du Pacifique.
Je repense à la Turquie, les rues du vieux Stamboul, à Ceylan, aux Indes
(comme ils disent), à la Suède, au Maroc.
Libéré, je t'en fous. Jamais peut-être !
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Voyager, c'est ça aussi... rencontrer partout, partout
ces marchands de tapis obscènes, vils, purulents,
sirupeux, mielleux, veules, infects, rétrécis, sordides, puants...
Voyager c'est, malgré soi, prendre tout ça dans
son propre sillage.
Les hommes, on les regarde. On passe. On continue
à marcher. On fait des kilomètres. On mange
du KILOMÈTRE, des bornes à la surface concave du
monde. Ma traversée de Hambourg à pied, sac au
dos. Hambourg qui n'en finit jamais, et Gênes, toute
sa banlieue sans fin, la mer bleue à ma droite. Ma
sortie de Barcelone, les voitures qui me croisent, qui
me doublent, des gens qui rentrent chez eux,
reviennent du cinéma, joyeux. Marcher toujours, user des pistes inusables.
Voyager, disparaître. Ombre.
Se torturer aux ornières des routes défoncées par le poids humain...
terres fraîches, terres brûlantes, terres arides.
Entrer dans de nouveaux paysages, regarder, l'œil fou.
A pleins yeux.
Déchirer dans son dos les paysages d'hier.
Passer des portes, découvrir de nouvelles aubes,
chaque jour, des aubes neuves, s'imbiber de tout ça,
seconde par seconde, s'en meurtrir, du sable, des
sels, des lunes. De viol en viol, déchiffrer les insolites.
Partout. Et tous les espaces griffés d'hiéroglyphes.
S'allonger sur les ponts des bateaux, respirer
des rythmes de machines, des tam-tams de rails de
fer. N'être jamais au terme. S'offrir. Rester debout,
la poitrine ouverte, vulnérable, suicidé-amoureux.
Le contraire d'un ascète. Vouloir de tout, plus. Avoir
soif toujours.
Voyager : l'anti-ascèse.
Tout prendre, être avide. Gagner, perdre, s'en
foutre, tricher, voler, jouer, ne pas jouer, mordre,
ruer. Ne pas croire au hasard. N'y plus croire. Y
croire pourtant. S'y livrer.
Voyager, restituer à l'homme son titre de vagabond.
Malgré tout. Malgré lui. Malgré les marchands
de souvenirs !
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J'écris maintenant de mon village de Nagasawa,
près de Kurihama, à une heure et demie de Tokyo.
C'est là que je me suis réfugié pour fuir Tokyo qui
me pompe. Il pleut. Ça coule dans les bambous
autour de ma maison de bois. Et il y a le roulis de la
plage. C'est bon. Demain je dois pourtant aller à
Tokyo, passer dans des bureaux, mendier, grenouiller.
J'ai pas envie. Seulement rester sous mon toit de
pluie.
Ne plus bouger.
Un livre, n'importe lequel, sur mon matelas, par
terre. Je sors sous les gouttes. Je tire de l'eau au
puits. J'allume mon feu dans la cuisine improvisée.
La maison sent les feuilles mortes. C'est Yuriko qui
m'a accroché du liseron en revenant un jour d'une
promenade à travers les rizières.
Qui s'est lentement desséché.
Elle arrive. Elle reste un jour ou deux. Trois jours.
S'empare de la maison. Ramasse des fleurs, les organise
dans un vieux pot de confiture. Méticuleusement.
Elle me regarde écrire sans dire un mot. Me caresse
sans un mot. Pose sa tête sur mon épaule. Je laisse
ma machine, une phrase en route... une phrase qui...
(Retour possible à la note ci-dessous)
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lundi, 14 août 2006
veuve abusive/sexualité peinarde/virée estivale en Aquitaine
veuve abusive
et...sexualité peinarde
virée d’été en Aquitaine
Ce pourrait être un haïku à la Bashô, ce n’est qu’un bref raccourci de deux lectures dans la presse de la semaine dernière au cours de laquelle nous passâmes — bonheur des lieux-dits —
à Guillemont aux confins de l’Albret et de l’Armagnac,
à Pilar Baïta entre mer et montagne Basques,
à La Hume, aux bords du Bassin d’Arcachon,
à Clos-Favols, dans les banlieux nord de Bordeaux
à Seurin dans le si paisible Entre-Deux-Mers,
pour une dernière halte au Haut-Plantier, quand le Périgord Vert s’ébroue dans de beaux arrondis de collines ; chaque halte fut d’amicale tendresse, de savoureuses nourritures et de vins chaleureux.
Je pourrais écrire aussi : du Lycosthène à Er Klasker en passant par le Cœur de Ptah.
Car n'en déplaise aux grincheux, la Toile ne tient que renforcés les liens du blogueur.
C’est à la Hume que surgit “la veuve abusive” . Nous parlons de Borgès ; Em me dit que j’aurai du mal à me procurer le tome II des œuvres complètes en Pléiade — ça fait quelques mois que mon libraire prend un air dubitatif quand je lui demande si l’on peut espérer la réédition de Borgès en Pléiade, j’ai le tome I, mais en 1999, je devais être désargenté quand parut le 2 — en ouvrant le Nouvel Obs, je comprends tout, et la remarque de Em et la moue du libraire.
La garce ! Marie Kodama aurait déclaré qu’elle fera ce qu’elle veut de l’œuvre de Borgès. Je sais bien que l’immense Aveugle a écrit que “la publication n’est pas la partie essentielle du destin d’un écrivain”, je sais bien que j’ai quasi tous ses bouquins en broché et en poche, que j’ai — déboutée, la veuve ! — les trois “Dialogues” d’Osvaldo Ferrari. Mais il va s’ennuyer mon tome 1, tout seul entre l’unique Char et les deux Gracq où le hasard de mon ordre intérieur l’avait glissé.
Veuves abusives, sœurs abusives ?
Ne connait-on point de veufs de même acabit ?
Le glissement de la belle - mais garce, elle demeure - Kodama au gorille n’est dû qu’au fortuit - qui paraît fortuit, aurait écrit Borgès - ; c’est en lisant à Clos-Favols les numéros du Monde de la semaine dernière, et plus particulièrement, celui du 9 août dans un article de Catherine Vincent, que j’ai appris que nos compagnons anthropoïdes avaient des relations amoureuses, parfois identiques aux nôtres, parfois autres, vraiment autres :
Prenons le gorille et son cortège d'idées reçues. Un être hypersexuel qui kidnappe et viole les femmes ? Le monstre n'existe que dans les chansons de Brassens, les contes africains et l'imaginaire colonial. Et si le héros du film King Kong* (de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933) apparaît à l'écran dépourvu de ses attributs virils, ce n'était peut-être pas dans le seul but de masquer toute sexualité explicite comme l'exigeait à l'époque Hollywood. C'était peut-être aussi - fût-ce de manière inconsciente - pour cacher la vérité peu spectaculaire de leur dimension.
Cinq centimètres tout compris en érection, c'est peu pour un géant agressif et violeur... Mais c'est ainsi : le plus grand, le plus noir, le plus craintif des anthropoïdes possède un sexe minuscule. Et la libido d'un eunuque - libido que les femelles, il faut dire, ne stimulent guère. Elles ne se laissent conter fleurette qu'une fois tous les quatre ou cinq ans, lorsqu'elles estiment avoir fini d'élever leur petit dernier. Mais il leur faut alors, parfois, insister lourdement pour réveiller les ardeurs de leur mâle, qui s'acquittera laborieusement de ses devoirs conjugaux : trois cents mouvements de bassin répartis en trois chevauchées par heure, pendant trois heures, pour obtenir une éjaculation.
La contrepartie ? Un harem harmonieux, composé d'une dizaine d'individus : des femelles et leurs petits sur lesquels un mâle adulte "à dos argenté" règne en parfait pater familias. Sans volupté, mais dans la sérénité.
Il va m’arriver de penser qu’il m’eût peut-être été parfois salutaire de jouir de la sexualité peinarde du gorille.
Façon d’esquiver quelques complexités qui surgirent naguère et... jadis !
Je me rappelle que Macédonio a dit un jour que l’enlacement de deux corps n’est rien d’autre qu’un appel lancé par une âme à d’autres âmes...
Jorge Luis Borgès
Ernesto Sabato
CONVERSATIONS À BUENOS AIRES
* Borgès éreinte le film dans une notice brève (tome I de la Pléiade, p. 974).
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lundi, 03 juillet 2006
nostalgie du désert
Mag, accompagnée de Gil et Syl, a enfin accepté de prendre à droite après avoir franchi la Loire. Hier, la chaleur était celle qui nous baignait, il y a plus de quarante ans, dans les alentours de Biskra. Elle m’avait demandé de lui retrouver le texte de Gide sur Chetma ; elle se souvenait de l'Enfida et de ses abeilles. C’était dans le Septième livre des Nourritures terrestres. En scannant les pages de ma vieille édition de poche (1964), la nostalgie m’a saisi ; je crois que des larmes m’ont troublé les yeux.
Tant de douceur, d’amitié et d’espoir dans ces premières années de l’Indépendance !
Lenteur des heures. — Encore une grenade
sèche de l'an passé pend à la branche ; elle est
complètement éclatée, racornie ; à cette même
branche déjà des boutons de fleurs nouvelles se
gonflent. Des tourterelles passent entre les palmes.
Les abeilles s'activent dans la prairie.
(Je me souviens, près de l'Enfida, d'un puits
où descendaient de belles femmes ; non loin, un
immense rocher gris et rosé ; sa cime, m'a-t-on dit,
est hantée des abeilles ; oui, des peuples d'abeilles
y bourdonnent ; leurs ruches sont dans le rocher.
Quand vient l'été, les ruches, crevées de chaleur,
abandonnent le miel qui, le long du rocher,
s'épanche; les hommes de l'Enfida viennent et le
recueillent.)
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Été ! coulure d'or ; profusion ; splendeur de
la lumière accrue; immense débordement de
l'amour ! Qui veut goûter du miel ? Les cellules
de cire ont fondu.
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Oasis ! Elles flottaient sur le désert comme des
îles ; de loin, la verdeur des palmiers promettait
la source où leurs racines s'abreuvaient, parfois
elle était abondante et des lauriers-roses s'y pen-
chaient. — Ce jour-là, vers dix heures, lorsque
nous y arrivâmes, je refusai d'abord d'aller plus
loin; le charme des fleurs de ces jardins était tel
que je ne voulais plus les quitter. — Oasis ! (Ahmet
me dit que la suivante était beaucoup plus belle.)
*
Oasis. La suivante était beaucoup plus belle,
plus pleine de fleurs et de bruissements. Des arbres
plus grands se penchaient sur de plus abondantes
eaux. C'était midi. Nous nous baignâmes. — Puis
il nous fallut aussi la quitter.
Oasis. De la suivante que dirai-je? Elle était
encore plus belle et nous y attendîmes le soir.
Jardins ! je redirai pourtant quelles étaient avant
le soir vos accalmies délicieuses. Jardins ! Il y en
eut où l'on aurait cru se laver ; il y en eut qui
n'étaient plus que comme un verger monotone où
mûrissaient des abricots ; d'autres pleins de fleurs
et d'abeilles, où des parfums rôdaient, si forts
qu'ils eussent tenu lieu de mangeaille et nous
grisaient autant que des liqueurs.
Le lendemain je n'aimai plus que le désert.
Le désert ?
C’est une autre amie plus jeune, Be* - de celles et ceux que je nomme dans mon carnet d’adresses “les très proches jeunes” - qui a parcouru, avec sa fille, au printemps, l’espace mauritanien. Par procuration, elle m’a permis d'achever un vieux rêve commencé en 1958, quand au sortir de l'école d'Application du Train de Tours - promotion René Caillé -, un méchant petit camarade m’a fauché une affectation pour le poste d’Atar : il était le dernier sous-lieutenant de réserve, je n’étais que le premier des aspirants. À l'adolescence, déjà, avec la lecture de Méharées de Théodore Monod, il y avait eu le mythe de la bibliothèque de Chinguetti. Quand dans les années 90, je repris langue avec l'Afrique, sous les neems du fleuve Sénégal, du côté de Baalu, s’insinuait dans la demi-conscience d'une aimable torpeur de sieste le projet de prendre un 4x4 et de monter droit vers le Nord jusqu’à la porte de cette bibliothèque du désert.
Mj a raison. Dans la mélancolie du vieillissement se glissent la nostalgie, l’irréversible. Même quand continuent de se dessiner de minces projets d’aventure “aventureuse”. Telle méditée par Jankélévitch**
Il est vrai que, parées les digues du port, la vie aventureuse commence !
* Son journal et quelques photos de Nina sur leur site.
** Vladimir Jankélévitch, L'Aventure, l'Ennui, le Sérieux, in Philosophie morale, coll. Mille & Une Pages, Flammarion, 1998.
16:45 | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 27 avril 2006
à l'abbaye de Flaran
L’occasion de la virée d’Aquitaine pour accompagner les petites est toujours motif pour une escapade dans un coin inconnu. Et comme j’ai raté la rencontre de l’ami qui tient le Lycosthènes, rencontre fort souhaitée remise à l’été, j’avais très envie de “visiter” Bossuet.
Eh, oui ! j’ai passion des grandes et belles phrases et mon adolescence qui n’aimait pas encore Racine s’enchanta des admonestations somptueuses du prêcheur. Il fut évêque de Condom, avant d’être l’Aigle de Meaux. Et le Gers est réputé fort agréable. Je n’ai point rencontré Bossuet qui ne résida jamais en son évêché - y mit-il jamais les pieds ? - mais Nicléane et moi nous nous sommes égarés dans les méandres de la Baïse pour, par mégarde, visiter une belle abbaye cistercienne.
Devrais-je avouer ma fascination pour l’ordre monastique de Bernard de Clairvaux. Je fusse devenu moine pour les Matines, les Laudes et les Complies, la beauté rude des psalmodies, pour le Cloître, pour le “désert” qui enserre les architecture nues de ces abbayes et pour le Scriptorium, vieil espace mythique où se perpétua, dans les siècles passés, l’Écriture et la Copie.
Seule la règle d’obéissance - et quelque chasteté obligée - m’auront détourné de cette vocation.
Je me retire, ces jours encore, parfois dans une de ces humbles monastères de nos bocages d’ouest à l’écart des routes touristiques : Melleray, Belle-Fontaine, Timadeuc ; les fromages y sont savoureux. À Melleray et Timadeuc, on vous y sert le cidre. À Belle-Fontaine, le vin. Et le Père portier ne vous demande rien. Ni d’où vous venez . Ni qui vous êtes. Ni pourquoi vous avez frappé à la porte. Il ne vous demandera que de respecter la règle du silence ! À votre départ, vous verserez l’ obole que vous estimerez devoir au monastère pour son accueil.
J’ai parcouru l’arc cistercien de l’Europe, du nord-est au sud-ouest : depuis Eberbach, aux confins de la Hesse, près de Mayence, dissimulée dans le repli secret d’un vallon proche du Rhin -le Nom de la Rose y fut tourné - à la splendeur élancée d’Alcobaça, au confluent de l’Alcoa et du Baça, entre Coïmbra et Lisbonne.
Même austérité grandiose, même organisation des lieux de repos, de travail et de prière.
À Melleray, j’ai souvenir que le scriptorium fut, dès la vulgarisation de l’informatique, un atelier de PAO.
Et dès qu’un ou deux ou trois ordinateurs rassemblent leur écran, je ne puis m’empêcher de rêver à la gravité studieuse et silencieuse des cisterciens de naguère, écrivants obscurs et patients qui copient, commentent, annotent, et illustrent ; tels leurs descendants laïcs et païens de l’ABU et d’ATHÉNA, la semaine dernière, ici, évoqués .
Le soir de cette visite, nous étions à Meylan, petit village déjà landais aux confins du Lot-et-Garonne, du Gers et des Landes : les asperges, le magret aux figues et le Madiran nous éloignaient des maigres repas végétariens des copistes de Farlan.
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dimanche, 29 janvier 2006
Jusqu'en Chine
Les “Folles journées” sont l’occasion d’inviter, pour un jour ou deux, amis et proches.
Vendredi soir, après Purcell, Vivaldi, Bach et Haendel, j’ouvrais notre table avec un “tadjine” aux patates douces et fruits secs. L’exotisme culinaire qui n’est plus guère original, hors la délicate harmonie des épices - il faut avoir longuement et lentement voyager pour la jouer - délia les langues et parmi les huit convives à forte majorité d’ancien(ne)s pérégrin(e)s, deux, An et Lo se retrouvèrent avoir fréquenté les rivages de Chine aux temps fastueux et cruels de la Révolution culturelle entre 1972 et 1974.
Rien de commun avec la démarche de jeunes intellectuels “maoïstes” et français bien connus : tous deux y étaient pour gagner leur vie.
L’un, An, commandant un vraquier pour une compagnie chinoise, et cabotant de Macao à Shanghai, des ports du Vietnam-nord à ceux de La Corée du sud, l’autre, Lo, mon "petit" frère, plus sédentaire, installant - susceptible d’avoir installé, dirait-il - à Pékin les ordinateurs de la Banque populaire de Chine.
Il fut question de leurs voyages “accompagnés”, de multitudes à vélo, de processions de gardes-rouges, d’un commissaire-guide désespéré, en larmes parce que Lo qui avait “mitraillé” les palais de la Cité Interdite, s’était désintéressé totalement du Palais du Peuple - il “dut” y retourner, appareil photographique en bandoulière - de l’extraodinaire cuisine chinoise.
Leur seule divergence fut sur les compétences actuelles des Chinois : créateurs talentueux ou géniaux copieurs ?
Les "africain(e)s et "américains(e)s" autour de la table étaient tout ouïe !
Les conversations pérégrines s’achevèrent sur le transport de pélerins à destination de la Mecque que An réalisa pour une compagnie marocaine : seuls “Infidèles”, son second, son chef-mécanicien et lui dissimulèrent leur whisky dans les extincteurs de leurs cabines.
Je lus quelques lignes du “Petit Livre Rouge” que Lo m’avait offert à son retour : il est serré sur un petit rayon entre le Livre du Thé, les Chambres d’Aragon et Vingt poèmes et une chanson désespérée de Neruda* :
« Il y a beaucoup de choses qu’on n’apprend pas dans les livres seuls, il faut les apprendre près des producteurs - des ouvriers, des paysans pauvres et des paysans moyens de la couche inférieure, et à l’école, auprès des élèves, auprès de ceux qu’on enseigne. À mon avis, la plupart de nos intellectuels veulent apprendre. Notre tâche est de les y aider de bonne grâce et de manière appropriée, sur la base de leur libre consentement, et non de les faire étudier par la contrainte. »**
N’y aurait-il point là quelque vérités pour nos jours du XXIe siècle ?
De nombreux passages de ce petit livre, édité en 71, parfaitement relié, sans fautes d’orthographe, sans erreurs typographiques initient à la pensée des contraires : à longueur de pages, la pensée de Mao s’apparente à celle d’un Héraclite bégayant !
La soirée s’acheva sur une excellente tarte de Ja et sur les musiques de Purcell et Bach !
* Voisinage dû aux seules contraintes du format 13x9. Juré !
** Qu’en pensent, aujourd’hui, les intellectuels du groupe TEL QUEL ?
Post-scriptum :
Mon goût pour les épopées et les westerns m’inclinent à garder toujours un penchant pour la Longue Marche ! On a ses faiblesses !
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mardi, 08 novembre 2005
à l'automne 1955, suite et fin ?
L’annonce sur France Cul d’une semaine à propos de “Fracture coloniale, fracture sociale” du 14 au 20 de ce mois, me ramène à “mes” années 50.
Dans mes précédentes notes, j’ai laissé le jeune voyageur entre Casablanca et Dakar.
Je pensais abandonner la publication de ces bribes de correspondance que j’estimais tenir d’un exotisme et de toute une pacotille coloniale qui sévissaient encore dans certains milieux populaires de l'immédiat après-guerre.
Mais ce projet de semaine sur le passé “colonial” me suggère de continuer à “recycler” ces notes d’un premier voyage : j’en fus un fort modeste acteur (de ce passé), même si plus tard, après les années algériennes, je me targuais, un tantinet pompeux, d’avoir été un “bradeur d’empire” - ce que je ne renie point.
Mes naïvetés furent vite lacérées. Je ne les renie pas non plus. À l’époque, je n’avais lu ni Segalen, ni Gide, ni Michaux. J'ignorais encore tout du premier, le second m'avait été interdit, le dernier allait bientôt surgir dans mes horizons.
Fractures, il y eut. Souvent, elles me furent fécondes !
Sur le Banfora, entre Casa et Dakar
Jeudi 27 octobre 1955
Premiers poissons-volants... nous avons aussi traversé des bancs de thons. Le bateau continue toujours sa route, calme et paisible. La chaleur n’est pas accablante, mais j’ai commencé à prendre de la quinine : un comprimé par jour.
Demain donc escale à Dakar, la véritable Afrique ; l’A.O.F. Nous sommes en chemisette mais nous n’avons pas encore porté le casque.......
À demain matin, en vue de Dakar où je posterai ma lettre.
Vendredi 28
Dakar en vue. D’abord, les deux Mamelles, collines verdoyantes. Puis on passe l’île aux Serpents.
Actuellement on voit nettement les immeubles de Dakar.
Mais il nous faut contourner l’île de Gorée pour entrer dans le port par le Sud.
La vue est très jolie : enfin l’Afrique !
Samedi 29
au large de la Gambie
....le Grand Dakar qui contient une curieuse médina, pleine d’effluves et de relents douteux, où les femmes se promènent royalement vêtues de mousselines, bleues, roses, vertes, et de pagnes de cotonnade multicolores, où les hommes, grands maigres, palabrent en gandouras de laine brune, blanche, noire, avec le “chèche” ou le casque sur la tête : une véritable féérie de co uleurs, de bruits... et d’odeurs...
... On quitte le quai dans les battements de tam-tam et les chants gutturaux des Africaines (termes consacrés à remplacer les mots “nègre, négresse”) ...
Terre invisible : mer calme avec légère houle.
... Je suis allé écouter sur le pont des 4èmes classes des noirs qui jouaient de la guitare. Ils ont été très touchés que je prenne plaisir à leur musique et moi encore plus : lls sont très attachants. J’ai passé la meilleure soirée avec eux.
Lundi 31
au large de la Gambie
Hier escale à Conakry vers huit heures.
Auparavant, un splendide orage tropical avec ciel d’éclairs et de nuages très noirs : la mer ne s’en est pas trop ressentie.
(visite) non pas sous un soleil éclatant mais dans un minuscule crachin, d’une étouffante torpeur...
Les femmes, plus que les Sénégalaises, sont élégamment vêtues et avec somptuosité : toujours ces cotonnades et mousselines colorées mais portées avec encore plus de charmes. À propos d’indigènes, je suis allé faire un tour, seul dans le quartier indigène ; j’y suis resté trente minutes sans voir la moindre parcelle de peau européennes.
Demain 1er novembre, escale à Sassandra.
Le 2 novembre ce sera le Terme et je penserai à tous nos morts.
Ce que n’écrit point le jeune voyageur, ce sont les premiers seins nus qu’il rencontre, émerveillé, bouleversé : les jeunes seins nus et dressés d’une jeune fille qui porte sur la tête une cuvette d’émail chargée de fruits... exotiques !
Les seins pour lui, ce n’était encore que la brève, mais combien troublante évocation d’Arthur Kœstler dans Le Zéro et l’infini, lu et étudié au printemps 55, “LES SEINS DORÉS COMME DES POMMES”.
Au bas de cette dernière lettre de voyage, griffonné d’un stylo qui n’a plus d’encre :
2 novembre arrivée à Abidjan. Tout va très bien, accueil chaleureux.... lettre suit. Bons baisers.
C’est livré, brut de décoffrage. Les événements, les rencontres, les paysages, les lectures, les amours ne tarderont pas à fissurer les certitudes et les émerveillements. Pour d'autres émerveillements !
«... la sensation d’Exotisme : qui n’est autre que la notion du différent ; la perception du Divers ; la connaissance que quelque chose n’est pas soi-même...»
Victor Segalen
*Essai sur l’exotisme, une esthétique du Divers, Fata Moragana, 1978.
Le Livre de Poche, Biblio Essais n° 4042, 1986.
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dimanche, 06 novembre 2005
De Garonne en Loire
Retour d’Aquitaine.
Nous avons accompagné Noémie et Célia jusqu’à la porte de l’école. Toujours ce petit pincement au cœur quand je les vois s’éloigner dans la cour animée de la rentrée. L’une des deux avait quelques larmes et le grand’père en était, une fois de plus, tout tourneboulé !
Petite visite au musée municipale avant de quitter Agen pour saluer Charles Fourier portaituré par Gustave Courbet.
À y voir aussi quelques Goya !
Entre Agen et Bordeaux, désertant l’autoroute, excellent repas à Casteljaloux - Ah ! les “cadets de Gascogne” d’Edmond Rostand ! - une Croustillade de poule arrosée d’un petit château du Marmandais.
Journées informatiques intenses autour de “Tiger” le nouveau sytème OS X.4 de nos petits Macs, chez Er Klasker, où il y a toujours l’amitié, le vin bon et le succulent des confitures de Co. ! Cette fois, nous n’avons qu’effleuré Dieu, les dieux et les religions !
Une récréation picturale à la Galerie du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux qui affichait Pierre Molinier / Jeux de miroirs : ma première rencontre avec les images de Molinier, ce devait être dans le bouquin de Sarane Alexandrian sur Les Libérateurs de l’amour. J’avais été fasciné par les jeux de jambes et de culs, les emmêlements de talons-aiguilles et de bas noirs, la proximité admirable des fentes et des visages féminins.
La fascination est toujours présente, accentuée plus encore, dans l’exposition, par le format réduit des tableaux, dessins et photomontages* qui soulignent l’intime de cet érotisme.
Difficile d’exprimer le même plaisir, face à certaines autres œuvres présentées “en miroir”.
Et si les œuvres de Claude Cahun, Man Ray, Andy Warhol, Mapplethorpe, Joël Garrigou éclairent bien, pour moi, la quête du travestissement, le questionnement sur l’identité, appuyant la démarche de Molinier, les photos “géantes” de Matthias Herrmann et autres Cindy Sherman me renvoient aux poubelles et autres “chiottes” qui sévissent dans les expressions plastiques actuelles de certain(e)s Américain(e)s. Le jeu de miroirs n’est plus que la galerie des glaces d’une bien piètre foire du Trône !
Pourquoi pas l’obscène, pourquoi pas l’autoérotisme, pourquoi pas le fétichisme ?
Mais ces “déconstructions et brouillages” vantés par le dépliant de présentation de l’exposition ne me renvoient qu’à la démesure dans le merdique. C’est “trash”, disent-ils aujourd’hui ! Moi, je veux bien, mais je m’en vas !
Et je ne pense point que cette cohabitation serve l’œuvre rare de Molinier
Les Libérateurs de l’amour fut un bouquin prêté et jamais rendu... Je crains qu’il ne soit épuisé.
Du val de Garonne à celui de Loire, il y a La Rochelle et un restaurant, homonyme de mon patronyme.
Si vous y passez, commandez le Médaillon de lotte aux épices et à la mangue arrosé par un léger rosé de Mareuil et achevez par le Gratin de figues sur tapis d’amandes glacé pain d’épice.
Les parpaillots rochelais sont d’épicuriens gourmets - la redondance n’allant point toujours de soi .
* Il faut noter l'extraordinaire perfection technique des tirages photographiques.
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mercredi, 26 octobre 2005
Le 26 octobre 1955, à bord du Banfora
Sur le Banfora, au large du Maroc
le mardi 25 octobre 1955
Nous avons quitté Casablanca, hier soir lundi à 17 heures 30.
Je m’y suis promené seul quatre heures durant. Très belle ville, un mélange de buildings américains et d’arabes hirsutes aux gandouras dépenaillées, se balançant sur de petits ânes, une ville de femmes voilées aux mystérieux regards.
Partout, des visages hostiles, des cordons de militaires armés jusqu’aux dents : filtrages et contrôles incessants : une atmosphère damnée.
20 heures : grosse chaleur. À Casa, la matinée d’hier était un matin de printemps de France.
Petite houle.
Sur le bateau, il y a de jolies demoiselles, des messieurs ventrus, des matrones au profil écrasant.
Nuit . Rien que la mer, toujours immense, toujours recommencée, je suis resté des heures à la contempler... j’écris quelques vers, je dors, je contemple la mer.
Le contexte du voyage
En Algérie
Cela fait un an que l’insurrection a éclaté.
Le 25 janvier 1955, Jacques Soustelle est nommé Gouverneur général en Algérie.
Le 2 avril, l'Assemblée Nationale vote l'état d'urgence pour l'Algérie.
Le 20 août, vague d'attentats et de massacres dans le Constantinois.
Le 24 août, rappel des réservistes pour l'Algérie.
Le 8 novembre, Salan dirige les opérations militaires.
Au Maroc
Depuis 1951, la situation est très troublée, la France refusant la négociation et exilant le sultan Mohammed Ben Youssef.
Le 5 novembre, rétablissement du sultan qui s'appelle désormais Mohammed V, sur le trône du Maroc par Edgar Faure.
Le 6 novembre, accords de la Celle-Saint-Cloud mettant fin au protectorat français au Maroc.
Le 16 novembre, retour triomphal à Rabat de Mohammed V.
En Tunisie
Le problème du protectorat tunisien a été réglé en mai 1955 avec le retour d’Habib Bourguiba.
Mais l’indépendance définitive ne prendra effet pour l’un et l’autre pays qu’en 1956.
L’AOF, Afrique Occidentale Française, est toujours partie intégrante de l’Empire colonial français.
Cette note est dédiée à Lo., mon frère, qui fut le premier jeune lecteur de cette correspondance.
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lundi, 24 octobre 2005
Amarres larguées ou la reprise de la chronique de l'année 1955
Le journal d’adolescence s’achève au 20 octobre 1955. Deux notes brèves seront ajoutées en août 1958 et ...juillet 1966.
Le relais de ce journal est pris par la correspondance qui sera régulièrement envoyée à la famille et par “Huis-clos”, un carnet à spirales qui évoque à travers des écrits des visages d’amours qui s’éloignent.
Ce blogue reprendra les bribes de quatre lettres, postées à Casablanca, Dakar, Conakry jusqu’à l’arrivée à Abidjan, le 2 novembre 1955.
Première lettre postée à Casablanca, le 24 octobre 1955
Sur le Banfora - Cie Fabre & Frayssinet.
Quelque part au large de l’Espagne, le 23 octobre,
Vogue, vogue la Galère... J’ai voulu attendre un jour pour vous écrire : le temps de ramasser quelques impressions.
vendredi 21 :
19 heures : le bateau s’éloigne lentement du quai. La France qui s’en va. Là-bas, sur la haute colline, Notre-Dame de la Garde illuminée, puis à ses pieds, tout Marseille scintillant : c’est beau.
21 heures : Très forte houle ; une tempête habituelle dans le Golfe du Lion, fort tangage. Beaucoup pâlissent ou verdissent. J’éprouve d’agréables sensations de balancement. Je suis au mieux.
Samedi 22 :
Le matin, la tempête est finie... mais, mais il y a un petit roulis peu sympathique ; le midi, la salle à manger est vide ou à peu près... Je tiens le coup avec l’estomac très légèrement barbouillé sans plus.
15 heures : on aperçoit à notre droite les Baléares : Minorque, puis Majorque.
16 heures : on croise devant la côte espagnole. Salut à l’Europe !
20 heures : souper. On passe le premier demi-fuseau horaire : le maître d’hôtel nous dit de retarder nos montres d’une demi-heure...
21 heures : on aperçoit les phares de la côte espagnole. Après, je dors.
Dimanche 23 :
Toujours l’Espagne avec ses côtes très élevées : 500 à 600 mètres, arides mais belles. On rencontre pas mal de bateaux : six.
Repas excellents.
Beau temps, belle mer.
Lundi 24 :
7 heures : Le Banfora est à quai. Peu de passagers souhaitent descendre.
Hommes en armes sur le quai. Je vais descendre. Pour voir !
16:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 20 octobre 2005
Le 20 octobre 1955
À cette date, le journal commencé le 4 janvier 1955 mentionne ce texte bref :
Enfin sur ma langue l'amertume des grands départs.
La souffrance exaltante, qui doit être celle de l'enfant tranchant le lien ombilical.
O Veillée songeuse et tendue de soie grise, Veillée du Grand Voyage.
Adieu Vents d'Ouest gémissant autour des peupliers jaunis
Je serre dans ma main tendue et frémissante tous ces regards d'amour qui me voient m'éloigner.
Beaucoup de majuscules et une certaine emphase.
Mais quand on n'a pas encore vingt ans et que l'on sait que dans le Sud, un paquebot vous attend.....
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mercredi, 19 octobre 2005
Octobre 1955
Ce jour du 19 octobre, il a préparé sa belle cantine neuve, riche de toutes les rouilles et cabosses à venir ; la veille, il a peint avec soin, sur la tôle verte, son prénom, son nom, Ancenis d’où il part, Bongouanou où il va. Sa mère lui a, une fois encore, préparé son “trousseau” ; mais cette fois, ce n’est plus pour un trimestre de pensionnat, c’est pour trois ans d’Afrique.
Il part !
Il est au bord du rêve de l’enfant qui, dans les années d'après-guerre, arpentait le quai de la Fosse ! Joie paisible !
En cette fin d’été, il a la certitude du voyage ; il écrit encore des poèmes adolescents qui ressemblent à de faux poèmes de René Guy Cadou. Il a des tristesses d’amours navrées qui s’atténuent en préparant ce départ.
L’attente a gravi les talus de bruyères
Où des ramiers furent massacrés
La lisière des songes était confondue
dans le lointain aux soleils d’argent
qui dévalaient le fleuve en crue
Il feuilleta des pages millénaires
et connut au bas d’un parchemin crissant
l’étape audacieuse que franchirait son front
Des rouliers dans la salle basse d’une auberge égarée
parlaient de chairs dévastées
au fond de moiteurs vertes
À l’avant des jours pressentis
il se souvint d’une ombre fugace
un matin de savane
qui s’enfonçait dans les herbes du vent
septembre 1955
Demain sera la dernière nuit dans la chambre d’adolescence.
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mercredi, 07 septembre 2005
Retour de Liré
Le séjour qu'avaient bâti les aïeux de Joachim, seigneur de Gonnord, avait des teintes automnales, mais le vallon du Doué de Lou semble recèler encore dans ses ombres fraîches de tendres mystères.
Je n'ose dire que, plus bas, le Loyr gaulois n'est plus qu'un mince ruisselet.
Mais quelle sécheresse ! Les grèves blondes où s'allongeaient mes belles en sont devenues grises !
À La Maison-Cassée, il fut question de croisière à venir pour le début d'automne, des erreurs que commet à répétitions l'auteur de ce blogue quand il s'obstine à ne point distinguer infinitif et participe passé, Th étant une très attentive lectrice et une des correctrices les plus affûtées que je connaisse.
J'aime beaucoup les images que Nicléane a faites des ruines de La Turmelière, mais il serait grand temps que la municipalité de Liré se préoccupe de l'état du site où naquit son grand homme.
21:55 | Lien permanent | Commentaires (1)