mardi, 07 décembre 2004
...La veille où Grenade....
Six mois de navigation côtière s'étaient achevés à Rota, petit port dans le noroît de la baie de Cadix. Dac'hlmat était à sec. Entre les froidures - exceptionnelles, nous répétait-on - les tempêtes du détroit et nos “vieux os”, nous venions de décider un petit “break” hivernal et d'aller passer Noël dans nos douceurs océanes. Nous reviendrions pour vivre la Semaine Sainte à Jerez, passer une soirée “Flamenco”, visiter les “bodegas” de Jerez et de SanLucar de Barrameda, y déguster le manzanilla, le fino et l’amontillado, assister à une corrida (!), franchir le détroit et continuer le périple.
Patrik est venu nous chercher et nous a entraînés, LÀ, dans cette ville fulgurante qu'est Grenade.
Je n'avais en tête que cet incipit d'Aragon dans le Fou d'Elsa. Depuis la mort de Rabéa. Trente-sept ans dans les chants du Medjnoun, les paraboles, les zadjal... À longueur de pages, mots à longs traits;
...La veille où Grenade fut prise
à sa belle un guerrier disait...
Et en deça de ces ans, dans la chambre de la rampe Bugeaud quand éclatait la haine de l’OAS, nous faisions l’amour.
Et Rabéa me demandait de lui lire Fédérico Garcia Lorca. Et je lui lisais
La Casida de la Femme couchée.
Le Divan du Tamarit.
La Gacela du souvenir d’amour.
Et le corps ébranlé, troué, de Fédérico s’affaissait sous les murs de l’Alhambra.
Quand coulait le sang d’un “yaouled” dans une rue d’Alger.
Temps télescopés des violences et de la mort.
Mais ce matin de décembre 2001, nous étions dans la fraîcheur sèche, paisible, d’une Grenade ensoleillée. Neiges aux crêtes de la Sierra Névada.
Dans les jardins du Généralife, nous avons attendu que s’écoule la foule. À midi, l’Alhambra était quasi déserte.
Tous trois, Nicléane, Patrik et moi, mais chacun(e) seul(e), avons arpenté les patios, les salles, les alcôves, les jardins, les chambres, les tours. Jusqu’au mitan de l’après-midi.
Nicléane et Patrik ont fait moissons d’images.
Moi, je ne retenais, au rythme lents de mes pas, que des mots, des noms, des musiques comme des silences.
la salle du Mexuar...la vasque de la Chambre dorée...le bassin des Myrtes... le salon de Comares... le patio de la Grille et par-delà... le balcon de la Reine...l’Albaicin
Voici les images de Patrik :
En fin d’après-midi, je suis revenu sur mes pas pour retrouver Nicléane ; je souhaitais qu’elle me photographie l’unique visage qui hante les murs de l’Alhambra. Il est dissimulé sous la voûte d’une alcôve de la salle des Abencerajjes.
D’où vient-il ce androgyne voyageur ? Il questionne la beauté.
Toi qui marches dans moi ma profonde musique
J'écoute s'éloigner le parfum de tes pas
Aragon, le Fou d'Elsa
17:35 Publié dans les voyages | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
C'est toujours un plaisir de lire ces chroniques du temps passé et du temps présent. et quand elles sont illustrées des superbes photos de patrik, c'est un régal !
Écrit par : alain | vendredi, 17 décembre 2004
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