Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 23 octobre 2006

Layla-Al-Qadr ou la nuit du Destin

Pour saluer mes ami(e)s musulman(e)s qui, cette nuit, aiguisent leur regard pour percevoir le mince arrondi lunaire : je passai, plus de quinze ans durant, à la fois solidaire et distant, de longues veilles attentives, en leur compagnie chaleureuse. En ces temps d'imprécations, je veux témoigner de la douceur de cet Islam.

Les derniers jours du Ramadam furent passés à Yaféra ; à une certaine fébrilité dans les rues du village s'annonçait la préparation de la Korité. Mais quelle en serait la date ? La nouvelle lune était prévue, par les calculs astronomiques pour la nuit du 1er mars au 2 mars, nuit encore totalement obscure. Mais, en Islam, ce qui compte avant toute certitude scientifique, fut-elle tirée des tables astronomiques, c'est l'œil du croyant qui, le premier, verra apparaître – mais où, dans le ciel saharien ? – la première lueur du mince croissant. En Égypte ? Au Niger ? Plus au nord, dans le Maghreb ? Chez le voisin malien ?
L'écoute de tous les transistors de Yaféra est attentive.

Cette nuit-là, Gabriel, l'Archange, révéla pour la première fois à Mohamed, la parole divine. Cette nuit-là, nuit fondatrice de la foi musulmane dans tous les pays d'Islam, cette nuit-là est une longue nuit de prière : la communauté entière se rassemble dans et alentours de la mosquée. Au cœur de la nuit et jusqu'à l'aube, la psalmodie s'élève, humble et grave, plus riche que mille suppliques.

La célébration de la nuit du Destin, Layla-Al-Qadr, fut décidée par les anciens pour le 28 février. Ibrahima m'y invita. Je pris place tout au fond de la mosquée, au-delà du groupe des femmes.
Quand s'acheva la nuit, au sortir de la mosquée, beaucoup de gens vinrent m'étreindre les mains à l'africaine, la main gauche saississant l'avant-bras de la personne que l'on salue.

Le lendemain, dans la matinée, la radio sénégalaise nous apprenait que les gens de Yaféra avaient jeûné une journée de plus : la nuit du Destin étant le 27. La rupture du jeûne qui devait se fêter le soir, se fit à l'annonce même de la nouvelle, dans les rires et les plaisanteries à l'égard des anciens qui, une fois c'est excusable, n'avaient pas eu la vue très perçante.
Tard dans la nuit, tam-tam et danses : les danseuses soninkés, coiffées comme des reines, vinrent me toucher la main, façon de dédier à l'étranger la danse à venir. Au matin, c'était la Korité. Le pays entier bruissait du rire des enfants engoncés dans leurs vêtements neufs et chamarrés.


La nuit du destin à Yaféra - Février 1995

Commentaires

ce texte est trés beau de compréhension, d'invitation réciproque et de co naissance inter culturelle.
Je rêve de recueillir des textes de ce genre (et d'autres genres ) auprès de nos amis Balois, allemands, émigrés et bouguenaisien afin de récolter le miel de 15 ans de partage et de connaissance réciproque et pourquoi pas publier un " ouvrage" collectif en vue de célébrer la nouvelle lune, la nuit du destin, la douceur et la violence de la querelle des anciens et des modernes
sous des cieux européens ou sahariens

Écrit par : jost F | mardi, 24 octobre 2006

Cette bréve, la nuit du destin, ne mérite-t-elle pas d'être communiquée sur le blog ABJC
F

Écrit par : jost F | mercredi, 25 octobre 2006

Les commentaires sont fermés.