Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 14 mai 2005

La virée de Gascogne

D’Agen vers Meilhan, quelques heures sur les rives de la Baïse à Nérac.
Ombre de la grande dame que fut Jeanne d’Albret, femme de refus, fine lettrée et “parpaillotte” convaincue .
J’ai rangé la voiture près de l’hôtel de Sully.
À propos ! Montaigne poussa-t-il ses chevauchées jusqu’aux terres de Nérac pour rencontrer son ami Henri de Navarre ? La Margot, la reine belle, y séjourna-t-elle ?
Je me fais ainsi mon cinéma de cape, d’épée et de... littérature.

De Meilhan à Dax, avec quatre pots de foie gras, de magrets et un de basilic, dans le coffre, nous avons roulé dans l’enchantement embaumé des acacias en fleurs.
Dax est donc la plus grande ville d’eaux, au moins par le nombre d’établissements thermaux. Dix-sept, du plus "romain" au plus rococo en passant par le pur "art-déco" de l'hôtel Splendid.
Nous ne venions point pour prendre les eaux, quoique Nicléane en tirerait des bénéfices certains. Nous y venions pour revoir une “vieille amitié”, Am. qui, abandonnant les images et l’Éducation populaire, s’est campée, depuis dix ans, derrière les fourneaux. Et admirablement !
À quelques pas de la cathédrale, allez aux "Champs de l’Adour". Am et Ch, son amie méritent largement le Guide du Routard, le Gault et Millau qui sont affichés. C’est mieux que bon et c’est beau.
Nous, nous y étions pour la chaleur d’un ancien compagnonnage.

Francis Jammes n’est pas très loin et la Chalosse, un pays lumineux en ce mai. Curieusement son nom m’évoquait autre chose qu’un sentiment géographique ; mais c’était obscur dans ma mémoire. Ça s’est vite clarifié quand, après une escapade vespérale, nous sommes rentrés à Dax en traversant ... Saint-Vincent-de-Paul.
Eh oui ! Monsieur Vincent de Maurice Cloche, le Pierre Fresnay inoubliable, humble curé interpellant en leurs logis les riches nobles, réfugiés à la Décaméron, pour échapper à la peste, ou aumônier des galères royales soignant les galériens. J’aimerais bien le dvd ; Cloche n’était sans doute point grand cinéaste, mais j’ai souvenir de beaux plans en noir et blanc. C’était mon premier vrai film et mes premières larmes cinématographiques : les Frères de Ploermel veillaient à notre complète éducation. Ce devait être en 1947.

Fortuitement, dans le Libé-livres de ce jeudi 12 mai, Pierre Guyotat parle de quoi ? De Vincent de Paul déclarant à la fin de sa vie “Je n’ai rien fait”. Guyotat conclut l'entretien avec le journaliste :« Il faut donc se dépouiller un peu plus à chaque action, jusqu’au rien. Ce que vous avez fait est annulé par ce que vous devez faire encore. »
J’apprécie ces rapprochements fortuits.
“Qui paraissent fortuits” écrit Borgès.

jeudi, 12 mai 2005

Cap-de-l’Homy, fin de matinée

« À l’Océan ! ». Ainsi disent-ils, ceux du Bassin d’Arcachon.
Faible brise de suroît. Les oyats frémissent à peine au sommet de la dune.
Petite houle qui déferle à l’infini.
Immensité de la plage.

Dans le sud, un pêcheur et ses trois cannes de surf-casting, longues antennes à peine visibles.
Tout au nord, sur un spot plus animé de vagues, deux surfeurs.
En face de moi, à la limite de l’écrasement de la vague, quand l’estran est encore miroir, quatre enfants jouent.

De la dune, deux belles en paréo descendent, elles s’éloignent. Vers les surfeurs.
À mi-chemin, s’arrêtent, étendent leurs serviettes de bain.
Glissent les paréos.
Elles sont nues !

medium_ocean.jpg

dimanche, 20 mars 2005

De l'autre côté du monde

Le 20 mars 1999, à 17 h 55 heure locale, Javier, Mat et moi étions par


00°00,00
115°16,00 ouest


medium_equat00.jpg


l’Équateur, c’était donc cela, six zéro sur un minuscule cadran de GPS et cette immensité tout autour !

Nous étions partis de Ua Huka - iles Marquises - depuis vingt-trois jours et à moins de 2 250 milles, c’était Panama où nous attendaient - peut-être - les sept oncles de Blaise Cendrars.

medium_equatsoir.jpg


Et il y avait des soirs !

vendredi, 04 mars 2005

Dans les rues de ma ville

Jeudi de neige sur Nantes. Mais Nantes est noire sous les bourrasques. Allant au cours de Grec ancien, j'espérais quelques rares photos de Nantes la blanche. Je ne fus que frigorifié dans l'enfilade glacée du fleuve.
La traduction de la morale conjugale, pensée par Xénophon, n'en subit aucun préjudice. Peut-être une certaine lenteur dans l'accès aux bonnes règles de grammaire, compensée par la découverte de ce qu'est un "hystéron-protéron" qui est beaucoup plus amusant dans l’involontaire

Il se suicida et mit le feu à sa maison

que dans le volontaire
trouver d’abord, chercher après
(Cocteau).


Je dois rédiger un papier pour le bulletin “paroissial” de l’Université Permanente sur le thème “Pourquoi vous être inscrit au cours de Grec ancien” ; j’ai demandé à mes collègues de m’écrire cinq lignes ; je tenterai une synthèse. Je leur ai soumis une proposition pour un titre. “Les Femmes Savantes” me paraissaient l’adéquat. Rires des colègues ! Mais le choix me reste. Je serais maître de la publication, je prendrais la seconde réplique de Philaminte, accompagnée de la didascalie qui la suit :

«....Ah ! permettez de grâce,
Que pour l’amour du grec, Monsieur, on vous embrasse. »

Il les baise toutes, jusqu’à Henriette qui le refuse.


À la sortie, j’ai traversé la Loire, remonté la rue Neuve des Capucins - la matinée allait s’achever sur des traces que j’ignorais encore -, enfilé la rue de l’Héronnière - oh ! l'ombre de Lola ! - jusqu’à la rue Crébillon ; je suis passé à la boutique d’Harmonia Mundi - je deviens allergique aux rayons de la Fnac, - y ai trouvé la première symphonie “Titan” de Mahler par Walter et un disque d’Aperghis pour me mettre dans l’ambiance du spectacle que l’ami Hervé Tougeron, accompagné de Catherine Verhelst donnera en avril à Graslin, Musique(s) de Toile, un opéra de chambre noire, où se mêleront les musiques de Ligeti et d’Aperghis, des projections de Fernand Léger et Oskhar Fischinger, des textes et témoignages sonores de Jean-Luc Godard et Robert Bresson. Une vraie cure de Jouvence, pour moi !

Giboulées de neige en descendant la rue Crébillon, je m'abrite dans le Passage Pommeraye... Voilà les traces qui se précisent. Je sors mon petit nikon, je croque deux ou trois des adolescent(e)s fessu(e)s qui ornent le passage et, tout à coup, je me dis que je viens de faire, en sens inverse le trajet qu’a fait le héros maudit du Musée Noir de Mandiargues. Vains dieux ! Je ne vais quand même pas me laisser dévorer.
Depuis les “Énervés” d’Évariste Luminais et les exégèses picturales fort réjouissantes de Bourdaily on the web, j’ai l’imaginaire vacillant...
Je ressors rue de la Fosse. La neige ne tombe plus et il n’y a point d’albatros dans le ciel de Nantes. C’est, là, l’unique erreur de Pieyre de Mandiargues dans l'écriture de la nouvelle. Et le pervers et noir enchantement s’efface !
Sur le seuil du Passage, je me retourne : aucune femme “à l’immense chevelure mouvante” ne m’a suivi et les allégories fessues ont toujours là-haut leur pose alanguie.

Le texte de Mandiargues est d’une incroyable rosserie.
medium_beaart.jpgmedium_liseus.jpg




“Mesquines créatures, un peu plus petites que le naturel, pâles, privées de sourire, enduites d’une sale couleur jaune crème tirant sur le vert, il se dégage de vous une désolation pas moins immense que d’un sérail de vieux enfants...; en même temps vous ne laissez pas d’être assez troublantes, sous les voiles qui couvrent à demi vos chétives nudités...”

Une prochaine fois, passée la Loire, j’éviterai la rue Neuve des Capucins.

Ma petite mythologie urbaine diffère de celle de Mandiargues qui donne à la fessue de gauche les attributs des Beaux-arts et à celle de droite, ceux de la Science. Sans doute, a-t-il raison ? Pour moi, filles l'une et l'autre, celle de droite est la Liseuse, celle de gauche la Songeuse !

mardi, 07 décembre 2004

...La veille où Grenade....

Six mois de navigation côtière s'étaient achevés à Rota, petit port dans le noroît de la baie de Cadix. Dac'hlmat était à sec. Entre les froidures - exceptionnelles, nous répétait-on - les tempêtes du détroit et nos “vieux os”, nous venions de décider un petit “break” hivernal et d'aller passer Noël dans nos douceurs océanes. Nous reviendrions pour vivre la Semaine Sainte à Jerez, passer une soirée “Flamenco”, visiter les “bodegas” de Jerez et de SanLucar de Barrameda, y déguster le manzanilla, le fino et l’amontillado, assister à une corrida (!), franchir le détroit et continuer le périple.

Patrik est venu nous chercher et nous a entraînés, LÀ, dans cette ville fulgurante qu'est Grenade.
Je n'avais en tête que cet incipit d'Aragon dans le Fou d'Elsa. Depuis la mort de Rabéa. Trente-sept ans dans les chants du Medjnoun, les paraboles, les zadjal... À longueur de pages, mots à longs traits;


...La veille où Grenade fut prise
à sa belle un guerrier disait...


Et en deça de ces ans, dans la chambre de la rampe Bugeaud quand éclatait la haine de l’OAS, nous faisions l’amour.
Et Rabéa me demandait de lui lire Fédérico Garcia Lorca. Et je lui lisais
La Casida de la Femme couchée.
Le Divan du Tamarit.
La Gacela du souvenir d’amour.


Et le corps ébranlé, troué, de Fédérico s’affaissait sous les murs de l’Alhambra.
Quand coulait le sang d’un “yaouled” dans une rue d’Alger.
Temps télescopés des violences et de la mort.

Mais ce matin de décembre 2001, nous étions dans la fraîcheur sèche, paisible, d’une Grenade ensoleillée. Neiges aux crêtes de la Sierra Névada.
Dans les jardins du Généralife, nous avons attendu que s’écoule la foule. À midi, l’Alhambra était quasi déserte.

Tous trois, Nicléane, Patrik et moi, mais chacun(e) seul(e), avons arpenté les patios, les salles, les alcôves, les jardins, les chambres, les tours. Jusqu’au mitan de l’après-midi.
Nicléane et Patrik ont fait moissons d’images.
Moi, je ne retenais, au rythme lents de mes pas, que des mots, des noms, des musiques comme des silences.

la salle du Mexuar...la vasque de la Chambre dorée...le bassin des Myrtes... le salon de Comares... le patio de la Grille et par-delà... le balcon de la Reine...l’Albaicin

Voici les images de Patrik :

jargenra.jpg


vaschdor.jpg


alclion.jpg


salcom.jpg


patgril.2.jpg


patmyrt.jpg


jardpart.jpg


salcomar.jpg



En fin d’après-midi, je suis revenu sur mes pas pour retrouver Nicléane ; je souhaitais qu’elle me photographie l’unique visage qui hante les murs de l’Alhambra. Il est dissimulé sous la voûte d’une alcôve de la salle des Abencerajjes.

D’où vient-il ce androgyne voyageur ? Il questionne la beauté.

visauni.jpg

Toi qui marches dans moi ma profonde musique
J'écoute s'éloigner le parfum de tes pas

Aragon, le Fou d'Elsa